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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 7 mars 2008, n° 06/12642

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

La Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (és qual.)

Défendeur :

M. Thomas (és qual.), Hôtel Franklin Roosevelt (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mme Regniez, M. Marcus

Avoués :

SCP Arnaudy - Baechlin, Me Cordeau

Avocats :

Me Chatel, Me Solaro Laporte

TI Paris, du 9 juin 2006, n° 1105000940

9 juin 2006

La cour est saisie par la société civile SOCIÉTÉ DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (ci-après SACEM) d'un appel interjeté à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 9 juin 2006 par le tribunal d'instance du huitième arrondissement de Paris dans un litige l'opposant à la société FRANKLIN ROOSEVELT SA, et Messieurs Philippe et Benjamin THOMAS.

Il convient de rappeler que la société FRANKLIN ROOSEVELT exploite, à Paris, un hôtel sous ce nom, dont le président du conseil d'administration était jusqu'au 27 janvier 2003 Monsieur Philippe THOMAS et depuis cette date, Monsieur Benjamin THOMAS, en qualité de président et directeur général.

Ayant découvert que la société FRANKLIN ROOSEVELT diffusait, au moyen de postes de télévision placés dans les chambres de son établissement, des oeuvres appartenant à son répertoire, la SACEM a invité par courrier du 28 novembre 2001 cette société et Monsieur Philippe THOMAS, son dirigeant, à conclure un contrat général de représentation les autorisant à cette diffusion avec en contrepartie paiement de droits d'auteur.

Cette invitation n'ayant pas été suivie d'effet, la SACEM a, par de nombreux courriers, dont un dernier en date du 1er février 2002, renouvelé sa proposition à la société FRANKLIN ROOSEVELT ainsi qu'à Monsieur Philippe THOMAS. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 février 2002, ces derniers ont fait connaître à la SACEM leur refus de conclure tout contrat général.

A la suite de nouveaux échanges de courriers avec la société FRANKLIN ROOSEVELT et Messieurs THOMAS qui n'ont pas abouti à la conclusion d'un contrat général de représentation, la SACEM a fait délivrer, sans plus de résultat, une 'sommation de payer-présentation de contrat' par huissier de justice, les 5 et 6 avril 2004.

Après de nouveaux échanges de correspondances demeurés sans effet, la SACEM a, par exploits des 30 novembre et 1er décembre 2005, assigné la société FRANKLIN ROOSEVELT et Messieurs THOMAS en paiement des redevances qu'elle estimait devoir lui être versées pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005.

Par le jugement entrepris, le tribunal d'instance du huitième arrondissement de Paris a :

- dit que la SACEM avait qualité à agir,

- déclaré la SACEM recevable,

- déclaré irrecevables la demande aux fins de sursis à statuer et la question préjudicielle présentée par la société FRANKLIN ROOSEVELT et Messieurs THOMAS,

- débouté la SACEM de ses fins, demandes et conclusions,

- condamné la SACEM à payer à la société FRANKLIN ROOSEVELT la somme de 2 500 euros et à Messieurs Philippe et Benjamin THOMAS celle de 3 000 euros pour chacun à titre de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SACEM à payer à la société FRANKLIN ROOSEVELT la somme de 2000 euros et à Messieurs Philippe et Benjamin THOMAS la somme pour chacun de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 décembre 2007, la SACEM, appelante, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré qu'elle avait qualité à agir et était recevable,

- l'infirmer pour le surplus,

- condamner la société FRANKLIN ROOSEVELT ainsi que Monsieur Philippe THOMAS in solidum à lui verser la somme de 644,44 euros TTC au titre des redevances de droits d'auteur éludées pour la période du 1er janvier 2001 au 27 janvier 2003,

- condamner la société FRANKLIN ROOSEVELT et Monsieur Benjamin THOMAS in solidum à lui verser la somme de 1068,09 euros au titre des redevances éludées pour la période du 28 janvier 2003 au 30 juin 2005,

