CA Pau, 2e ch., sect. 1, 29 novembre 2022, n° 21/00175
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
La Reserve (SAS)
Défendeur :
Saint Jean (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellefigues
Conseillers :
Mme Guiroy, M. Magnon
Avocats :
Me Jullien, Me Delmotte, Me David, Me Brault
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Selon acte du 6 octobre 2003, les époux [T], aux droits desquels vient la S.A.R.L Saint-Jean, ont donné à bail commercial à la SCS 'La Réserve Boutin", aux droits de qui se présente la S.A.R.L la Réserve devenue la S.A.S. la Réserve, trois studios composant les lots 48, 50 et 52, 49, 51 et 53 ainsi que les lots 9 et 10 relatifs à deux parkings sis dans un ensemble immobilier à vocation hôtelière et de résidence de tourisme nommé La Réserve à [Localité 6], pour une durée de 9 ans devant expirer le 30 septembre 2012.
Il était prévu que le loyer annuel, fixé à 22.407, 58 € HT ou 23.640 € TTC, fasse l'objet de révisions annuelles sur la base de l'indice national du coût de la construction.
Par acte d'huissier du 14 août 2012, la S.A.R.L la Réserve a sollicité le renouvellement du bail ainsi que la fixation du loyer, à compter du 1er janvier 2012, à la somme de 15.810 € HT par an en principal.
En réponse, le 7 septembre 2012, les bailleurs ont consenti au principe du renouvellement pour une durée de 9 ans mais aux mêmes conditions et loyer indexé que le bail originaire, la dernière révision au dernier trimestre 2009 le portant à 28.468,80 €.
En l'absence d'accord sur la méthode de calcul à retenir et donc sur la valeur locative des locaux, par acte du 3 octobre 2013, la S.A.R.L La Réserve a assigné les époux [T] devant le juge des loyers commerciaux demandant à titre principal la diminution du loyer et sa fixation à la somme annuelle de 7.067 € HT à compter du 1er octobre 2012, les autres clauses du bail étant inchangées sauf à parfaire d'un abattement supplémentaire de 20 % pour travaux et, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise ainsi que la fixation d'un loyer provisionnel de 7.067 € HT avec exécution provisoire.
En réponse, les époux [T] demandaient au juge des loyers commerciaux de déclarer que les locaux visés dans le premier bail n'étaient pas monovalents et de dire qu'en conséquence le loyer du bail renouvelé devait être fixé, par application de la variation de l'indice de la construction, à la somme annuelle de 30.628,11 € HT à compter du 1er octobre 2012.
A titre subsidiaire, ils prétendaient à ce que soit constaté que l'expertise judiciaire du 22 juin 2012 ordonnée en référé dans une instance distincte, à la demande de la S.A.R.L La Réserve, pour déterminer la valeur de trois appartements sis dans la même la résidence de tourisme, était parfaitement valable et à ce que le loyer annuel soit fixé à hauteur de 64.051,14 € HT.
Enfin, à titre infiniment subsidiaire, ils demandaient la désignation d'un expert aux fins de déterminer la valeur locative des biens des époux [T].
Par jugement en date du 25 septembre 2014 auxquels il convient de se référer pour l'exposé détaillé des faits et moyens des parties, le juge des loyers commerciaux a, en substance, :
- dit que les locaux loués sont monovalents,
- et, avant-dire droit sur le montant du loyer judiciaire, ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [W] [G] avec pour mission de fournir au tribunal tous renseignements lui permettant de statuer sur le montant du loyer ;
- dit que le loyer sera maintenu à son montant actuel durant la procédure ;
- sursis à statuer sur les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et sur les autres demandes,
- réservé les dépens.
Le 6 novembre 2014, le magistrat chargé du contrôle des expertises désignait Mme [C] [E] en qualité d'expert en remplacement de M. [W] [G].
Par mémoire daté du 24 novembre 2017, la S.A.R.L Saint-Jean, venant aux droits des époux [T] suite à un acte de vente des locaux objet du litige intervenu le 27 septembre 2017, intervenait volontairement à l'instance, la réalisation de ladite vente ayant été notifiée à la S.A.R.L La Réserve par lettre recommandée en date du 27 septembre 2017.
Le 15 février 2018, l'experte déposait son rapport.
