Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 décembre 2022, n° 20/08997

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mon Bizdev (SARL)

Défendeur :

Zinio International (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Bellichach, Me Rota, Me Thibault

T. com. Paris, du 25 juin 2020, n° 20180…

25 juin 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société Zinio International (la société Zinio), qui fournit à des éditeurs de magazines des services d'édition de presse numérique, a confié à la société STS Technologies (la société STS) des missions de représentation, prospection et développement à compter du 15 septembre 2008.

Le 30 mars 2016, les parties ont conclu un contrat intitulé 'contrat d'agent commercial', à échéance au 31 décembre 2017, qui n'a pas été renouvelé par la société Zinio.

Le 21 février 2018, la société STS a mis en demeure la société Zinio de lui payer une indemnité au titre de la rupture du contrat d'agent commercial.

Par acte du 17 juillet 2018, la société STS a assigné la société Zinio en paiement de sommes.

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société STS de sa demande de qualification de ses relations avec la société Zinio entre le 15 septembre 2008 et le 31 décembre 2017 en tant qu'agent commercial ;

- débouté la société STS de sa demande d'exécution forcée de son contrat du 30 mars 2016 avec la société Zinio ;

- débouté la société STS de sa demande de 178 070,04 euros HT à titre d'indemnité de cessation du contrat ;

- débouté la société STS de sa demande de rappel de commissions et de communication de pièces ;

- débouté la société STS de sa demande de dommages et intérêts de 5 000 euros ;

- condamné la société STS à payer à la société Zinio la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné la société STS aux dépens.

Par déclaration du 9 juillet 2020 enregistrée sous le n° 20/08997, et déclaration du 15 juillet 2020 enregistrée sous le n° 20/09453, la société STS a interjeté appel en visant tous les chefs de dispositif du jugement.

La jonction des deux procédures a été ordonnée le 24 septembre 2020.

Par ses dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2022, la société STS, devenue la société Mon Bizdev, demande, au visa des articles 10, 11, 145, 564, 565, 696, 700, 873 alinéa 2 et 873-1 du code de procédure civile, 1134, 1147, 1153, 1154 et 1382 anciens du code civil, L. 134-1 et suivants, R. 134-3 alinéa 2 et L.442-6, I, 5° du code de commerce, de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement ;

- statuant à nouveau, à titre principal,

- condamner la société Zinio à lui payer la somme de 178 070,04 euros HT, à titre d'indemnité de cessation du contrat, ainsi qu'au rappel de commissions ;

- dire et juger que les intérêts de ces sommes seront dus à compter du 21 février 2018, date de la mise en demeure ;

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux ;

- ordonner, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à la société Zinio de communiquer :

* un relevé exhaustif et certifié conforme par l'expert-comptable de la société Zinio, de l'ensemble des contrats conclus, entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2018, avec des éditeurs auprès desquels elle est intervenue dans le cadre de son mandat, et de l'ensemble des commandes prises et livrées aux éditeurs auprès desquels elle intervenait, sur la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2018, ainsi que toutes les factures correspondantes ;

* les factures adressées aux éditeurs relevant du secteur géographique confié, France, Belgique, Luxembourg et Suisse francophone, depuis le 1er janvier 2018 ;

* tout document comptable émanant de la société Zinio, nécessaire à la vérification du montant des commissions qui resteraient dues ;

* le détail du calcul de la commission qu'elle entendait lui verser au titre du mois de janvier 2018, par application de la clause de retour sur échantillonnage prévue à l'article 9 du contrat d'agence commerciale ;

- se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;

- lui donner acte qu'elle se réserve de chiffrer sa demande de rappel de commissions au vu des justificatifs qui lui seront communiqués ou à défaut, de manière forfaitaire.

