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Décisions

CA Orléans, 15 mars 2007, n° 06/01542

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Croze

Défendeur :

Le Vendome (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M.Garnier

Avoués :

Me Bordier, Me Garnier

Avocats :

Me Delaporte - Benhammadi, SCP Calenge-Guettard

T. com. Blois, du 24 févr. 2006

24 février 2006

EXPOSÉ DU LITIGE

La Cour statue sur l'appel d'un jugement du tribunal de commerce de Blois rendu le 24 février 2006, interjeté par M. Croze, suivant déclaration du 24 mai 2006, enregistrée sous le n° 1542/2006.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

*1er décembre 2006 (par la société Vendôme),

*6 février 2007 (par M. Croze).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que la société Vendôme, qui a pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce de bar-restaurant-traiteur à Mer (Loir-et-Cher), a été créée sous la forme d'une société en nom collectif suivant statuts authentiques du 10 mai 1999. Par suite de l'acquisition, suivant acte notarié du 1er juillet 2002, de parts sociales, M. Croze est devenu associé de la société, dans laquelle il détenait 24 des 160 parts composant le capital social, et cogérant avec Melle Mautret. Par nouvel acte authentique des 7 et 17 novembre 2003, les deux associés ont cédé, pour l'euro symbolique, l'ensemble de leurs parts et M. Croze a démissionné de ses fonctions de gérant, rétroactivement à compter du 30 septembre 2003, ce qui a été accepté par son associée et les cessionnaires. En p. 8 de l'acte, était stipulée une clause d'abandon du solde créditeur des comptes courants des cédants, comme condition déterminante de la cession faite sans garantie de passif et, en p. 7, il était convenu d'attribuer les bénéfices sociaux de l'exercice 2003 jusqu'au 31 mai aux cédants.

Estimant avoir droit à une rémunération en tant que gérant pour la période du 1er octobre 2002 au 30 juin 2003 (8.856 €), au remboursement de ses frais professionnels (1.345,97 €) et à sa part des bénéfices des exercices 2002 et 2003 (4.548 €), M. Croze a saisi, par assignation du 8 février 2005, le tribunal de commerce de Blois qui l'a débouté, le condamnant à une indemnité de procédure de 1.500 €.

M. Croze a interjeté appel.

En cause d'appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 février 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu, sur la rémunération de M. Croze en qualité de gérant d'octobre 2002 à juin 2003, qu'il résulte de l'article 17 des statuts de la société Vendôme que chacun des gérants a droit à une rémunération et que celle-ci est déterminée chaque année par la décision collective des associés se prononçant sur l'approbation des comptes ; que les statuts n'ayant pas ainsi énoncé que les fonctions de gérant seraient gratuites, la société en nom collectif Vendôme ne saurait se borner, pour refuser toute rémunération à M. Croze, à lui opposer l'absence de décision collective fixant sa rémunération, alors qu'il appartient aux cours et tribunaux, en l'absence d'une telle décision, de déterminer eux-mêmes le montant de la rémunération dont le principe a été arrêté par les statuts ; que, dans sa lettre du 29 mai 2003, annonçant sa démission, M. Croze s'est borné à faire état de sa 'non rémunération en qualité de gérant depuis le mois d'octobre 2002", ce dont on ne peut déduire, comme le fait la société, qu'il aurait admis le principe de l'absence de rémunération ; que, par ailleurs, si la société fait état d'une gestion qualifiée d'aventureuse de son gérant, l'examen de ses comptes montre, à l'exception des mois de décembre 2002 et janvier 2003, un maintien du chiffre d'affaires puis son redressement progressif dans les derniers temps de la gestion de M. Croze, ainsi qu'une baisse de ses charges, tous éléments qui ne justifiaient pas le refus de toute rémunération, laquelle sera fixée à la somme modique réclamée de 984 € par mois, soit 8.856 € pour la période octobre 2002-juin 2003 ; qu'étant rappelé qu'un gérant associé de société en nom collectif a la qualité de commerçant et qu'il doit donc lui-même s'acquitter de ses cotisations sociales personnelles, la somme de 3.679 €, dont la réponse de la société du 13 juillet 2004 à une mise en demeure fait état comme montant des cotisations personnelles de M. Croze pris en charge par elle en 2003, ne peut correspondre à la rémunération fixée pour la première fois par le présent arrêt ; qu'il conviendra donc de dire que le présent arrêt ne remet pas en cause la prise en charge des cotisations pour le montant de 3.679 €, mais que M. Croze devra lui-même, le cas échéant, s'acquitter des cotisations sociales à raison de la rémunération brute de 8.856 € ;

