CA Paris, 32e ch. corr., 13 décembre 2021, n° 19/05566
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Procureur de la République Financier (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mee
Avocats :
Me Normand-Bodard, Me Cornut-Gentille, Me Marembert
DEBATS
Par ordonnance de l'un des juges d'instruction de ce siège en date du 17 mars 2017, M. Olivier B…, M. Hervé D…, M. Patrick F…, M. Dieter K…, M. Raoul W…, M. Philippe I…, UBS AG et UBS France sont renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention :
M. Olivier B… démarchage bancaire illégal d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, d’octobre 2007 à mars 2009, alors que ni lui ni ses chargés d'affaires n'étaient habilités à intervenir sur le territoire français, démarché et fait démarcher illicitement des résidents fiscaux français, en sa qualité de responsable du bureau France International, pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous son autorité, et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires.
Faits prévus et réprimés par les articles L353-2 ; L353-3 ; L341-3 ; L341-4 ; L341-4 ;L341-1 ; L341-2 du code monétaire et financier et 313-1 du code pénal. Blanchiment aggravé de fraude fiscale d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, en Suisse, de octobre 2007 jusqu'à Wealth Management International ») puis à partir d'octobre 2007 de responsable de la banque privée (« Wealth Management CEO »), apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité de manager d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'une délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés (IS) commis par des contribuables du Trésor public français, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimé à une somme 8,5 milliards d'euros au 30 novembre 2008
Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-6, 324-7 du code pénal.
M. Hervé D…
Complicité de démarchage bancaire illégal pour avoir dans le Nord et sur le territoire national, de 2004 jusqu'en 2009, été complice, par fourniture de moyens (notamment organisation conjointe d'évents) du délit de démarchage bancaire illicite commis par UBS AG sur le territoire national, consistant, alors que UBS AG n'était pas entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, à démarcher en France des résidents français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers,
Faits prévus et réprimés par les articles L353-2, L 353-4 L341-3, L341-4, L341 -1, L341-2 du code monétaire et financier, et 121-6, 121-7, et 313-1 du code pénal, recel de démarchage bancaire illégal pour avoir dans le Nord, de 2004 jusqu'à 2009, bénéficié en connaissance de cause du produit de ce démarchage illicite, via ses bonus calculés notamment sur le produit du démarchage illicite
Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3 et 321-9 du code pénal.
M. Patrick F… est prévenu : d'avoir à Paris (75), en tout cas sur le territoire national, de 2004 jusqu'en 2009, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, été complice du délit de démarchage bancaire illicite commis par la société UBS AG sur le territoire national (les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous l'autorité de leur employeur), consistant, alors que la société UBS AG n'était pas une entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, à démarcher des résidents fiscaux français, en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l'espèce, notamment en organisant conjointement avec ses homologues d'UBS AG des événements promotionnels (events) financés par UBS AG, visant notamment le segment HNW et UHNW et en organisant des synergies entre équipes du segment Co reaffluent.
Faits prévus et réprimés par les articles L 353-2; L 353-3; L341-3 ; L341-4 ; L341-1 ; L341-2 du code monétaire et financier 313-1 ; 121-6 et 121-7 du code pénal.
D'avoir à Paris (75), en tout cas sur le territoire national, de 2004 jusqu'en 2009, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce le démarchage bancaire et financier illicite commis par des chargés d'affaires de la banque UBS AG, en dissimulant par compensation, dans l'outil informatique dénommé Adjustement transfer assets (ATA), des reconnaissances d'affaires qui avaient été préalablement enregistrées dansles "carnets du lait".
Faits prévus et réprimés par les articles 324-1 ; 324-3 ; 324-6 ; 324-7 ; 324-8 du code pénal.
M. Dieter K… démarchage bancaire illégal d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, de 2004 à septembre 2008, alors que ni lui ni ses chargés d'affaires n'étaient habilités à intervenir sur le territoire français, démarché et fait démarcher illicitement des résidents fiscaux français, en sa qualité de responsable de la division Europe de l'Ouest (CEO Wealth management Western Europe), pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous son autorité, et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires.
Faits prévus et réprimés par les articles L353-2 ; L353-3 ; L341-3 ; L341-4 ; L341-4 ; L341-1 ; L341-2 du code monétaire et financier et 313-1 du code pénal. Blanchiment aggravé de fraude fiscale d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, en Suisse, de 2004 jusqu'à septembre 2008, en sa qualité de responsable de la division Europe de l'Ouest (CEO Wealth management Western Europe), apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité de manager d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'une délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés (IS) commis par des contribuables du Trésor public français, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimé à une somme de 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards d'euros au 30 novembre 2008
Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-6, 324-7 du code pénal.
M. Raoul W… démarchage bancaire illégal d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, de 2004 à novembre 2008, alors que ni lui ni ses chargés d'affaires n'étaient habilités à intervenir sur le territoire français, fait démarcher illicitement des résidents fiscaux français, en sa qualité de responsable de la banque privée internationale (« head of Wealth Management International ») puis à partir d'octobre 2007 de responsable de la banque privée (« Wealth Management CEO »), pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous son autorité, et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires.
Faits prévus et réprimés par les articles L 353-2 ; L 353-3 ; L341-3 ; L341-4 ; L341 -1 ; L341-2 du code monétaire et financier et 313-1 du code pénal blanchiment aggravé de fraude fiscale d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, en Suisse, de 2004 jusqu'à novembre 2008, en sa qualité de responsable de la banque privée internationale (« head of Wealth Management International ») puis à partir d'octobre 2007 de responsable de la banque privée (« Wealth Management CEO »), apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité de dirigeant d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'une délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés (IS) commis par des contribuables du Trésor public français, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimé à une somme de 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards d'euros au 30 novembre 2008
Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-6, 324-7 du code pénal.
M. Philippe I… démarchage bancaire illégal d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, de 2004 à octobre 2007, alors que ni lui ni ses chargés d'affaires n'étaient habilités à intervenir sur le territoire français, démarché et fait démarcher illicitement des résidents fiscaux français, en sa qualité de responsable du bureau France International, pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous son autorité, et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires.
Faits prévus et réprimés par les articles L 353-2 ; L 353-3 ; L341-3 ; L341-4 ; L341 -1 ; L341-2 du code monétaire et financier et 313-1 du code pénal blanchiment aggravé de fraude fiscale d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, en Suisse, de 2004 jusqu'à octobre 2007, en sa qualité de responsable du bureau France International, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité de manager d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés (IS) commis par des contribuables du Trésor public français, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimé à une somme de 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006
Faits prévus et réprimés par les articles 324-1, 324-2, 324-3, 324-6, 324-7 du code pénal.
Démarchage bancaire illégal d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, de 2004 à 2011, alors qu'elle n'était pas une entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, démarché illicitement des résidents fiscaux français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires (client advisor) d'UBS AG agissant sous l'autorité de leur employeur, et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires.
Faits prévus et réprimés par les articles L 353-2 ; L 353-3 ; L341-3 ; L341-4 ; L341 -1 ; L341-2 du code monétaire et financier et 121-2 et 313-1 du code pénal blanchiment aggravé de fraude fiscale d'avoir à Paris (75) et sur le territoire national, en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'une délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés (IS) commis par des contribuables du Trésor public français, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimés à une somme de 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards d'euros au 30 novembre 2008
Faits prévus et réprimés par les articles 121-2, 324-1, 324-2, 324-3, 324-6, 324-9 du code pénal.