- à titre subsidiaire, condamner la société Zinio à lui payer la somme de 147 931,38 euros HT, à titre d'indemnité de cessation du contrat par application de l'article 12 du contrat d'agence commerciale, avec intérêts à compter du 21 février 2018, capitalisés, ordonner la communication des pièces, sous astreinte, en se réservant la liquidation, et lui donner acte qu'elle se réserve de chiffrer sa demande de rappel de commissions ;

- à titre très subsidiaire, sur la responsabilité de la société Zinio au titre de la brutalité de la rupture de la relation commerciale, condamner la société Zinio à l'indemniser de la perte de marge brute qu'elle aurait pu réaliser pendant la durée du préavis raisonnable qui aurait dû lui être accordé, à savoir 143 391,70 euros, et de son préjudice moral, à savoir 50 000 euros ;

- en tout état de cause, rejeter toutes prétentions adverses ;

- condamner la société Zinio à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive ;

- condamner la société Zinio à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger, qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, les sommes par lui retenues en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par Zinio en sus de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Zinio aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2022, la société Zinio demande, au visa des articles 1134, 1289 et 1728 anciens du code civil, L. 134-1 et L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 563, 564 et 565 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevable la demande de la société STS d'une indemnité de rupture de la relation commerciale sur le fondement de l'ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

- confirmer le jugement ;

- débouter la société STS de ses demandes ;

- condamner la société STS à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société STS aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la qualification des relations contractuelles :

L'article L. 134-1 du code de commerce dispose :

« L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. »

L'agent commercial agit au nom et pour le compte de son mandant, il est un mandataire d'intérêt commun.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Il convient donc de rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles et aux modalités d'exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial.

Les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération commerciale pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues ou des services rendus, ce dont il résulte qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial (Com., 12 mai 2021, pourvoi n° 19-17.042 ; Com., 23 juin 2021, pourvoi n° 18-24.039).

L'absence de pouvoir de signature et de négociation des conditions contractuelles exclut l'existence d'un pouvoir de négociation de celui qui le revendique.

La simple mise en relation sans pouvoir de négociation et de représentation exclut la qualification du contrat d'agent commercial.

En l'espèce, les parties ont conclu le 30 mars 2016 un contrat intitulé 'contrat d'agent commercial' à effet au 1er janvier 2016, pour une durée de deux ans jusqu'au 31 décembre 2017.

Par courriel du 1er octobre 2015 adressant sa proposition de contrat à la société STS, la société Zinio a indiqué avoir voulu 'mettre en conformité avec les dispositions du code de commerce applicable aux agents commerciaux' et 'éliminer le risque d'une requalification en contrat de travail'.

Le contrat, qui a été conclu entre les parties, a fait suite à une succession de contrats à durée déterminée ayant eu pour objet le développement de la société Zinio sur le marché français

(Contrats du 15 septembre 2008, du 4 mai 2010), la représentation de la société Zinio et son développement sur les marchés français, belge, luxembourgeois et suisse (zones françaises) (contrats du 1er octobre 2011, du 1er octobre 2012, du 1er février 2014).

Le contrat du 30 mars 2016 stipule que 'le Mandant confie à l'Agent qui l'accepte, le mandat de le représenter et de développer son projet sur le marché français, belge, luxembourgeois et Suisse (zones françaises)' et qu'il s'agit d'un mandat d'intérêt commun « régi par les articles L. 134-1 à L. 134-17 (loi N° 91-593 du 25 juin 1991) et les articles R. 134-1 et suivants (décret du 10 juin1992, modifiant Ie décret du 23 décembre 1958) du code de commerce ».

Le paragraphe 6 relatif aux obligations de l'agent précise que :

L'Agent fait tous les efforts requis par la diligence professionnelle pour promouvoir le développement des ventes :

- Contacter les éditeurs de magazines aux fins qu'ils deviennent clients du Mandant ;

* liberté de choix des sociétés à contacter

* pouvoir de négociation limitée en ce qui concerne les termes et conditions des contrats (taux de commissions fixées à 50 % des ventes, frais de routage basés sur des tableaux standards de Zinio et frais d'accès (anciennement appelés coût de production) à partir de 85 € par publication par mois

- Contacter les partenaires aux fins qu'ils deviennent clients du Mandant ;

* liberté de choix des sociétés à contacter

* pouvoir de négociation limitée en ce qui concerne les termes et conditions des contrats

- Rencontrer les éditeurs afin de :

* réexaminer périodiquement les conditions de vente

* recueillir les besoins en matière de marketing afin qu'ils soient mis en œuvre par le département marketing de Zinio International

* recueillir les changements de prix et les transmettre aux gestionnaires de compte de la société Zinio internationale.