Par jugement du 8 octobre 2020 auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le juge des loyers commerciaux a :
- fixé, à compter du 1er octobre 2012, à la somme annuelle de 20.142 € sans le mobilier, 20.286 € avec le mobilier, hors taxes et hors charges, le loyer dû par la S.A.R.L La Réserve à la société Saint-Jean pour les locaux objets des lots 9, 10, 48, 49, 50, 51, 52 et 53 de la résidence hôtelière La Réserve sise à [Adresse 7], toutes les autres clauses du bail étant inchangées ;
- fait droit à la demande de remboursement de la société La Réserve du trop perçu par les bailleurs successifs, les époux [T] et la société Saint-Jean depuis le 1er octobre 2012 ;
- dit que cette 'xation ouvre droit au paiement d'intérêts au taux légal sur le dit trop perçu et ce au fur et à mesure des échéances réglées ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- dit que les frais d'expertise seront à la charge de la S.A.R.L La Réserve ;
- laissé à la charge de chacune des parties ses autres dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration au greffe faite le 19 janvier 2021, la S.A.S La Réserve a interjeté appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 09 mars 2022.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2022 auxquelles il convient de se référer pour l'examen détaillé de ses prétentions et moyens, la S.A.S La Réserve demande à la cour de :
1). Déclarer la société La Réserve recevable et bien fondée en son appel ;
2). Réformer la valeur locative par la méthode hôtelière fixée dans le jugement à 20 280 €/ an, en la ramenant à compter du 1er octobre 2012, compte tenu de la fermeture hivernale annuelle nécessaire
(1) par la saisonnalité d'une résidence en bord de mer
(2) pour réaliser physiquement pendant la saison morte, les charges exorbitantes qui pèsent sur l'exploitant du fait des baux qui la lient aux copropriétaires (maintenance des logements, réparations et gros travaux de l'entier bâtiment et des parcs)
(3) pour respecter les prises de congés payés du personnel, aux chiffres retenus par le rapport (P.18/19) [E] soit la somme annuelle de 13.805 €, corrigée à 12.326 € compte tenu du classement de la résidence en 4 étoiles,
Déterminer ainsi un loyer annuel pondéré hors charges, hors taxes de 16.305€ pour les locaux objets des lots 9,10,48,49,50,51,52 et 53 de la société Saint-Jean dans la résidence de tourisme La Réserve sise à [Adresse 1] ;
Subsidiairement, désigner tel expert spécialisé qu'il plaira à la Cour afin de l'éclairer sur les pratiques de l'hôtellerie (hôtels et résidences de tourisme) de centre-ville d'une part et saisonnière de bord de mer de la côte basque d'autre part, afin de recueillir les usages du Pays basque sur les périodes d'ouverture et de fermeture de ces établissements ;
Très subsidiairement, s'il est jugé que la méthode hôtelière implique de calculer la recette théorique annuelle maximale, réformer la valeur locative par la méthode hôtelière fixée dans le jugement à 20 280 €/ an, en la ramenant à compter du 1er octobre 2012 à la somme annuelle de 15.226 €,
Déterminer ainsi un loyer annuel pondéré hors charges, hors taxes de 17.755€ pour les locaux objets des lots 9,10,48,49,50,51,52 et 53 de la société Saint-Jean dans la résidence de tourisme La Réserve sise à [Adresse 1], toutes les autres clauses du bail étant inchangées ;
3). Confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de remboursement de la société La Réserve pour le trop-perçu de loyers par les bailleurs successifs, les époux [T] du 1er octobre 2012 au 27 septembre 2017 et la S.A.R.L Saint-Jean pour la période postérieure à cette date, avec intérêts au taux légal sur ce trop perçu et ce au fur et à mesure des échéances réglées ;
4). Canceller, sinon réformer, l'affirmation erronée provenant d'une erreur intellectuelle préjudiciable à la réputation et la bonne foi de la société appelante selon laquelle le courrier LRAR du 17 septembre 2017 à elle adressé par Me [R] notaire, contenait l'acte de vente des lots ci-dessus énumérés passé entre les époux [T] et la société Saint-Jean dans lequel figurait une clause de subrogation de la société Saint-Jean au bénéfice des époux [T] alors que ledit courrier ne visait qu'à informer brièvement la société La Réserve des nom et coordonnées de la nouvelle copropriétaire bailleresse pour les lots auparavant détenus par les époux [T] ;
Subsidiairement, juger que cette erreur intellectuelle n'a pas manqué de générer la décision de mettre à la seule charge de la société La Réserve les frais d'expertise et, en conséquence,
5). Dire que les frais d'expertise seront partagés par moitié entre les parties opposées dans leurs prétentions, l'expertise s'étant avérée nécessaire pour éclairer la décision tant du tribunal qui l'a ordonnée que de la cour saisie des appels des parties ;
6). Déclarer Monsieur et Madame [T] ainsi que la S.A.R.L Saint-Jean mal fondés en leur appel incident et les en débouter ;
7). Dire qu'il n'y a pas lieu à article 700 du code de procédure civile ;
