CJCE, 1re ch., 13 octobre 1992, n° C-50/91
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Commerz-Credit-Bank AG — Europartner
Défendeur :
Finanzamt Saarbrücken
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rodríguez Iglesias
Juges :
M. Joliét, M. Edward
Avocat général :
M. Jacobs
LA COUR (première chambre),
1 Par ordonnance du 31 octobre 1990, parvenue à la Cour le 4 février 1991, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indi rects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25, ci-après « directive 69/335 »).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Commerz-Credit-Bank AG — Europartner (ci-après « Europartner ») au Finanz amt Saarbrücken (ci-après « Finanzamt ») à propos du taux auquel a été taxée une opération réalisée lors de la fondation de cette société.
3 A cette époque, la Commerzbank AG (ci-après « Commerzbank »), l'un des actionnaires d'Europartner, a fait à cette société l'apport de cinq succursales situées dans la Sarre (Allemagne) et qui lui appartenaient. Europartner a demandé que l’apport de ces succursales soit taxé au taux réduit (0,50 %) qui était prévu, au moment des faits, à l'article 9, paragraphe 2, point 3, de la loi allemande relative à l'impôt sur les mouvements de capitaux (Kapitalverkehrsteuergesetz) « En cas de prise de participation dans une société de capitaux de la République fédérale d'Allemagne, si, et dans la mesure où, cette société reçoit en contre partie ... une partie d'entreprise ('Teilbetrieb') d'une autre société de capitaux... »
4 Cet article a transposé en droit allemand l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335, aux termes duquel, à l'époque où les faits se sont déroulés, un taux réduit devait être perçu « Lorsqu’une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent... une ou plusieurs branches de leur activité ('Zweige ihrer Tätigkeit'), à une ou plusieurs sociétés de capitaux en voie de création ou préexistantes ».
5 En l'occurrence, le Finanzamt a considéré que les succursales ayant fait l'objet de l'apport ne constituaient pas une partie d'entreprise pouvant se voir appliquer le taux réduit de taxation, dans la mesure où elles n'étaient pas entièrement auto nomes et n'exerçaient pas une activité distincte par nature de celle du reste de l'entreprise.
6 Saisi du litige, le Bundesfinanzhof s'est demandé si la position défendue par le Finanzamt était conforme à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335 et a, dès lors, posé à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes :
« 1) La formule employée à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335/CEE, 'une ou plusieurs branches de leur activité', suppose-t-elle une 'partie d'entreprise', autrement dit une partie de l'ensemble d'une entreprise, dotée d'une certaine autonomie, viable en elle-même et dont les biens servent dans leur globalité à une activité qui se distingue par sa nature de l'activité commerciale du reste de l’entreprise ?
2) Dans l'hypothèse où la première question recevrait une réponse négative :
a) Quels sont les critères essentiels permettant de définir une 'branche d'activité' au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335/CEE ?
b) Une succursale, au sens de l'article 13 du Handelsgesetzbuch, est-elle une 'branche d'activité' au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335/CEE ? »
7 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
8 Par ses questions, la juridiction nationale cherche en substance à savoir si une succursale constitue une branche d'activité au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335.
9 En vue de répondre à ces questions, il y a lieu d'examiner les différentes dispositions ayant institué un régime dérogatoire du droit commun pour la taxation de l'apport d'une ou de plusieurs branches d'activité et d'interpréter la notion considérée à la lumière des objectifs poursuivis par ces dispositions.
10 A cet égard, il convient de relever qu'au moment où se déroulaient les faits de l'espèce au principal l'apport de branches d'activité était taxé au taux réduit (0,50 %) prévu à l'article 7, précité, tel que précisé par l'article 2 de la directive 73/80/CEE du Conseil, du 9 avril 1973, concernant la fixation des taux communs du droit d'apport (JO L 103, p. 15). Cette opération a été ultérieurement exemptée du droit d'apport par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, modifiant la directive 69/335/CEE concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 156, p. 23).
11 Du préambule de ces directives, il résulte que ce régime fiscal dérogatoire a pour objectif d'éviter que soient entravés par des obstacles fiscaux les transferts d'actifs entre sociétés, de façon à favoriser la réorganisation des entreprises, et notamment le regroupement, au sein d'une même entreprise, de diverses entités exerçant des activités identiques ou complémentaires.
12 Afin de donner un effet utile à cet objectif, il convient de définir la notion de branche d'activité contenue à l'article 7, précité, comme visant toute partie d'entreprise, dès lors qu'elle constitue un ensemble organisé de biens et de personnes capables de concourir à la réalisation d'une activité déterminée.
13 Le Finanzamt a fait valoir qu'une partie d'entreprise devait exercer une activité distincte par nature de celle du reste de l'entreprise pour pouvoir être considérée comme une branche d'activité.
1 4 A cet égard, il convient de relever que le régime fiscal favorable octroyé en cas d'apport d'une ou de plusieurs branches d'activité n'est pas lié au nombre d'activités qu'exerçait, au moment de l'apport, la société à laquelle appartenait l'entité faisant l'objet du transfert, mais à la capacité de cette entité à contribuer, par son activité, au développement de l'entreprise à laquelle elle est transférée.
15 Le Finanzamt a encore soutenu qu'une succursale ne pouvait pas constituer une branche d'activité dans la mesure où elle ne disposait pas de la personnalité juridique, était soumise aux instructions de l'établissement principal et utilisait pour effectuer ses opérations les ressources financières mises à sa disposition par cet établissement.
16 Sur ce point, il y a lieu de souligner que l'absence de personnalité juridique ne fait pas obstacle à ce qu'une entité puisse exercer une activité économique et que seul l'exercice de cette activité doit être pris en considération afin de déterminer si une partie d'entreprise constitue une branche d'activité, même si cette activité est financée au moyen de ressources fournies par l'établissement principal ou si elle est exercée par l'entité considérée en exécution d'instructions données par cet établissement.
17 En conséquence, il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction nationale qu'une succursale constitue une branche d'activité au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335, dès lors qu'elle constitue un ensemble de biens et de personnes capables de concourir à la réalisation d'une activité déterminée.
Sur les dépens
18 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 31 octobre 1990, dit pour droit :
Une succursale constitue une branche d'activité au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, dès lors qu'elle constitue un ensemble de biens et de personnes capables de concourir à la réalisation d'une activité déterminée.