Il tient le mandant informé de l'état du marché, du comportement de la clientèle et des initiatives de la concurrence. Il met en œuvre tous les soins professionnels requis pour transmettre les informations qu'il recueillera sur la solvabilité des acheteurs pour veiller à la régularité des règlements.

De manière générale, l'Agent jouit du pouvoir de négocier des Contrats pour le compte et au nom de la société Zinio International mais devra obtenir l'autorisation écrite préalable de Zinio international avant de convenir définitivement de leurs conditions'.

Le paragraphe 7, intitulé Conditions d'exercice du mandat', prévoit que :

« L'agent a toute liberté pour organiser les voies et moyens de son bureau, de sa prospection, notamment les visites de la clientèle et leur modalité. Il peut mandater des sous-agents commerciaux. »

« L'agent s'engage à réaliser dans son secteur le chiffre d'affaires minimum de 900'000 $ et il déterminera seules les actions complémentaires de promotion, communication et marketing et supportera tous les frais occasionnés par son activité. »

Le contrat entre l'agent commercial et le mandant est conclu dans l'intérêt commun des parties.

Le contrat, en son article 9, prévoit une 'rémunération sous forme d'un traitement fixe et de commissions.

L'article 11 stipule que, « conformément aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce et au caractère d'intérêt commun du présent mandat, la résiliation du Contrat par le Mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute grave de l'Agent ou un cas de force majeure, ouvrira droit au profit de ce dernier ou de ses héritiers à une indemnité compensatrice du préjudice subi, calculée selon les usages de la profession d'Agent Commercial. »

La société STS soutient qu'elle était chargée de prospecter et de négocier les accords passés avec les éditeurs de magazines et autres partenaires, au nom et pour le compte de la société Zinio.

Elle produit un courriel du 16 décembre 2015 de la société Zinio lui adressant une nouvelle version d'un contrat à utiliser pour tous les nouveaux clients et les renégociations.

Elle prétend qu'elle disposait de la faculté de pouvoir modifier les conditions financières au nom et pour le compte de la société Zinio.

Elle verse divers courriels antérieurs au contrat du 30 mars 2016 révélant qu'elle négociait des contrats avec des clients de la société Zinio, en modifiant au besoin les conditions contractuelles initialement fixées par cette dernière.

Les courriels du 25 octobre 2010, produit par la société Zinio, évoquent une négociation d'un contrat par M. [C] [J] pour le compte de la société Zinio, quand bien même le mode de répartition des recettes a été décidée par cette dernière.

L'adresse mail utilisée par M. [J] est '[Courriel 3]'.

Il ressort d'autres échanges entre M. [C] [J] et la société Zinio en mai 2018 que M. [C] [J] a négocié des contrats qu'il soumettait à l'approbation de la société Zinio avant leur signature par cette dernière.

Aux termes de son courriel du 21 novembre 2017 adressé à M. [J] de la société STS, la société Zinio relate, avant d'évoquer des points de discussion, que :

« Depuis plusieurs années, nous collaborons ensemble dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale avec ta société. Tu exerces ton activité librement, via ta société STS Technologies France et s'agissant de nos accords, tu as une marge de manœuvre des plus étendues »

Les différents remaniements intervenus dans les modalités d'exécution de nos accords commerciaux ont toujours été convenus ensemble, en fonction des souhaits de chacun, dans le cadre d'un accord commun afin que tu puisses toujours être en mesure de réaliser le mandat que nous t'avons confié.

Tu as toujours su t'organiser comme bon te semblait, sans forcément nous tenir informé de façon régulière de tes actions, ce qui ne nous a jamais dérangé, tels étaient les termes de nos accords dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale.

Tu n'as jamais été contraint à une quelconque politique, organisation ou fonctionnement de quelque sorte que ce soit de notre part.'

