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Décisions

Cass. com., 7 décembre 2022, n° 21-17.850

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Blanc

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, SCP Alain Bénabent

T. com. Paris, 13e ch., du 16 oct. 2017,…

16 octobre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2021), soutenant que la société Nestlé France avait, le 31 décembre 2016, rompu de manière brutale la relation commerciale qu'elle entretenait avec elles, la société Karukera logistique (la société Karukera) et la société Madinina logistique (la société Madinina), ainsi que leur société mère, la société Lokama, l'ont assignée en réparation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Nestlé fait grief à l'arrêt de la condamner à payer 406 534 euros à la société Karukera et 434 249 euros à la société Madinina à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, alors « que le préjudice résultant d'une rupture brutale des relations commerciales consiste en la perte de marge qui aurait été réalisée pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté ; que, pour évaluer cette marge, il convient de déduire du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé les charges variables, c'est-à-dire celles ordinairement exposées pour réaliser ce chiffre et qui ne l'ont pas été du fait de la rupture ; qu'il convient ainsi de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation, et notamment les frais de personnel et de loyer normalement nécessaires à la réalisation de ce chiffre d'affaires mais économisés du fait de la rupture ; qu'au cas présent, la société Nestlé faisait valoir que, du fait de la rupture, les sociétés Madinina et Karukera avaient économisé des charges d'exploitation et, notamment, n'avaient plus assumé aucun frais de personnel ni aucun loyer à compter de fin décembre 2016, c'est-à-dire pendant la période d'insuffisance de préavis ; que, pour écarter la déduction de ces charges, la cour d'appel a jugé que "la durée de préavis est déterminée non pas au regard d'un gain manqué mais au regard du délai qui aurait été nécessaire à l'entreprise victime pour se réorganiser ou se reconvertir, cette réorganisation ou reconversion devant se faire notamment en considération du personnel existant au jour de la notification de la rupture, et ce d'autant plus s'il s'agit d'une activité de prestation de service, telles les prestations de logistiques. Dans ces conditions, la charge de personnel est une charge fonctionnelle qui n'a donc pas lieu d'être déduite de la marge brute d'autant que s'agissant de prestations de service, le personnel constitué est indispensable à l'activité. Il en est de même des principales charges d'exploitation" ; qu'en statuant ainsi, cependant que seule était indemnisable la perte de marge, qui impliquait de déduire du chiffre d'affaires les charges d'exploitation économisées du fait de la rupture, et notamment les frais de personnel et de loyers, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 :

3. Il résulte de ce texte que seul doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance de préavis.

4. Pour fixer à 406 534 et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé France aux sociétés Karukera et Madinina du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, après avoir énoncé que le préjudice subi par ces sociétés du fait de la brutalité de la rupture devait être calculé, sur la période d'insuffisance de préavis, au regard de la marge sur coûts variable, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu d'en déduire la charge de personnel, dès lors qu'il s'agissait d'une charge fonctionnelle supportée par les sociétés Karukera et Madinina pour les besoins de leur réorganisation.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, en dépit du jugement du 16 décembre 2016 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, lequel avait condamné une société tierce à reprendre tout le personnel des sociétés Madinina et Karukera avec transfert des contrats au 1er janvier 2017, ces sociétés avaient néanmoins supporté des charges de personnel après cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 406 534 euros et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé France aux sociétés Karukera logistique et Madinina logistique pour rupture de la relation commerciale établie et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.