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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 décembre 2022, n° 20/01714

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Transud Express (SARL)

Défendeur :

Conforama France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Escard de Romanovsky, Me Biver, Me Martin

T. com. Paris, du 9 déc. 2019, n° 201706…

9 décembre 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société Transud Express est spécialisée dans le transport routier de marchandises de proximité, livraisons, installation, pose de meubles et de biens d'équipement de la maison.

La société Conforama France exploite environ 200 magasins de produits d'ameublement et d'équipement de la maison sous l'enseigne Conforama.

Le magasin Conforama de [Localité 1] propose à ses clients des services de livraison et des services d'installation à domicile.

Le 2 janvier 2010, par contrat intitulé "Contrat de prestations de services - Livraison, montage et installation des marchandises Conforama", la société Conforama France a confié à la société Transud Express les prestations de livraison, de montage et d'installation des produits achetés par les clients du magasin Conforama de [Localité 1]. Ce contrat a pris effet le 1er novembre 2011 pour une durée indéterminée.

Le 12 juin 2013, les parties ont conclu un "contrat de prestation de services de pose de cuisines".

Par lettre recommandée du 19 avril 2017, avec avis de réception, la société Conforama France a notifié à la société Transud Express sa décision de résilier le seul contrat de prestations de services en date du 2 janvier 2010, avec un préavis de 3 mois et 10 jours.

Par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2017, la société Transud Express a fait assigner la société Conforama France devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 56.807,23 euros HT outre la TVA au titre de retenues indues ainsi que la somme de 46 639,24 € sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

La société Conforama France a contesté la recevabilité et le bien-fondé des demandes de la société Transud Express et s'est portée demanderesse reconventionnelle aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 9.866,19 euros au titre de sommes indûment facturées.

Par jugement du 9 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit que la SA Conforama France n'a commis aucune faute lors de la résiliation du contrat " Contrat de prestations de services - Livraison, montage et installation des marchandises Conforama "du 2 janvier 2010,

- Débouté la société Transud Express Sarl de sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la SA Conforama France de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la société Transud Express Sarl à payer à la SA Conforama France la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Condamné la société Transud Express Sarl aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.

Par déclaration en date du 16 janvier 2020, la société Transud Express a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- Dit que la SA Conforama France n'a commis aucune faute lors de la résiliation du contrat "Contrat de prestations de services - Livraison, montage et installation des marchandises Conforama "du 2 janvier 2010,

- Débouté la société Transud Express Sarl de sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et la déboute de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la société Transud Express Sarl à payer à la SA Conforama France la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Condamné la société Transud Express Sarl aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 16 avril 2020, la société Transud Express demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 9 décembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Transud Express de toutes ses demandes.

Et statuant à nouveau

- Vu l'article 1134 du code civil dans son ancienne rédaction :

- Dire et juger que le contrat de prestations de services, livraison, montage et installation des marchandises Conforama n'est pas un contrat de transport.

- Dire et juger que la société Conforama n'est pas fondée à opposer à la société Transud Express la prescription annale applicable en matière de contrat de transport.

- Dire et juger que les parties n'étaient nullement convenues de payer à la société Conforama une commission d'apporteur d'affaires.

- Dire et juger que la société Conforama a imposé à la société Transud Express une remise de 15 % sur sa facturation mensuelle, remise qui n'était pas prévue par le contrat.

En conséquence

- Condamner la société Conforama à payer à la société Transud Express la somme de 56.807,23 euros HT outre la TVA au titre des retenues indues pratiquées depuis 2012.

- Vu l'article L. 442-6-I 5ème du code de commerce :

- Dire et juger que la relation contractuelle entre Conforama et Transud a débuté en 2002 et a donc duré jusqu'en 2017.

- Dire et juger que pour le calcul de son préavis, la société Conforama n'a produit que les factures au titre du contrat de prestations de services et non au titre du contrat de pose de cuisines.

- Dire et juger que la société Conforama aurait dû respecter un préavis de douze mois.