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 4 500 euros TTC à titre de dommages et intérêts complémentaires, ces sommes produisant intérêts au taux légal à compter du jugement, celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP ARNAUDY BAECHLIN, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société FRANKLIN ROOSEVELT demande à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2008, de :

- confirmer le jugement déféré,

- à titre subsidiaire, enjoindre à la SACEM de lui communiquer copie intégrale des contrats passés, depuis 1994, entre celle-ci et les chaînes de télévision :TF1, France Télévision (France 2, France 3, France 4, France 5, RFO, Arte, TVE....), M6, Canal +, Canal Satellite et TPS, émettant sur le territoire français concernant les droits d'auteur de ses adhérents, ainsi que tous documents annexes ou correspondances concernant le champ d'application de ces contrats au cours de ces 12 dernières années,

- en tous cas, condamner la SACEM à lui verser une indemnité de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- à titre infiniment subsidiaire, rejeter la demande de la SACEM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SACEM aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître CORDEAU, avoué.

Messieurs Philippe et Benjamin THOMAS, par leurs dernières conclusions en date du 7 janvier 2008, prient la cour de :

- confirmer le jugement et condamner la SACEM à leur verser à chacun la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, rejeter la demande de la SACEM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître CORDEAU, avoué.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la qualité à agir de la SACEM n'est pas contestée en appel ; que la décision sera, en tant que de besoin, confirmée de ce chef ;

Considérant qu'il est constant, en l'espèce, que la société intimée met à la disposition des clients de l'hôtel, dans les chambres qu'ils occupent, des téléviseurs permettant à ceux-ci de capter les émissions de leur choix et qu'il est admis par l'ensemble des parties que les chambres d'hôtel sont des lieux à usage privé, dès lors qu'elles sont occupées par le client ; qu'il est également constant que, par application de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute représentation .....intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ;

Considérant que la SACEM qui estime que la communication d'émissions télévisuelles dans chacune des chambres de l'hôtel constitue une nouvelle représentation des oeuvres de son répertoire, nécessitant son autorisation, par application de l'article L. 122-2 du CPI, critique la décision du premier juge qui l'a déboutée de ses demandes, retenant que le client de la chambre d'hôtel ne pouvait être considéré comme étant le public visé par le texte, que la réception est effectuée dans un lieu privé, qu'il n'existe pas de retransmission des émissions télévisuelles, l'hôtelier ayant un rôle purement passif, du fait que le client a seul le choix de la chaîne et que la réception par les clients des oeuvres du répertoire de la SACEM était déjà couverte par l'autorisation accordée moyennant redevance à l'organisme émetteur ;

Que selon la SACEM, cette décision va à l'encontre de la disposition de l'article L. 122-2 du CPI qui définit en termes généraux la notion de représentation, comme étant 'la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque' et qui énumère ensuite des hypothèses à titre d'exemple non limitatives, (dont celle relative à la transmission dans un lieu public de l'oeuvre télédiffusée) mais sans exclure la représentation à un public dans un lieu privé ; que, selon elle, cela est conforté par le droit positif interne, la jurisprudence communautaire, l'application de la directive 2001/29 CE en son article 3 ainsi que par l'exception introduite, en droit interne, par l'article 30 de la loi dite 'DADVSI' du 1er août 2006 (relative à des télédiffusion à des fins non commerciales sur les réseaux internes aux immeubles ou ensemble d'immeubles collectifs à usage d'habitation installés par leurs propriétaires ou par leurs copropriétaires ou leurs mandataires), la représentation d'une oeuvre consistant dans sa communication au public par un procédé quelconque, sans restriction sur le lieu visé ; qu'il importe peu, selon elle, que le lieu soit public ou privé, seul important que le lieu privé soit accessible au public ;