Complicité de démarchage bancaire illégal d'avoir sur le territoire national, de 2004 jusqu'en 2009, été complice du délit de démarchage bancaire illicite commis par UBS AG sur le territoire national, consistant, alors que UBS AG n'était pas entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, à démarcher en France des résidents français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, notamment, en servant de relais ou d'intermédiaires entre des prospects et des chargés d'affaires de la société UBS AG, par l'organisation conjointe d'événements promotionnels (les events) visant notamment le segment HNW et UHNW, et l'organisation de synergies entre équipes du segment Core Affluent,
Faits prévus et réprimés par les articles L353-2 et L353-4 du code monétaire et financier, et 121-2, 121-6, 121-7, et 313-1 du code pénal
Complicité de blanchiment de fraude fiscale d'avoir sur le territoire national, de 2004 à 2008, été complice par fourniture de moyens du blanchiment aggravé de fraude fiscale en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, reproché à UBS AG, notamment, en servant de relais ou d'intermédiaires entre des prospects et des chargés d'affaires de la société UBS AG, par l'organisation conjointe d'événements promotionnels (les events) visant notamment le segment HNW et UHNW, et l'organisation de synergies entre équipes du segment Core Affluent,
Faits prévus et réprimés par les articles 121-2, 121-6, 121-7, 324-1, 324-2 et 324-9 du code pénal et 1741 du code général des impôts.
Les débats ont été tenus en audience publique.
Audience du 8 octobre 2018, à 13h30.
La présidente a procédé à l'appel des prévenus et de la partie civile.
Monsieur Alain R…, représentant légal de UBS AG, a comparu à l'audience, assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
Monsieur Jean-Frédéric L… et Monsieur Hervé M…, représentants légaux de UBS FRANCE ont comparu à l'audience ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
B… Olivier a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
D… Hervé a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
F… Patrick a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
K… Dieter a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
W… Raoul a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
I… Philippe a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.
La présidente a constaté l'identité des prévenus, a rappelé les mesures de sureté et le bulletin numéro 1 du casier judiciaire.
La présidente a donné lecture de la prévention.
La présidente a informé les prévenus de leurs droits, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, conformément aux dispositions de l'article 406 du Code de procédure pénale.
Mention de cette notification a été faite dans les notes d'audience.
Sur la demande de renvoi de Monsieur D… :
Maître Thierry MAREMBERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Hervé
D…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie sur la demande de renvoi.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en ses observations.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi lors d'une suspension d'audience, le tribunal a rejeté la demande de renvoi.
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :
Maître Éric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS France, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Maître François ESCLATINE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris, conseil de l'Etat français, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions en réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions, après dépôt d'observations écrites.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie en réponse.
Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS France, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie en réponse.
Puis, à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 08 octobre 2018 à 13h30, le
Tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que la décision serait prononcée le 11 octobre 2018, à 13h30, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.
Audience du 11 octobre 2018, à 13h30.
A cette date, vidant son délibéré sur les questions prioritaires de constitutionnalité, conformément à la loi, la Présidente a donné lecture des décisions de ne pas transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation.
Sur les nullités :
Maître Thierry MAREMBERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Hervé D…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions de nullité.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître Kiril BOUGARTCHEV, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur
Philippe I…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions de nullité.
Maître Julia STASSE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Dieter K…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions de nullité.
Maître Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Olivier B…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions in limine litis.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendue en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions in limine litis.
Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS France, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions in limine litis.
Maître Christian SAINT-PALAIS, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Patrick F…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie.
Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris, conseil de l'Etat français, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions en réponse sur les nullités.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendue en sa plaidoirie en réponse.
Maître Kiril BOUGARTCHEV, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Philippe I…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie,
Puis, à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 11 octobre 2018 à 13h30, le Tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que la décision serait prononcée le 15 octobre 2018, à 13h30, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.
Audience du 15 octobre 2018, à 13h30.
A cette date, vidant son délibéré sur les nullités, conformément à la loi, la Présidente a donné lecture de la décision de joindre les incidents au fond.
La présidente a donné un calendrier prévisionnel des audiences.
Sur la demande de versement de pièces :
Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS France, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS France, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie en réponse.
La présidente a procédé à un rappel des faits dans un rapport préliminaire.
Monsieur Hervé D…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 17 octobre 2018 à 09h00.
Audience du 17 octobre 2018, à 09h00.
La présidente a rappelé la prévention de Monsieur Patrick F…, prévenu.
Monsieur Patrick F…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 18 octobre 2018 à 13h30.
Audience du 18 octobre 2018, à 13h30.
Monsieur Patrick F…, prévenu, a été entendu en la poursuite de ses déclarations.
La présidente a rappelé la prévention et les mesures de sureté pour la société UBS FRANCE, prévenue.
Monsieur Jean-Frédéric L… et Monsieur Hervé M…, représentant la société UBS FRANCE, prévenue, ont été entendus en leurs déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 22 octobre 2018 à 13h30.
Audience du 22 octobre 2018, à 13h30.
Monsieur Jean-Frédéric L… et Monsieur Hervé M…, représentant la société UBS FRANCE, prévenue, ont été entendus en la poursuite de leurs déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 24 octobre 2018 à 09h00.
Audience du 24 octobre 2018, à 09h00.
Monsieur Raoul W…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 25 octobre 2018, à 13h30.
Audience du 25 octobre 2018, à 13h30.
Monsieur Raoul W…, prévenu, a été entendu en la poursuite de ses déclarations.
Monsieur Alain R…, représentant la société UBS AG, prévenue, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 29 octobre 2018 à 13h30.
Audience du 29 octobre 2018, à 13h30.
Monsieur Alain R…, représentant la société UBS AG, prévenue, a été entendu en la poursuite de ses déclarations.
Monsieur Dieter K…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 31 octobre 2018 à 09h00.
Audience du 31 octobre 2018, à 09h00.
Monsieur Dieter K…, prévenu, a été entendu en la poursuite de ses déclarations.
Monsieur Philippe I…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 5 novembre 2018 à 13h30.
Audience du 5 novembre 2018, à 13h30.
La présidente a donné lecture d'une lettre anonyme reçue ce jour au greffe de la 32ème chambre.
La présidente a constaté qu'il n'y avait pas d'observations des parties.
Maître Éric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS FRANCE, prévenue, a été entendu en ses observations sur les pièces versées ce jour par le Parquet National Financier.
La présidente a autorisé le dépôt des pièces par Maître Eric DEZEUZE, conseil de UBS FRANCE.
Monsieur Philippe I…, prévenu, a été entendu en la poursuite de ses déclarations.
La présidente a rappelé les mesures de sureté et la prévention de Monsieur Philippe I…, prévenu.
Monsieur Olivier B…, prévenu, a été entendu en ses déclarations.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 7 novembre 2018 à 09h00.
Audience du 7 novembre 2018, à 09h00.
Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS FRANCE, prévenue, a été entendu en ses observations sur le dépôt des pièces concernant le dossier de harcèlement.
Monsieur Jean-Frédéric L…, représentant UBS FRANCE, prévenue, a été entendu en ses déclarations sur ce dossier.
Maître Xavier NORMAND-BODARD, avocat au barreau de Paris, conseil de l'État français, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 8 novembre 2018 à 13h30.
Audience du 8 novembre 2018, à 13h30.
Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 12 novembre 2018 à 13h30.
Audience du 12 novembre 2018, à 13h30.
