CA Douai, 2e ch. sect. 2, 4 décembre 2007, n° 07/00386
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
URSSAF Arras Douai, Ordre des Architectes du Nord Pas de Calais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fossier
Conseillers :
M. Deleneuville, Mme Neve de Mevergnies
Avoués :
SCP Congos-Vandendaele, SCP Cocheme-Kraut-Labadie, SCP Deleforge Franchi
Par jugement du 10 janvier 2007, le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a, sur assignation de l'URSSAF, notamment prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur Sorin P. qui avait exercé comme architecte à titre libéral, et se trouvait alors sans activité indépendante, indiquant qu'il continuait à travailler au sein d'une SARL. Le Tribunal a désigné la SELARL D. et ASSOCIÉS en qualité de liquidateur.
Par déclaration au Greffe en date du 22 janvier 2007, Monsieur Sorin P. a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 10 octobre 2007, il demande la réformation du jugement et le prononcé de l'ouverture d'un redressement judiciaire. Il conclut au rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions contraires.
Il fait valoir, à l'appui de son appel :
- que le tribunal a prononcé une liquidation judiciaire immédiate en se basant sur le fait qu'il avait cessé son activité en libéral et était suspendu par son Ordre ; or, cette suspension doit expirer en novembre 2007, et à compter de cette expiration il entend reprendre son activité,
- que le montant de la créance de l'URSSAF n'est pas définitivement arrêté, de même que celles du Trésor Public et de la Direction des Impôts, qui doivent être fixées à nouveau sur la base de ses revenus réels qui ont été modestes, le défaut des déclarations correspondantes ayant été causé par une situation familiale très difficile lié à son divorce conflictuel et douloureux, et par la mauvaise gestion de son cabinet d'architecte auparavant assurée par son épouse.
L'URSSAF D'ARRAS DOUAI, dans ses dernières conclusions déposées le 4 octobre 2007 émet des réserves sur la recevabilité de l'appel de Monsieur Sorin P. et, subsidiairement, indique s'en rapporter à justice sur la procédure collective qui doit être appliquée à ce dernier, en émettant les plus expresses réserves sur les possibilités de redressement du débiteur. Elle demande que, en toute hypothèse, les dépens de première instance et d'appel soient mis à la charge de Monsieur Sorin P. dont la négligence est, selon elle, à l'origine de la procédure.
La SELARL D. et ASSOCIES représentée par Maître Gérard D. ès qualités de liquidateur de Monsieur Sorin P., dans ses dernières conclusions en date du 4 octobre 2007 demande la confirmation du jugement déféré et, subsidiairement, conclut à l'ouverture d'un redressement judiciaire concernant Monsieur Sorin P.. Elle soutient, à l'appui de sa position, qu'il appartient à Monsieur Sorin P., qui sollicite le bénéfice d'un redressement judiciaire plutôt que l'ouverture d'une liquidation judiciaire, de démontrer que les revenus qu'il pourra dégager d'une reprise d'activité seront suffisants pour répondre de son passif dans le cadre d'un plan.
L'ORDRE DES ARCHITECTES DU NORD PAS-DE-CALAIS, régulièrement assigné à personne habilitée, n'a pas constitué avouer. Il y a donc lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile.
Le dossier de l'affaire a été transmis au Ministère Public selon visa au dossier en date du 28 septembre 2007 ; il n'a pas conclu sur les mérites de l'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'URSSAF ne soulève pas vraiment l'irrecevabilité de l'appel, se contentant d'indiquer que la Cour 'devra se poser la question de (cette) recevabilité' et qu'elle conclut au fond sous réserve de la recevabilité de l'appel. Au surplus, elle met en avant le fait que Monsieur P. ne pourrait justifier d'un grief causé par le jugement rendu, dès lors qu'il l'a été sur ses seules déclarations, ce qui est pour le moins confus. Dès lors, la Cour n'étant pas réellement saisie d'une exception d'irrecevabilité, il n'y a pas lieu d'en examiner les éléments dans le cadre de la présente décision.
Sur le fond
Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur (...) qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; elle peut donner lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation. Selon l'article L. 631-2 du code déjà cité, cette procédure est applicable notamment à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale. Enfin, l'article L. 640-1 du même code prévoit qu'il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte aux mêmes débiteurs, et notamment aux professions libérales, qui sont en état de cessation des paiements et dont le redressement apparaît manifestement impossible.