8). Laisser à la charge de chacune des parties les dépens de première instance et d'appel ;
9). Autoriser les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 15 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé plus détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [T] et la S.A.R.L Saint-Jean demandent à la cour de :
- Statuant sur le renouvellement du bail portant sur les locaux exploités par la Société La Réserve et dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 7],
- dire et juger la Société La Réserve mal fondée en son appel et l'en débouter ;
- dire et juger la société Saint-Jean, Monsieur [J] [T] et Madame [X] [B] [N] épouse [T] recevables et bien fondés en leur appel incident, et faisant droit à leurs demandes,
- constater, par l'effet de la demande de renouvellement délivrée le 14 août 2012 par la société La Réserve et son acceptation par Monsieur et Madame [T], aux droits desquels vient la société Saint-Jean, le principe du renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2012.
- Sur la fixation du loyer de renouvellement :
- infirmer le jugement rendu par le juge des loyers le 8 octobre 2020 en ce qu'il a fixé à 20.142 € sans le mobilier et 20.286 € avec le mobilier le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2012 entre la société Saint-Jean et la société La Réserve,
- le réformant sur le quantum du loyer de renouvellement, et statuant à nouveau, fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2012 entre la société Saint-Jean et la société La Réserve, portant sur les locaux objets des lots 9, 10, 48, 49, 50, 51, 52 et 53 de la résidence de tourisme sise à [Adresse 7], toutes les autres clauses du bail étant inchangées :
- à titre principal au montant de 22.540 € sans le mobilier et de 22.640 € avec le mobilier,
- et à titre subsidiaire au montant de 20.426 € sans le mobilier et 20.526 € avec le mobilier.
- Sur la demande de remboursement et les intérêts :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société La Réserve de sa demande de condamnation solidaire ou in solidum de la société Saint-Jean et de Monsieur et Madame [T] ;
- le confirmer en ce qu'il a fait droit à la demande de remboursement du trop versé de loyers, mais dans les limites et proportions du loyer de renouvellement fixé par la Cour, par les bailleurs successifs, les époux [T] du 1er octobre 2012 au 27 septembre 2017 et la société Saint-Jean pour la période postérieure ;
- rappeler que l'arrêt à intervenir emporte de plein droit condamnation à restitution des sommes versées par les intimées au titre de l'exécution provisoire ;
- ajoutant au jugement, dire que dans les rapports entre et les époux [T], et la société Saint Jean, cette dernière supportera la charge définitive du remboursement du trop versé de loyers ou bénéficiera d'un éventuel rappel de loyers en vertu de l'acte de cession du 27 septembre 2017 ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la fixation du loyer ouvre droit au paiement d'intérêts au taux légal sur le trop-perçu au fur et à mesure des échéances réglées et, statuant à nouveau, dire que les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement courent, à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix puis à compter de chaque échéance ;
- Sur la demande de « cancellation » :
- juger que la cour n'est pas saisie de la demande de la société La Réserve formée aux termes de ses conclusions d'appelante tendant à voir « canceller sinon réformer l'affirmation erronée du jugement selon laquelle le courrier RAR du 17 septembre 2017 à elle adressé par Me. [R] Notaire contenait l'acte de vente » et l'écarter, l'acte d'appel ne contenant pas cette demande ;
- en tout état de cause, dire la société La Réserve irrecevable et mal fondée en cette demande et l'en débouter ;
- Sur les autres demandes, frais irrépétibles et dépens :
- débouter la société La Réserve de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à article 700 du code procédure civile en première instance et, y ajoutant, condamner la société La Réserve à verser à la société Saint-Jean la somme de 3.000 €uros et à Monsieur et Madame [T] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a laissé à la charge de la société La Réserve, demanderesse, les frais d'expertise judiciaire et en ce qu'il a laissé à la charge de chacune des parties ses autres dépens de première instance ;
- y ajoutant, condamner la société La Réserve aux dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Bertrand David par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la fixation du loyer de renouvellement :
Les parties au bail commercial portant sur trois studios et deux parkings composant les lots 48 à 53 ainsi que les lots 9 et 10 sis dans un ensemble immobilier à vocation hôtelière et de résidence de tourisme nommé La Réserve à [Localité 6] s'accordent sur le caractère monovalent des locaux et le principe du renouvellement du bail les liant à compter du 1er octobre 2012.