Maître Thierry MAREMBERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Hervé D…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître Christian SAINT-PALAIS, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Patrick F…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître Kiril BOUGARTCHEV, avocat au barreau de Paris, conseil de monsieur Philippe I…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 14 novembre 2018 à 09h00.
Audience du 14 novembre 2018, à 09h00.
Maître Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Olivier B…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître Clara PARTOUCHE, avocate au barreau de Paris, conseil de Monsieur Dieter K…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie.
Maître Julia STASSE, avocate au barreau de Paris, conseil de Monsieur Dieter K…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître Xavier AUTAIN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Raoul W…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître Jean-Yves DUPEUX, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Raoul W…, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 15 novembre 2018 à 09h00.
Audience du 15 novembre 2018, à 09h00.
Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Maître François ESCLATINE, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Le conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal a ordonné qu'ils seraient continués à l'audience du 15 novembre 2018 à 14h15.
Audience du 15 novembre 2018, à 14h15.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS AG, prévenue, a été entendu en la poursuite de sa plaidoirie.
Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, conseil de UBS FRANCE, prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.
Puis à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 15 novembre2018 à 14h15, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 20 février 2019 à 13h30, conformément aux dispositions de l'article 462 du Code de procédure pénale.
A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, la Présidente a donné lecture de la décision, en vertu de l'article 485 du code de procédure pénale, dont la teneur suit.
Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :
PROCEDURE
1- DEMANDE DE RENVOI
Hervé D… sollicite le renvoi de l’affaire à une date ultérieure au motif qu’il a fait appel de l’ordonnance par laquelle le magistrat instructeur a rejeté sa demande tendant à faire constater la prescription de l’action publique, que la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Paris demeure saisie de ce recours examiné le 25 juin 2018, le délibéré ayant été prorogé au 15 octobre 2018.
Par observations déposées le 01/08/2016 en réponse au réquisitoire définitif en date du 24/06/2016, Monsieur Hervé D… a demandé qu'il soit constaté l'extinction de l'action publique. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de rejet de constatation de la prescription le 17/03/2017.
Par déclaration au greffe de la juridiction le 20 mars 2017, le conseil de Monsieur Hervé D… en a interjeté appel.
Il résulte de l’article 82-3 du code de procédure pénale que le juge d’instruction doit rendre une ordonnance motivée dans un délai d’un mois à compter de la réception d’une demande tendant à constater la prescription de l’action publique.
Il ressort également de l’article 81 du code de procédure pénale dernier alinéa que faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai, la partie peut saisir directement le Président de la Chambre de l’Instruction.
Le Tribunal constate que Monsieur Hervé D… n’a pas utilisé cette faculté et s’est donc privé d’un recours effectif au cours de la procédure d’information.
Par ailleurs, la défense de Monsieur Hervé D… a la possibilité de faire valoir, devant le Tribunal Correctionnel, tout argument en matière de prescription de l’action publique.
En conséquence, la demande de renvoi présentée par Monsieur Hervé D… est rejetée.
2- QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITE
Question Prioritaire de Constitutionnalité N°1 UBS AG
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, la société UBS AG pose la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les articles 324-1 du Code pénal et L 228 du Livre des procédures fiscales qui, selon l’interprétation jurisprudentielle retenue par la Cour de Cassation dans son arrêt n°07-82.977 du 20 février 2008, ne subordonnent pas, en matière de blanchiment de fraude fiscale, l’action publique à une plainte préalable de l’administration fiscale, portent-ils atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, à l’indépendance des pouvoirs législatif et exécutif ainsi qu’aux articles 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ? » et demande sa transmission à la Cour de Cassation pour renvoi devant le Conseil
Constitutionnel en vertu de l’article 61-1 de la Constitution, de l’Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et des articles LO630 et suivants et R*49-21 du code de procédure pénale dès lors qu’elle respecte les trois conditions de saisine du Conseil (article 23-2 de l’ordonnance précitée).
Il est constaté que l'article 324-1 du code pénal constitue le fondement des poursuites et que l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales est applicable au litige et à la procédure.
Il est argué que tel qu'interprété par la jurisprudence, l'article 321-4 du code pénal passe outre les dispositions de l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales.
Il est noté que l'article 324-1 du code pénal, notamment dans son alinéa 2 n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel et que, par ailleurs, si l'article L.228 du Livre de Procédure Fiscale a été déclaré conforme à la Constitution en
2016, c'est isolément et dans son principe même.
Il est soutenu que la jurisprudence dite « TALMON » issue de l'arrêt de la Cour de
Cassation, Chambre Criminelle en date du 20/02/2008 lequel a consacré le principe de l'autonomie de l'infraction de blanchiment, le délit de blanchiment de fraude fiscale pouvant être poursuivi sans plainte préalable de l'administration fiscale et donc sans que soit respectée la procédure de l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales, constitue une violation de l'article L.228 alinéa 1er du Livre des Procédures Fiscales et signe une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ayant pour corollaire les indépendances des pouvoirs législatif et exécutif à la fois l'un vis-à-vis de l'autre mais aussi vis-à-vis de l'autorité judiciaire.
Il est indiqué que le Conseil Constitutionnel a rappelé que : « la méconnaissance du principe de séparation des pouvoir ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».
Il est ainsi prétendu que la présente question prioritaire de constitutionnalité entend voir constater une double atteinte à l'indépendance des pouvoirs législatifs et exécutif et le fait que la jurisprudence « TALMON » créée pour le justiciable une situation de confusion juridique et d'arbitraire contraire aux articles 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Il est estimé qu'en l'espèce, les autorités de poursuite ont instrumentalisé l'infraction de blanchiment de fraude fiscale, en l'absence de plainte de l'administration fiscale, pour poursuivre UBS AG au regard de faits qui, tels que décrits dans la prévention, auraient pu être qualifiés de complicité de fraude fiscale.
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, l'ETAT FRANCAIS, partie civile, conclut au refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la combinaison des articles 324-1 du code pénal et L 228 du Livre des Procédures Fiscales aux motifs que l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales ainsi que la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation l'a expressément jugé dans son arrêt du 20/02/2008, n'est pas applicable au litige ou à la procédure, que s'il est exact que le Conseil Constitutionnel n'a pas eu à se prononcer sur les dispositions de l'article 324-1 du code pénal, il s'est prononcé le 22/07/2016 sur l'article L.228 alinéa 1er du Livre des Procédures Fiscales estimant qu'il n'existait aucune atteinte aux principes d'égalité devant la loi et de nécessité des peines et que s'il existait une atteinte au principe constitutionnel de libre exercice de l'action publique par le Ministère Public, cette atteinte était limitée et n'était pas disproportionnée.
Il est argué que la question est dépourvue de caractère sérieux en ce que la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a déjà jugé dans son arrêt n°14-85251 en date du 25/03/2015 que le fait que la poursuite pour délit de blanchiment de fraude fiscale ne soit pas soumise aux dispositions de l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales ne porte pas atteinte au principe de légalité résultant de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et les poursuites en matière de blanchiment, même de fraude fiscale, exercées sur le fondement de l'article 324-1 du code pénal, sont conformes à la loi, dépourvues de tout arbitraire et ne portent pas atteinte à l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, nonobstant l'absence de plainte préalable de l'Administration après saisine de la Commission des Infractions Fiscales.
Il est rappelé que, lorsqu'il a voté la loi n°96-392 du 13/05/1996 instituant l'article 324-1 du code pénal, le législateur a expressément voulu que la poursuite du délit de blanchiment de fraude fiscale ne suive pas les règles procédurales spécifiques applicables en matière de fraude fiscale (débats parlementaires devant le Sénat le 17 et 18 octobre 1995.
