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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 12 décembre 2022, n° 21/04352

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Comdata Holding France (SAS)

Défendeur :

Volkswagen Group Automotive Retail France (SAS), Volkswagen Group France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mme Simon-Rossenthal, M. Le Vaillant

Avocats :

Me de la Taille, Me Vogel, Me Lallement

T. com. Paris, du 7 juill. 2020

7 juillet 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La société Business Support Services (B2S) était une société qui avait pour activité l'exploitation de centres d’appels et la réalisation de prestations de services de type télévente, télémarketing, sondages, services avant-vente et après-vente en ligne pour le compte de divers clients.

Le 1er décembre 2018, la société B2S a fait l'objet d’une transmission universelle et de son patrimoine à la société par actions simplifiée Comdata Holding France (ci-après désignée “la société Comdata”).

La société Volkswagen Group France (ci-après désignée VGF), représente les intérêts de la société Volkswagen AG en France et y commercialise les produits de cinq marques Volkswagen, Skoda, Audi, Seat et Volkswagen Utilitaires.

En 2000, la société VGF a décidé de procéder à l’externalisation de prestations concernant certains aspects de sa relation avec sa clientèle. Dans le cadre de cette externalisation la société VGF a transféré des salariés au prestataire choisi en recourant à la réversibilité des services.

A la suite d’une première relation avec un tiers prestataire, la société VGF a décidé de réaliser un appel d’offres et a sélectionné la société B2S pour qu’elle prenne la suite du premier prestataire.

En avril 2012, la société B2S a repris du précédent prestataire l'ensemble des salariés affectés à la mission confiée par VGF.

Un contrat de services externalisés a été conclu entre les sociétés VGF et B2S le 11 avril 2013. Ce contrat a pris effet le 1 avril 2012 pour une durée de trois ans, son terme et étant fixé au 31 mars 2015. Les prestations de services confiées à la société B2S étaient divisées en trois lots dénommés lot n° 1 “Centre de contact clients et réseaux Volkswagen Group” (CCC GRC), lot n° 2 “Homologation” et lot n° 3 “Service après-vente de la logistique des pièces de rechange et accessoires” (TCC PRA).

Par avenant du 6 juillet 2016, stipulant une entrée en vigueur rétroactive au 1er avril 2015, les sociétés B2S et VGF sont convenues d’une prolongation du contrat de services externalisés pour une durée de vingt-quatre mois, allant du 1 avril 2015 au 31 mars 2017.

Le 18 décembre 2015, la société VGF a émis un appel d’offres portant sur le lot “CCC GRC”, suivi d’un appel d’offres portant sur les lots “Homologation” et “TCC PRA” émis le 8 avril 2016. La société B2S a présenté une offre de prestations de services pour ces deux appels à candidature mais son offre n’a pas été sélectionnée par la société VGF.

Un litige est survenu entre les parties dans le courant de l’année 2016 sur la terminaison du contrat de services externalisés du 11 avril 2013, la société B2S invoquant le bénéfice d’un droit à reconduction automatique du contrat pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 1 avril 2017, ainsi que sur la mise en oeuvre de la phase de réversibilité prévue dans le contrat et ses annexes.

Par acte du 9 février 2017, la société B2S a fait assigner la société VGF devant le tribunal de commerce de Paris en exécution forcée du contrat et en indemnisation.

Par jugement prononcé le 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

“- Déboute la société Comdata Holding de l’ensemble de ses demandes ;

- Déboute la société Volkswagen de sa demande de condamnation de la société Comdata Holding France à verser une pénalité de 750 000 € ;

- Condamne la société Comdata Holding France à verser à la société Volkswagen Group France une somme de 100 464,07 euros en réparation du préjudice subi ;

- Condamne la société Comdata Holding France à payer la somme de 25 000 € à la société Volkswagen Group France au titre de l’article 700 du CPC ;

- Ordonne I’exécution provisoire ;

- Condamne la société Comdata Holding France aux dépens.”

Par jugement rectificatif prononcé le 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a rectifié les mentions d’identification de la société VGF figurant en première page du jugement du 7 juillet 2020 comme suit : “La société Volkswagen Group France, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 832 277 370, dont le siège social est 11 avenue de Boursonne, 02600 Villers-]Cotterêts venant aux droits de la société anciennement dénommée Volkswagen Group France, inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 602 025 538, à la suite de l’opération d’apport partiel d’actif intervenue au profit de la société Volkswagen Group France.”

Par déclaration du 5 mars 2021, la société Comdata Holding France a interjeté appel du jugement du 7 juillet 2020 et du jugement rectificatif du 19 janvier 2021.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Comdata Holding France demande à la cour de :

“Vu l’article 1134 du code civil (ancien),

Vu les articles 1147 et 1149 du code civil (ancien),

Vu l’article 910-4 du Code de procédure civile,

Statuant sur l’appel interjeté par la société Comdata Holding France à l’encontre du jugement et du jugement rectificatif rendus par le tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2020 et le 19 janvier 2021,

- Déclarer la société Comdata Holding France recevable et bien fondée en son appel ainsi qu’en toutes ses demandes, fins et conclusions qu’il comporte ;

- Déclarer irrecevables les demandes de la société Volkswagen Group France, dirigées contre la société Comdata Holding France et en tout état de cause mal fondées ;

- Déclarer la société Volkswagen Group France (1) et la société Volkswagen Group France (2) irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions qu’ils comportent ;

En conséquence,

 - Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2020, en ce que le Tribunal a :

* débouté la société Comdata Holding France de l’ensemble de ses demandes, et notamment de ses demandes en paiement à titre principal de 5 112 470,02 € à titre de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, de 1 278 117,50 €, et en tout état de cause de 170 581,12 € pour préjudice d’image et coûts des salaires et charges,

* condamné la société Comdata Holding France à verser à la société Volkswagen Group France, la somme de 100 467,07 € en réparation du préjudice subi,

* condamné la société Comdata Holding France à verser à la société Volkswagen Group France, la somme de 25 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l’exécution provisoire,

