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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1 et 2, 24 novembre 2022, n° 22/07274

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stella Maris (Sté)

Défendeur :

China Fu (SAS), Ministère Public (és qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pacaud

Conseillers :

Mme Ouvrel, Mme Neto

Avocats :

Me Boulan, Me Cherfils, Me Brahimi, Me Gadd

CA d’Aix-en-Provence, du 3 mars 2022, n°…

3 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bail sous seing privé du 6 novembre 2018, les consorts [V], [B] et [R] ont donné en location à la SAS China Fu, un local à usage commercial de 204 m² et sous-sol de 152 m² avec une terrasse de 44 m², situé à [Adresse 11], à usage exclusif de restaurant piano bar, moyennant un loyer annuel de 83 520 €, outre une provision sur charges.

Les consorts [V], [B] et [R] ont fait délivrer le 16 juin 2020 un commandement visant à démonter les 5 groupes de climatisation installés sans autorisation.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 4 décembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

Constaté la résiliation au 16 juillet 2020 du bail commercial du 6 novembre 2018 liant les parties,

Ordonné, en conséquence, l’expulsion de la SAS China Fu et de tous occupants de son chef dudit local à compter de la signification de son ordonnance et après délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, le tout avec l'assistance de la force publique si besoin est,

Condamné la SAS China Fu à la dépose des cinq groupes de climatisation installés sans autorisation dans la cour de l'immeuble où se situent les locaux loués,

Assorti cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée trois mois, délai au-delà duquel il sera statué sur la liquidation de l'astreinte provisoire et la fixation de l'astreinte définitive,

Fixé, à titre provisionnel, à la charge de la SAS China Fu, une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer, charges et taxes en sus,

Condamné en tant que de besoin la SAS China Fu à payer l'indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux,

Condamné la SAS China Fu à verser aux intimés, formant l'indivision [V]-[B]-[R], la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SAS China Fu aux dépens de l'instance en ce compris le coût du commandement de payer du 16 juin 2020 et le constat d'huissier du 10 mars 2020,

Déclaré son ordonnance commune et opposable au Crédit Agricole Provence Côte d' Azur et Stella Maris, créanciers inscrits.

Selon déclaration reçue au greffe le 12 janvier 2021, la SAS China Fu a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.

Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

' confirmé l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

' dit n'y avoir lieu à nullité du commandement du 16 juin 2020,

' constaté que la condamnation de la SAS China Fu à déposer, sous astreinte, les groupes de climatisation installés sans autorisation dans la cour de l'immeuble où se situent les locaux loués, est sans objet pour deux d'entre eux,

' débouté la SAS China Fu de sa demande de délais pour satisfaire au commandement du 16 juin 2020,

' condamné la SAS China Fu à payer à monsieur [G] [V], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R] et monsieur [S] [R] la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' débouté la SAS China Fu de sa demande sur ce même fondement,

' condamné la SAS China Fu au paiement des dépens.

Par actes des 27 et 29 avril 2022, la SAS Stella Maris, ancien propriétaire du fonds de commerce et créancier inscrit de la SAS China Fu, a formé une tierce opposition à l'endroit de cet arrêt dans l'affaire l'opposant à monsieur [G] [V], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] et la SAS China Fu.

Monsieur [G] [V] étant décédé, son épouse, madame [I] [C] intervient volontairement à la procédure.

Par dernières conclusions transmises le 17 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SAS Stella Maris demande à la cour de :

' juger recevable la tierce opposition contre l'arrêt du 3 mars 2022,

' rejeter la demande des bailleurs portant sur l'irrecevabilité des pièces et conclusions notifiées par elle,

À titre principal :

' juger qu'en tant que créancier nanti domicilié depuis le 25 avril 2019 au [Adresse 7], elle n'a jamais reçu copie de l'assignation qu'auraient dû lui faire délivrer les bailleurs préalablement à l'audience de référés conformément à l'article L 143-2 du code de commerce,

' rétracter l'arrêt du 3 mars 2022,

' réformer l'ordonnance réputée contradictoire du 4 décembre 2020 dans toutes ses dispositions,