Qu'elle ajoute que le public visé par l'article L. 122-2 du CPI doit s'entendre de l'ensemble des clients fréquentant l'hôtel et que si le client de chaque chambre a le choix de son programme, cela ne modifie nullement le fait que la transmission - seule important en l'espèce (et non la réception) - est effectuée pour un public non prévu par l'émetteur qui a pour seul client le propriétaire de l'hôtel ;

Considérant que les intimés qui reprennent la motivation du premier juge, ajoutent, en substance, que la SACEM a, durant de nombreuses années, estimé que la communication actuellement en cause ne donnait pas lieu à perception de redevances ; qu'elle prétend avoir modifié sa position à la suite d'une décision rendue par la Cour de cassation en 1994 dans une affaire opposant CNN à un hôtelier ; que toutefois, la décision n'est pas transposable, l'hôtelier captant directement une chaîne sans avoir acquitté les droits, à la différence de la présente espèce, dans laquelle l'intimée est en règle à l'égard des chaînes télévisuelles ; qu'ils soutiennent que le client dans sa chambre d'hôtel ne constitue pas un public, que la chambre d'hôtel est un lieu privé et qu'il n'y a pas de nouvelle représentation, s'agissant d'une diffusion immédiate et simultanée assurée par les télédiffuseurs, destinée aux usagers initialement prévus du périmètre de réception et dont les occupants des chambres d'hôtels ne sont pas exclus ; qu'ils se réfèrent au considérant 27 de la directive qui dispose que 'la simple fourniture d'installations destinés à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication' et qu'il n'y a aucune interruption dans le signal entre la diffusion primaire par TPS et la réception, l'hôtelier ayant un simple rôle passif et qu'il y aurait nouvelle représentation seulement si l'hôtelier diffusait une oeuvre audiovisuelle enregistrée et diffusée par ses soins en différé ; qu'il choisirait ainsi de proposer à un public réuni pour le recevoir, ce qui n'est pas le cas ;

Considérant, cela exposé, que l'article L. 122-2 du CPI résultant de la loi de 1985 dispose que: 'la représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :

1°) par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l'oeuvre télédiffusée ;

2°) par télédiffusion.

La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, et de messages de toute nature.

Est assimilée à une représentation l'émission d'une oeuvre vers un satellite' ;

Considérant qu'il est ainsi énoncé au premier alinéa, en termes généraux, la notion d'acte de représentation comme une communication au public par un procédé quelconque, ce qui ne lie nullement la représentation à un lieu public mais seulement à un public, les cas cités dans les 1°) et 2°) l'étant à titre d'exemple ;

Considérant que l'article 3 de la directive 2001/29 CE précise également que les ' Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs oeuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs oeuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement' ;

Considérant que ces textes ne donnent pas de précision sur ce qu'est le public ; que, néanmoins, le public, dans un sens juridique (tel qu'il résulte du Vocabulaire CORNU), et non pas dans son sens commun avancé par les intimés (nombre plus ou moins considérable de personnes réunies pour assister à un spectacle, à une cérémonie, à une réunion, selon LE LITTRE) se définit comme 'un ensemble indéfini des personnes qui peuvent être touchés par un moyen de diffusion', sans nécessité de réunion (ce qui s'oppose à la notion de cercle familial qui se limite au clan familial, exception visée par l'article L.122-5-1 du CPI) ; que tel est le cas de la clientèle d'un hôtel, à qui l'hôtelier transmet, par un signal, à l'ensemble des personnes s'adressant à lui pour un hébergement, les programmes de télévision, c'est à dire à des personnes autres que celle à laquelle l'oeuvre était initialement destinée ;

Considérant que telle est d'ailleurs l'interprétation donnée par la Cour de justice des communautés européennes qui, sur une question préjudicielle, a par arrêt du 7 décembre 2006, dit pour droit que : 1)'si la simple fourniture d'installations physiques ne constitue pas, en tant que telle, une communication au sens de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du conseil, du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication au public au sens de l'article 3, paragraphe 1, de cette directive,