Par observations régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, le Ministère Public relève qu'en posant cette question prioritaire de constitutionnalité, UBS AG se borne essentiellement à contester une interprétation de l'article 324-1 du code pénal et le choix de la qualification retenue. Il est rappelé qu'aucun prévenu n'est poursuivi du chef de fraude fiscale. L'article L.228 du Livre des Procédures Fiscale n'a donc pas de lien réel avec les poursuites pénales de sorte que cette disposition n'est pas applicable au litige.
Il est argué que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de trancher une question prioritaire de constitutionnalité quasi-identique portant sur l'article 324-1 alinéa 2 du code pénal le 25/03/2015 et a dit n'y avoir lieu à transmettre la question au Conseil Constitutionnel.
La Cour de cassation a en effet estimé que la question posée ne présentait pas de caractère sérieux en ce que les dispositions légales critiquées ne portaient atteinte à aucun des principes invoqués, les poursuites pour le délit général, distinct et autonome de blanchiment étant exercées selon les mêmes modalités, quelle que soit l'infraction d'origine. La référence au principe de séparation des pouvoirs ou d'indépendance du pouvoir exécutif ne changeait rien à ce qui a été tranché, les modalités de poursuite du délit de blanchiment étant indépendantes des règles régissant l'infraction d'origine.
L'argument d'une prétendue méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs apparaît réversible. Le Procureur de la République disposant de l'opportunité des poursuites (article 40 du code de procédure pénale), c'est au contraire le mécanisme de l'article L.228 du Livres des Procédures Fiscales qui peut être considéré comme portant atteinte à la séparation des pouvoirs. Le Conseil Constitutionnel l'a reconnu dans sa décision n°2016-555 QPC du 22/07/2016 tout en estimant que cette atteinte n'était pas disproportionnée.
SUR LA RECEVABILITE
Les conditions de recevabilité prévues par l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont respectées, puisque la question prioritaire de constitutionnalité est présentée par écrit, dans un mémoire distinct et motivé.
SUR LA TRANSMISSION
Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :
« La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.
Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. [...]. »
1. Sur l'applicabilité au litige
L'article 324-1 du code pénal est applicable au litige. L’article L.228 du livre des procédures fiscales, pris isolément, n'est pas applicable au présent litige. En revanche, l'interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation de la combinaison des deux articles précités, résultant de son arrêt du 20 février 2008, est bien applicable au présent litige.
2. Sur le caractère nouveau de la question prioritaire de constitutionnalité
L'article 324-1 du code pénal n'a pas été déclaré conforme à la Constitution. L'article L.228 du livre des procédures fiscales a été déclaré conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel n° 2016-555 QPC du 22 juillet 2016.
L'interprétation jurisprudentielle retenue par la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 février 2008, de la combinaison des articles 324-1 du code pénal et L.228 du livre des procédures fiscales, a déjà fait l'objet d'un examen de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2015, au titre de l'atteinte au principe de légalité, garanti notamment par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice garanti par l'article 6 du même texte.
La question prioritaire de constitutionnalité soumise au tribunal porte sur la même interprétation jurisprudentielle, mais confrontée au principe de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance des pouvoirs législatif et exécutif, ainsi qu'aux articles 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. En cela, la question posée est nouvelle.
3. Sur le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité
La question présentée est dépourvue de caractère sérieux.
En effet, l'interprétation jurisprudentielle des dispositions légales critiquées ne porte atteinte à aucun des principes constitutionnels invoqués. Les poursuites sur le délit général, distinct et autonome de blanchiment, sont exercées de manière libre et indépendante par le ministère public, qui dispose de l'opportunité des poursuites, et selon la même modalité quelque soit l'infraction d'origine.
Le blanchiment du délit de fraude fiscale qui serait conditionné à une plainte de l'administration fiscale ne pourrait qu'entraîner une atteinte aux principes constitutionnels invoqués même proportionnée, et non le contraire.
Question Prioritaire de Constitutionnalité n°2 UBS AG
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, la société UBS AGpose la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les dispositions combinées des articles 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal portent-elles atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la Loi, qui découle de l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu’elles peuvent être utilisées pour poursuivre sous la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale des faits relevant de la qualification de complicité de fraude fiscale, prévue et réprimée par les articles 121-6 et 121-7 du code pénal et 1741 et 1742 du Code Général des Impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différent de celui de blanchiment aggravé ? ».
Et demande sa transmission à la Cour de cassation pour renvoi devant le Conseil Constitutionnel en vertu de l’article 61-1 de la Constitution, de l’Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et des articles LO630 et suivants et R*49-21 du code de procédure pénale dès lors qu’elle respecte les trois conditions de saisine du Conseil (article 23-2 de l’ordonnance précitée).
Il est constaté que les articles 324-1, alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal constituent le fondement des poursuites engagées à l'encontre de la société UBS AG pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et que ces articles n'ont jamais été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel.
Sont invoqués l'article 1er de la Constitution lequel proclame que la France : « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » et l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen lequel énonce que : « la loi est l'expression de la volonté générale (…). Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».
Il est argué qu'en l'espèce, la possible poursuite sur le fondement de la complicité de fraude fiscale de faits aujourd'hui incriminés sur le fondement du blanchiment aggravé de fraude fiscale et les différences fondamentales de répression entre complicité de fraude fiscale et blanchiment aggravé rendent inconstitutionnelles des poursuites, sous ces deux incriminations distinctes, de faits identiques et similaires.
Il est soutenu qu'il existe de telles différences de répression entre ces deux incriminations que la liberté laissée par la loi aux autorités de poursuites de choisir l'une ou l'autre constitue à l'évidence une rupture d'égalité devant la loi pénale.
Il est rappelé que ces différences de répression se déclinent en des différences en matière de peines et en matière procédurale.
Au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité, il est également déposé des conclusions aux fins de relaxe d'UBS AG du chef de complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale en raison de l'inconstitutionnalité des dispositions combinées des articles 121-6 et 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal déclarées inconstitutionnelles et du fait que les articles 324-1 du code pénal et L.228 du Livre des
Procédures Fiscales, selon l'interprétation jurisprudentielle retenue par la Cour de cassation dans son arrêt n°07-82.977 du 20 février 2008, ont été déclarés inconstitutionnels.
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, l'ETAT FRANCAIS, répond sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par UBS AG et UBS France.
L'Etat Français fait valoir que les articles 1741 et 1742 du Code Général des Impôts ne sont pas applicables à la procédure car les sociétés UBS AG et UBS France sont uniquement poursuivies sous la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale et complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale.
Il est constaté que le Conseil Constitutionnel n'a pas eu à se prononcer sur les dispositions de l'article 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal, séparément ou combinés avec les articles 121-6 et 121-7 du code pénal, voir avec l'article 1741 du code général des impôts.
Il est argué que la Cour de cassation a considéré dans un arrêt rendu le 25/03/2015 (N°14-85251) que les dispositions de l'article 324-1 alinéa 2 du code pénal, confrontées à celles de l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales, ne portaient pas atteinte au principe de légalité garanti par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ni au principe d'égalité devant la justice, garanti par l'article 6 de cette même déclaration. La Cour de cassation, saisie sur demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité, a considéré que la question ne présentait pas de caractère sérieux dès lors que les poursuites pour le délit général, distinct et autonome de blanchiment, étaient exercées selon les mêmes modalités, quelle que soit l'infraction d'origine.