* condamné la société Comdata Holding France aux dépens ;

- Infirmer le jugement rectificatif rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 19 janvier 2021, en ce que le Tribunal a :

* dit que la société Comdata Holding France est irrecevable en sa demande de rejet des demandes de la société Volkswagen Group France, et l’en a déboutée,

* rectifié, en page 1, la présentation de la société Volkswagen Group France telle qu’actuellement rédigée dans le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2020 (RG N°2017009838) comme suit : "La société Volkswagen Group France, société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 832 277 370, dont le siège social est 11 avenue du Boursonne, 02600 Villers-Cotterêts venant aux droits de la société anciennement dénommée Volkswagen Group France, inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 602 025 538, suite à l’opération d’apport partiel d’actif intervenu au profit de la société Volkswagen Group France”,

* Maintenu dans leur intégralité les autres termes du jugement,

* Ordonné que conformément aux articles 462 et 463 du code de procédure civile, mention de la décision sera portée sur la minute et sur les expéditions du jugement et qu’elle sera notifiée comme celui-ci,

* Autorisé, conformément aux dispositions de l’article 465 du même code, Monsieur le Greffier de ce Tribunal à délivrer une expédition comportant la formule exécutoire,

* Condamné la société Comdata Holding aux dépens ;

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2020, en ce que le Tribunal a :

* Débouté la société Volkswagen Group France de sa demande de condamnation de la société Comdata Holding France à verser une pénalité de 750 000 € ;

 Et statuant de nouveau,

 A titre principal,

 - Déclarer recevable la société Comdata Holding France en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Volkswagen Group France (1) ;

- Condamner la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automobile Retail France à payer à la société Comdata Holding France venant aux droits de la société B2S, la somme de 5 112 470,02 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation caractérisée au droit à reconduction automatique du Contrat ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la société la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automobile Retail France France, à payer la somme de 1 278 117,50 euros à la société Comdata Holding France, venant aux droits de la société B2S à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation caractérisée à son obligation de mettre en œuvre une période de réversibilité de 6 mois à compter du 22 mars 2017 ;

A titre plus subsidiaire, si la Cour devait estimer que la société Volkswagen Group France (2), vient aux droits de la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automobile Retail France,

- Déclarer recevable et bien fondée la société Comdata Holding France en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Volkswagen Group France (2) ;

- Condamner la société Volkswagen Group France (2) à payer à la société Comdata Holding France venant aux droits de la société B2S, la somme de 5 112 470,02 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation caractérisée au droit à reconduction automatique du Contrat ;

A titre infiniment plus subsidiaire,

- Condamner la société Volkswagen Group France (2) à payer la somme de 1 278 117,50 euros à la société Comdata Holding France, venant aux droits de la société B2S à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation caractérisée à son obligation de mettre en œuvre une période de réversibilité de 6 mois à compter du 22 mars 2017 ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automobile Retail France ou à défaut, s’il devait estimer qu’elle venait aux droits de celle-ci, la société Volkswagen Group France (2), à payer à la société Comdata Holding France venant aux droits de la société B2S, la somme de 170 581,12 euros en réparation des préjudices subis liés à son préjudice d’image et aux coûts correspondant aux salaires et charges sociales des salariés protégés entre la date du 31 mars 2017 et la date de leur transfert effectif vers les prestataires entrants ;

- Déclarer irrecevable la Volkswagen Group France (2) et, en tout état de cause, débouter les sociétés Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automotive Retail France, et Volkswagen Group France (2), de toutes demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société Comdata Holding France venant aux droits de la société B2S ;

- Condamner la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automotive Retail France, et la société Volkswagen Group France (2) à payer la somme de 25000 euros à la société Comdata Holding France venant aux droits de la société B2S, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Volkswagen Group France (1), devenue la société Volkswagen Group Automotive Retail France, et la société Volkswagen Group France (2) aux entiers dépens.”

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, la société Volkswagen Group France demande à la cour de statuer comme suit :

“Vu l’article 1134 (ancien) et les articles 1103 et suivants (nouveaux) du code civil,

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 janvier 2021 (RGn°2020029617).

Dire que les demandes de la société Comdata Holding France dirigées contre la société Volkswagen Group Automotive Retail France (RCS n° 602 025 538) sont irrecevables.

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juillet 2020 (RGn°2017009838) et le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 janvier 2021 (RG n°2020029617) en ce qu’ils ont débouté la société Comdata Holding France de toutes ses demandes et condamné la société Comdata Holding France à verser à la société Volkswagen Group France une somme de 25 000 € au titre de l’article 700 CPC et aux dépens.

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juillet 2020 (RG n° 2017009838) en ce qu’il a débouté la société Volkswagen Group France de sa demande de condamnation de la société Comdata Holding France à verser une pénalité de 750 000 €.

Statuant à nouveau

Condamner la société Comdata Holding France à verser une pénalité de 750 000 € à la société Volkswagen Group France pour avoir fait obstacle à la bonne transition avec les vainqueurs de l’appel d’offres.

Débouter la Société Comdata Holding France de toutes ses demandes dirigées contre la société Volkswagen Group France.

Condamner la société Comdata Holding France, à payer à la société Volkswagen Group France une somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Comdata Holding France, aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juillet 2020 (RGn°2017009838) et le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 janvier 2021 (RG n°2020029617) en ce qu’ils ont débouté la société Comdata Holding de toutes ses demandes et condamné la société Comdata Holding France à verser à la société Volkswagen Group France une somme de 100 464, 07 € en réparation du préjudice subi et la somme de 25 000 € au titre de l’article 700 CPC ainsi qu’aux dépens.

Débouter la société Comdata Holding France de toutes ses demandes.

Condamner la société Comdata Holding France à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Comdata Holding France aux entiers dépens.”

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2022.