2) le caractère privé des chambres d'un établissement hôtelier ne s'oppose pas à ce que la communication d'une oeuvre y opérée au moyen d'appareils de télévision constitue un acte de communication au public au sens de l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2001/29" ;

Considérant qu'il doit encore être relevé que la loi dite DADVSI du 1er août 2006 a dans son article 30 instauré une exception à la notion générale de public, dans le sens large retenu par l'article L.122-2 du CPI, en disposant que 'l'autorisation de télédiffuser une oeuvre par voie hertzienne comprend la distribution à des fins non commerciales de cette télédiffusion sur les réseaux internes aux immeubles ou ensembles d'immeubles collectifs à usage d'habitation installés par leurs propriétaires ou leurs copropriétaires, ou par les mandataires de ces derniers à seule fin de permettre le raccordement de chaque logement de ces mêmes immeubles ou ensembles d'immeubles collectifs à usage d'habitation à des dispositifs collectifs de réception des télédiffusions par voie hertzienne normalement reçues dans la zone', ce qui a exclu de l'application de l'article L.122-2 les immeubles collectifs, catégorie à laquelle n'appartiennent pas les hôtels ;

Considérant qu'ainsi, il ressort des textes internes susvisés, du texte communautaire et de l'interprétation donnée par la CJCE que l'ensemble des clients de l'hôtel, bien que chacun occupe à titre privé une chambre individuelle, constitue un public à qui la direction de l'établissement transmet les programmes de télévision ; que le premier juge ne peut être suivi en ce qu'il a dit que l'autorisation requise n'était nécessaire que lorsque la représentation concernait un lieu public, ce qui n'était pas le cas d'une chambre d'hôtel qui est un lieu privé quand elle est mise à la disposition d'un client déterminé et qui a, en outre, retenu que le client d'une chambre d'hôtel n'était pas le public visé par ce texte ;

Considérant sur la notion de transmission, que le premier juge ne peut davantage être suivi ; qu'en effet, la diffusion des programmes de télévision dans les chambres d'hôtel n'est pas réalisée directement à partir des émetteurs mais constitue une diffusion secondaire dans la mesure où l'acte de retransmission par signal se situe en amont de la réception pour les occupants des chambres ; qu'il s'agit, partant, non pas d'une transmission directe pour laquelle l'autorisation a déjà été donnée mais d'une nouvelle transmission à un public autre, par un nouvel acte de communication qui justifie le paiement de redevances à l'auteur ; qu'il importe peu que l'hôtelier ait un rôle passif, en ce sens qu'il ne transmet pas un programme unique qui s'impose au public; que seul importe en effet, pour caractériser un acte de représentation au sens de l'article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle, le fait de procurer à ses clients la possibilité de recevoir les programmes télévisuels ;

Considérant, en conséquence, que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit qu'il n'existait pas de nouvelle transmission ;

Considérant que le premier juge a également dit que la réception par les clients d'hôtels des oeuvres du répertoire de la SACEM était déjà couverte par l'autorisation qu'elle accorde moyennant redevance à l'organisme émetteur et qu'elle ne saurait dès lors demander une nouvelle redevance à l'hôtelier qui s'acquitte déjà d'un paiement auprès du Trésor Public pour les chaînes de télévision du secteur public et en l'espèce auprès de la société TPS qui lui permet la réception de ses programmes dans les chambres de son établissement à l'exception des lieux extérieurs ;

Considérant que selon la SACEM, ce raisonnement n'est pas justifié dès lors qu'il est acquis que la transmission de programme de télévision dans les chambres d'hôtel constitue un nouvel acte de communication au public au sens de l'article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle, ce qui justifie la délivrance d'une nouvelle autorisation et la perception d'une nouvelle redevance ; qu'elle ajoute que la société FRANKLIN ROOSEVELT ne peut valablement invoquer le contrat conclu avec la société TPS qui ne lui est pas opposable ;