' juger les demandes des bailleurs irrecevables,

' les débouter de leurs prétentions,

À titre subsidiaire :

' rétracter l'arrêt du 3 mars 2022,

' réformer l'ordonnance de référé réputée contradictoire du 4 décembre 2020,

' juger les demandes des bailleurs tendant à la résiliation du bail avec la SAS China Fu irrecevables,

' débouter les bailleurs de leurs demandes,

À titre plus subsidiaire :

' juger qu'elle a installé 3 climatiseurs dans la cour arrière de l'immeuble,

' juger que les bailleurs n'ont jamais demandé l'enlèvement de ses climatiseurs à la SAS Stella Maris avant le 4 décembre 2018,

' juger que le rapport de faisabilité technique du restaurant en date du 16 avril 2018, annexé au bail et faisant état de la présence de trois climatiseurs, a été paraphés par le représentant des bailleurs et le président de la SAS China Fu,

' juger que la SAS China Fu a enlevé les 5 climatiseurs par précaution avant que la cour ne statue sur l'affaire,

' rétracter l'arrêt du 3 mars 2022,

' réformer l'ordonnance de référé réputée contradictoire du 4 décembre 2020,

' juger les demandes des bailleurs irrecevables,

À titre infiniment subsidiaire :

' rétracter l'arrêt du 3 mars 2022,

' réformer l'ordonnance réputée contradictoire en toutes ses dispositions,

' ordonner la suspension de la clause résolutoire,

' débouter les bailleurs de leurs demandes,

En tout état de cause :

' condamner les bailleurs à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, avec distraction.

En premier lieu, la SAS Stella Maris fait valoir qu'elle n'a jamais reçu la notification préalable de l'assignation délivrée par les bailleurs contre la SAS China Fu en résiliation du bail commercial. Elle indique qu'elle a son siège social au [Adresse 7] mais qu'elle a procédé à une élection de domicile 11 promenade des Anglais pour le nantissement du fonds de commerce.

En deuxième lieu, la SAS Stella Maris soutient que sa tierce opposition est recevable en application de l'article 583 du code de procédure civile. Elle fait valoir que sur l'état d'endettement commandé par les bailleurs le 20 juillet 2020, il est fait état d'une élection de domicile de sa part au 11 promenade des Anglais, de sorte que c'est à cette adresse que devait lui être notifiée la dénonce de la procédure, et non à son siège social, en application de l'article L 143-2 du code de commerce. Elle dénonce l'atteinte que lui porte la résiliation du bail commercial puisque désormais la SAS China Fu ne sera plus en mesure de lui régler les échéances restantes du crédit vendeur. Elle conteste être représentée par son débiteur, n'étant pas créancier chirographaire. Elle en déduit que sa tierce opposition est recevable.

En troisième lieu, la SAS Stella Maris sollicite la rétractation de l'arrêt du 3 mars 2022 et la réformation de l'ordonnance. En effet, à défaut de notification de la résiliation du bail à un créancier inscrit, cette dernière lui est inopposable. Or, elle dénonce une absence d'assignation régulière en première instance.

En quatrième lieu, à titre subsidiaire, la SAS Stella Maris invoque la nullité des actes de procédures délivrés au nom de monsieur [G] [V] décédé le 24 avril 2020, soit avant le commandement du 16 septembre 2020, l'assignation devant le juge des référés du 3 août 2020 et l'ordonnance du 4 décembre 2020, en déduisant la nullité de ces actes. Elle soutient qu'aucune régularisation ultérieure par sa veuve n'est efficace.

En cinquième lieu, la SAS Stella Maris soutient que les bailleurs ont fait délivrer et ont assigné la SAS China Fu pendant une période de fermeture administrative du restaurant décidée par l'ordonnance du 25 mars 2020, de sorte que les gérants de la SAS China Fu n'ont pas pu en avoir connaissance. Elle invoque dans ce cadre le bénéfice des dispositions dérogatoires mises en oeuvre dans le cadre de la pandémie de Covid-19 et soutient que le délai d'exécution des obligations imposées au commandement du 16 juin 2020 était prorogé pour expirer le 15 août 2020, de sorte que l'assignation du 3 août 2020 était prématurée.