Il soutenu que les questions posées ne présentent pas de caractère sérieux en ce que les sociétés UBS AG et UBS France fondent l'intégralité de leur argumentation sur la décision EMMAUS rendue par le Conseil Constitutionnel le 28/06/2013 (n°2013-328 QPC) et sur deux autres décisions rendues les 13/03/2014 et 16/02/2018. Or, la décision EMMAUS concerne une situation totalement différente de la présente instance. Le Conseil Constitutionnel a considéré que le principe d'égalité devant la loi pénale pouvait être méconnu en cas de différence importante de traitement pour une même infraction ou encore pour des faits qualifiés par la loi de façon identique. Il a expressément dit qu'une différenciation pouvait être faite par le législateur entre agissements de nature différente sans qu'il y ait atteinte au principe d'égalité.
En l'espèce, la fraude fiscale réside dans le fait de ne pas déclarer, en tout ou partie, des sommes sujettes à l'impôt, et sa complicité le fait d'en faciliter la préparation ou la consommation, alors que le blanchiment de fraude fiscale résulte de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de cette fraude fiscale. Il ne s'agit pas d'agissements de même nature.
Par ailleurs le blanchiment est une infraction de conséquence, générale, distincte et autonome, qui est commise postérieurement à l'infraction d'origine, alors que la complicité de fraude fiscale suppose des actes antérieurs ou concomitants à cette infraction d'origine.
Par observations régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, le Ministère Public répond aux deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par UBS AG et UBS France;
Il est relevé que les questions prioritaires de constitutionnalité se bornent à critiquer le choix de la qualification pénale retenue tout en admettant que les poursuites du chef de complicité de fraude fiscale étaient impossibles en l'espèce.
Il est constaté que les articles 1741 et 1742 du code général des impôts ne sont pas applicables à la présente procédure.
Il est argué que les questions posées ne présentent pas de caractère sérieux en ce que l'argumentation est essentiellement fondée sur la décision du Conseil Constitutionnel du
28/06/2013 n°2013-328 dite EMMAUS, décision à l'origine de l'abrogation, pour violation du principe d'égalité devant la loi, de l'article L.135-1 du code de l'action sociale et des familles qui appliquait les peines de l'escroquerie au fait de percevoir frauduleusement des prestations au titre de l'aide sociale.
Dans cette décision le Conseil Constitutionnel vise particulièrement les doubles incriminations qui sont le résultat de multiples textes répressifs et la coexistence d'infractions spéciales et d'une infraction générale.
Il est rappelé que la complicité de fraude fiscale et le blanchiment de ce délit ne sont pas en concours idéal et qu'elles peuvent être en concours réel dans le cadre d'une poursuite unique à condition qu'elles portent sur des faits distincts.
Il est souligné que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de statuer sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 324-1 alinéa 2 du code pénal et a dit n'y avoir lieu à transmettre la question au Conseil Constitutionnel considérant que les dispositions critiquées ne portaient pas atteinte à l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;
Il est soutenu que fondée sur l'autonomie du délit de blanchiment, la position de la Cour de cassation demeure valable quelle que soit la norme ou le principe constitutionnel invoqué.
SUR LA RECEVABILITE
Les conditions de recevabilité prévues par l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du
7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont respectées, puisque la question prioritaire de constitutionnalité est présentée par écrit, dans un mémoire distinct et motivé.
SUR LA TRANSMISSION
Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.
Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. [...]. »
1. Sur l'applicabilité au litige
Les articles 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal, qui répriment le délit de blanchiment sont applicables au présent litige.
2. Sur le caractère nouveau de la question prioritaire de constitutionnalité
Les articles 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal n'ont pas été déclarés conformes à la Constitution. En cela, la question posée est nouvelle.
3. Sur le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité
La question présentée est dépourvue de caractère sérieux, en ce que les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité devant la loi, découlant des articles 1 de la Constitution et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
D'une part, les éléments constitutifs des infractions de blanchiment et de complicité de fraude fiscale sont différents et ne protègent pas les mêmes intérêts.
D'autre part, le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites en toute liberté et indépendance.
Question Prioritaire de Constitutionnalité n°3 UBS France
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 08/10/2018, la société UBS France pose la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les dispositions combinées des articles 126-6 et 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal portent-elles atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, qui découle de l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 6 de la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu’elles peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale des faits relevant de la qualification de complicité de fraude fiscale, prévue et réprimée par les articles 121-6 et 121-7 du Code Pénal et 1741 et 1742 du Code Général des Impôts qui emportent sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différent de celui du blanchiment aggravé ? » et sollicite que sa question prioritaire de constitutionnalité soit transmise à la Cour de Cassation puis au Conseil Constitutionnel et un sursis à statuer sur le fond jusqu'à la décision de la Cour de Cassation et le cas échéant jusqu'à celle du Conseil Constitutionnel si ce dernier est saisi à l'issue de l'examen opéré par la Cour de Cassation.
Il est constaté que les articles 121-6 et 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal constituent le fondement des poursuites contre UBS France.
UBS France fait valoir que les faits qualifiés de blanchiment de fraude fiscale pour lesquels UBS AG est poursuivie, et ceux qualifiés de complicité d'un tel blanchiment dont UBS France est prévenue relèveraient tout autant de la qualification de complicité de fraude fiscale prévue par l'article 1742 du Code Général des impôts.
Il est noté que le délit de fraude fiscale dont UBS AG est accusée d'avoir blanchi le produit est prévu et réprimé par l'article 1741 du code général des impôts, que si ce texte n'est pas directement applicable à la poursuite d'UBS AG et UBS France, il constitue le délit principal qui doit être caractérisé pour que le blanchiment reproché à UBS AG et la complicité reprochée à UBS France puissent être consommés.
Il est constaté que les articles 324-1, 324-2 et 324-3 du code pénal n'ont jamais été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, que ce soit séparément, ensemble, ou combinés avec les articles 121-6 et 121-7 du Code Pénal ou avec l'article 1741 du Code Général des Impôts.
Il est argué de l'existence d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale du fait de l'application arbitraire de la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale (application combinée des articles 324-1, 324-2 et 324-3 du code pénal) à des faits relevant de la qualification de complicité de fraude fiscale (application combinée des article 1741 et 1742 du code général des impôts et 121-6 et 212-7 du code pénal) et par l'application de la qualification de complicité de blanchiment de fraude fiscale (application combinée des article 121-6 et 121-7, 324-2 et 324-3 du code pénal) à des faits relevant de la qualification de complicité de fraude fiscale.
La rupture d'égalité résulte de différences importantes au niveau des peines applicables mais aussi au niveau d'un régime procédural sensiblement différent selon la qualification retenue (plainte préalable de l'administration fiscale, recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou à la procédure de convention judiciaire d'intérêt public, possibilité pour l'Etat d'obtenir des dommages et intérêts).
Au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité, il est déposé des conclusions aux fins de relaxe partielle d'UBS France du chef de complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale en raison de l'inconstitutionnalité des dispositions combinées des articles 121-6 et 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal déclarées inconstitutionnelles, le délit de complicité de blanchiment de fraude fiscale étant privé de base légale.
SUR LA RECEVABILITE
Les conditions de recevabilité prévues par l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont respectées, puisque la question prioritaire de constitutionnalité est présentée par écrit, dans un mémoire distinct et motivé.
SUR LA TRANSMISSION
Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :
« La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.
Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. [...]. »
1. Sur l'applicabilité au litige
Les articles 121-6, 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal, ayant trait à la complicité et qui répriment le délit de blanchiment, sont applicables au présent litige.
2. Sur le caractère nouveau de la question prioritaire de constitutionnalité
Les articles 121-6, 121-7, 324-1 alinéa 2, 324-2 et 324-3 du code pénal n'ont pas été déclarés conformes à la Constitution. En cela, la question posée est nouvelle.
3. Sur le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité
La question présentée est dépourvue de caractère sérieux, en ce que les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité devant la loi découlant des articles
1 de la Constitution et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
D'une part, les éléments constitutifs des infractions de complicité de blanchiment et de complicité de fraude fiscale sont différents et ne protègent pas les mêmes intérêts.
D'autre part, le ministère public dispose de l'opportunité des poursuites en toute liberté et indépendance.
En conséquence, il n’y a pas lieu de transmettre les trois questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation.
Il convient de rappeler que le refus de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.
3- EXCEPTIONS ET INCIDENTS
Jonction au fond des exceptions et incidents de procédure
L’article 459 du code de procédure pénale dispose que : « le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions. Ces conclusions sont visées par le président et le greffier, ce dernier mentionne ce dépôt aux notes d’audience. Le tribunal qui est tenu de répondre aux conclusions ainsi régulièrement déposées doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi, et y statuer par un seul et même jugement en se prononçant en premier lieu sur l’exception et ensuite sur le fond. Il ne peut en être autrement qu’au cas d’impossibilité absolue, ou encore lorsqu’une décision immédiate sur l’incident ou sur l’exception est commandée par une disposition qui touche l’ordre public ».
L'alinéa 4 de cet article qui prévoit des dérogations au principe de la jonction obligatoire au fond des exceptions et incidents de procédure, n'impose pas, sous réserve de dispositions impératives contraires, à la juridiction saisie d'une exception intéressant l'ordre public, de se prononcer sur celle-ci par une décision immédiate distincte du fond.
Les exceptions et incidents soulevés ne relèvent pas des dérogations au principe de la jonction obligatoire au fond.
En conséquence, le Tribunal joint l’ensemble des exceptions et incidents de procédure au fond.
a) - Exceptions de nullité/irrecevabilité UBS AG
Par conclusions déposées et visées à l'audience le 11 octobre 2018, la société UBS
AG formule, in limine litis, plusieurs demandes.
La société UBS AG sollicite ainsi :
• que soit prononcée l'irrecevabilité des poursuites engagées contre UBS AG, dans l'hypothèse où les faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale, tels que poursuivis dans l'ordonnance de renvoi, seraient requalifiés en complicité de fraude fiscale.
Au soutien de cette demande, la société UBS AG fait valoir qu'elle sollicite dans ses conclusions au fond la requalification des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale en complicité de fraude fiscale, ce qui suppose l'application de la procédure de l'article
L.228 du Livres des procédures fiscales, préalable indispensable à la mise en oeuvre et de l'action publique et dont le non-respect entraîne l'irrecevabilité des poursuites.
• que soient déclarés irrecevables, comme moyens de preuves, l'ensemble des éléments, pièces et procès-verbaux obtenus par la voie de l'entraide administrative avec l'Allemagne et la Suisse.
D'abord, sur la recevabilité de ses demandes, la société UBS AG fait valoir que les pièces contestées proviennent de l'administration fiscale et qu'elles sont donc exclues du champ du contentieux de l'annulation au visa de l'article 170 du code de procédure pénale, ce qui lui permet d'en contester l'admissibilité devant le tribunal correctionnel.
Ensuite, pour soutenir ses demandes, la société UBS AG se fonde d'une part sur la convention entre l'Allemagne et la France du 21 juillet 1959 et la loi allemande de transposition de la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, et, d'autre part, sur la convention entre la Suisse et la France du 9 septembre 1966. La société UBS AG fait valoir que le versement des pièces contestées, sur réquisitions auprès de la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (DNEF), résulte d'un détournement des procédures d'entraide internationale administrative, qui interdisent l'utilisation des informations recueillies par leur biais à des fins pénales, et d'une violation du principe de spécialité qui gouverne la matière.
• que soient déclarés irrecevables, comme moyens de preuves, l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux relatifs aux contribuables français qui auraient été clients d'UBS AG et aurait utilisé une procédure dite de « régularisation ».
Au soutien de sa demande, la société UBS AG se fonde sur le principe d'égalité des armes, sur l'article préliminaire du code de procédure pénale et sur l'article 6 de la convention européenne des Droits de l'Homme. Elle fait valoir que les données issues des cellules de régularisation ont été compilées et exploitées de manière non-contradictoire ; que la société UBS AG n'y a pas eu accès malgré deux demandes ; que la partie civile a eu accès à ces informations, ce qui caractérise une rupture de l'égalité des armes ; et qu'enfin ces données fondent en partie les poursuites.
• que soient déclarés irrecevables, comme moyens de preuve, l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux relatifs au témoin n°119 et à ses déclarations.
Au soutien de sa demande, la société UBS AG se fonde sur les dispositions des articles 706-58 et 706-60 du Code de procédure pénale.
D'abord, elle fait valoir que le recours à la procédure du témoignage anonyme a été abusif et qu'elle se trouve privée de la possibilité de vérifier la crédibilité de cette déposition qui constitue un élément à charge. Elle relève que la requête présentée par les juges d'instruction au juge des libertés et de la détention n'est pas cotée au dossier.
Plus encore, elle ajoute que les deux courriers du témoin anonyme, qui allèguent des menaces subies, ne sont pas non plus cotés. Elle considère que le critère d'une menace grave pour la vie ou l'intégrité physique n'était pas rempli. De même, elle expose que la chambre de l'instruction a rejeté son recours en caractérisant des menaces graves par le risque de la perte d'un emploi, alors que, d'une part, ce critère n'est pas prévu par les textes et que, d'autre part, le témoin anonyme déclare dans son audition avoir quitté la banque UBS en 2010.
Ensuite, elle fait valoir que le témoin n°119 est un délinquant avec un passif judiciaire avec UBS et qu'il avait menacé la banque de représailles en 2011 à l'occasion d'une procédure de licenciement.
• que soit déclarée irrecevable, comme moyen de preuve, toute mention de la procédure de comparution préalable sur reconnaissance de culpabilité initiée par Patrick F….
Au soutien de sa demande, la société UBS AG se fonde sur l'article 495-14 du code de procédure pénale. Elle estime que les références à la reconnaissance du culpabilité de Patrick F… abondent dans l'ordonnance de renvoi et le réquisitoire et qu'ils se fondent en partie sur cette reconnaissance.
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 11/10/2018, l'Etat Français sollicite que la société UBS AG soit déclarée irrecevable en ses demandes ou en tout cas que celles-ci soient déclarées mal fondées.
L'État Français soutient que ces demandes ne relèvent pas du domaine des exceptions de nullité et que la société UBS AG est forclose à soulever une quelconque nullité des actes et pièces de la procédure antérieure à l'ordonnance de renvoi.
L'État français conclut également au rejet des demandes.
Le Procureur National Financier :
- S'agissant des éléments de l'enquête obtenus par la voie de l'entraide administrative et sur ceux issus des procédures de régularisation, conclut à l'irrecevabilité de la société UBS AG à soulever de tels moyens à ce stade de la procédure conformément aux dispositions de l'article 179 du code de procédure pénale.
