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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. b, 20 février 2009, n° 06/00933

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

Mme Bourrel, Mme Durand

Avoués :

SCP Sider, SCP De Saint Ferreol - Touboul

Avocat :

Me Mallet

T. com. Manosque, du 6 déc. 2005, n° 05/…

6 décembre 2005

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon acte en date du 10 novembre 1998, Mme Evelyne P. et M. Dominique C. ont acquis la totalité des parts sociales de la SNC D.-N. qui exploitait un fonds de commerce de bar-tabac-restaurant.

A l'issue de cette opération, Mme P. a pris possession de 60 % des parts sociales payées 357.935,40 F et M. C. de 40 % payées 238.623,60 F.

En outre, Mme P. a acquis le compte courant d'associé de Mme D. d'un montant de 591.985 F et M. C. celui de M. N. de 169.995 F.

La SNC a pris le nom de SNC P.-C. et Mme P. a été désignée gérante.

Le 3 octobre 1999, M. C. est décédé, laissant pour héritières ses trois filles Caroline, Pauline et Justine dont les deux dernières mineures, nées respectivement le 8 décembre 1984 et le 8 septembre 1987, et leur mère Monique G., épouse C..

Le 8 novembre 1999 une Assemblée Générale Extraordinaire s'est tenue au cours de laquelle Mme P. s'est fait attribuer une rémunération annuelle de 120.000 F au titre de sa fonction de gérante à compter du début de l'année 1999.

Sur le fondement de l'article L 221-15 du code de commerce, à la requête de Mme P., par ordonnance du 12 décembre 2000, le Président du Tribunal de Commerce de MANOSQUE a constaté la dissolution de la SNC P.-C. et a désigné Mme P. en qualité de liquidateur pour une durée de trois ans.

Par acte notarié du 30 avril 2003, Mme P. agissant à la fois en son nom personnel et ès-qualités de liquidateur de la SNC P.-C. a vendu à M. et Mme F. le fonds de commerce de tabac-bar-restaurant au prix de 228 680 €.

Par jugement du 16 mars 2004, le Tribunal de Commerce de MANOSQUE a révoqué Mme P. de ses fonctions de liquidateur et a nommé Me Michel G. en ces lieu et place.

Le 27 janvier 2005, Me G. a présidé l'Assemblée Générale Extraordinaire de clôture de la liquidation à laquelle il avait convié Mme P. et les consorts C..

A l'issue de cette réunion, chacune des soeurs C. a perçu la somme de 21 649 €.

Contestant les comptes de la liquidation sur le montant du compte courant de M. C. et sur les rémunérations que Mme P. se serait octroyées pendant la liquidation, Caroline C., Pauline C., Justine C. représentée par son représentant légal Mme Monique C. et Mme Monique C. en son nom personnel ont assigné par exploit en date du 3 mai 2005 Mme P. en paiement de la somme de 27 441,25 € indûment prélevée, selon elles, au titre de sa rémunération, de la somme de 30 896,14 € au titre du compte courant d'associés de M. C., ainsi que d'une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de remise de livres, journaux et pièces de caisse de la société des exercices 2000, 2001, 2002 et 2003.

Mme P. a conclu à l'irrecevabilité de l'action de Mme Monique C. et au débouté des soeurs C..

Par déclaration en date du 12 janvier 2006, les consorts C. ont relevé appel du jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 6 décembre 2005 qui :

- les a déboutés de la totalité de leurs prétentions,

- les a condamnés à payer à Mme P. la somme de 500 € au titre de l'article 700 du NCPC,

- a débouté Mme P. de sa demande de dommages et intérêts,

- a mis à la charge des consorts C. les entiers frais et dépens.

Par arrêt en date du 20 juin 2008, la Cour de céans a reçu l'appel de Mesdames Caroline, Pauline, Justine et Monique C., a ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 avril 2008, a ordonné à Mme P. de produire les statuts de la SNC P.-C. et le procès-verbal de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 8 novembre 1999, aux consorts C., d'appeler en la cause Me Michel G. ès-qualités de liquidateur de la SNC P.-C. et de produire le jugement du 16 mars 2004 du Tribunal de Commerce de MANOSQUE.