En sixième lieu, à titre plus subsidiaire, la SAS Stella Maris fait valoir que trois climatiseurs préexistaient à la signature du bail avec la SAS China Fu et qu'aucune demande d'enlèvement n'avait été présentée par les bailleurs à son endroit. Elle met ainsi en avant un rapport de faisabilité annexé au bail du 6 novembre 2018 qui mentionnait ces trois climatiseurs. Elle en déduit l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle à la résiliation du bail.

En septième lieu, enfin, la SAS Stella Maris sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire du fait de la dépose de tous les climatiseurs litigieux par la SAS China Fu avant même le prononcé de l'arrêt à rétracter.

Par dernières conclusions transmises le 17 octobre 22, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, madame [I] [C], intervenante volontaire, madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] sollicitent de la cour qu'elle :

À titre principal :

' constate que l'assignation a bien été délivrée au siège social de la SAS Stella Maris,

' constate que la SAS Stella Maris n'a pas notifié simultanément ses pièces et conclusions dans les conditions de l'article 906 du code de procédure civile,

' déclare irrecevable la tierce opposition de la SAS Stella Maris,

À titre subsidiaire :

' déboute la SAS Stella Maris de ses demandes,

En tout état de cause :

' confirme les dispositions de l'arrêt du 3 mars 2022,

A titre reconventionnel :

' condamne la SAS Stella Maris à leur régler la somme de 37 508,49 € en réparation de leur préjudice,

' condamne la SAS Stella Maris à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Les bailleurs, à titre principal, soulèvent l'irrecevabilité de la tierce opposition faisant valoir que l'assignation du 3 août 2020 a été régulièrement dénoncée à la SAS Stella Maris, créancier inscrit de la SAS China Fu, à son siège social, situé [Adresse 7], contrairement à ce qu'elle soutient. Ils contestent avoir dû dénoncer la procédure à une élection de domicile choisie par la SAS Stella Maris, la dénonce devant se faire, en application de l'article 690 du code de procédure civile, au lieu d'établissement de la personne morale. Dès lors, en application de l'article 583 du code de procédure civile, la tierce opposition est, selon eux, irrecevable puisque la SAS Stella Maris n'est pas tiers à la présente procédure.

Par ailleurs, en contravention avec l'article 906 du code de procédure civile, ils font valoir que la SAS Stella Maris n'a pas simultanément notifié ses conclusions et pièces, ces dernières n'ayant été transmises que le 8 juillet 2022 ; ils en déduisent que ses prétentions sont irrecevables.

Les bailleurs invoquent par ailleurs les dispositions de l'article 323 du code de procédure civile pour faire valoir que le décès préalable de monsieur [G] [V] n'entraîne aucunement l'annulation des actes délivrés en son nom avant son décès, dès lors que ces actes ont été délivrés par les autres indivisaires. Ils ajoutent que sa veuve intervient volontairement à la procédure, la position du bailleur étant unanime.

À titre subsidiaire, les bailleurs font valoir que le commandement délivré le 16 juin 2020 l'a été en dehors de toute période de fermeture administrative du restaurant, dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Ils font encore valoir que c'est l'installation sans autorisation de 5 climatiseurs qui a été reprochée à la SAS China Fu, de sorte que la circonstance selon laquelle il ne lui aurait pas été demandé de retirer au préalable trois climatiseurs préexistants est inopérante. Enfin, les bailleurs s'opposent à toute suspension des effets de la clause résolutoire du bail, soutenant que si la SAS China Fu a retiré les 5 climatiseurs, c'est bien après l'expiration du délai d'un mois stipulé au commandement, et même après l'audience devant la cour qui avait retenu que cette dépose n'était pas effective.

Compte tenu de cette action concertée du preneur et de son créancier en vue de nuire à leurs intérêts et de permettre à la SAS China Fu de se maintenir dans les lieux, les bailleurs sollicitent l'indemnisation par la SAS Stella Maris de l'aggravation de leur créance.

Par dernières conclusions transmises le 6 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence a requis l'irrecevabilité de la tierce opposition.