Considérant cela exposé, que, comme il a été dit ci-dessus, la communication dans les chambres d'hôtel constitue un nouvel acte de communication au public et est soumise à une nouvelle autorisation des auteurs, sauf à démontrer que cette autorisation pour une transmission secondaire a été donnée ;

Considérant qu'en l'espèce, la société FRANKLIN ROOSEVELT justifie avoir conclu avec la société TPS un contrat par lequel la société TPS fournit des programmes télévisés afin que les clients puissent accéder gratuitement, et s'ils le souhaitent, à ces programmes, mais que la SACEM n'était pas partie à ce contrat et ne peut être ainsi tenue par les clauses qui y sont contenues ;

Considérant que la SACEM ne conteste pas avoir passé un contrat avec la société TPS l'autorisant à télédiffuser les oeuvres de son répertoire ; qu'il résulte toutefois de l'article 2 de ce contrat que l'autorisation de télédiffuser ne 'confère pas aux tiers, à l'exception des antennes collectives, des réseaux câblés ou prestataires techniques sous contrat avec TPS faisant l'objet d'un abonnement à TPS, le droit de relayer ou de communiquer au public, par quelque moyen que ce soit, notamment par voie de câble, les services diffusés par TPS sans avoir conclu, au préalable, avec les sociétés d'auteurs, une convention l'autorisant' ;

Considérant que la société TPS ne dispose donc pas de la faculté d'autoriser l'hôtel à relayer ou communiquer au public des programmes audiovisuels ; qu'elle ne saurait en conséquence transmettre des droits qu'elle n'a pas ; qu'il est, en outre, versé aux débats des extraits de contrats passées avec d'autres chaînes de télévision comportant la même clause ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de production de documents, les intimés ne démontrant pas qu'ils auraient reçu de la SACEM l'autorisation de représenter dans les chambres d'hôtel les émissions télévisuelles dans lesquelles son répertoire est exploité ;

Considérant que doit, en outre, être écarté l'argument suivant lequel la redevance audiovisuelle a déjà été versée par l'hôtelier, la perception de cette redevance par les services fiscaux étant indépendante des redevances dues à la SACEM en contrepartie de l'autorisation donnée pour la communication des oeuvres au public ;

Considérant qu'ainsi, la société TPS n'a pas été autorisée à permettre à des tiers de relayer ou de communiquer au public les programmes pour lesquels elle a reçu une autorisation de transmission directe ;

Considérant que ne s'agissant pas de la même transmission, il ne peut être fait reproche à la SACEM de demander un nouveau paiement, chaque nouvelle représentation à un public exigeant l'accord de l'auteur et, en conséquence, de nouvelles redevances ;

Considérant qu'il est encore soutenu par la société FRANKLIN ROOSEVELT qu'admettre le paiement de redevance au titre des droits d'auteurs sur les éléments musicaux d'une oeuvre audiovisuelle aurait pour conséquence une insécurité juridique du fait que les utilisateurs des postes TV seraient dans l'ignorance de l'ensemble des droits d'auteur qui pourraient être réclamées soit directement par les auteurs, soit par les nombreuses sociétés d'auteurs ; qu'elle expose, en outre, qu'en raison de la décision rendue en 1971 au bénéfice de la société 'Hôtel le Printemps' suivant laquelle la Cour de Cassation a jugé que 'la cour d'appel avait décidé à bon droit qu'une chambre d'hôtel constituant un lieu privé, la réception par les clients de l'hôtel des oeuvres du répertoire de la SACEM était couverte par l'autorisation qu'elle a accordée à l'organisme émetteur et ne saurait donner lieu au paiement d'une redevance', il existe une inégalité de traitement entre les hôtels, la société 'Hôtel Le Printemps' étant dégagée, contrairement aux autres, de tout paiement ;