Il résulte des éléments produits que la société STS ne se bornait pas à une mise en relation de la société Zinio avec les sociétés éditrices et une transmission d'informations, mais menait des discussions commerciales et négociait, au nom et pour le compte de la société Zinio, les conditions contractuelles avant de les soumettre à cette dernière qui signait les contrats.

La société STS a recherché des clients pour la société Zinio, en qualité de mandataire, et en disposant du pouvoir de négocier et de représenter la société Zinio, et de manière indépendante et permanente depuis le début de leurs relations en septembre 2008.

La qualification de contrat d'agent commercial sera dès lors retenue.

- Sur la rupture du contrat d'agent commercial :

La qualification du contrat d'agence commerciale emporte obligatoirement application des articles L. 134-11 et 12 du code de commerce, lors de la cessation du contrat.

L'article L. 442-6 I 5 du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant, la durée de préavis devant être respectée à cette occasion étant fixée par l'article L. 134-11 du code de commerce.

* Sur l'indemnité compensatrice :

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'en 'cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.'

En l'espèce, les relations entre les parties, qui ont commencé en septembre 2008, ont cessé à l'arrivée du terme du 31 décembre 2017 du contrat d'agence commerciale du 30 mars 2016 conclu pour une durée déterminée.

Il convient d'évaluer le préjudice en prenant en compte deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années, soit, au regard des éléments produits par la société STS, et non contestés par la société Zinio, un montant de 178 070,04 euros ([(119 173,68 + 99 513,93 + 48 417,45) / 3] x 2 = 178 070,04).

En conséquence, le jugement sera infirmé, et la société Zinio sera condamnée à payer à la société STS la somme de 178 070,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice.

Cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 février 2018.

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 17 juillet 2018, date de la demande de capitalisation.

* Sur les commissions postérieures à la rupture :

L'article L. 134-7 du code de commerce dispose que « pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. »

L'article R.134-1 du même code précise que « l'agent commercial communique à son mandant toute information nécessaire à l'exécution de son contrat. »

L'article suivant prévoit :

'Le mandant met à la disposition de l'agent commercial toute documentation utile sur les produits ou services qui font l'objet du contrat d'agence. Il communique à l'agent commercial les informations nécessaires à l'exécution du contrat. Il l'avise dans un délai raisonnable, notamment s'il prévoit que le volume des opérations sera sensiblement inférieur à celui auquel l'agent commercial aurait pu normalement s'attendre.

Il informe également l'agent commercial, dans un délai raisonnable, de son acceptation, de son refus ou de l'inexécution d'une opération que celui-ci lui a apportée.'

Aux termes de l'article R. 134-3, « le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.

L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. »

Il résulte de ces dispositions que le mandant est tenu de communiquer à l'agent commercial, qui est en droit de l'exiger, tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues dont il a demandé la production.

L'article 9 du contrat d'agent commercial stipule que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'Agent a droit à la commission soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable (3 mois) à compter de la cessation du contrat, soit lorsque dans les conditions prévues à l'article précédent, l'ordre du tiers a été reçu par le Mandant ou par l'Agent avant la cessation du contrat d'agence.

La commission sera due pour toutes les commandes livrées 12 mois après la fin du contrat.

La société STS fait observer qu'en janvier 2018, elle a perçu une commission nettement inférieure à celle de décembre 2017, alors que le chiffre d'affaires de la société Zinio avait augmenté.

À la sommation délivrée par la société STS de communiquer les contrats conclus entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2018 à l'occasion desquels elle était intervenue dans le cadre de son mandat, les commandes et les factures correspondantes, ainsi que tout document comptable permettant de vérifier le montant des commissions qui resteraient dues, la société Zinio a répondu qu'elle n'avait « signé aucun nouveau contrat ou commande au cours du premier trimestre de 2018 », et qu'elle n'avait donc « rien à envoyer ni documentation à préparer ».

La société Zinio n'a produit aucun élément comptable et n'a pas satisfait ainsi à son obligation d'information permettant de vérifier le droit aux commissions dues, postérieurement à la résiliation du contrat, et leur montant.