En conséquence,

- Condamner la société Conforama à payer à la société Transud Express la somme de 49.639,24 euros en réparation du préjudice causé par la brusque rupture des relations commerciales établies.

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société Conforama de ses demandes reconventionnelles :

- Dire et juger que la société Transud Express a facturé ses prestations au titre de la pose de cuisines conformément aux relevés de facturation qui lui ont été adressés par la société Conforama.

- Débouter la société Conforama de sa demande en répétition de l'indû et de toutes autres demandes.

- Article 700 du code de procédure civile et dépens :

- Condamner la société Conforama à payer à la société Transud Express la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la société Conforama aux entiers dépens dont les fractions au profit de Maître Emmanuel Escard de Romavski avec application des règles de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 15 juillet 2020, la société Conforama demande à la cour de :

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 133-6 alinéas 2 et 3 du code de commerce,

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat de transports et de livraisons du 2 janvier 2010,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Transud Express de ses demandes fondées sur le paiement de "remises injustifiées",

Et par substitution de motifs,

- Déclarer la société Transud Express irrecevable et mal fondée en ses demandes,

- Dire et juger que le contrat signé le 2 janvier 2010 est un contrat de transport routier de marchandises soumis à la LOTI (Loi d'orientation des transports publics) codifiée aux articles 133-1 et suivants du code de commerce.

- Dire et juger que les actions portant sur l'exécution d'un contrat de transport se prescrivent dans le délai d'un an à compter de la remise de la marchandise à son destinataire.

En conséquence,

- Dire et juger que les demandes de la société Transud Express fondées sur le paiement de " remises injustifiées " déduites de ses factures de prestations de transports antérieures au 6 novembre 2016 se heurtent à la prescription annale de l'article 133-6 alinéas 2 et 3 du code de commerce.

- Déclarer la société Transud Express irrecevable en sa demande en paiement au titre de factures de transports et livraisons antérieures au 6 novembre 2016, en application de l'article 122 du code de procédure civile.

En conséquence,

- Débouter la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Conforama France.

En tout état de cause,

- Dire et juger que la société Transud Express ne justifie ni des conditions de rémunération qu’elle n’invoque ni des prétendues "retenues indues" qui lui auraient été imposées sur le prix de ses prestations.

- Débouter la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions de ce chef.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Transud Express de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 -I, 5ème du code de commerce,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 -I, 5ème du code de commerce,

Vu le contrat type applicable au transport routier de marchandises prévu par la LOTI (loi d'orientation des transports publics) et le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003,

- Dire et juger que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5ème du code de commerce sont inapplicables aux prestations de transports et de livraisons issues du contrat du 2 janvier 2010,

- Débouter la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions fondées sur une rupture brutale de relation commerciales au sens de l'article L. 442-6, I, 5ème du code de commerce.

- Dire et juger que le préavis minimum à respecter en cas de cessation d'une relation commerciale établie dans le secteur du transport routier de marchandises est celui prévu par le contrat type annexé au décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003.

- Constater que la société Conforama France a respecté un délai de préavis de 3 mois et 10 jours conforme aux stipulations du contrat du 2 janvier 2010 mais également aux usages professionnels issus du contrat type applicable au secteur concerné.

- Dire et juger que la société Conforama France n'a donc commis aucune faute dans la résiliation du contrat de transports et de livraisons du 2 janvier 2010.

- Débouter la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Conforama France.

A tire infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour jugeait que l'article L. 442-6-I 5ème du code de commerce est applicable aux relations entre la société Conforama France et la société Transud Express,

- Dire et juger que la société Transud Express a bénéficié d'un préavis raisonnable pour lui permettre de réorganiser son activité.

- Dire et juger que la société Conforama France n'est pas responsable d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I 5ème du code de commerce.

- Débouter la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Conforama France.

