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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 5 janvier 1995, n° 3194/93

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leredeville

Conseillers :

Mme Masselin, M. Dragne

Avoué :

Me Couppey

Avocats :

Me Langlois, Me Casoni

T. com. Rouen, du 28 juin 1993

28 juin 1993

FAITS ET PROCEDURE

La société en nom collectif RESTOLAND a été placée en redressement puis liquidation judiciaire par jugements du 11 mai 1993. Me Dominique THIRION a été désigné en qualité de mandataire-liquidateur.

A la date d’ouverture de la procédure collective, son gérant - tel que désigné au Registre du Commerce et des Sociétés - était M. Didier PARENT.

Arguant du fait qu’il avait été précédemment remplacé, sans que les formalités de publicité aient été effectuées, ce dernier - ainsi que son épouse - ont fait assigner Me THIRION, ès qualité, devant le Président du Tribunal de Commerce de ROUEN qui, par ordonnance de référé en date du 28 juin 1993, a statué comma suit :

Désignons Me THIRION, en tant que de besoin en qualité de mandataire, afin de procéder aux formalités de publicité de la modification de gérant intervenue aux termes d'un procès-verbal d'assemblée générale en date du 15 février 1992,

Réservons l’application en vertu de l’article 700 du NCPC,

Condamnons les époux PARENT aux entiers dépens liquidés à de la somme de 432,58 francs.

Appelant de cette décision, Me THIRION souligne que les époux PARENT cherchent à obtenir la régularisation d'une formalité antérieure au prononcé de la liquidation judiciaire.

Compte tenu de cette dernière circonstance - ajoute-t-il - la société n'existerait plus. En outre, il serait manifeste que M. PARENT n'aurait d'autre objectif que de tenter de se soustraire à des poursuites initiées par une banque en février 1993.

La Cour devrait donc reformer la décision entreprise et :

Débouter purement et simplement les époux PARENT de leur demande.

Condamner les époux PARENT à payer à Me THIRION la somme de 6 000 francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

Les époux PARENT se sont attachés à réfuter cette argumentation.

Pour eux, il appartiendrait à la Cour de :

Confirmer la décision entreprise,

Recevant toutefois les concluants en leur appel incident en ce qui concerne l’article 700 et les dépens, les y déclarer bien fondés,

Condamner en conséquence Me THIRION, ès qualité, à payer aux concluants une indemnité de 10 000 francs en application des dispositions de l’article 700 du NCPC.

SUR CE, LA COUR

Attendu qu'aux termes de la législation en vigueur (art. 18 et suivants du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ; art 281 et suivants du décret n° 67-236 du 23 mars 1967), le changement de gérant non statutaire d’une société en nom collectif doit donner lieu à une double formalité de publicité, soit :

- I’insertion d’un avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège social ;

- le dépôt, en annexe au Registre du Commerce et des Sociétés, de la délibération de I‘assemblée des associés ; 

Attendu que cette double formalité doit être en principe effectuée à la diligence et sous la responsabilité des représentants légaux de la société (art 20 du premier décret précité, repris en substance à l’article 283 du deuxième décret) ;

Que toutefois :

Lorsqu’elle "a été omise ou irrégulièrement accomplie et si la société n’a pas régularisé la situation dans le délai d’un mois à compter de la mise en demeure à elle adressée, tout intéressé peut demander au président du tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou du président du tribunal de grande instance pour les autres cas de désigner un mandataire chargé d'accomplir la formalité. Le président statue en la forme des référés" ;

Attendu que Me THIRION, ès qualité, ne conteste pas qu’à la date à laquelle la SNC RESTOLAND a été placée en règlement puis liquidation judiciaire :

- M. Didier PARENT avait démissionné des fonctions de gérant qu’il y exerçait et avait été remplacé par M. Daniel MORIN ; que M. PARENT verse d’ailleurs aux débats la copie du procès-verbal de "I‘assemblée générale ordinaire du 15 février 1992 réunie extraordinairement”constatant le changement ;

-  les formalités précitées de publicité n’avaient pas été effectuées ;

Attendu que, nonobstant la mesure de liquidation judiciaire décidée son encontre, la personnalité morale de la société RESTOLAND survit pour les besoins de sa liquidation ;

Que M. PARENT justifie d’un intérêt, ne serait-ce que moral, à ce que soient effectuées les formalités de publicité afférentes à son retrait de la gérance de cette société, et qui :

- contrairement à ce que suggère Me THIRION, ès qualité, ne sauraient en rien lui permettre d’échapper aux responsabilités qu’il a pu éventuellement encourir ;

- sont un préalable à I’exercice de la faculté qui lui est ouverte de solliciter directement la modification correspondante des inscriptions portées au Registre du Commerce et des Sociétés (art. 27 2e alinéa, 1° du décret précité du 30 mai 1984) ; 

Attendu que Me THIRION ès qualité sera donc débouté de son appel et la décision entreprise entièrement confirmée ;

Qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. PARENT les frais irrépétibles qu’il a exposés ; qu’il sera fait droit, comme dit au dispositif, à sa demande formée au titre de I‘article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Rejoint Me THIRION, ès qualité, en son appel,

L'en déboute.

Confirme en toutes ses dispositions I’ordonnance de référés rendue par M. le Président du Tribunal de Commerce de ROUEN le 28 juin 1993,

Dit que Me THIRION, ès qualité, doit payer aux époux PARENT une indemnité de 5 000 francs au titre de I‘article 700 du NCPC,

Laisse à sa charge les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP HAMEL & FAGOO, avoués associés, dans les conditions prévues à I‘article 699 du NCPC.