Leur désaccord porte à titre principal sur le montant du loyer renouvelé dû par le preneur exploitant la résidence de tourisme.
En droit, l'article R. 145-10 du code de commerce prévoit que le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-43 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
L'article L. 145-33 du code de commerce précise que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Pour établir le prix du bail renouvelé, à compter du 1er octobre 2012, à la somme annuelle de 20 142 euros sans le mobilier et 20 286 euros avec le mobilier, hors taxes et hors charges, le premier juge a retenu que la valeur locative doit être déterminée à partir de la moyenne pondérée des trois méthodes utilisées usuellement pour la détermination de la valeur locative, c'est-à-dire les méthodes hôtelière, de comparaison et de rendement, en ce que cette façon de procéder permet de corriger les inconvénients qui s'attachent à chacune des dites méthodes mais également de prendre en compte les spécificités des résidences de tourisme.
Les parties ne contestent pas la méthode calcul adoptée mais lui font grief de ne pas avoir retenu, dans la pondération à laquelle il a procédé, des données qu'elles estiment applicables aux biens objets du renouvellement de bail.
Il sera dès lors procédé à l'analyse de la valeur donnée par chacune de ces trois méthodes.
Sur la méthode hôtelière :
Elle établit la valeur locative à partir de la recette théorique maximale que l'exploitant peut obtenir en louant les biens sur l'année, en retenant les prix affichés et en appliquant des correctifs en raison des taux d'occupation, des remises à la clientèle et du taux de recette en fonction de la catégorie de la résidence.
Les biens dont la valeur locative est l'objet du litige s'intègrent dans une résidence hôtelière classée quatre étoiles depuis le 26 juillet 2011, ce qui n'est pas contesté.
Dans ce contexte, il est soutenu par la société La Réserve que la recette théorique maximale doit être calculée sur la base d'une exploitation marquée par la période de fermeture hivernale de l'établissement qui correspond à la pratique des établissements équivalents au sien sur la côte basque et aux travaux dont la charge lui incombe, ce qui doit conduire à retenir un taux d'occupation de 55,5 % et un taux de rentabilité de 25% tandis que l'abattement pour charges exorbitantes de 10% peut être confirmé tout comme l'abattement pour segmentation de la clientèle.
Au soutien de son argumentaire, la société La Réserve produit un arrêt de la Cour d'appel de Pau en date du 8 juin 2015 rendu dans l'affaire l'opposant à la S.A.R.L Argan s'agissant du renouvellement du bail arrivant à échéance le 31 décembre 2009 portant sur trois appartements situés dans le même bâtiment que celui des intimés.
Elle remet également un court extrait d'un rapport d'expertise établi par Mme [E] dans le cadre du litige ayant opposé la S.A.R.L La Réserve et la S.A.R.L Atrium portant sur l'évaluation du taux de rentabilité de résidence qu'elle proposait de retenir à 25%.
Elle ajoute aux débats un procès-verbal de constat réalisé en avril 2019 par un huissier à qui elle a demandé de constater, selon les précisions qu'il a consignées, que les établissements voisins aux siens ne sont pas ouverts toute l'année à la réservation et que le seul qui l'est se trouve en centre-ville de [Localité 6] et non sur la côte. L'huissier a procédé, à la date du rapport, par consultation des sites internets desdits établissements au regard des informations disponibles pour la période hivernale.