Les parties ont exécuté les injonctions de la Cour et Me G., ès-qualités, a été assigné à sa personne par exploit en date du 17 septembre 2008. Toutefois, il n'a pas constitué avouer.

Par leurs ultimes conclusions en date du 25 novembre 2008, qui sont tenues pour entièrement reprises, les consorts C. demandent à la Cour :

'Vu les dispositions de l'article 1382 du code civil,

Dire et juger l'appel recevable et bien fondé,

Réformer en son entier le jugement dont appel et par conséquent,

Condamner Mme P. à payer aux appelantes la somme de 27 441,25 € indûment prélevée sur les comptes de la société au titre de sa prétendue rémunération,

Condamner Mme P. à restituer aux appelantes l'intégralité du montant du compte courant associé appartenant à M. C. qu'elle s'est frauduleusement octroyée soit la somme de 30 896,14 €,

Condamner Mme P. à payer aux appelantes la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en l'absence de remise des livres, journaux et pièces de caisses de la société des exercices 2000, 2001, 2002 et 2003,

La condamner au paiement d'une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC,

La condamner aux entiers dépens...'.

Par ses uniques conclusions en date du 15 juin 2006 qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme P. demande à la Cour :

'Confirmer dans l'ensemble de son dispositif le jugement entrepris,

Débouter les appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Les condamner à payer la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

Condamner les appelantes aux entiers dépens...'.

L'instruction de l'affaire a été close le 22 décembre 2008.

MOTIFS

Attendu que Me G., ayant été assigné à sa personne, ès-qualités, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Attendu que par application de l'article 11 des statuts de la SNC P.-C., la société a continué d'exister après le décès de M. C..

Que par application de cette convention et conformément aux dispositions de l'article L 221-15 du code du commerce (ancien article 21 de la Loi du 22 juillet 1966) en présence d'héritiers mineurs, dans le délai d'un an du décès, la société devait être transformée en société en commandite simple et obtenir son agrément du Directeur Régional des Douanes.

Qu'à défaut, à la requête de Mme P., par ordonnance du 12 décembre 2000, le Président du Tribunal de Commerce de MANOSQUE a constaté la dissolution de la SNC P.-C. et a désigné Mme P. en qualité de liquidatrice.

Que toujours par application des statuts de la SNC P.-C., l'héritière en ligne directe majeure, Caroline C. et le conjoint survivant, Monique C., associés de plein droit, sont réputés n'avoir jamais acquis cette qualité pour ne pas avoir sollicité leur agrément du Directeur Régional des Douanes.

Que certes, cette demande d'agrément des héritiers majeurs n'est assortie d'aucun délai ; que cependant, il est fallacieux de soutenir qu'elles en ont été empêchées par le prononcé de la dissolution de la société, alors que toutes deux ne pouvaient ignorer qu'à défaut de transformation de la société dans le délai d'un an, la SNC P. C. serait automatiquement dissoute, et qu'eu égard à l'activité de la société, un tel agrément était impératif pour la poursuite de la vente de produits réglementés.

Que les consorts C. n'ont donc jamais eu la qualité d'associés de la SNC P.-C..

Attendu qu'en ce qui concerne la rémunération de Mme P., d'une part, bien que n'ayant jamais eu la qualité d'associés, les consorts C. ne remettent pas en cause la décision prise lors de l'assemblée générale du 8 novembre 1999 de la rémunération annuelle de 120.000 F de Mme P. en qualité de gérante à compter du 1er janvier 1999.

Qu'au titre de l'année 2000, Mme P. qui a perçu la somme de 22 867 € alors qu'elle ne pouvait prétendre qu'à la somme de 18 293,88 € devra donc restituer aux ayants-droits de la SNC P.-C., le trop-perçu de 4 573,12 €.