MOTIVATION

1.- Sur le droit d’agir en demande et en défense de la société Volkswagen Group France inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 832 277 370

Enoncé des moyens

La société Comdata fait valoir qu’il ne résulte pas du traité d’apport partiel d’actifs du 24 octobre 2017 de la société VGF inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 602 025 538 (ci-après désignée “la société VGF 1") à la société VGF inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 832 277 370 (ci-après désignée “la société VGF 2") que cette dernière vienne aux droits de la première au titre de l’exécution du contrat de services externalisés du 11 avril 2013 et de sa terminaison au 31 mars 2017.

Elle soutient qu’il n’est pas établi que la créance litigieuse fait partie de la banche d’activité qui est l’objet du transfert partiel d’actifs. Elle soutient qu’en revanche les droits litigieux ne pouvaient pas faire l’objet d’un transfert alors que, d’une part, les actifs transférés sont uniquement des éléments d’un fonds de commerce, d’autre part, que le contrat de services externalisés était un contrat intuitu personae qui ne pouvait être cédé sans l’accord exprès de la société B2S, qui n’a pas été sollicité, et, enfin, que ce contrat était résilié à la date d’effet de l’apport partiel d’actifs, de sorte qu’il ne faisait pas partie des actifs servant à l’exploitation de la branche d’activité transférée.

En réponse, la société VGF 2 fait valoir que la branche d’activité apportée au titre du traité d’apport partiel d’actifs du 24 octobre 2017 inclut la clientèle du fonds de commerce, que cela inclut nécessairement le contrat de services externalisés conclu avec la société B2S puisqu’il portait sur la gestion de la relation client et qu’en tout état de cause, l’article 9.1 du traité d’apport prévoit expressément que les litiges liés à la branche d’activité apportée sont transférés dans le cadre de l’apport.

Réponse de la cour

Aux termes de l’apport partiel d’actifs convenu entre les sociétés VGF 1 et VGF 2 le 24 octobre 2017, l’opération porte sur “la propriété des biens, droits et obligations, constituant la branche d’activité d’importation et de vente d’automobiles, de camions, de moteurs et de tout matériel industriel s’y rapportant directement ou indirectement, ainsi que les pièces détachées et accessoires (...) des marques appartenant au groupe Volkswagen (...)”.

L’article 6.1 du traité d’apport stipule que : “L’application du régime juridique des scissions emporte transmission universelle à la Société Bénéficiaire de tous les droits, biens et obligations de la Société Apporteuse pour la Branche d’activité faisant l’objet de l’Apport.”

L’article 8 stipule quant à lui que le fonds de commerce transmis comprend notamment la clientèle, l’achalandage et les noms commerciaux des marques du groupe Volkswagen, le bénéfice et la charge de tous les contrats qui auraient pu être conclus ou pris par la société VGF 1en vue de l’exploitation de la branche d’activité apportée et, plus généralement, tous les droits et obligations nécessaires à l’exploitation de cette branche d’activité.

Les services externalisés selon le contrat de prestations de services conclu le 11 avril 2013 entre les sociétés VGF 1 et B2S sont, d’une part, la gestion de la relation clients des marques du groupe Volkswagen, notamment dans son aspect dit d’homologation portant sur le traitement des demandes de clients d’attestation d’identification, de certificats de conformité européenne et de plaques et, d’autre part, le service après-vente de la logistique des pièces de rechange et accessoires des véhicules des marques du groupe Volkswagen pour le réseau de partenaires de VGF (annexe 2 “Descriptions des Services” du contrat de services externalisés).

Il en résulte que les services qui faisaient l’objet du contrat conclu le 11 avril 2013 entre les sociétés VGF et B2S sont indissociables de la branche d’activité de vente et d’importation de véhicules des marques du groupe Volkswagen apportée par VGF 1 à VGF 2.

Or l’article 9-1 du traité d’apport partiel d’actifs précise que les litiges liés à la branche d’activité apportée sont transférés dans le cadre de l’apport, à l’exception des litiges fiscaux ayant leur fait générateur avant la conclusion de l’apport, et que la société VGF 2 est substituée à la société VGF 1 dans ces litiges, tant en demande qu’en défense, devant toutes les juridictions.

Cela inclut donc l’action introduite par la sociétéB2S, à laquelle succède la société Comdata par l’effet, également, d’une transmission universelle de patrimoine, qui porte sur les conditions d’exécution du contrat de services externalisés du 11 avril 2013 lors de la phase de réversibilité et sur sa terminaison.

Le fait que ce contrat ait été stipulé intuitu personae est sans incidence puisque le transfert opéré par l’effet de l’apport partiel d’actifs de la société VGF 1 à la société VGF 2 ne porte pas sur ce contrat, qui était venu à terme au jour de l’opération d’apport convenue le 24 octobre 2017, mais sur le litige lié à ce contrat terminé qui était né avant l’apport. Dans ce cadre, le fait que le contrat terminé avait été conclu en considération de la personne des contractants est sans objet.

Par suite, la société VGF 2 est seule titulaire du droit d’action à l’égard de la société B2S, aux droits et obligations de laquelle succède pareillement la société Comdata, tant en demande qu’en défense. La fin de non-recevoir soulevée par la société Comdata sera donc rejetée et le jugement rectificatif du tribunal de commerce de Paris du 19 janvier 2021 sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

2.- Sur les demandes indemnitaires de la société Comdata

2.1.- Sur la terminaison du contrat de services externalisés

Enoncé des moyens

La société Comdata fait valoir que l’article 7 alinéa 2 du contrat de services externalisés du 11 avril 2013 prévoyait un droit à reconduction automatique du contrat d’une durée de 12 à 24 mois en faveur du prestataire de services, droit distinct de la reconduction tacite du contrat qui, elle, était expressément exclue. Elle soutient que si ce droit à reconduction automatique n’est pas prévu dans le droit positif, aucun texte n’interdit aux parties de le prévoir par convention.

Elle fait valoir que la société VGF a expressément reconnu l’existence de ce droit puisqu’elle l’a dénoncé dans un courriel et un courrier en date du 28 septembre 2016. Elle soutient également que sa participation aux appels d’offres émis par la société VGF ne vaut pas renonciation à ce droit à reconduction automatique du contrat puisque la société VGF a abandonné la procédure d’appels d’offres et a conclu un avenant avec la société B2S prolongeant la durée initiale du contrat de services externalisés jusqu’au 31 mars 2017 sans que soit alors remis en cause le droit à reconduction automatique.