Enfin, elle remet un document à l'en-tête du Groupe Floirat intitulé : "déclaration circonstanciée de Monsieur [D] [O] directeur administratif et financier du groupe Floirat, société mère de la S.A.S La Réserve destinée à être versée à l'instance d'appel devant la cour d'appel de Pau dans le dossier S.A.S La Réserve / époux [T] & S.A.R.L Saint Jean" daté du 26 avril 2021.
Pour leur part, les époux [T] et la S.A.R.L Saint Jean demandent que la recette théorique maximale de l'établissement soit calculée sur la base des prix à la nuitée sur 12 mois, en ce compris sur la période de fermeture de l'établissement, avec des correctifs tenant à une décote qu'ils proposent d'établir à 5% au titre des remises à la clientèle, à un taux d'occupation de 63% (59 % à titre subsidiaire), à un abattement pour segmentation de clientèle qu'ils souhaitent voir établi à 10 % et non 15 % comme retenu, à un taux de rentabilité de 30% (subsidiairement 28 %) tandis que l'abattement pour charges exorbitantes de 10% peut être confirmé.
Ils sollicitent en outre que la recette théorique des deux parkings soit réévaluée en prenant en compte une occupation et location sur l'année.
A l'appui de leurs demandes, ils transmettent un mémento du tourisme édition 2018, un récépissé de réservation d'un appartement loué par et sur le site de l'hôtel et résidence La Réserve pour la nuit du 26 au 27 septembre 2021 et un document édité en mai 2013 par le comité départemental du tourisme Béarn ' Pays basque.
Il ne ressort cependant des moyens, arguments soulevés par les parties et des pièces transmises aucune carence dans l'évaluation demandée de nature à justifier qu'il soit recouru à un expert pour préciser les pratiques hôtelières de la côte basque.
De même, aucun élément n'est apporté de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge des données du litige faite par des motifs pertinents et motivés.
Il a d'ailleurs, dans son analyse, pris en compte les moyens déjà soulevés par les appelants et intimés, lesquels avaient été préalablement soumis à l'experte désignée, pour les écarter au profit de données objectives tenant tant à la situation de l'établissement dans lequel s'intègrent les lots donnés à bail à la période du renouvellement de leur location qu'à l'activité du preneur.
La cour rejette ainsi les documents partiels et non contemporains de ladite période produits par les parties et confirme la valeur locative fixée par le juge des loyers par la méthode hôtelière à 20.280 euros, la démonstration en particulier de la fermeture totale et effective de la résidence pendant la période hivernale non définie n'étant par ailleurs pas faite et la pondération du taux d'occupation tel que déterminée prenant déjà en compte les variations saisonnières de la fréquentation.
Sur la méthode par comparaison :
Les parties ne remettent pas en cause la valeur locative des biens objets du litige fixée, par son intermédiaire par le premier juge à la somme annuelle de 21.115 euros.
S'agissant de la méthode par rendement :
Les époux [T] et la S.A.R.L Saint Jean demandent à la cour de réévaluer le montant retenu en première instance pour le fixer à la somme de 5.000 euros par m2 qui lui parait plus appropriée compte tenu de l'emplacement de la résidence, de la vue sur mer des appartements et de leur standing. Elle invoque en outre le prix auquel les époux [T] ont vendu les biens objets de litige à la S.A.R.L Saint Jean.
Néanmoins, il convient de souligner que les différents locaux de référence retenus par l'experte et soumis au juge présentent les mêmes caractéristiques de situation que les lots loués à la S.A.R.L La Réserve et que le prix proposé par les intimés résulte d'une valeur de cession convenue entre elles.
En conséquence, c'est exactement ce que le premier juge a fixé, au titre de cette méthode et sur la base d'un panel plus large et pertinent que celui présenté par les époux [T] et la S.A.R.L Saint-Jean, un loyer de 17.782 euros sans le mobilier, 16.622 euros avec le mobilier retenant un prix moyen de 4.327€/m2 sans le mobilier et 4.548€/m2 avec.