En tout état de cause,

- Dire et juger que la société Transud Express est mal fondée en ses demandes indemnitaires, calculées sur une moyenne de chiffres d'affaires sur trois ans, sans justifier de sa marge brute au titre de l'exercice précédent la cessation des relations.

- Débouter de plus fort, la société Transud Express de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur l'appel incident de Conforama France

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Conforama France de ses demandes reconventionnelles,

Et rejugeant à nouveau,

Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil (ancien article 1134 du code civil),

Vu l'article 1302-1 du Code civil (ancien article 1376 du Code civil),

- Déclarer la société Conforama France recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles.

- Dire et juger que la société Conforama France a indûment payé à la société Transud Express la somme de 9.866,19 euros au titre de prestations de pose de cuisines effectuées entre le 12 juin 2013 et le 1er septembre 2017,

En conséquence,

- Condamner la société Transud Express au paiement de la somme de 9.866,19 euros à la société Conforama France.

- Dire et juger que l'action de la société Transud Express est manifestement téméraire et procède d'un abus du droit d'ester en justice,

En conséquence,

- Condamner la société Transud Express à verser à la société Conforama France une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive engagée à son encontre.

- Dire et juger qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société Conforama France les frais irrépétibles de justice qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense en première instance et en cause d'appel.

- Condamner la société Transud Express à verser à la société Conforama France une somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société Transud Express aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SCP Courtois Lebel, représentée par Maître Bruno Martin.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'intérêt à agir de la société Transud Express

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il sera rappelé que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

La société Conforama conteste l'intérêt à agir de la société Transud Express au motif que celle-ci ne produit pas aux débats l'annexe 2 du contrat de prestations de services du 2 janvier 2010 sur laquelle elle fonde sa demande en paiement.

Il sera fait observer que la société Transud Express qui fonde sa demande en paiement sur le contrat en date du 2 janvier 2010 a un intérêt à agir du fait de sa qualité de cocontractante de la société Conforama, l'appréciation des éléments de preuve produits ou non par les parties à l'appui de leurs prétentions relève du fond du débat et non de la recevabilité des demandes.

En conséquence, l'exception d'irrecevabilité de la société Conforama relative à la demande en paiement de la société Transud Express sera rejetée.

Sur la nature du contrat en date du 2 janvier 2010

La société Transud Express soutient que :

- Le contrat signé entre les parties était un contrat de prestation de services.

- L'article 5 du contrat démontre que la prestation de transport était accessoire.

- La société Conforama ne peut donc pas opposer à la société Transud Express la prescription annale applicable en matière de transport.

La société Conforama France affirme que :

- La société Transud Express s'est engagée à effectuer avant toute autre prestation des déplacements de marchandises du magasin Conforama de [Localité 1] au domicile de ses clients.

- La société Transud Express n'assure pas l'installation ni le montage des produits si elle n'effectue pas la livraison ce qui signifie que le transport constitue bien l'objet principal du contrat.

- Les parties ont expressément prévu que les prestations de livraisons puissent être exécutées seules.

Le contrat de transport est un contrat par lequel un transporteur s'engage à transporter des marchandises et à les livrer pour un prix déterminé et des délais fixes.

Le contrat de transport implique que le déplacement de la marchandise constitue l'objet principal du contrat et ne doit pas présenter un caractère accessoire par rapport aux autres prestations fournies.

La qualification du contrat de prestations de services est indicative et ne lie pas les parties.

Il résulte de l'article 1 du contrat en date du 2 janvier 2010 qu'il a pour objet de " définir les conditions dans lesquelles Conforama confie au prestataire qui l'accepte, les prestations de livraison, montage et installation des produits commercialisés dans son magasin situé à [Localité 1]. "

L'article 5 du contrat qui prévoit la description des prestations précise que toute prestation de livraison, y compris une simple dépose, comprend la mise en place du produit, l'évacuation des déchets et la reprise de l'ancien produit (sauf indication contraire du client).

A l'article 5.8 du contrat, il est précisé que "le livreur doit informer le client sur la première mise en service et les recommandations d'utilisation des appareils."