La société Comdata fait valoir que la société VGF a violé ses obligations contractuelles en imposant finalement une terminaison du contrat au 31 mars 2017 alors qu’elle s’était affranchie de son obligation de se réunir avec la société B2S pour discuter des conditions de reconduction du contrat de 12 ou 24 mois, neuf mois avant ce terme du contrat et que le droit à reconduction automatique avait pleinement acquis force obligatoire.

En réponse, la société VGF fait valoir que la poursuite d’une relation contractuelle à durée déterminée peut se faire par prorogation ou par reconduction tacite du contrat, qui est une modalité de renouvellement d’un contrat, mais que l’une et l’autre requièrent un accord de volonté des parties, alors que nul ne peut exiger le renouvellement d’un contrat.

Elle soutient que la reconduction automatique du contrat, contraire au droit positif, est donc exclue et ce d’autant que, invoquée en l’espèce au seul profit de la société B2S, elle s’apparenterait dès lors à une condition potestative, seul le prestataire pouvant décider de poursuivre ou non le contrat.

La société VGF fait valoir que les stipulations du contrat de services externalisés sont claires et précises et ne nécessitent aucune interprétation, le droit à reconduction automatique invoqué par la société Comdata n’ayant pas été prévu. Elle soutient que l’article 7 du contrat ne prévoyait qu’une seule reconduction sur accord des parties et que celle-ci est intervenue suivant avenant du 6 juillet 2016 qui a prolongé le terme du contrat jusqu’au 31 mars 2017.

Elle souligne que l’échéance au 31 mars 2017 du contrat de services externalisés était précisée dans les appels d’offres des 18 décembre 2015 et 11 avril 2016 auxquels la société B2S a soumissionné et elle fait valoir que cette dernière n’a pas contesté le terme du contrat alors, sa contestation n’étant apparue que lorsqu’elle a été informée que sa candidature n’était retenue par la société VGF pour aucun des trois lots de services qui lui avaient été confiés en 2012, aucun abandon de la procédure d’appels d’offres n’étant survenu.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat de services externalisés et de l’avenant de prorogation, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article 7 du contrat de services externalisés du 11 avril 2013, intitulé « Durée –

Entrée en vigueur » stipule que :

« Le présent Contrat prend effet du 01 Avril 2012 au 31 Mars 2015 soit pour une durée de trois (3) ans. Elle ne pourra donner lieu à aucune prorogation ou reconduction tacite. Le Contrat est conclu pour la durée nécessaire à la réalisation des Prestations.

9 mois avant cette échéance, les Parties conviennent de se réunir pour envisager les conditions d’une reconduction du Contrat pour une durée de 12 mois ou de 24 mois. La reconduction devra faire l’objet d’un avenant au Contrat.

Les dispositions du Contrat survivront jusqu’à l’issue de la Phase de réversibilité de chacun des Services ».

L’avenant n° 1 au contrat de services externalisés prévoit, en son article 3 intitulé “Durée”, ce qui suit : “Les parties conviennent de prolonger le Contrat pour une nouvelle période courant du 1 avril 2015 au 31 mars 2017.

L’article 7 - “Durée - Entrée en vigueur” du Contrat est donc modifié en conséquence”.

Il résulte des termes précis et non équivoques de l’article 7 du contrat de services externalisés que les parties ont entendu exclure toute prorogation ou reconduction tacite du contrat à son terme, spécifiant au contraire qu’un nouvel accord de volonté exprès, formalisé par un avenant au contrat, devait intervenir pour qu’une reconduction du contrat à son terme contractuel initial puisse intervenir.

Le second alinéa de l’article 7 du contrat de services externalisés est une clause de revoyure qui institue une obligation pour les parties de se réunir dans le délai de neuf mois avant le terme initial du contrat, le 31 mars 2015, afin d’envisager une reconduction pour une durée de 12 ou 24 mois, cette clause ne visant qu’une seule reconduction et une durée maximale de vingt-quatre mois.

Contrairement à ce que soutient la société Comdata, elle ne prévoit aucun droit à reconduction automatique du contrat, aucune stipulation de cette clause ne permettant de prétendre, sans dénaturation, que l’inexécution de l’obligation de se revoir qu’elle prévoit conduise de plein droit à une reconduction ou prorogation du contrat alors, au surplus, que la durée de prolongation n’est pas déterminée à l’avance mais fait l’objet d’une option entre 12 et 24 mois.

Il est constant que les sociétés B2S et VGF ont discuté de la poursuite de leur relation contractuelle au-delà du terme initial du 31 mars 2015 et sont convenues, par avenant signé le 6 juillet 2016 qui précise prendre rétroactivement effet au 1 avril 2015, er de prolonger le contrat de services externalisés pour une durée de vingt-quatre mois expirant le 31 mars 2017.

La faculté de prolongation unique du contrat pour la durée maximale de vingt-quatre mois prévus au contrat de services externalisés est donc intervenue avec effet au 1er avril 2015 et aucune stipulation de l’avenant ne permet de considérer qu’une nouvelle possibilité de reconduction ou prolongation était ouverte au-delà du terme prolongé au 31 mars 2017.

La société VGF soutient exactement que la société B2S en avait une parfaite connaissance puisque, d’une part, le terme prolongé au 31 mars 2017 a été stipulé par avenant qu’elle a signé le 6 juillet 2016 et que, d’autre part, les appels d’offres émis par la société VGF les 18 décembre 2015 et 11 avril 2016 pour les trois lots de services confiés à la société B2S depuis le 1er avril 2012 rappelaient expressément soit que le contrat de services externalisés en cours pour ces lots prenaient fin au 31 mars 2017 soit que la reprise du personnel du prestataire devait être effective au plus tard le 31 mars 2017.

