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Décisions

Cass. com., 23 novembre 2022, n° 21-14.116

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vaissette

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Montpellier, du 26 janv. 2021

26 janvier 2021


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 janvier 2021), par un acte du 15 octobre 2015, la Société générale (la banque) a consenti à la société Holding Valérie Raphaël un prêt d'un montant de 1 250 000 euros en capital, remboursable, à compter du 30 juin 2016, en sept échéances annuelles de 178 571,43 euros chacune.

2. Par un jugement du 24 septembre 2018, publié le 12 octobre 2018 au BODACC, la société Holding Valérie Raphaël a été mise en redressement judiciaire, la société Etude Balincourt étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société FHB en celle d'administrateur.

3. Le 4 décembre 2018, la banque a déclaré au titre du prêt une créance à titre privilégié de 180 759,30 euros, échue, et de 714 285,72 euros, à échoir, équivalente à quatre échéances, en portant au sein d'une rubrique intitulée « modalités de calcul des intérêts de retard » la mention « taux contractuel de 5,20 %. »

4. La créance de la banque au titre des intérêts à échoir a été contestée.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société Holding Valérie Raphaël et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque au titre des intérêts à échoir du prêt, au taux de 5,20 %, sur la somme de 178 571,43 euros, correspondant aux échéances échues impayées à compter du 25 septembre 2018, alors :

« 1°/ que la déclaration de créance doit exprimer, par elle-même, de façon non équivoque, la volonté du créancier de déclarer une somme déterminée au passif de la procédure collective ; que la déclaration de créance d'intérêts doit indiquer, soit les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, soit le montant des intérêts, si celui-ci peut être calculé ; qu'en retenant que les modalités de calcul des intérêts à échoir au titre du prêt étaient déterminées de façon suffisante sur la déclaration de créance, après avoir expressément relevé que la déclaration de créance du 4 décembre 2018, au titre du prêt n° 197T1568900093, à hauteur de 180 759,30 euros échue et de la somme de 714 285,72 euros à échoir, mentionnait seulement, "en marge, dans une rubrique « modalités de calcul des intérêts », taux contractuel de 5,20 %", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 622-24, L. 622-25 et R. 622-23-2° du code de commerce ;

3°/ que la déclaration de créance doit exprimer, par elle-même, de façon non équivoque, la volonté du créancier de déclarer une somme déterminée au passif de la procédure collective ; que la déclaration de créance d'intérêts doit indiquer, soit les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, soit le montant des intérêts, si celui-ci peut être calculé ; qu'en affirmant que "les modalités de calcul des intérêts à échoir au titre du prêt sont déterminées de façon suffisante sur la déclaration de créance et le décompte qui s'y trouve annexé, et auquel la déclaration de créance se réfère", quand ce décompte, établi pour la seule période du 30 juin 2018 au 24 septembre 2018, indiquait "Mémoire" au titre des "intérêts et frais jusqu'à parfait règlement", c'est-à-dire au titre des intérêts à échoir à compter du 25 septembre 2018, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-25 et R. 622-23-2° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-25, L. 622-28 et R. 622-23 du code de commerce :

7. Il résulte de ces textes que la seule mention dans une déclaration de créance, du montant non échu de cette créance et de l'indication du seul taux des intérêts de retard ne peut, en l'absence de toute précision sur les modalités de calcul des intérêts dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant ces modalités, valoir déclaration des intérêts dont le cours n'était pas arrêté.

8. Pour admettre la créance de la banque au titre des intérêts à échoir du prêt, l'arrêt relève que si la déclaration de créance à hauteur de la somme de 714 285,72 euros à échoir, mentionne seulement en marge, dans une rubrique « modalités de calcul des intérêts », taux contractuel de 5,20 %, elle se réfère à un décompte, qui s'y trouve joint, faisant apparaître une somme de 2 187,87 euros au titre des intérêts sur la somme de 178 571,43 euros correspondant aux échéances échues impayées, intérêts calculés au taux de 5,20 % du 30 juin 2018 au 24 septembre 2018. Il retient qu'il s'ensuit que les modalités de calcul des intérêts à échoir au titre du prêt sont déterminées de façon suffisante sur la déclaration de créance et le décompte qui s'y trouve annexé, et auquel la déclaration de créance se réfère, du moins en ce qui concerne les intérêts à échoir sur la somme de 178 571,43 euros au taux de 5,20 % à compter du 25 septembre 2018, sachant que ce taux découle de l'application de l'article 6.3 de la convention de prêt également jointe à la déclaration de créance.

9. En statuant ainsi, alors que la déclaration de créance, qui ne contenait elle-même aucune précision sur les modalités de calcul des intérêts de retard, ne comportait pas davantage de référence expresse à un décompte énonçant ce mode de calcul, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que réformant l'ordonnance du juge-commissaire il admet la créance de la Société générale au titre des intérêts à échoir du prêt n° 197T1568900093 au taux de 5,20 % sur la somme de 178 571,43 euros correspondant aux échéances échues impayées à compter du 25 septembre 2018, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.