Plus encore, il fait valoir que la société UBS AG avait fait un recours contre la décision du magistrat instructeur ayant trait aux éléments issus des procédures de régularisation, mais que le recours avait été rejeté par le président de la chambre de l'instruction.
- S'agissant de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de Patrick F…, le Procureur de la République Financier soutient qu'il convient de distinguer d'une part les pièces relatives à la reconnaissance des faits du mis en examen et, d'autre part, la mise en oeuvre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il précise que les procès-verbaux relatant les formalités accomplies dans le cadre de la procédure de la CRPC ne peuvent être transmis à la juridiction de jugement, ce qui est le cas en l'espèce. Il ajoute qu'au stade du jugement, alors que les nullités ont été purgées et que l'article 180-1 du code de procédure pénale a été appliqué, aucune disposition ne permet d'annuler ou écarter des débats une pièce cotée au dossier et d'ordonner la cancellation des pièces faisant référence à cette procédure non homologuée.
Sur la recevabilité
L’article 385 du code de procédure pénale dispose que : « le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction.
Toutefois, dans le cas où l’ordonnance ou l’arrêt qui l’a saisi n’a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l’article 183 ou par l’article 217, ou si l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.
Lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l’article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de procédure… »).
L’ordonnance de renvoi du juge d’instruction en date du 17 mars 2017 a été portée à la connaissance des parties dans les conditions prévues à l’article 183 alinéa 4 et conformément aux dispositions des articles 184 et 175 du code de procédure pénale.
Au vu des dispositions combinées des articles 179 et 385 du Code de Procédure Pénale, UBS AG est irrecevable à soulever des nullités devant le tribunal correctionnel.
Par ailleurs, il convient de souligner que les demandes formulées tenant à la recevabilité des poursuites ou des moyens de preuve relèvent de l’examen au fond du dossier.
Hervé D… Par conclusions déposées et visées le 8 octobre 2018, Hervé D… soulève, in limine litis, l'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel datée du 17 mars 2017.
Au soutien de sa demande, il se fonde sur les articles préliminaires, 384, 385, 388 et 459 du code de procédure pénale, sur l'article 6§3 de la convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, ainsi que sur l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
D'une part, il fait valoir que les termes de la prévention de l'ordonnance de renvoi ne lui permettent pas de déterminer les faits exacts qui lui sont reprochés, tant sur les faits de complicité de démarchage bancaire illégal, que sur le recel de cette infraction.
D'autre part, il ajoute que l'indétermination des faits reprochés porte atteinte aux droits de sa défense et que cette atteinte, ayant un caractère substantiel, lui fait nécessairement grief.
Enfin, il demande que l'incident ne soit pas joint au fond, estimant que la question de l'indétermination de la prévention touche aux règles du procès équitable et du respect des droits de la défense, qui peuvent être assimilées à des dispositions touchant l'ordre public.
Le Procureur National Financier fait valoir que les faits mentionnées et détaillés dans l'ordonnance de renvoi sont parfaitement clairs et précis et respectent les exigences posées par l'article 184 du code de procédure pénale. Au surplus, le procureur de la République financier indique que les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale ne permettent pas à ce stade de la procédure de prononcer l'annulation de l'ordonnance de renvoi.
L’article 385 alinéa 2 du Code Pénal dispose que dans le cas où l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux prescriptions de l’article 184, le tribunal renvoie la procédure au Ministère Public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.
L’ordonnance de renvoi doit répondre aux conditions générales de forme et de motivation propres à toutes les ordonnances de règlement et notamment celles qui sont prévues par l’article 184 du code de procédure pénale.
Aux termes de l'article 184 du code de procédure pénale, « la motivation est prise au regard des réquisitions du Ministère Public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d'instruction en application de l'article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen ».
Le juge d’instruction doit ainsi qualifier les faits retenus et préciser dans l’ordonnance l’objet exact de la prévention en indiquant les circonstances de lieu, ce qui permet de vérifier la compétence territoriale de la juridiction saisie, et de temps, ce qui permet de savoir si le délai de prescription n’est pas écoulé. Il doit aussi mentionner les éléments constitutifs de l’infraction.
L’exigence de motivation de l’ordonnance de renvoi prévue par l’article 184 du code de procédure pénale est satisfaite dès lors, comme en l’espèce, que la décision du juge d’instruction énonce les éléments à charge et à décharge concernant Hervé D… et répond aux observations écrites formulées par ses conseils le 11 juillet 2016 et le 1er août 2016.
Il convient en conséquence de rejeter cette exception de nullité
Par conclusions déposées et visées le 11 octobre 2018, Philippe I… soulève, in limine litis, plusieurs exceptions de nullités et sollicite que ces incidents ne soient pas joints au fond estimant, d'une part, qu'ils touchent à la régularité de la saisine du tribunal et, d'autre part, qu'ils constituent des motifs d'ordre public.
Philippe I… demande ainsi :
• que ses demandes soient jugées recevables.
Philippe I… se fonde sur les articles 131, 134, 179, 385 du code de procédure pénale et invoque les jurisprudences relatives aux mandats d'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et de la Cour de cassation.
Il fait valoir qu'une personne, ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt, est irrecevable à soulever des nullités procédurales devant le tribunal correctionnel seulement si son état de fuite était établi. Ensuite, il ajoute que les juges du fond doivent caractériser in concreto l'état de fuite pour exclure une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt du bénéfice des dispositions de l'article 385 alinéa 3 du code de procédure pénale. Enfin, il indique que la fuite est caractérisée si la personne visée par le mandat d'arrêt se sait recherchée, a connaissance des faits reprochés et se soustrait volontairement aux poursuites.
Il considère qu'en l'espèce il ne pouvait pas être considéré en fuite, en ce que la convocation adressée le 9 octobre 2014 est illicite ; qu'aucune demande d'entraide judiciaire par voie ministérielle n'a eu lieu malgré les demandes de l'OFJ pour respecter les conventions internationales franco-suisse ; qu'il a fait ses meilleurs efforts pour pouvoir être entendu dans la procédure et qu'il ne pouvait pas donner suite à la convocation du juge français compte tenu du risque de poursuites pénales en Suisse pour violation du secret bancaire qui pesait sur lui.
• que le mandat d'arrêt délivré le 9 janvier 2015 à son encontre soit déclaré nul ; que les actes subséquents soient également déclarés nuls (à savoir le réquisitoire définitif du 24 juin 2016, l'ordonnance de renvoi du 27 mars 2017 et l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 3 juillet 2018) ; qu'en conséquence le tribunal constate qu'il n'est pas saisi à l'égard de Philippe I… et que le cautionnement constitué de la somme de 150.000 euros soit restitué
Pour soutenir sa demande, d'une part, Philippe I… reprend l'argumentation précédemment évoquée, selon laquelle il ne pouvait pas être considéré en état de fuite.
D'autre part, il ajoute que la délivrance d'un mandat d'arrêt doit répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité. Il fait valoir qu'en l'espèce la délivrance du mandat d'arrêt à son encontre n'a pas respecté ces critères, en ce qu'il ne s'est jamais opposé au principe de son audition et que le juge d'instruction pouvait user de l'entraide judiciaire pour l'entendre.
Sur l'annulation des actes subséquents, Philippe I… invoque le principe selon lequel nul ne peut être jugé ou mis en accusation sans avoir été entendu ou dûment appelé. Il fait valoir que l'irrégularité du mandat d'arrêt affecte nécessairement la validité de l'ordonnance de renvoi, puisqu'il n'a pas de statut équivalent à celui du mis en examen pour l'application de l'article 176 du code de procédure pénale et qu'il ne peut donc pas être renvoyé en l'état devant le tribunal correctionnel. Enfin, il précise que le mandat d'arrêt contesté est le support nécessaire de son contrôle judiciaire.