La société B2S a soumissionné à ces appels d’offres actant ainsi la fin du contrat en cours au 31 mars 2017 mais également l’absence de volonté des parties de se réunir afin de discuter d’une reconduction ou d’une prolongation du contrat de services externalisés existant.

La société Comdata soutient, en contradiction avec les pièces versées aux débats, que la société VGF a renoncé à ses appels d’offres, aucune stipulation de l’avenant n°1 au contrat de services externalisé ne permettant de caractériser l’intention non équivoque de la société VGF de renoncer aux appels d’offre qu’elle venait d’émettre dont l’objet était précisément d’aménager une nouvelle relation contractuelle pour la gestion des services externalisés à compter du 1er avril 2017, c’est-à-dire à l’issue du terme prolongé par l’avenant n°1 au contrat de services externalisés conclu avec la société B2S.

Par ailleurs, loin de caractériser une reconnaissance par la société VGF de l’existence d’un droit à reconduction automatique du contrat, la notification de non-renouvellement du contrat de services externalisés adressée par la société VGF à la société B2S par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 septembre 2016 établit au contraire qu’il n’existait aucun accord entre les parties afin de discuter d’un éventuel renouvellement du contrat de services externalisés du 11 avril 2013.

Les termes de cette notification sont en effet dépourvus de toute ambiguïté puisqu’il y est dit ce qui suit : “Par la présente, Volkswagen Group France souhaite vous confirmer sa volonté de ne pas renouveler la prestation objet du contrat susmentionné. Le contrat prendra donc fin à son échéance contractuelle, à savoir le 31 mars 2017" (pièce n°3 de l’appelante).

Cette notification est exclusive, d’une part, de tout accord de la société VGF à entrer en discussion avec la société B2S en vue d’une quelconque reconduction du contrat de services externalisés et, d’autre part, de toute reconnaissance par la société VGF d’un droit acquis de la société B2S à bénéficier d’une reconduction du contrat. En outre, la société VGF rappelait au contraire expressément dans ce courrier du 28 septembre 2016 qu’il appartenait à la société B2S de répondre aux appels d’offres comme elle y avait été conviée.

Enfin, il convient de préciser qu’aucune conséquence ne peut être tirée du fait que cette notification n’ait pas été adressée à l’attention du dirigeant de la société B2S mais à l’attention de l’un de ses cadres dès lors que la société B2S y est bien indiquée comme destinataire du courrier de notification.

Pour ces motifs et les motifs pertinents des premiers juges que la cour adopte, le jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 7 juillet 2020 sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Comdata de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une violation de la clause de durée du contrat de services externalisés.

2.2.- Sur l’exécution de la phase de réversibilité des services externalisés

Enoncé des moyens

La société Comdata fait valoir que le contrat de services externalisés et ses annexes définissent une phase de réversibilité des services au terme du contrat afin de permettre aux parties de respecter une condition essentielle de leur accord, en tant qu’“acteurs socialement responsables”, prévue à l’article 24 du contrat, à savoir la reprise du personnel spécifiquement dédié à l’exécution de la prestation de services externalisés par tout nouveau prestataire.

Elle soutient que la société VGF n’a pas mis en oeuvre la phase de réversibilité dans le délai contractuel de six mois avant le terme du contrat et qu’elle n’a pas mis en place les comités de réversibilité dont elle était responsable.

Elle en déduit que la société VGF n’a pas permis à la société B2S d’être un “acteur socialement responsable” respectant ses obligations légales vis-à-vis de ses salariés dans le cadre du transfert, notamment en matière d’information et de consultation des instances représentatives du personnel et d’autorisation administrative de transfert des salariés protégés, mais également en organisant sa sortie de la relation contractuelle vis-à-vis de ses fournisseurs et des nouveaux prestataires désignés par la société VGF.

La société Comdata soutient que la connaissance que la société B2S avait eu du lancement de l’appel d’offres de décembre 2015, qu’elle considère au surplus avoir été ultérieurement abandonné par la société VGF, n’était pas de nature à permettre une transition sociale et commerciale harmonieuse et respectueuse des engagements des parties, son issue et le nom des prestataires sélectionnés ne lui ayant été communiqués que le 6 mars 2017, quelques jours seulement avant le terme du contrat des prestations de services externalisés. Elle fait valoir que la phase de réversibilité n’a été déclenchée par la société VGF que le 17 mars 2017, soit à une date tardive ne lui permettant pas de mettre valablement en oeuvre les processus d’information et de consultation des instances représentatives du personnel.

Elle conteste que la position exprimée par la société B2S quant à une reconduction automatique du contrat à compter du 1 avril 2017 n’était pas susceptible d’empêcher la et société VGF de procéder aux choix de nouveaux prestataires, d’en informer la société B2S en temps utile et d’ouvrir la phase de réversibilité dans le délai contractuel.

En réponse, la société VGF souligne que les modalités de la reprise des salariés dédiés aux services externalisés par les nouveaux prestataires, laquelle constituait le principal enjeu de la clause de réversibilité qui était avant tout stipulée au bénéfice de la société VGF, ont été prévues par le contrat de services externalisés et que le transfert du personnel a été effectif au 1 avril 2017.

La société VGF fait valoir que l’interprétation de la clause de durée du contrat de services externalisés adoptée de mauvaise foi par la société B2S n’a pas permis l’enclenchement en temps utile de la phase de réversibilité que la société B2S a refusé de mettre en oeuvre, soutenant que le contrat de services externalisés ne prenait pas fin à la date du 31 mars 2017.

La société VGF soutient que la société Comdata est malvenue à prétendre que la société B2S a été contrainte d’organiser en urgence les procédures d’information[1]consultation des instances représentatives du personnel et l’obtention des autorisations administratives pour le transfert des salariés protégés alors que la société B2S avait été informée de la nécessité de procéder à la mise en oeuvre de la procédure de réversibilité plusieurs mois avant le terme du contrat fixé au 31 mars 2017. Elle soutient que le fait que la société B2S n’y ait pas procédé est la conséquence de sa propre négligence.

