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Décisions

Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-11.582

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 30 nov. 2018

30 novembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2018) rendu sur déféré et les productions, la SARL I... bâtiment, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) sous le numéro 382 610 814, a, le 10 novembre 2009, assigné la société Nacarat en paiement de diverses sommes au titre d'un marché de travaux.

2. Par une décision de l'assemblée générale de ses associés du 19 décembre 2009, la SARL I... bâtiment a fait apport à la SARL I... BTP, immatriculée au RCS sous le numéro 450 293 873, de sa branche complète et autonome d'activité d'entreprise générale du bâtiment, l'opération étant placée sous le régime des scissions en application de l'article L. 236-24 du code de commerce.

3. Lors de cette assemblée, la SARL I... bâtiment a changé de forme juridique et de dénomination sociale, pour devenir la SAS I.... Le même jour, afin de maintenir une continuité à l'égard des tiers, la SARL I... BTP a adopté l'ancienne dénomination de la société apporteuse et est donc devenue la SARL I... bâtiment.

4. Par un jugement du 18 septembre 2017, la société Nacarat a été condamnée à payer à la société I... bâtiment, sans autre précision, une certaine somme au titre du marché de travaux précité.

5. La SARL I... bâtiment ayant formé un appel contre ce jugement, la société Nacarat a soulevé son irrecevabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société I... bâtiment fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable et de dire n'y avoir lieu à déféré, alors « que la société bénéficiaire d'un apport partiel d'actif selon le régime des scissions acquiert de plein droit la qualité de partie aux instances précédemment engagées par la société apporteuse, à laquelle elle se trouve ainsi substituée à compter de l'approbation de l'opération en assemblée générale, peu important que le jugement frappé d'appel ait été rendu au profit de la société apporteuse après la réalisation de l'apport ; qu'en l'espèce, il était constant et constaté par les juges que, par acte du 19 décembre 2009, l'assemblée générale de la SARL I... bâtiment, inscrite au RCS sous le numéro 382 610 814, et devenue la SAS I... par acte du même jour, avait approuvé l'apport, fait sous le régime des scissions, à la SARL I... BTP, devenue la SARL I... bâtiment immatriculée sous le numéro 450 293 873, de son activité d'entreprise générale de bâtiment ; qu'il en résultait que, à compter de cette date, la nouvelle société SARL I... bâtiment immatriculée sous le numéro 450 293 873 avait qualité et intérêt à interjeter appel du jugement statuant sur les droits nés du contrat de construction conclu par la société apporteuse ; qu'en décidant le contraire, les juges ont violé l'article 546 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 236-4 et L. 236-24 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La société Nacarat conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

8. Cependant, il résulte de l'arrêt et des conclusions d'appel de la SARL I... bâtiment que celle-ci a affirmé qu'elle venait aux droits de la SARL I... bâtiment, devenue la SAS I..., à la suite de l'apport partiel d'actif réalisé le 19 décembre 2009.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 236-3 du code de commerce et L. 236-24 :

10. Aux termes du second de ces textes, la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions applicables en cas de scission par apports à des sociétés à responsabilité limitée existantes.

11. Et selon le premier, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

12. Pour déclarer l'appel formé par la SARL I... bâtiment irrecevable et dire n'y avoir lieu à déféré, l'arrêt, après avoir rappelé que l'assignation avait été délivrée par la SARL I... bâtiment immatriculée au RCS sous le numéro 382 610 814, relève qu'au cours de la procédure devant le tribunal, un nouveau conseil s'était constitué pour la société demanderesse, l'acte de constitution mentionnant le numéro de RCS précité. Il relève encore que les conclusions déposées le 5 janvier 2017 mentionnent ce numéro et ne font pas état de ce que la SARL I... bâtiment, immatriculée sous le numéro 450 293 873, interviendrait aux lieu et place de la SARL I... bâtiment, immatriculée sous le numéro 382 610 814, à la suite d'un apport partiel d'actif ou même qu'elle interviendrait volontairement à ses côtés. Il relève enfin que le jugement mentionne uniquement la société I... bâtiment sans mention d'un changement de dénomination ou d'un apport partiel d'actif et qu'il a été signifié à la société I... bâtiment, immatriculée sous le numéro 382 610 814. L'arrêt retient qu'il ne peut être allégué que le jugement est entaché d'une erreur matérielle dès lors qu'aucune information n'a été communiquée au tribunal avant la clôture des débats sur les changements intervenus entre les sociétés du groupe I... et que la société I... bâtiment ne peut se prévaloir d'une confusion que ses propres conclusions ont contribué à entretenir voire à générer. Il en déduit que le jugement a été rendu avec comme partie la société I... bâtiment, devenue la SAS I..., de sorte que seule cette dernière avait intérêt à faire appel.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la SARL I... bâtiment avait fait apport à la SARL I... BTP de sa branche complète et autonome d'activité d'entreprise générale du bâtiment, l'opération étant placée sous le régime des scissions, au cours de l'instance portant sur le paiement d'une facture relative à un marché de travaux qui relevait, comme telle, de ladite branche d'activité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.