Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-85.174
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Desgrange
Avocat général :
M. Lucazeau
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Boucard
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 465-1, L. 465-2, L. 465-3 du code monétaire et financier, du règlement 90-04 de la commission des opérations de bourse, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du magistrat instructeur ayant dit n'y avoir lieu à suivre sur la plainte déposée par la société Portfolio Profile Asset Company (PPA), le 24 septembre 2001, des chefs de délit d'initié, de diffusion d'informations fausses ou trompeuses et de manipulation de cours ;
"aux motifs que les transactions visées par la partie civile ont fait l'objet d'une analyse précise de la commission des opérations de bourse ; que le juge d'instruction a valablement pu conclure, au vu de ces éléments déjà analysés, qu'aucun élément de l'enquête ne permettait d'établir les faits de délit d'initié, eu égard notamment aux volumes traités et aux dates et à l'objet des interventions ;
"alors qu'est insuffisamment motivé l'arrêt qui, pour confirmer une ordonnance de non-lieu du chef de délit d'initié, se borne à renvoyer à un tableau annexé à un rapport de la commission des opérations de bourse, sans aucunement l'analyser, et à faire référence, sans autre précision, aux volumes traités et à l'objet des interventions ;
"aux motifs que le délit de manipulation des cours n'est caractérisé que si la manoeuvre a été employée, non seulement en connaissance de cause, mais aussi dans le but d'entraver le fonctionnement du marché et d'induire autrui en erreur ; que l'enquête de la commission des opérations de bourse a précisément mis en lumière que l'impact sur les cours des interventions n'avaient pas été très important ; que, selon une première méthode de calcul, cet impact est chiffré à 0, 74%, tandis que selon une autre méthode, l'impact est chiffré à 3,8% et 0,8% pour les deux journées simulées ; qu'en effet, la majeure partie des opérations sont intervenues hors marché ; que Mme X..., entendue en sa qualité de cadre de la BNP Paribas ayant connu de l'opération, expliquait que, si l'opération avait porté sur un total de 12 300 000 titres, « seulement 2 000 000 ont été effectivement cédés sur le marché, lissés sur vingt jours et représentant seulement moins de 5% du volume quotidien échangé sur cette période » ; que la partie civile ne produit aucun élément de nature à contester utilement ce constat, se contenant d'alléguer, sans le démontrer que des cessions massives aux fixings d'ouverture permettaient d'abaisser le cours de souscription ; que tout au contraire, les enquêteurs de la commission des opérations de bourse ont pu noter que les variations du cours étaient à corréler avec des communiqués de la société Carrefour annonçant de mauvais résultats ; que l'enquête de la commission des opérations de bourse a permis de conclure que les transactions intervenues étaient justifiées et légitimes au regard de l'objectif de mise en place d'une couverture et qu'en conséquence l'intention d'induire autrui en erreur ne pouvait être caractérisée ; qu'en l'état de ces éléments, c'est à juste titre que le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre de ce chef ;
"alors que, devant les juges du fond, la société PPA faisait valoir qu'en achetant au fixing ses propres titres, la société Carrefour avait méconnu les dispositions du règlement 90-04 de la commission des opérations de bourse interdisant à l'émetteur d'agir sur son propre compte, en séance et au fixing, pendant la période comprise entre la date à laquelle cet émetteur a connaissance d'une information qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une influence significative sur le cours des titres de l'émetteur et la date à laquelle cette information sera rendue publique ; qu'en excluant toute manipulation de cours sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"aux motifs que la partie civile soutient que la préconisation de conserver le titre Carrefour émise par les analystes de BNP Paribas Equities du 15 janvier 2001, avec mention d'un objectif de cours à 90 euros, s'expliquait par une volonté d'induire en erreur le marché, soutenant « l'inverse de ce qu'elle provoquait pour éloigner des soupçons éventuels et montrer sa bonne foi » ; que, cependant, en l'absence de manipulation de cours démontré, ce raisonnement est sans cause ; que la partie civile souligne « qu'un vendeur à découvert ne peut gagner que si le cours remonte après avoir baissé... une chute rapide du cours du titre est à la fois suspecte et contre-productive » ; que, cependant, l'analyse des transactions n'a pas permis de relever de manoeuvres, notamment de rachats massifs suivant les ventes ; que, dans ces conditions, les explications données par la banque sur une analyse financière sans corrélation avec l'opération d'augmentation de capital sont crédibles, s'agissant d'entités distinctes au sein du groupe ; que le délit n'est ainsi pas caractérisé ;
"alors que la cassation à intervenir sur le moyen relatif à la manipulation de cours entraînera celle du chef de l'arrêt relatif à la diffusion de fausse nouvelle, la banque BNP Paribas ayant diffusé des nouvelles inexactes précisément pour dissimuler les manipulations de cours auxquelles elle se livrait ;
"et aux motifs que la démonstration de la partie civile suppose préalablement une manipulation des cours et une volonté de tromper les marchés ; que, pour les motifs ci-dessus développés, aucun montage frauduleux ne peut être caractérisé, les ordres passés étant justifiés par la nécessité de mettre en place un mécanisme de couverture de risque ;
"alors que, devant les juges du fond, la société PPA faisait valoir que l'escroquerie commise par la société BNP Paribas consistait en la réalisation de ventes à découvert sans risque par le biais du rachat, lors du débouclage de l'opération, des actions des salariés à un prix artificiellement minoré ; qu'en écartant l'infraction d'escroquerie, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Portfolio Profil Asset company Ltd (PPA), dont le siège social est aux Iles Vierges et le siège administratif au Luxembourg, a porté plainte et s'est constituée partie civile, le 25 septembre 2001, contre personne non dénommée, des chefs de délit d'initié, manipulation de cours et diffusion d'informations trompeuses ; qu'elle exposait, au soutien de sa plainte, que, gestionnaire de portefeuilles boursiers, elle avait, en novembre 2000, acheté six cent mille actions de la société Carrefour au prix moyen de 72,09 euros qu'elle avait dû revendre en janvier 2001, au prix moyen de 60,47 euros, ce qui avait généré pour elle une perte estimée à 7 722 144 euros ; que la plaignante considérait cette perte comme étant la conséquence directe d'une manipulation de cours de l'action Carrefour organisée par cette société et la banque BNP Paribas, caractérisée par des échanges anormaux sur ce titre entre les 8 novembre et 5 décembre 2000 ; qu'elle estimait encore que les sociétés Carrefour et BNP Paribas avaient bénéficié d'informations privilégiées et que cette banque avait diffusé de fausses informations avec la complicité la société Carrefour en publiant un objectif de cours de 90 euros ;
Attendu que l'information a établi que les transactions dénoncées ont eu lieu dans le contexte d'une augmentation de capital de la société Carrefour, réservée à ses salariés, que les interventions tant de cette société que de la banque étaient justifiées par la nécessité de mettre en place des opérations de couverture et que la baisse du titre était due aux mauvais résultats de la société en octobre 2000 ; qu'au terme de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ;
Attendu que pour confirmer cette ordonnance, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés ni toute autre infraction, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.