Réponse de la cour

Par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu que la phase de réversibilité a été stipulée au bénéfice de la société VGF, que la société B2S avait une connaissance claire de la terminaison du contrat de services externalisés au 31 mars 2017 plusieurs mois avant ce terme et qu’elle devait mettre en oeuvre dès lors le processus de réversibilité mais que le retard à y procéder, notamment à mettre en place le comité de réversibilité, n’était imputable qu’à son seul fait.

Il y a seulement lieu d’ajouter que non seulement l’objectif de la phase de réversibilité prévue à l’article 10.3 du contrat de services externalisés est défini au bénéfice de la société VGF, afin de permettre la reprise des services par un autre prestataire que la société B2S mais qu’en outre l’article 10.3.2 du contrat précise qu’il appartient au prestataire, c’est-à-dire la société B2S, de remettre et établir un “Plan de réversibilité” décrivant “les opérations liées à la préparation et à la mise en oeuvre de la réversibilité de chaque Service”.

Ce plan de réversibilité correspond à l’annexe 4 du contrat de services externalisés du 11 avril 2013. Il est établi sur papier à entête de la société B2S. Il n’est que la traduction du fait que la société VGF est étrangère aux contrats liés à l’exécution de la prestation de services externalisés confiée à la société B2S, tels que les contrats de travail et les contrats de fourniture de biens et de services, qui n’engagent que le prestataire, la société B2S, à l’égard de tiers. La préparation et la mise en oeuvre de la réversibilité des services externalisés sont donc dépendantes de la participation et de l’action de la société B2S qui en maîtrise en pratique le bon déroulement et l’issue dans le délai de la phase de réversibilité.

Or, il est établi que la société B2S a été informée le 25 novembre 2016 du rejet de son offre formulée dans le cadre de l’appel d’offres relative au lot de services n°1 “ Gestion du centre de contact clients” (pièces n° 4 et 59 de l’appelante) et qu’elle avait conscience au plus tard depuis le 28 novembre 2016 de la nécessité de mettre en oeuvre la phase de réversibilité afin, notamment, d’assurer le transfert du personnel au nouveau prestataire.

Ainsi, dans un courriel du 28 novembre 2016, le responsable des ressources humaines de la société B2S a écrit : “Nous faisons suite au courriel automatique de rejet de notre offre relative à l’appel d’offres “Gestion du centre de contact clients”.

Cette décision, qui ne manque pas de nous surprendre, affecte la bonne marche de notre entreprise, et implique, conformément au code du travail une information-consultation préalable de nos représentants du personnel, et cet avant toute communication auprès de nos salariés.” (Pièce n°59 de l’appelante)

La société B2S a été informée que son offre pour les lots “Homologation” et “TCC PRA” n’avait pas davantage été sélectionnée le 27 janvier 2017 (pièce n° 10 de l’appelante).

Par courriel du 8 décembre 2016, la société VGF a expressément demandé à la société B2S de mettre en oeuvre la procédure de réversibilité au titre du lot “CCC” confié à un nouveau prestataire dénommé Webhelp (pièce n°4 de l’appelante).

Cette demande a été réitérée par lettre recommandée de la société VGF du 16 décembre 2016 valant mise en demeure dans les termes suivants : “Pour la bonne forme nous vous confirmons -à nouveau- la mise en oeuvre du processus de réversibilité prévu à l’article 10 du contrat et vous mettons en tant que de besoin en demeure de l’exécuter sans délai” (pièce n° 5 de l’appelante). La société B2S était à nouveau invitée à se rapprocher de la société Webhelp pour lui communiquer toutes les informations nécessaires afin d’assurer le transfert d’activité et de personnel.

Cette demande a encore été réitérée les 6 janvier et 2 février 2017 (pièces n°8 et 9 de l’appelante).

Or il ressort des courriels et lettres recommandées adressées en réponse par la société B2S les 5,13 et 29 décembre 2016 et 23 janvier 2017 (pièce n°11 de l’appelante) que la société B2S a refusé la mise en oeuvre de la procédure de réversibilité au motif qu’elle bénéficiait d’un droit de renouvellement automatique du contrat de services externalisés pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 1er avril 2017. La société B2S en concluait que la société VGF refusait d’appliquer le contrat en tentant de la contraindre à mettre en oeuvre la procédure de réversibilité. Elle concluait ainsi dans son courrier recommandé du 29 décembre 2016 : “Nous déplorons que vous tentiez de nous contraindre à entrer dans une phase de réversibilité qui n’a pas été et ne pourra nullement être mise en oeuvre, compte tenu du Contrat qui nous lie et des observations qui sont celles de votre société”.

Il en résulte que la société B2S est seule responsable du défaut de mise en oeuvre du processus contractuel de réversibilité alors qu’elle disposait des informations nécessaires pour y procéder dès le mois de décembre 2016 pour le lot n°1 du contrat de services externalisés et au plus tard le 2 février 2017 pour les lots n°2 et 3. Il apparaît que la décision de la société VGF d’initialiser la phase de réversibilité lui a bien été transmise dès le 28 novembre 2016, soit moins de six mois avant le terme du contrat mais dans un délai suffisant pour mettre en oeuvre cette phase d’exécution du contrat si aucune obstruction de sa part n’était intervenue, aucune sanction n’étant au surplus attachée au délai de six mois mentionné à l’annexe 4 du contrat de services externalisés.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Comdata de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l’absence de mise en oeuvre de la phase de réversibilité par la société VGF six mois avant le terme du contrat de services externalisés.

3.- Sur l’appel incident de la société VGF sur la demande de paiement d’une pénalité contractuelle pour manquements au cours de la phase de réversibilité

Enoncé des moyens

La société VGF expose avoir émis une facture de pénalités d’un montant de 750 000 euros en application des articles 10.3.2 et 16.4 du contrat de services externalisés, notifiée à la société B2S par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 30 mai 2017.

