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Décisions

Cass. 2e civ., 17 mars 2011, n° 09-17.439

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Rapporteur :

M. Cadiot

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Douai, du 30 oct. 2009

30 octobre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 octobre 2009) qu'André X..., salarié de la société BP France reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30, a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; qu'à la suite de son décès, ses ayants-droit ont poursuivi la procédure tant à l'encontre de la société BP France (la société cédante) que de la société de la raffinerie de Dunkerque (la société cessionnaire) qui a repris l'établissement aux termes d'un traité d'apport partiel d'actifs postérieur au départ du salarié ;

Sur le moyen unique du pourvoi n°S 09-17.439, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société cédante fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement la mettant hors de cause et de dire qu'elle est tenue de garantir la CPAM de Dunkerque (la caisse) des conséquences de la faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1°/ que si un salarié a la possibilité, pour caractériser une faute inexcusable, d'agir contre tous ceux qu'il estime en être l'auteur, il appartient au juge, en cas de transmission à titre universel de tout ou partie d'une personne morale, de constater que les ayants-cause de celle-ci prennent purement et simplement sa place dans les obligations contractées par la personne cédante et que la dette comprise dans une telle universalité est transférée de plein droit à l'entité recevant celle-ci, de sorte qu'en affirmant que "manquerait en droit" le moyen tiré de l'acte d'apport partiel d'actif du 3 décembre 1991 et en condamnant la société cédante de l'activité où M. X... aurait été exposé au risque, à rembourser à la CPAM les sommes exposées par cette dernière, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1842 du code civil et L. 236-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en affirmant que la procédure de prise en charge devait être conduite à l'égard de la SRD, tout en ayant relevé que la victime avait été de 1951 à 1983 le salarié, non de celle-ci, mais de la société cédante, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement admis que la première entreprise était substituée à la seconde et avait la qualité "d'employeur " au sens des articles L. 451-1, L. 452-2 et L. 452-2, L. 452-3 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'en déclarant cependant que la société cédante ne pouvait pas solliciter sa mise hors de cause faute d'avoir produit le traité d'apport d'actifs du 31 décembre 1991 dont la portée n'était par ailleurs nullement contestée, et qu'elle devait personnellement garantir la caisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu que l'opération de cession partielle d'actif n'ayant pas fait disparaître la personne morale qui avait été l'employeur, lequel demeure responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de sa faute inexcusable en application des dispositions de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale l'arrêt retient exactement que le salarié peut agir en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur qu'il estime auteur de cette dernière, peu important les conventions passées entre ses employeurs successifs, mais qu'il peut également, s'il y a lieu, agir contre le tiers cessionnaire des droits et obligations de toute nature afférents à la branche complète d'activités constituée par l'établissement où il travaillait lors de son exposition au risque considéré ;

Et attendu que l'arrêt relève qu'en réponse à la lettre d'avis de clôture prochaine de l'instruction du dossier de maladie professionnelle et de la possibilité d'en consulter les pièces adressée par la caisse à la société cessionnaire, celle-ci a répondu le 4 octobre 2006 que le dossier était suivi par la société cédante ;

Que de ces constations et énonciations dont il résultait que la société cessionnaire agissait à l'égard de la caisse pour le compte de la société cédante en lui transmettant le courrier et en sollicitant pour elle la transmission des pièces du dossier, la cour d'appel a pu déduire que la société cessionnaire ne s'était pas substituée à la société cédante en qualité d'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'en ses autres branches le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° V 09-17.488, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société cessionnaire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel du décès de M. X... lui soit déclarée inopposable, alors, selon le moyen :

1°/ que les textes relatifs à l'expertise technique prévue par les articles L. 141-1 et R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas à l'expertise sur pièce en cas de décès ; qu'en énonçant, pour considérer que la société SRD n'avait pas à être informée de l'expertise sur pièce préalablement à la décision concernant la pris en charge du décès, que cette expertise serait une expertise mise en oeuvre dans les seuls rapports entre la caisse et l'assuré relativement à une contestation sur l'état de la victime, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles R. 441-10 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale que, chaque fois qu'elle procède à une mesure d'instruction pour pouvoir se prononcer sur le caractère professionnel d'un sinistre déclaré par un assuré ou ses ayants droit, la caisse est tenue d'informer l'employeur préalablement à sa décision de la clôture de l'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief et de la date de sa décision ; que la mise en place d'une expertise médicale sur pièces pour pouvoir se prononcer sur le caractère professionnel du décès d'un assuré et le rapport établi par l'expert constituent des éléments susceptibles de faire grief à l'employeur qui doivent être mis à sa disposition, préalablement à la décision de la caisse relative au caractère professionnel du décès ; qu'en écartant comme inopérant, le moyen de la société SRD tiré de l'absence de convocation à l'expertise et d'information sur son existence, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'une part, que par courrier du 4 juillet 2006 la caisse a informé la société cessionnaire de la décision de refus de prise en charge du décès à titre professionnel à la suite de laquelle elle a ordonné à la demande des consorts X... la mesure d'expertise médicale sur pièces, d'autre part, que par courrier adressé à la société cédante le 29 septembre 2006 à l'adresse du site exploité par la société cessionnaire la caisse a donné avis de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la décision sur le caractère professionnel du décès qui interviendrait le 16 octobre 2006, enfin que la société cessionnaire en a accusé réception à la caisse par un courrier du 4 octobre 2006 mentionnant que le dossier était suivi par le service juridique de la société cédante ;

Et attendu que les droits de la société cessionnaire tels qu'ils résultent des articles R. 441-10 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à l'espèce n'ont pas été méconnus puisqu'elle a été ainsi mise en mesure de consulter le dossier, de prendre connaissance de l'expertise sur pièces et de faire valoir ses arguments pour contester le caractère professionnel du décès durant un délai de quinze jours, nonobstant les considérations inexactes mais surabondantes de l'arrêt sur la nature de l'expertise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.