Que d'autre part, l'article R 237-14 du code du commerce stipule que la rémunération du liquidateur est fixée par la décision que le nomme ; qu'à défaut, elle l'est postérieurement par le Président du Tribunal de Commerce, statuant sur requête, à la demande du liquidateur intéressé.

Que ni l'ordonnance du 12 décembre 2000 du Président du Tribunal de Commerce de MANOSQUE ayant désigné Mme P. en qualité de liquidatrice de la SNC P. C. ni postérieurement aucune autre décision, n'a fixé la rémunération de celle-ci en cette qualité.

Que Mme P. qui ne peut donc prétendre à aucune rémunération à compter du 12 décembre 2000, devra représenter les sommes qu'elle s'était octroyée au titre de la récompense de son activité.

Que Mme P. devra donc restituer aux ayants-droit la SNC P.-C. la somme de 6 403 € perçue au titre des années 2001, 2002 et 2003.

Qu'au total Mme P. devrait donc restituer une somme de 68 603,12 € mais ayant détenu 60 % du capital social de la SNC P.-C., elle conservera la somme de 41 161,87 € et sera condamnée à payer aux consorts C. celle de 27 441,25 €.

Attendu qu'en ce qui concerne le compte courant de M. C., par courrier du 14 juin 2000, le conseil des consorts C. avait déjà demandé au cabinet GESCO ALPES, expert-comptable de la SNC P.-C., comment, alors que le premier bilan établi au 31 décembre 1998 faisait apparaître un compte courant d'associés global de 969.292 F réparti entre Mme P. à concurrence de 585.041 F et M. C. de 384.250 F, le bilan arrêté au 31 décembre 1999, faisait apparaître la même somme de 969.292 F, mais avec une autre répartition, soit Mme P. à concurrence de 805 963 F et M.C. de 163.328 F.

Que ni l'expert-comptable, ni Mme P. n'ont répondu à cette interrogation, ni ne se sont expliqués sur cette variation pourtant formulée à nouveau lors des opérations de liquidation (cf courrier du 6 janvier 2005 du conseil des consorts C. à Me G.).

Que dans ces écritures Mme P. reste muette sur ce point, s'abritant dernière le grand livre de la comptabilité SNC P.-C., mais ne fournissant aucune pièce justifiante cette variation à son profit des comptes courants d'associés pour la somme de 220.922 F ou 33 679,34 €.

Que bien qu'ils auraient pu solliciter le différentiel de 220.922 F, après un calcul manifestement erroné, les consorts C. réclament de ce chef la somme de 30 896,14 € qui leur sera octroyée.

Attendu que si les consorts C. n'ont jamais eu la qualité d'associés, en leur qualité d'héritières de M. C. dans le cadre des opérations de liquidation, et compte tenu des irrégularités qu'elles avaient découvertes à la lecture des bilans, celles-ci pouvaient prétendre à consulter les livres, les journaux et pièces de caisse de la société pour les exercices 2000 à 2003.

Que nonobstant leur demande et la présence de Me G. ès-qualités, Mme P. ne s'est jamais exécutée, ce qui accrédite la thèse de détournement des espèces développée par les consorts C..

Qu'eu égard à la résistance de Mme P., une mesure expertale serait vaine.

Que la déloyauté de Mme P. à l'égard des consorts C. dans la reddition des comptes, leur a causé un préjudice certain qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 10 000 €.

Attendu que par application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, les condamnations qui précédent seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, le 3 mai 2005.

Attendu que les consorts C. ont dû engager des frais pour se défendre qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge ; que Mme P. sera condamnée à leur payer la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort.

Vu l'arrêt en date du 20 juin 2008 ;

Réforme la décision entreprise ;

Condamne Mme Evelyne P. à payer à Mesdames Caroline, Pauline, Justine C., et Mme Monique G. épouse C. les sommes de 27 441,25 € + 30 896,14 € + 10 000 € soit au total 68 337,39 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2005 ;

Condamne Mme Evelyne P. à payer à Mesdames Caroline, Pauline et Justine C. et Mme Monique G. épouse C. la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamne Mme Evelyne P. aux dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SCP SIDER qui en aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.