Elle soutient que ces pénalités sont bien prévues au contrat, contrairement à ce qui est soutenu par la société B2S et à ce qui a été jugé par le tribunal de commerce de Paris, qu’elles correspondent à 10 % de la redevance annuelle de la fourniture de services et qu’elles sont justifiées tant par la transmission tardive des documents sociaux nécessaires au transfert des salariés que par l’ensemble des préjudices qu’elle a subis du fait de l’absence de coopération de la société B2S aux opérations de réversibilité.

La société VGF souligne que des réserves ont été émises à l’encontre de la société B2S dans le cadre du contrôle des opérations de réversibilité par courrier recommandé du 6 avril 2017 et conteste avoir renoncé à ces réserves ultérieurement comme le soutient la société Comdata.

En réponse, la société Comdata fait valoir que la demande de paiement de pénalités de la société VGF est mal fondée dès lors qu’elle ne justifie d’aucun fondement contractuel à une telle demande, l’article 10.3.2 du contrat de services externalisés renvoyant seulement à une clause de pénalités de retard qui n’existe pas et à laquelle ne peut être assimilée la clause 16.4 invoquée par la société VGF.

Elle soutient également que s’il devait être fait application de l’article 16.4, la demande de la société VGF devrait néanmoins être rejetée car la procédure qu’elle prévoit pour l’application de pénalités au prestataire n’a pas été mise en oeuvre en l’espèce.

La société Comdata soutient enfin que la société VGF ne démontre aucun manquement de la société B2S aux “niveaux de services” prévus par l’article 16.4 du contrat de services externalisés justifiant l’application de pénalités prévues par cette clause.

Réponse de la cour

L’article 10.3.2 du contrat de prestations de services intitulé “Plan de réversibilité” contient un sous-titre intitulé « Contrôle de conformité des opérations de Réversibilité” sous lequel il est stipulé ce qui suit :

“ A l’issue de la réalisation des opérations de réversibilité à la charge du Prestataire, VGF procédera à un contrôle de la conformité de ces opérations sur la base des dispositions du Plan de Réversibilité. Ce contrôle de conformité devra intervenir au plus tard le jour de la fin du contrat.

En l’absence de réserves, les Parties signeront un procès-verbal attestant de la fin des opérations de réversibilité et de leur conformité.

Dans le cas contraire, le Prestataire devra se conformer aux dispositions du Plan de Réversibilité et de la Convention de Services dans les 4 jours suivant la réception par le Prestataire de la notification écrite par VGF des réserves existantes, et ce afin de ne pas retarder la fin des opérations de réversibilité.

A défaut, le Prestataire encourra l’application de pénalités de retard identiques à celles applicables en vertu de l’article « Pénalités de retard ».

Il est constant que le contrat de services externalisés du 11 avril 2013 ne contient pas de clause spécifiquement intitulée “Pénalités de retard”.

La société VGF soutient que cette clause existe cependant et correspond à l’article 16.4 du contrat intitulé « Pénalités pour non-respect des Niveaux de Services » qui stipule que :

“ Indépendamment des préjudices subis par VGF, les Parties conviennent de retenir une procédure de pénalités en cas de non-respect des Niveaux de Service du fait du Prestataire, étant précisé que l’application de pénalités ne restreint pas le droit pour VGF de mettre en oeuvre les procédures de résiliation prévue à l’article “Résiliation”.

Le non-respect des Niveaux de Service entraînera l’application de ces pénalités prévues au sein de la Convention de Services, à moins que le Prestataire ne rapporte la preuve que l’accomplissement de son obligation a été empêché, sans faute ou négligence de sa part, par la survenance d’une cause étrangère [...].

Les niveaux, périodicité et modes de calculs des pénalités sont décrits au sein de la Convention de Services.

Les pénalités ne sont pas une compensation du préjudice subi par VGF du fait du non-respect des Niveaux de Service, mais une incitation pour le Prestataire à respecter ceux-ci.

Si des pénalités sont applicables, celles-ci seront établies et validées entre les Parties en comité de pilotage institué entre elles. Elles devront être réclamées par VGF au plus tard dans les soixante (60) jours qui suivent le comité de pilotage ayant statué sur les pénalités et seront facturées par VGF selon les modalités prévues dans la Convention de Services.

(...)

En tout état de cause, le montant global des pénalités ne pourra dépasser dix pour cent (10%) de la redevance annuelle de fourniture des Services.

La non-fourniture d’un ou plusieurs Niveaux de Service dans les délais visés au sein de la

Convention de Service est considéré comme un non-respect du ou des Niveaux de Services concernés.”

Il en résulte que l’article 16.4 du contrat ne prévoit l’application de pénalités qu’en cas de défaut de respect des “Niveaux de Service” ou de fourniture de ces “Niveaux de service” dans les délais convenus au contrat de services externalisés.

Les parties ont défini à l’article 2 du contrat de services externalisés ce qu’elles entendaient par ‘Niveaux de Services” en précisant qu’il s’agissait des “niveaux de qualité des services du Prestataire attendus par VGF au titre des Services, tels que décrits au sein du Cahier des charges et repris dans la Convention de Services.”

Une “Convention de Services” spécifique à chaque lot de services externalisés figure en annexe 3 du contrat.

Or, ni les articles 2 et 16 du contrat de services externalisés ni les conventions de services qui y sont annexées n’assimilent le manquement du Prestataire au “Plan de réversibilité”, document distinct figurant en annexe 4 du contrat, notamment en cas de retard, au non-respect ou au défaut de fourniture dans les délais contractuels des “Niveaux de Services”.

Au surplus, l’objet des pénalités prévues par l’article 16.4 n’est pas de compenser un quelconque préjudice mais uniquement d’inciter le prestataire à respecter les niveaux de services requis.

Il en résulte que la société VGF n’est pas fondée à appliquer les stipulations spécifiques de l’article 16.4 du contrat de services externalisés à l’inexécution ou au retard d’exécution des obligations de la société B2S au cours de la phase de réversibilité.