Ces deux derniers services offerts au client n'ont pas pour objet de modifier la nature de la prestation de livraison.

Il sera fait observer que l'activité principale est l'activité de livraison de meubles ; est également proposée une prestation de montage et d'installation des meubles qui n'est pas systématique.

Les factures émises par la société Transud Express démontrent le caractère limité des prestations de montage et d'installation de meubles réalisées par celle-ci qui facturait séparément les opérations. Les factures de montage de meubles s'élevaient à environ 1/3 du montant des factures de livraison.

La société Conforama indique que la prestation de montage de meubles était essentiellement sollicitée pour l'installation de cuisines ce qui l'a amenée à signer avec la société Trans Express le 12 juin 2013 un contrat de prestations de services de pose de cuisines laissant subsister le premier contrat de livraison.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de qualifier le contrat du 2 janvier 2010 liant les parties de contrat de transport et de livraison.

Sur la demande en paiement de la société Transud Express des prestations effectuées conformément au contrat signé en 2010.

La société Transud Express allègue que la société Conforama applique une retenue de 15 % sur le montant des prestations réalisées sans aucun justificatif contractuel.

La société Conforama France répond que la demande est prescrite et que subsidiairement la société Transud Express ne justifie pas des conditions de rémunération des prestations de livraisons dont elle se prévaut.

Il résulte de l'article L. 133-6 alinéas 2 et 3 du code de commerce que les actions auxquelles le contrat de transport routier de marchandises peut donner lieu se prescrivent dans le délai d'un an à compter du jour où la marchandise a été remise au destinataire.

Il n'est pas contesté que les factures ont été délivrées lors de la livraison des meubles.

La demande en paiement de la société Transud Express est fondée sur un contrat de transport et celle-ci a délivré l'assignation à la société Conforama par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2017. En conséquence, la demande en paiement pour les factures antérieures au 6 novembre 2016 doit être déclarée prescrite.

Des factures ont été établies postérieurement au 6 novembre 2016 jusqu'au mois d'avril 2017, date de la rupture du contrat dont il y a lieu de déterminer le bien fondé.

En vertu de l'article 1235 du code civil dans sa version applicable au litige, tout payement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

En application de l'article 1376 du code civil dans sa version applicable au litige, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Il appartient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées de démontrer le caractère indu du paiement.

Il résulte de l'article 9 du contrat qu'en contrepartie des prestations convenues, le prestataire percevra une rémunération conformément aux conditions financières fixées en appendice 2.

Aucune des parties ne verse aux débats l'appendice 2 du contrat déterminant les conditions financières allouées au prestataire et elles indiquent être dans l'incapacité de le produire.

Il est versé un courriel de la société Conforama du 16 février 2012 aux termes duquel cette dernière fait observer que la société Transud Express n'a pas appliqué sur sa facture de janvier 2012 le pourcentage de sa rémunération à savoir 85 % du prix des livraisons facturées à la clientèle du magasin.

Ce seul courriel est insuffisant pour démontrer que la société Conforama a de sa propre initiative imposé une commission de 15 % à la société Transud Express qui aurait été contrainte de la déduire de ses factures.

Il sera fait observer que la société Conforama ne conteste pas qu'elle prélevait 15 % sur la rémunération octroyée au prestataire conformément aux dispositions contractuelles. Si la société Transud Express établissait ses factures selon les bordereaux de prestations communiquées par la société Conforama, elle ne démontre pas que sa rémunération telle que prévue au contrat ne s'élevait pas à 85 % de la facturation adressée aux clients.

La demande en paiement de la société Transud Express pour les factures établies postérieurement au 6 novembre 2016 sera rejetée.

Sur la demande de la société Transud Express au titre de la rupture des relations commerciales.

La société Transud Express fait valoir que :

- Le contrat la liant à la société Conforama n'est pas un contrat de transport

- La société Conforama qui n'est nullement un opérateur de transport ne peut invoquer les dispositions du décret du 30 décembre 2003 concernant le transport public routier de marchandises exécutées par un sous-traitant.