Le procureur général fait valoir que la SAS Stella Maris étant un créancier inscrit de la SAS China Fu, elle devait recevoir notification de l'engagement par les propriétaires des lieux loués d'une procédure de résiliation du bail. Or, le procureur général note que l'ordonnance de référé contestée mentionne la dénonce de la procédure à la SAS Stella Maris conformément à l'article L 143-2 du code de commerce. Il estime que cette notification est valable si elle a été faite à l'adresse figurant dans l'état des inscriptions, de sorte que la tierce opposition est irrecevable. A défaut, en cas de notification irrégulière, il fait valoir que cette tierce opposition serait recevable. Le procureur général rappelle enfin que l'opposant doit être un tiers, ce qui n'est pas le cas de la SAS Stella Maris dès lors qu'elle doit être considérée comme valablement représentée par son débiteur, n'évoquant aucune fraude, ni aucun moyen propre pour contester la décision.

Régulièrement attraite à étude le 27 avril 2022, la SAS China Fu n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité des actes délivrés par monsieur [G] [V]

Aux termes de ses écritures, la SAS Stella Maris fait valoir que l'ensemble des actes (commandement du 16 septembre 2020, assignation devant le juge des référés du 3 août 2020) ont été réalisés notamment à la demande de monsieur [G] [V], pourtant décédé le 24 avril 2020, de sorte que ceux-ci, et les décisions subséquentes, seraient nuls.

Cependant, il convient d'observer que ces actes ont également été effectués au nom des autres indivisaires, ayant parfaitement qualité et intérêt à agir pour le compte de l'indivision, de sorte qu'en application de l'article 323 du code de procédure civile, ils demeurent valables à leur endroit. De plus, la veuve de monsieur [G] [V], madame [I] [C], intervient désormais valablement en procédure, de sorte que chacun des indivisaires se trouve partie à la présente instance.

En outre et en tout état de cause, la SAS Stella Maris développe des moyens liés à ces nullités sans formuler aucune demande d'annulation dans le dispositif de ces écritures, qui plus est in limine litis alors qu'il s'agirait potentiellement d'une exception de procédure ressortant de ce régime.

En conséquence, aucune nullité ni du commandement, ni de l'assignation, ni même, subséquemment, des décisions critiquées ne peut être encourue.

Sur la tierce opposition formée contre l'arrêt du 3 mars 2022

Sur la recevabilité de cette tierce opposition

Sur la recevabilité des conclusions et pièces de l'appelante au regard de l'article 906 du code de procédure civile

En vertu de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

Les bailleurs reprochent à la SAS Stella Maris de les avoir assignés par acte du 27 avril 2022, et de n'avoir communiqué ses pièces que le 8 juillet suivant. Cette absence de simultanéité dans la communication des conclusions reprenant les prétentions de la demanderesse à la tierce opposition et des pièces produites à l'appui de celles-ci est avérée et non contestée.

Néanmoins, force est d'observer que cette exigence légale est dépourvue de sanction et qu'aucune irrecevabilité ne saurait être retenue dès lors qu'il est démontré que le destinataire de la communication a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d'y répondre. En l'occurrence, les bailleurs ont reçu communication des pièces de la SAS Stella Maris le 8 juillet 2022 en vue d'une audience prévue le 18 octobre 2022, chacune des parties ayant conclu à plusieurs reprises en octobre 2022, notamment. Dans la mesure où les bailleurs ont reçu en temps utile la communication des pièces et ont pu faire valoir leur réplique en défense, aucune irrecevabilité ne peut être retenue sur le fondement de l'article 906 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité au regard de l'article 583 du code de procédure civile

En vertu de l'article 583 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

En matière gracieuse, la tierce opposition n'est ouverte qu'aux tiers auxquels la décision n'a pas été notifiée ; elle l'est également contre les jugements rendus en dernier ressort même si la décision leur a été notifiée.

En vertu de l'article L 143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus.

Par application de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilités à la recevoir.