Attendu, sur le remboursement des frais professionnels, que le dernier alinéa de l'article 17 des statuts prévoit que tout gérant a droit, sur présentation de tous justificatifs, au remboursement de ses frais de représentation et déplacement ; qu'en l'espèce, dans sa note de frais pour la période considérée, M. Croze explique qu'il aurait été conduit à effectuer des déplacements à plusieurs reprises dans des supermarchés (enseignes Promocash ou Metro) pour acheter des fournitures pour le compte de la société Vendôme, mais à part des extraits du Grand livre des fournisseurs, qui indiquent seulement que cette société se fournissait auprès de ces enseignes, M. Croze ne produit qu'une seule facture (Metro, 29 août 2002) justifiant qu'il est venu, avec son véhicule personnel, chercher des marchandises ; qu'il lui sera alloué la somme correspondante de 80 (km) X 0,511 € (en application du barème fiscal) = 40,88 €, aucun élément ne démontrant, en revanche, qu'il aurait inscrit en compte courant une telle somme ;

Attendu, sur la quote-part du bénéfice 2003 non perçue par M. Croze, que celui-ci ramène sa demande, en appel, à 1.818,50 €, mais que les dividendes ayant été laissées en compte courant, l'abandon du solde créditeur de celui-ci lors de la cession des parts de novembre 2003, engagement valable, bien que non chiffré, et déterminant de la cession, empêche M. Croze de réclamer sa quote-part des bénéfices ; que cette troisième demande sera rejetée ;

Attendu, enfin, que la demande de M. Croze n'étant accueillie que partiellement, après avoir été rejetée dans sa totalité par le premier juge, l'absence de versement de sa rémunération a été à l'origine, pour M. Croze, d'un préjudice financier, consistant, non pas à n'avoir pu bénéficier du régime des allocations de chômage, qui était liée à sa qualité de gérant associé d'une société en nom collectif, mais d'aides publiques (RMI) qui lui ont été refusées au vu de documents comptables de la société mentionnant à tort le versement d'un revenu trop élevé ; qu'il a dû recourir, en conséquence, à un prêt bancaire pour faire face à ses dépenses courantes ; que ce préjudice financier complémentaire - le préjudice moral n'étant pas démontré - sera réparé par l'octroi de dommages-intérêts d'un montant de 1.000 € ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu que la société Vendôme supportera les dépens et, à ce titre, sera tenue de verser à M. Croze, la somme de 2.000 € en remboursement de ses frais hors dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une quote-part des bénéfices de la société Vendôme pour l'exercice 2003, aucune demande n'étant formée pour 2002 ;

STATUANT à nouveau, CONDAMNE la société Vendôme à payer à M. Croze les sommes de :

*8.856 € au titre de sa rémunération de gérant pour la période d'octobre 2002 à juin 2003, les cotisations sociales correspondantes éventuelles étant à sa charge, mais sans que la somme de 3.679 € que la société indique, dans sa lettre du 13 juillet 2004 (pièce n° 20 du bordereau de communication joint aux conclusions du 6 février 2007), avoir versé pour son compte au titre de cotisations sociales pour 2003 puisse avoir d'influence sur la condamnation à payer à M. Croze la somme de 8.856 € ;

-40,88 € au titre du remboursement des frais de déplacement justifiés ;

-1.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier complémentaire ;

CONDAMNE la société Vendôme aux dépens d'appel et à payer à M. Croze la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

ACCORDE à Me Bordier, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Dransart, agent administratif faisant fonction de greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.