- Les relations contractuelles ont débuté en 2002, le délai de trois mois que veut appliquer la société Conforama est insuffisant.

- Le préavis aurait dû être de 12 mois.

La société Conforama France répond que :

- L'article L. 442-6, I, 5ème du code de commerce ne s'applique pas à la rupture des relations des transports routiers de marchandises.

- La société Conforama a bien mis en œuvre un préavis raisonnable puisque le préavis stipulé au contrat était d'une durée de trois mois et la société Conforama France a respecté un préavis de trois mois et 10 jours. Aucune circonstance particulière ne justifie l'octroi d'un préavis plus long.

- La société Transud Express ne justifie aucunement du préjudice qu'elle invoque. Elle ne justifie pas des chiffres d'affaires qu'elle prétend avoir réalisé et fournit des documents sans valeur probante.

- La société Transud Express sollicite une indemnisation calculée sur la moyenne de ses trois derniers chiffres d'affaires annuels et non par rapport à une perte de marge brute moyenne.

L'article L. 442-6-I 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige dispose que : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels."

Par courrier recommandé avec avis de réception du 20 avril 2017 adressé à la société Transud Express, la société Conforama a résilié le contrat en date 2 janvier 2010 à effet du 1er août 2017, accordant à sa cocontractante un délai de préavis de trois mois et 10 jours.

Antérieurement au décret du 1er mars 2017, entré en vigueur le 1er mai 2017, instituant un contrat type général de transport, il n'existait pas de contrat type général de transport applicable entre un donneur d'ordre et un transporteur.

Le contrat en cause ayant été conclu pour une durée indéterminée le 2 janvier 2010, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 1er mars 2017, la société Transud Express est fondée à réclamer l'application des dispositions de l'article L. 442-6 -I 5 ° du code de commerce, seules ces dispositions s'appliquant entre les parties.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

La société Transud Express verse aux débats une attestation de son expert-comptable en date du 21 septembre 2017 établissant que les parties entretiennent des relations commerciales régulières depuis l'année 2002.

La société Transud Express, justifie par la production de son journal des ventes, que le chiffre d'affaires réalisé entre l'année 2002 et l'année 2017 s'est élevé à 928 429 euros.

Compte tenu de la nature de l'activité, de la durée des relations commerciales, du flux d'affaires constant, la société Transud Express, pouvait prétendre à l'octroi d'un préavis d'une durée de neuf mois. Ayant bénéficié d'un préavis de 3 mois et 10 jours, l'indemnisation de la société Transud Express sera évaluée sur la base d'un préavis de 5 mois et 20 jours.

Le chiffre d'affaires des trois dernières années d'exercice avec la société Conforama s'est élevé aux sommes suivantes :

2014 - 58.930 € HT

2016 - 63.927 € HT

2017 - 75.700 € HT

Total : 198 557 € / 3 = 66 185 €

La société Transud Express produit ses soldes intermédiaires de gestion sur lesquels apparaît une marge brute globale de 100% qui n'est pas significative compte tenu de l'activité exercée. En effet, pour exercer son activité, la société Transud Express expose des charges humaines et matérielles. Au vu des éléments comptables produits et de la nature de l'activité exercée sa marge sera fixée à 30 % du chiffre d'affaires.

Le préjudice subi est le suivant :

66 185 € : 12 = 5515,41 € X 5 mois = 27577,05 €

20 jours (5515,41€/30 X20) = 3676,80 €

La société Conforama devra verser à la société Transud Express en réparation de son préjudice la somme de 27 577,05 € + 3676,80 € = 31 253, 85€ X 30 % = 9376,15 €

Sur la demande reconventionnelle de la société Conforama en répétition de l'indu.

La société Conforama France affirme que :

-Elle a réglé indûment à la société Transud Express des prestations de pose de cuisines d'un montant supérieur de 9.866,19 euros à ce qui était stipulé au contrat du 12 juin 2013.