En l'espèce, la SAS Stella Maris est un créancier inscrit de la SAS China Fu, preneur des consorts [V], [B] et [R], depuis le 26 octobre 2018 et bénéficie d'un nantissement du fonds de commerce. A ce titre, la procédure de résiliation du bail commercial intentée par les bailleurs devait lui être notifiée. L'ordonnance entreprise, en date du 4 décembre 2020, a d'ailleurs pris acte de la dénonciation effectuée tant à la SAS Stella Maris qu'au Crédit Agricole Provence Côte d'Azur, autre créancier inscrit, et a déclaré sa décision commune et opposable à ces derniers.

Toutefois, se pose ici la question de la validité de la notification de cette procédure à la SAS Stella Maris qui la conteste. Il appert en effet que l'assignation de la SAS China Fu devant le juge des référés en résiliation du bail commercial, en date du 3 août 2020, a été dénoncée à la SAS Stella Maris le 25 août 2020, en sa qualité de créancier inscrit, à l'adresse suivante : '[Adresse 7]'. Cette adresse ressort effectivement comme étant l'adresse du siège social déclaré par la SAS Stella Maris depuis le 25 avril 2019, ainsi qu'en atteste son extrait Kbis du 5 juillet 2022.

Pour autant, aux termes de l'état des inscriptions des créanciers de la SAS China Fu, débitrice, en date du 21 novembre 2018, il appert manifestement que la SAS Stella Maris a élu domicile au '[Adresse 1]'. Or, c'est bien à cette adresse que devait être faite, pour être valable et conforme aux prescriptions de l'article L 143-2 du code de commerce, la dénonciation de l'assignation au créancier inscrit par les bailleurs. Seule celle-ci pouvait être considérée comme valant information claire et non équivoque de la procédure au créancier inscrit, la SAS Stella Maris ne pouvant être présumée avoir eu connaissance de l'intention des bailleurs de la procédure, comprenant intention de demander la résiliation du bail, par une notification à une adresse inopérante.

Il y a donc lieu d'observer que la procédure en résiliation du bail commercial n'a pas été régulièrement notifiée au créancier inscrit, de sorte que la tierce opposition par lui intentée est recevable.

Sur le bien-fondé et l'ampleur de la demande en rétractation de l'arrêt du 3 mars 2022

En vertu de l'article 584 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n'est recevable que si toutes ces parties sont appelées à l'instance.

Par application de l'article 591 du code de procédure civile, la décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés.

Toutefois la chose jugée sur tierce opposition l'est à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584.

Par application des textes susvisés, le défaut de notification de la procédure en résiliation du bail est sanctionné par l'inopposabilité de la résiliation au créancier inscrit, seul à pouvoir s'en prévaloir. Cette inopposabilité joue de plein droit et il ne peut être suppléé ultérieurement à ce défaut de notification.

Dès lors, et dans la mesure où le litige est ici nécessairement indivisible puisque le bail ne peut être à la fois résilié à l'égard du débiteur-locataire et maintenu à l'égard du créancier, la rétractation de l'arrêt du 3 mars 2022, ayant confirmé la résiliation de plein droit du bail, l'expulsion de la SAS China Fu et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle, s'impose sur ces chefs de décision, à l'égard de toutes les parties.

Sur la résiliation du bail, l'expulsion et la condamnation à une indemnité d'occupation provisionnelle

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de l'article L 145-41 du code ce commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En vertu de l'article L 143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

En l'occurrence, les consorts [V], [B] et [R], d'une part, et, la SAS China Fu, d'autre part, sont liées par un bail commercial en date du 6 novembre 2018 portant sur un local à usage de restaurant piano bar, au rez-de-chaussée de l'immeuble situé à [Adresse 11].

Le 16 juin 2020, les consorts [V], [B] et [R] ont fait délivrer à la SAS China Fu un commandement de 'supprimer ou déplacer cinq groupes de climatisations installés sans autorisation en matière de bail commercial'. Ce commandement vise expressément le bail du 6 novembre 2018 et les locaux en cause, outre les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce, les bailleurs manifestant leur intention de se prévaloir de la clause résolutoire incluse au bail.