En l'espèce, l'état de cessation de paiement de Monsieur Sorin P. n'est pas contestable, et n'est pas contesté par lui. Il est constant, en effet, que, notamment, Monsieur Sorin P. doit des cotisations impayées à l'URSSAF même si, d'après lui, le montant doit en être revu à la baisse au vu des déclarations de ses revenus professionnels qu'il avait omis de faire pour les périodes correspondantes (depuis le 2nd trimestre 2002). Or, il ne possède à ce jour aucun actif disponible, ses comptes bancaires ayant notamment été clôturés et son activité à titre personnel ayant cessé au jour où le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a statué. L'ouverture d'une procédure collective pour le règlement de ses dettes est en conséquence inéluctable. En revanche, s'agissant de l'option entre redressement ou liquidation judiciaire, la SELARL D. et ASSOCIES inverse la charge de la preuve lorsqu'elle fait valoir qu'il appartient à Monsieur Sorin P. de démontrer que, par ses revenus, il pourra faire face à son passif dans le cadre d'un plan. En effet, en cas de cessation des paiements, le redressement judiciaire est la règle, et la liquidation judiciaire l'exception, cette dernière ne pouvant être prononcée que si le redressement du débiteur est manifestement impossible. Sur ce dernier point, Monsieur Sorin P. établit, par les pièces qu'il a produites aux débats en cours de délibéré ainsi qu'il en avait reçu l'autorisation, d'une part que les sommes qu'il doit à l'URSSAF et à l'administration fiscale sont moins importantes, en réalité, que celles qui ont été déclarées et qui reposaient sur des taxations d'office à défaut de déclarations, d'autre part que la suspension d'exercice à titre personnel, dont il faisait l'objet de la part de son ordre professionnel, prend fin à la date du 1er décembre 2007, ce qui doit lui permettre de reprendre cette activité à titre libéral, et qui, en conséquence, rend possible l'éventualité d'un plan de redressement.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, pour la plupart nouveaux depuis que le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a rendu sa décision, que la procédure collective qui doit être ouverte concernant Monsieur Sorin P. est un redressement judiciaire et non pas une liquidation judiciaire. Il y a donc lieu de statuer en ce sens, selon des modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt.
La négligence de Monsieur Sorin P. dans l'élaboration et la remise de ses déclarations de revenus et dans le paiement de ses cotisations ordinales et d'assurance, ayant été à l'origine de la procédure et du recours, il y a lieu de mettre à sa charge les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'état de cessation de paiement de Monsieur Sorin P. et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 22 novembre 2006.
L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau :
PRONONCE l'ouverture d'un redressement judiciaire concernant Monsieur Sorin P., architecte à ARRAS.
OUVRE une période d'observation d'une durée de 6 mois, à la fin de laquelle l'affaire sera réexaminée à l'audience du Tribunal de Grande Instance d'ARRAS, audience pour laquelle les parties seront convoquées par les soins du Greffe de cette dernière juridiction. Dit qu'à cette audience, le débiteur fera rapport sur la nécessité de poursuivre ou non la période d'observation.
AUTORISE, pendant ce délai, la poursuite de l'activité.
DÉSIGNE la SELARL D. et ASSOCIES représentée par Maître Gérard D., dont l'étude est à [...], en qualité de mandataire judiciaire.
DÉSIGNE Madame Elisabeth G., vice-présidente au Tribunal de Grande Instance d'ARRAS, en qualité de juge-commissaire.
DÉSIGNE Me Alexis D., commissaire-priseur à BETHUNE, pour réaliser l'inventaire et la prisée prévus par l'article L. 622-6 du code de commerce.
FIXE à huit mois à compter du terme imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances, le délai dans lequel la SELARL D. et ASSOCIES ès qualités devra établir et déposer la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi, devant la juridiction compétente.
CONSTATE qu'il n'y a pas, à ce jour, de salariés, et qu'il n'y a donc pas lieu à désignation d'un des leurs comme représentant.
DIT que la publicité de la décision se fera conformément aux articles R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce, à la diligence de Monsieur ou Madame le Greffier du Tribunal de Grande Instance d'ARRAS.
CONDAMNE Monsieur Sorin P. aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI et de la SCP COCHEMÉ-KRAUT-LABADIE, avoués, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.