A la valeur locative fixée par application de chacune des trois méthodes, le juge des loyers commerciaux a appliqué un coefficient de pondération qui sera aussi entériné pour correspondre à la pondération habituellement appliquée de 3 appliquée pour la méthode hôtelière, en ce qu'elle est habituellement retenue pour l'évaluation de la valeur locative des hôtels, de 2 pour la méthode de comparaison qui a pris en compte la valeur locative des logements à louer et de 1 pour la méthode de rendement
Il s'ensuit qu'est confirmée la fixation du loyer renouvelé, à compter du 1er octobre 2012, à la somme annuelle de 20.142 euros sans le mobilier et 20.286 euros avec le mobilier, hors taxes et hors charges, lequel loyer est dû par la S.A.R.L La Réserve à la société Saint-Jean pour les locaux objets des lots 9, 10, 48, 49, 50, 51, 52 et 53 de la résidence hôtelière La Réserve sise à [Localité 6], toutes les autres clauses du bail étant inchangées.
Sur la demande de remboursement du trop-perçu et les intérêts :
La SAS La Réserve demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à sa demande de remboursement du trop-perçu de loyers par les bailleurs successifs, les époux [T], pour la période ayant couru du 1er octobre 2012 au 27 septembre 2017, et la S.A.R.L Saint-Jean pour la période postérieure, avec intérêts au taux légal sur ce trop-perçu et ce au fur et à mesure des échéances réglées.
A l'inverse, les époux [T] et la S.A.R.L Saint-Jean demandent son infirmation non en ce qu'il a fait droit à la demande de restitution du trop-perçu par eux mais quant au calcul des intérêts portés par les sommes à restituer.
En l'espèce, la présente décision emporte titre permettant d'obtenir le remboursement des trop-perçus par les bailleurs pour les périodes qui les concernent chacun et les sommes ainsi dues porteront, comme l'a dit exactement le premier juge, intérêt au taux légal à compter du 1er octobre 2012 et ce au fur et à mesure des échéances réglées.
Corrélativement, il n'y a pas lieu de rappeler que l'arrêt à intervenir emporte de plein droit condamnation à restitution des sommes versées par les intimées au titre de l'exécution provisoire ni à ajouter au jugement quant à la répartition de la charge définitive du remboursement du trop versé de loyers en vertu de l'acte de cession du 27 septembre 2017 alors que les dispositions prises entre les époux [T] et la S.A.R.L Saint-Jean quant à la subrogation ne sont pas opposables à la société La Réserve.
Sur la demande de cancellation du premier jugement formulé par la société La Réserve :
Les époux [T] et la S.A.R.L Saint Jean font valoir que la demande de la société La Réserve portant sur ce point ne figurait pas dans sa déclaration d'appel et qu'en tout état de cause elle ne justifie pas d'un intérêt à agir de telle sorte qu'elle est irrecevable.
Au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il ressort des premières conclusions de la SAS La Réserve qu'elle a sollicité la cancellation des paragraphes suivants figurant au jugement frappé d'appel :
" Selon acte reçu le 27 septembre 2017 par Maître [R], les époux [T] ont vendu leurs lots dans copropriété Résidence La Réserve constituant le local commercial en question à la S.A.R.L Saint-Jean.
Il est établi par la communication de pièces effectuée par Me [R] que la société preneuse La Réserve a eu connaissance de cet acte".
La S.A.S La Réserve expose que la dernière affirmation est fausse et lui porte préjudice en faisant peser sur elle une présomption de mauvaise foi et de déloyauté injustifiée pouvant être utilisée par toute personne physique ou morale en possession du jugement.
Mais, elle ne précise pas le fondement de sa demande et si, aux termes de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, il est du pouvoir des juges de prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, tel n'est pas le cas des mentions contestées.
La demande de cancellation sera donc rejetée.
Sur les autres demandes :
S'agissant des frais d'expertise, la mission confiée à l'expert avait pour objectif d'éclairer les juges sur la destination des lieux et leur usage effectif et de déterminer la valeur locative des lieux loués.
Chacune des parties ayant fait valoir un positionnement différent sur l'ensemble des points soulevés et ayant succombé partiellement, il y a lieu, par infirmation partielle du jugement du 8 octobre 2020, d'ordonner le partage des frais d'expertise par moitié.
Les dépens seront partagés par moitié entre les parties avec distraction au profit des avocats qui l'ont sollicitée en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Compte tenu de la nature du litige et de l'intérêt respectif des parties, il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la charge des frais d'expertise ;
L'INFIRME sur ce point
STATUANT à nouveau :
Dit n'y avoir lieu à cancellation partielle du premier jugement ;
Dit que les frais d'expertise seront partagés par moitié entre les parties ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne le partage des dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties ;
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame SAYOUS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.