La société STS déclare se réserver le chiffrage de sa demande en rappel de commissions au vu des justificatifs qui devront lui être communiqués, ou à défaut de manière forfaitaire.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société STS de rappel de commissions et de communication des pièces, sera infirmé.

Il convient d'ordonner à la société Zinio de communiquer à la société STS :

* un relevé exhaustif et certifié conforme par l'expert-comptable de la société Zinio, de l'ensemble des contrats conclus, entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2018, avec des éditeurs auprès desquels la société STS est intervenue dans le cadre de son mandat, et de l'ensemble des commandes prises et livrées aux éditeurs auprès desquels elle intervenait, sur la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2018, ainsi que toutes les factures correspondantes ;

* les factures adressées aux éditeurs relevant du secteur géographique confié, France, Belgique, Luxembourg et Suisse francophone, depuis le 1er janvier 2018 ;

* tout document comptable émanant de la société Zinio, nécessaire à la vérification du montant des commissions qui resteraient dues ;

* le détail du calcul de la commission qu'elle entendait lui verser au titre du mois de janvier 2018, par application de la clause de retour sur échantillonnage prévue à l'article 9 du contrat d'agence commerciale.

Il apparaît nécessaire de prévoir une astreinte de 250 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée de trois mois à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur une demande tendant à 'donner acte' qui n'est pas une prétention.

- Sur la demande au titre de la rupture brutale de la relation :

La société STS a formé cette demande à titre subsidiaire.

La société Zinio soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.

La demande principale de la société STS étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande subsidiaire, tant en ce qui concerne sa recevabilité que le cas échéant son bien-fondé.

- Sur la procédure abusive :

Il résulte de l'article 1240 du code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

En l'espèce, la société STS ne justifie pas d'un abus de droit commis par la société Zinio.

Sa demande en paiement de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne ce chef de dispositif.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société STS aux dépens et à payer à la société Zinio la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Zinio, qui succombe, sera tenue aux dépens.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société STS la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

L'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, relatif au droit de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice ayant reçu mandat de recouvrer ou d'encaisser des sommes dues en vertu d'une décision de justice, a été abrogé par décret n° 2014-673 du 25 juin 2014.

Selon l'article R. 631-4 du code de la consommation, lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

En l'espèce, il ne sera pas fait application de ces dispositions.

La demande sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement du 25 juin 2020 du tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la société STS Technologies pour résistance abusive ;

- Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

- Condamne la société Zinio International à payer à la société STS Technologies, devenue la société Mon Bizdev, la somme de 178 070,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice au titre de la cessation du contrat d'agence commerciale, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2018 ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 17 juillet 2018 ;

- Ordonne à la société Zinio International de communiquer à la société STS Technologies, devenue la société Mon Bizdev, sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée de trois mois à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit :

* un relevé exhaustif et certifié conforme par l'expert-comptable de la société Zinio, de l'ensemble des contrats conclus, entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2018, avec des éditeurs auprès desquels la société STS, devenue la société Mon Bizdev, est intervenue dans le cadre de son mandat, et de l'ensemble des commandes prises et livrées aux éditeurs auprès desquels elle intervenait, sur la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2018, ainsi que toutes les factures correspondantes ;

* les factures adressées aux éditeurs relevant du secteur géographique confié, France, Belgique, Luxembourg et Suisse francophone, depuis le 1er janvier 2018 ;

* tout document comptable émanant de la société Zinio, nécessaire à la vérification du montant des commissions qui resteraient dues ;

* le détail du calcul de la commission qu'elle entendait lui verser au titre du mois de janvier 2018, par application de la clause de retour sur échantillonnage prévue à l'article 9 du contrat d'agence commerciale ;

- Se réserve la liquidation de l'astreinte ;

- Condamne la société Zinio International à payer à la société STS Technologies, devenue la société Mon Bizdev, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;

- Rejette la demande de la société STS Technologies, devenue la société Mon Bizdev, au titre des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement ;

- Condamne la société Zinio International aux dépens.