Cass. crim., 9 décembre 2003, n° 02-87.526
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Pometan
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Cossa
Sur le premier moyen de cassation, pris des articles 314-7 du Code pénal, 1382 du Code civil, 459, alinéa 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Serge X... coupable d'organisation frauduleuse d'insolvabilité ou d'aggravation et Laure Y... coupable de complicité de cette même infraction et les a condamnés à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans avec obligation d'indemniser la partie civile et sur les intérêts civils à payer à Olav Z... la somme de 12 195,93 euros à titre de dommages-intérêts ;
"alors que, 1 ) l'infraction définie à l'article 314-7 du Code pénal n'est constituée que si la dette pour laquelle le prévenu à organisé ou aggravé son insolvabilité est certaine ; qu'en l'espèce, avant le jugement du 20 septembre 1994 condamnant Serge X... à payer la somme de 2 010 818,70 francs à Olav Z..., ce dernier ne pouvait pas se prévaloir d'une créance certaine ; qu'ainsi les opérations effectuées par Serge X... avant le 20 septembre 1994, et notamment la vente de l'immeuble de Boissy-Mauvoisin et de la propriété des Alluets le Roi ou la disposition de 250 000 francs sous couvert d'un faux remboursement ne sont pas constitutifs d'actes ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction reprochée et sa complicité en tous leurs éléments ;
"alors que, 2 ) selon l'article 314-7 du Code pénal, le débiteur doit effectuer lui-même les actes ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité ; qu'en l'espèce, Serge X... n'est pas à l'origine de la vente de la propriété des Alluets le Roi par Uniphenix ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction reprochée et sa complicité en tous leurs éléments ;
"alors que, 3 ) en retenant comme actes d'aggravation d'insolvabilité le rachat le 3 mars 1997 de la propriété des Alluets le Roi par la SCI Alex ainsi que les opérations liées à la gestion de cette société, notamment le non-paiement des loyers ou la non réintégration dans la part des associés de la SCI Alex de la somme de 300 000 francs, alors que l'acte de saisine était limité à la période comprise entre juin 1992 et décembre 1996, les juges ont excédé leurs pouvoirs ;
"alors que, 4 ) en retenant comme acte d'aggravation d'insolvabilité la soustraction du produit des ventes de véhicules remis à Laure Y..., en fonction des urgences, notamment le paiement des échéances, alors que ces faits ont déjà donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée du chef d'abus de confiance, la cour d'appel a violé le principe non bis in idem ;
"alors que, 5 ) les juges du fond ont l'obligation de répondre aux moyens péremptoires présentés par la défense ; qu'en l'espèce, Laure Y... faisait valoir dans ses conclusions que, dans le cadre de la condamnation de Serge X... au profit d'Olav Z..., celui-ci a fait l'objet d'une mesure de sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans ; qu'elle a ajouté que Serge X... s'est totalement conformé à ses obligations et notamment dédommagé Olav Z... à raison de 2 000 francs par mois et qu'en conséquence, l'infraction poursuivie à l'encontre de Serge X... et pour laquelle Laure Y... a été condamnée par le tribunal en qualité de complice n'est pas constituée dans son élément matériel ; qu'en laissant sans aucune réponse ce moyen péremptoire de défense invoqué par la prévenue dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 459, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
"alors que, 6 ) l'organisation ou l'aggravation frauduleuse d'insolvabilité suppose que les actes reprochés ont effectivement permis au débiteur de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ; qu'en se bornant à relever que le créancier n'avait pas eu les mêmes chances d'être remboursé que les autres créanciers, sans rechercher si, en l'absence des actes reprochés aux prévenus, il aurait effectivement obtenu un remboursement de sa créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 1382 du Code civil, 459, alinéa 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Laure Y... coupable du délit d'escroquerie ;
"aux motifs qu'il résulte de l'exposé des faits que Laure Y... a sciemment depuis temps non couvert par la prescription en 1996 et en tout cas jusqu'au 3 mars 1997, date de conclusion du contrat de rachat de la propriété des Alluets par la SCI Alex pour 1,5 millions de francs, sur la base d'un crédit de 1,2 millions de francs accordés par la banque de San Paolo, produit l'ensemble des documents faux, énoncés au paragraphe 9 de l'exposé des faits ; la fausseté des documents est établie ; ces documents que la banque a cru vrais ont déterminé cette dernière à accorder le prêt de 1,2 millions de francs puisqu'ils justifiaient de la valeur du bien et de l'auto-capacité de la SCI Alex à financer les remboursements ; le préjudice était certain, dès lors que la valeur de la propriété n'était pas conforme à l'évaluation de complaisance et qu'il n'y avait eu aucune capacité d'auto financement des remboursements par la SCI Alex, dont Laure Y..., et Serge X..., savaient qu'elle ne percevait aucun loyer ; il importe peu que la victime de l'escroquerie, caractérisée, n'ait pas déposé plainte ;
"alors que, 1 ) de simples mensonges écrits, qui ne sont accompagnés d'aucun fait extérieur, acte matériel, mise en scène ou intervention de tiers ayant pour but de leur donner force et crédit, ne sont pas constitutifs de manoeuvres frauduleuses ; qu'ainsi, en se bornant à faire état de faux documents adressés par la prévenue auprès de la banque en vue d'obtenir un prêt, sans constater l'existence d'aucun fait extérieur, acte matériel, mise en scène ou intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence de manoeuvres frauduleuses, et n'a, dès lors, pas donné de base légale à sa décision ;
"alors que, 2 ) les juges du fond ont l'obligation de répondre aux moyens péremptoires présentés par la défense ; qu'en l'espèce, Laure Y... faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées que les documents litigieux n'ont pas eu un rôle déterminant dans la remise de fonds par la banque et que de surcroît celle-ci entendait de toute façon consentir ce prêt dans le cadre d'une politique commerciale ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces arguments péremptoires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors que, 3 ) en l'absence d'un préjudice qui aurait porté atteinte à la fortune d'autrui, le délit d'escroquerie n'est pas constitué ; qu'en l'espèce, les échéances du prêt contracté ayant toujours été honorées, la banque n'a subi aucun préjudice ; qu'ainsi le délit n'est pas constitué" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.