Les premiers juges ont donc débouté par de juste motifs la société VGF de sa demande de paiement d’une pénalité de retard d’un montant de 750 000 euros fondée sur les stipulations de l’article 16.4 du contrat de services externalisés.

Par suite, le jugement déféré sera confirmé sur ce chef des demandes reconventionnelles de la société VGF.

4.- Sur la demande indemnitaire de la société VGF

Enoncé des moyens

La société VGF fait valoir que le manque de coopération de la société B2S au cours de la phase de réversibilité et ses manquements répétés à ses obligations légales et contractuelles lui ont causé un préjudice direct et certain d’un montant total de 100 464,07 euros dont elle demande réparation, à titre subsidiaire.

En réponse, la société Comdata soutient que la société B2S n’a commis aucun manquement à ses obligations au cours de la phase de réversibilité, que les préjudices allégués par la société VGF ne lui sont pas imputables et qu’ils ne sont pas justifiés.

Réponse de la cour

Pour les motifs exposés au point 2.2 du présent arrêt, il est retenu que la société B2S, soutenant à compter du mois de décembre 2016 que le contrat de services externalisés avait été reconduit automatiquement pour une durée de deux ans et qu’il ne venait donc pas à terme au 31 mars 2017, n’a pas mis en oeuvre le processus de réversibilité contrairement à ce qui lui était expressément demandé par la société VGF.

Il en résulte que le transfert dans un contexte d’urgence du personnel et des actifs des activités reprises par trois nouveaux prestataires désignés par la société VGF en novembre 2016 et en janvier 2017 est imputable à la société B2S et engage sa responsabilité à l’égard de la société VGF pour tous les dommages que l’exécution imparfaite de la phase de réversibilité par la société B2S lui a causé.

La société VGF justifie avoir dû se substituer à la société B2S afin d’assurer la libération des locaux de Villers-Cotterêts dans le délai de la reprise d’activités par de nouveaux prestataires en assumant les frais de déménagement et d’entreposage des biens mobiliers précédemment utilisés par la société B2S. Elle est donc fondée à demander la condamnation de la société Comdata à lui payer les frais de déménagement et de garde[1]meubles qu’elle a exposés, soit la somme totale de 13 090 euros.

De même, la société B2S est fondée à solliciter l’indemnisation des frais d’huissier qu’elle a dû exposer du fait de l’absence de la société B2S ou de la nécessité de préserver ses droits en considération du caractère contentieux pris par la phase de réversibilité des services, soit la somme totale de 1 593 euros.

En revanche, la société VGF ne produit aucune pièce établissant qu’elle a assumé le coût de la rémunération des salariés grévistes pour un montant de 22 400 euros et étayant le préjudice d’image qu’elle invoque, un simple article de presse faisant état de l’existence d’un conflit social à l’occasion du transfert des services externalisés à de nouveaux prestataires ne suffisant pas à établir l’atteinte à l’image qu’elle prétend avoir subi.

La société VGF, qui, aux termes de l’annexe 4 du contrat de services externalisés devaient affecter sept responsables de services au suivi de l’exécution de la phase de réversibilité, ne produit aucune pièce démontrant qu’elle a dû exposer une charge salariale exceptionnelle et supplémentaire afin de faire face aux conséquences de la mise en œuvre tardive de la phase de réversibilité par la société B2S. Pour être indemnisable, le préjudice qu’elle invoque suppose que la société VGF établisse qu’elle a dû embaucher un personnel supplémentaire dédié afin de faire face au surcroît temporaire d’activité que le contexte de la reprise de services en urgence au mois de mars 2017 pouvait générer. Elle ne verse aucune pièce aux débats de nature à le démontrer.

Enfin, la société VGF sollicite l’indemnisation d’une baisse de productivité au mois de mars 2017 des salariés de la société B2S affectés aux services externalisés et en chiffre les conséquences à la somme de 24 367,12 euros.

Il convient en premier lieu de relever que ce chiffrage est opéré de façon unilatérale par la société B2S, en dehors de tout processus contractuel de discussion entre les parties, notamment dans le cadre du comité de pilotage institué pour la réversibilité des services, et hors tout processus contractuel de facturation des conséquences d’une baisse de productivité.

En second lieu, il convient de relever que la baisse de productivité invoquée n’est pas corrélée à des chiffres réels de dossiers clients entrés et non traités au mois de mars 2017. Au surplus, le chiffrage de la société VGF ne tient pas compte des facteurs susceptibles d’affecter la productivité des salariés, notamment du fait qu’un travail en phase de transfert d’activité n’est pas assimilable à un travail intégralement consacré à l’exécution d’une prestation de services en cours.

Par suite, le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2020 sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Comdata Holding France à payer la somme totale de 100 464,07 euros à titre de dommages et intérêts à la société VGF. La société Comdata Holding France sera condamnée à payer à ce titre la somme totale de 14 683 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt en application de l’article 1231-7 du code civil.

5.- Sur les frais de l’instance d’appel

Partie perdante au procès, la société Comdata sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Pour ce motif, la société Comdata sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à la société VGF la somme de 25 000 euros à titre d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir de la société anonyme Volkswagen Group France inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 832 277 370 venant aux droits et obligations de la société anonyme Volkswagen Group France inscrite au R.C.S. de Soissons sous le numéro 602 025 538,

CONFIRME le jugement rectificatif rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 juillet 2020 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a condamné la société par actions simplifiée Comdata Holding France à payer la somme totale de 100 464,07 euros à la société anonyme Volkswagen Group France à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

CONDAMNE la société par actions simplifiée Comdata Holding France à payer la somme totale de 14 683 euros à la société anonyme Volkswagen Group France à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

DÉBOUTE la société anonyme Volkswagen Group France du surplus de sa demande indemnitaire,

Y ajoutant :

CONDAMNE la société par actions simplifiée Comdata Holding France aux dépens de la présente instance,

DÉBOUTE la société par actions simplifiée Comdata Holding France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société par actions simplifiée Comdata Holding France à payer la somme de 25000,00 euros à la société anonyme Volkswagen Group France au titre de l’article 700 du code de procédure civile.