Toutefois, faute de dénonciation régulière de la procédure au créancier inscrit, la SAS Stella Maris, aucune résiliation du bail liant les bailleurs à la SAS China Fu ne peut être valablement prononcée, pour quelque cause que ce soit, la résiliation étant inopposable au créancier et le litige étant par nature sur ces points indivisible. L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée tant en ce qu'elle a prononcé la résiliation du bail, qu'en ce qu'elle a ordonné l'expulsion du preneur et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle. Ces prétentions ne peuvent prospérer.

Sur la demande tendant à la dépose des cinq climatiseurs

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En outre, aucune condition d'urgence ou d'absence de contestation sérieuse n'est requise pour l'application de l'article susvisé.

S'agissant de la demande de dépose des blocs de climatisation, sollicitée par les bailleurs contre la SAS China Fu, il convient d'observer qu'aucune indivisibilité ne peut être retenue avec les prétentions de la SAS Stella Maris tendant à l'inopposabilité de la résiliation du bail commercial liant les parties. Dès lors, l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question relativement à la SAS Stella Maris des points jugés qu'elle critique, qui la concerne, lui porte préjudice ou sont indivisibles de ceux-ci. Tel n'est pas le cas de la condamnation prononcée contre la SAS China Fu à déposer les blocs de climatisation, telle que prononcée dans la décision du 4 décembre 2020, confirmée sur ce point par l'arrêt du 3 mars 2022.

Il n'y a donc pas lieu à rétractation de l'arrêt du 3 mars 2022 sur ces chefs de décisions.

Sur la demande des bailleurs en indemnisation de leur préjudice

En l'état de la rétractation de l'arrêt du 3 mars 2022 quant à la résiliation du bail commercial et ses conséquences, et de la réformation de la décision entreprise en date du 4 décembre 2020 sur ces points, la prétention des bailleurs tendant à obtenir une indemnisation complémentaire à raison de l'aggravation de leur créance du fait du maintien dans les lieux du preneur, la SAS China Fu, qui ne peut plus être considéré comme illicite, ne se justifie pas. Au surplus, il convient d'observer que la demande formulée excède les pouvoirs du juge des référés pour n'être pas formulée à titre provisionnelle.

Les bailleurs seront donc déboutés de cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Les bailleurs qui succombent à la tierce opposition, supporteront les dépens. De même, ils seront condamnés in solidum à régler à la SAS Stella Maris une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevables les pièces et conclusions transmises par la SAS Stella Maris les 27 avril et 8 juillet 2022,

Déclare recevable la tierce-opposition formée par la SAS Stella Maris contre l'arrêt de la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 mars 2022,

Rétracte l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il a confirmé la résiliation de plein droit du bail, l'expulsion de la SAS China Fu et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle,

Dit n'y avoir lieu à annulation du commandement du 16 septembre 2020 ni de l'assignation devant le juge des référés du 3 août 2020,

Dit n'y avoir lieu à rétracter l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ses autres dispositions, notamment en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des référés de Nice du 4 décembre 2020 au titre de la condamnation de la SAS China Fu à la dépose des blocs de climatisation, au titre de la condamnation de la SAS China Fu au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Dit n'y avoir lieu à rétracter l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité du commandement du 16 juin 2020, en ce qu'il a débouté la SAS China Fu de sa demande de délais pour satisfaire au commandement du 16 juin 2020 et en ce qu'il a condamné la SAS China Fu au paiement, en appel, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Nice du 4 décembre 2020 en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la SAS China Fu et condamné la SAS China Fu au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute madame [I] [C], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] de leur demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties, de leur demande tendant à l'expulsion de la SAS China Fu et de leur demande de condamnation de la SAS China Fu au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle,

Déboute madame [I] [C], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] de leur demande en indemnisation complémentaire à raison de l'aggravation de leur créance du fait du maintien dans les lieux du preneur,

Condamne in solidum madame [I] [C], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] à payer à la SAS Stella Maris une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum madame [I] [C], madame [O] [B] épouse [Y], monsieur [D] [V], monsieur [W] [B], madame [P] [B], monsieur [W] [R], madame [J] [R], monsieur [S] [R] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.