-La société Transud Express a reconnu de facto cette surfacturation, puisque depuis le 1er septembre 2017, elle s'est conformée à la tarification convenue au contrat de prestations de poses de cuisine signé le 12 juin 2013 par les parties.

La société Transud Express soutient que :

-  société Conforama ne rapporte aucune preuve d'une surfacturation des prestations de la société Transud Express au titre de la pose de cuisines.

- Le contrat de prestations de services est distinct du contrat de pose de cuisines.

- Ils ont reçu une application et une facturation distinctes.

- Elle a établi des factures correspondant aux montants qui lui étaient indiqués par les services de la société Conforama sur les relevés qu'elle recevait chaque mois.

La société Conforama France reproche à la société Transud Express depuis la signature du contrat de prestations de pose de cuisines du 12 juin 2013, d'avoir facturé ses prestations de pose de cuisines sur la base de la tarification clientèle et non sur la base de la tarification poseur prévue au contrat.

Le contrat en date du 2 juin 2013 en son appendice 2 prévoit le tarif des prestations de facturation pour la pose des cuisines mais l'appendice 2 n'est de nouveau pas produit. Le litige porte non sur le contrat lui-même mais sur les modalités de sa mise en œuvre.

La société Conforama verse aux débats pour quatre clients le bordereau qu'elle aurait adressé à la société Transud express afin que celle-ci établisse sa facturation et la facture émise par le poseur qui est supérieur. Pour le client [G], la société Conforama aurait transmis un bordereau avec un prix de 1027 € HT et la société Transud express a facturé la prestation 1185 €,07 HT au client.

La société Conforama verse aux débats les devis soumis aux clients. Cependant seuls 3 devis sont signés et ne correspondent pas aux dossiers qu'elle donne en exemple. La société

Conforama a accepté de régler pendant quatre ans des factures ne correspondant pas aux bordereaux qu'elle a adressés à son prestataire, sans démontrer que les bordereaux qu'elle produit et qu'elle a elle-même établis sont ceux qu'elle a adressés à la société Transud express.

Le fait de produire des factures conformes aux bordereaux qu'elle indique avoir adressés à la société Transud Express à compter du mois de septembre 2017 ne démontre pas davantage un défaut de facturation antérieur auquel il aurait été remédié, les pièces produites notamment les bordereaux et les listes des montants facturés aux clients émanant de la société Conforama.

En conséquence, sa demande en restitution de la somme de 9866,19 € au titre de la répétition de l'indu sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Conforama pour procédure abusive.

Il résulte de l'article 1240 du code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

Les prétentions de la société Transud Express ayant été déclarées en partie fondées, la procédure qu'elle a intentée ne peut être considérée comme abusive ouvrant droit à l'allocation de dommages intérêts. En conséquence, la demande de la société Conforama de ce chef sera rejetée.

Sur les demandes accessoires.

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

La société Conforama France qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra verser à la société Transud Express la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Rejette l'exception d'irrecevabilité de la société Conforama relative à la demande en paiement de la société Transud Express,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la SA Conforama France n'a commis aucune faute lors de la résiliation du contrat "Contrat de prestations de services - Livraison, montage et installation des marchandises Conforama" du 2 janvier 2010, rejeté la demande d'indemnisation de la société Transud Express sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales, sur les frais irrépétibles et les dépens,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat du 2 janvier 2010 liant les parties est un contrat de transport et de livraison,

Déclare prescrite la demande en paiement de la société Transud Express pour les factures antérieures au 6 novembre 2016,

Rejette la demande en paiement de la société Transud Express pour les factures postérieures au 6 novembre 2016,

Condamne la société Conforama France à verser à la société Transud Express la somme de 9376,15€ en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale,

Condamne la société Conforama France à verser à la société Transud Express la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Conforama France aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés au profit de Maître Emmanuel Escard de Romavski conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.