Mais considérant qu'une situation particulière liée à une décision ayant autorité de chose jugée, au demeurant rendue avant modification de l'article 27 de la loi du 11 mars 1957, n'a d'effet qu'entre les parties et ne saurait impliquer à l'égard des tiers une insécurité juridique, étant au demeurant rappelé qu'est prohibé tout arrêt de règlement ;

Considérant que la société FRANKLIN ROOSEVELT invoque également la violation du droit à l'information consacré par l'article 10-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, exposant qu'en obligeant à l'obtention d'une autorisation préalable, la SACEM interdit l'accès à l'ensemble des programmes TV dans leur globalité- et ce, même pour les fragments de ces programmes sans musique ou avec une musique libre de droits ; qu'elle contrevient, en outre, au principe de liberté fondamentale de réception audiovisuelle consacré par le Conseil Constitutionnel à l'occasion de l'examen de l'article 1 de la loi relative à la liberté de communication de 1986 qui dispose : 'L'établissement et l'emploi des installations de télécommunication, l'exploitation et l'utilisation des services de télécommunication sont libres. Cette liberté ne peut être limitée, dans le respect de l'égalité de traitement, que dans la mesure requise pour les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public ainsi que par la sauvegarde de l'ordre public, de la liberté et de la propriété d'autrui et de l'expression pluraliste des courants d'opinion' ;

Mais considérant que c'est dans le strict respect des droits ci-dessus rappelés que la SACEM réclame paiement de redevances dues aux titulaires des droits d'auteur ; qu'elle n'a, d'ailleurs, nullement interdit aux clients de l'hôtel d'accéder aux émissions télévisuelles dans lesquelles des oeuvres relevant de son répertoire sont diffusées, de telle sorte que l'accès aux autres émissions diffusées était possible ; qu'il ne peut, ainsi, lui être fait reproche de s'opposer au libre accès à l'information, étant observé que le droit d'auteur est reconnu comme étant un droit de l'homme selon l'article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 qui dispose que chacun a droit à la protection de ses intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur et que le respect du droit des auteurs ne constitue une entrave ni à la liberté de réception des programmes ni à la libre transmission de messages télévisés diffusés par satellite ;

Considérant que l'argumentation tirée de la violation de l'article 455 du Code de procédure civile, du fait que la SACEM se référerait uniquement à de précédentes décisions sans motiver ses demandes, n'est pas justifiée, dès lors que, si des décisions ont été citées, (ainsi que l'ont également fait les intimés), ce n'est pas pour demander l'application pure et simple des décisions déjà rendues ; que la SACEM a, en réalité, développé une argumentation propre ;

Considérant, en conséquence, que la décision sera infirmée, la SACEM reprochant à juste titre un comportement fautif du fait d'une nouvelle transmission sans autorisation ;

Sur la mise en cause de Messieurs Philippe et BenjaminTHOMAS pris à titre personnel

Considérant que la SACEM fait essentiellement valoir que Messieurs THOMAS dirigeants de manière successive de la société FRANKLIN ROOSEVELT sont responsables à titre personnel sur le fondement de l'article 1382 du Code civil in solidum avec la société des actes d'exploitation illicites des oeuvres du répertoire de la SACEM ayant, en toute connaissance de cause, commis une faute d'une particulière gravité détachable de leurs fonctions, ne respectant pas une obligation légale ;

Mais considérant que comme le soulignent exactement Messieurs THOMAS, durant plusieurs années, la SACEM n'a rien réclamé au titre des transmissions effectuées sur des téléviseurs installés dans des chambres d'hôtel ; qu'il ne saurait, ainsi leur être reproché, d'avoir de manière intentionnelle, refusé de payer les redevances, en sachant qu'ils ne respectaient pas les dispositions légales, alors que précisément la portée de ces dispositions était l'objet de discussion sérieuses et non dilatoires, y compris devant la cour de justice des communautés européennes ;

Que n'étant pas démontré que Messieurs THOMAS auraient commis à titre personnel, une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales, leur demande de condamnation sera rejetée ;

Considérant que les demandes d'indemnisation formées par Messieurs THOMAS à titre de dommages et intérêts ne sauraient prospérer, dès lors que bien que mis hors de cause, il n'est pas démontré qu'ils auraient subi un préjudice à titre personnel ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

Considérant que des raisons d'équité commandent de laisser à leur charge les frais d'appel engagés par eux dans cette instance ; que le jugement sera également sur ce point réformé ;

Sur le montant de la créance

Considérant qu'il est essentiellement reproché à la SACEM d'imposer ses tarifs et d'avoir un comportement attentatoire au principe de la liberté de contracter, constitutif de violence au sens des articles 111 et suivants du Code civil, la SACEM l'ayant mis en demeure le 15 février 2006, de signer le contrat sous peine de sanctions pénales ; qu'elle se constitue ainsi un monopole lui permettant d'imposer ses tarifs et de multiplier les redevances, que cette attitude est critiquée dans plusieurs publications ;

Mais considérant que la SACEM, qui a pouvoir de conclure des accords au nom de ses adhérents, selon les dispositions de l'article L. 132-18 du Code de la propriété intellectuelle, verse aux débats les règles générales d'autorisation et de tarification relatives aux années de redevances réclamées qui ont été négociées avec les divers syndicats professionnels, ainsi que le détail des sommes pour les différentes années calculées en fonction du nombre de chambres et des abattements pratiqués ; que, bien que les intimés produisent un document (dont l'origine n'est pas précisée) qui montre que des sociétés d'auteur étrangères réclament des redevances d'un montant moins élevé que ceux de la SACEM, ce document présenté sous forme de tableau suivant les différents pays, n'est pas corroboré par les tarifs émanant des sociétés d'auteur et ne permet ainsi pas à la cour de faire une comparaison pertinente de nature à démontrer le caractère abusif ou excessif des redevances réclamées par la SACEM par rapport à celles réclamées par les organismes analogues dans les pays voisins ;

Considérant que la SACEM qui représente les auteurs ou leurs ayants droit est, dès lors, fondée à réclamer la réparation financière correspondant à la contrepartie de l'usage non autorisé des oeuvres de son répertoire, soit la rémunération que l'auteur aurait perçue et qu'il lui appartenait de fixer s'il avait conventionnellement autorisé l'usage ;

Considérant qu'eu égard aux documents mis aux débats, en prenant en compte le protocole d'accord conclu entre la SACEM et le SYNHORCAT, le nombre de chambres de l'hôtel, et l'abattement contractuel que la SACEM accepte d'appliquer en l'espèce, il est dû :

- pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001, la somme de 267,19 euros HT (abattement de 30%),

- pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002, celle de 315,92 euros HT (abattement de 20%),

- pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, celle de 369,32 euros HT (abattement de 10%),

- pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004, celle de 421,77 euros HT,

- pour la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2005 celle de 249,02 euros HT soit une somme totale de 1712,53 euros TTC ;

Que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Considérant que la SACEM réclame une indemnisation complémentaire pour 'troubles de toute natures causés dans l'exercice de son objet social' ;

Mais considérant que la SACEM ne justifie cependant pas d'un préjudice particulier subi par la résistance des intimés ; que la demande de dommages et intérêts complémentaire sera rejetée ;

Considérant que des raisons d'équité commandent d'écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que le jugement sera sur ce point infirmé ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que la SACEM justifiait de sa qualité à agir et l'a déclarée recevable en sa demande,

Statuant à nouveau,

Condamne la société FRANKLIN ROOSEVELT SA à payer à la SACEM la somme de 1712,53 euros TTC pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005 au titre des redevances de droits d'auteur éludés, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Déboute la SACEM de ses demandes formées à l'encontre de Messieurs Philippe et BenjaminTHOMAS ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société FRANKLIN ROOSEVELT aux entiers dépens qui seront recouvrés pour les dépens d'appel par la SCP ARNAUDY BAECHLIN, avoué, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.