En tout état de cause, il considère que la nullité du mandat d'arrêt décerné à son encontre lui fait nécessairement grief au visa de l'article 802 du code de procédure pénale, en ce que le refus du juge d'instruction de passer par la voie de l'entraide judiciaire l'a privé de la possibilité d'être entendu ; qu'il a été privé de la possibilité de formuler des demandes d'acte et de soulever des nullités ; qu'il n'a pas bénéficié des droits de l'article 175 du code de procédure pénale ; et que sa seule alternative a été de se constituer prisonnier.
• Sur les pièces obtenues auprès de l'administration fiscale allemande, que soient annulés la réquisition adressée à la DNEF le 16 juillet 2015, l'acte de jonction du courrier de la DNEF daté du 20 juillet 2015, le procès-verbal de saisie de pièces à conviction du 27 juillet 2015 et plus largement tout acte de procédure réalisé sur ces documents ; que soient retirés du dossier les documents D2155/3, D2159/5, D2156 à D2158, D2359 et le scellé n° JI//CD Strafa-Fa Wuppertal ; que soit cancellés tout acte de la procédure faisant mention de ces documents, y compris les termes de la prévention.
• Sur les pièces obtenues auprès de l'administration fiscale suisse, que soient annulés les réquisitions adressées à la DNEF (D1096 à D1098, D1162, D1166 à D1167, D1720, D1721, D1728, D2133), les demandes d'assistance subséquentes (D1163, D1164, D1168, D1169, D1171 et D1172) et tout acte de la procédure accompli sur la base de ces documents ; que ces pièces soient retirées du dossier (D1724, D1726, D1727, D1918, D1924, D1987, D2036, D2037, D2057, D2136 à D2139) ; que soient cancellés toute pièce ou acte y faisant mention, y compris l'ordonnance de renvoi.
Pour soutenir sa demande, Philippe I… se fonde sur la convention fiscale franco- allemande de 1959 et sur la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966.
Il fait valoir que la matière est gouvernée par un principe de spécialité, au terme duquel les éléments récoltés à l'étranger ne peuvent être utilisés à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été sollicités. Il soulève que les conventions d'entraide administrative, sur le fondement desquelles les documents litigieux ont été transmis à la DNEF, prohibaient expressément leur utilisation à des fins pénales, et, qu'en obtenant ces pièces puis en les versant au dossier de l'information, les juges d'instruction avaient violé le principe de spécialité et les dispositions conventionnelles.
Par conclusions déposées et visées le 11/10/2018, l'État Français, en réponse aux exceptions soulevées in limine litis par Dieter K…, Philippe I… et Olivier B…, sollicite que soit constatée l'irrecevabilité de leurs demandes.
Sur les exceptions concernant la recevabilité à soulever des nullités et la régularité des mandats d'arrêt délivrés à l'encontre de Messieurs K…, I… et B…
L'État français considère que Messieurs K…, I… et B… sont irrecevables à soulever des nullités devant le tribunal correctionnel aux visas des articles 134, 175, 179 et 385 du code de procédure pénale. Il prétend que les mandats d'arrêt délivrés sont valables et que l'état de fuite de Messieurs K…, I… et B… était caractérisé par le fait qu'ils étaient parfaitement informés des poursuites et accusations mises en mouvement à leur encontre et qu'ils n'entendaient pas intervenir à la procédure d'instruction. Il ajoute que les convocations envoyées étaient valables et ne constituaient pas un préalable nécessaire à la validité des mandats. Il fait d'ailleurs observer que Joëlle P… a déféré à sa convocation sans contestation, ni n'a été poursuivie pour violation du secret bancaire.
Enfin il soutient qu'il n'était pas possible d'obtenir la mise en oeuvre de l'entraide pénale de la part des autorités suisses, compte tenu de la position suisse. Enfin, il indique que le critère de proportionnalité et de nécessité s'applique uniquement aux cas des personnes résidant hors du territoire et qu'en l'espèce ces critères étaient remplis.
Sur les pièces obtenues auprès des autorités allemandes par la DGFIP le 24/07/2015
L'État français rappelle la chronologie des formalités de demande d'entraide et considère que les conventions ont été respectées. Il indique que les magistrats instructeurs constituaient bien une « autorité » concernée par une procédure ayant trait aux impôts et qu'aucune autorisation n'était nécessaire pour la communication. Il ajoute qu'il n'y a aucun détournement de procédure.
Sur les pièces obtenues auprès des autorités suisses par la DGFIP le 24/07/2015
L'État Français considère que les réquisitions adressées par les magistrats instructeurs à la DNEF ne sont pas entachées de nullités en ce qu'elles sont fondées sur les articles 99-3 du code de procédure pénale et L.101 du Livre des procédures fiscales. Par ailleurs, il fait valoir que les demandes d'assistance administrative effectuées par l'administration fiscale française ont respecté les dispositions de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en ce que les magistrats instructeurs étaient bien une « autorité » concernée par une procédure au sens de la convention et que cette procédure concerne l'impôt. Il en conclut qu'aucune autorisation n'était nécessaire avant la communication aux juges des éléments ainsi transmis.
Sur les demandes formulées à l'encontre de l'audition sous le statut du témoin anonyme-témoin n°119.
L'État français soutient que l'appréciation souveraine des risques pesant sur la personne concernée par le juge des libertés et de la détention a respecté les dispositions légales et notamment la condition de risque et de danger. Il ajoute que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de l'audition recueillie estimant que les droits de la défense avaient été respectés et que la banque avait les moyens en fait et en droit de débattre contradictoirement des éléments résultant de cette audition.
Le Procureur National Financier conclut à titre principal, à l'irrecevabilité des demandes d'annulation formées par Philippe I…, Olivier B… et Dieter K….
Il soutient qu'il ressort de l'ensemble des éléments de la procédure que ces trois prévenus ont tous été convoqués par le service national des douanes judiciaires en vue d'être auditionnés en qualité de suspects dans le cadre de l'exécution de la commission rogatoire délivrée et qu'ils ont opposé des réponses similaires pour justifier leur refus de déférer à ces convocations. Il fait valoir qu'en l'état de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment son arrêt du 11 janvier 2017, il convient de considérer qu'ils se savaient recherchés et ont cherché à échapper aux poursuites dont ils étaient l'objet. Il souligne une mauvaise foi des prévenus qui ont tenté de faire croire à des risques de poursuites pénale en Suisse alors que d'autres ressortissants ayant comparu n'ont pas été poursuivis. Enfin, il indique que les convocations adressées étaient légales au regard du droit français.
Il considère que l'état de fuite était caractérisé et qu'en application des dispositions des articles 179 et 385 du code du procédure pénale, Messieurs I…, B… et K… sont irrecevables dans leurs exceptions.
A titre subsidiaire, le Procureur National Financier demande le rejet des demandes d'annulation formulées par Messieurs K…, I… et B….
Sur les mandats d'arrêt émis envers Messieurs K…, I… et B…
Le Procureur National Financier expose que la délivrance des mandats d'arrêt était une mesure strictement nécessaire à une bonne administration de la justice et parfaitement proportionnée à l'objectif de recherche de la manifestation de la vérité. Il considère que, compte tenu de l'absence évidente de volonté réelle des intéressés de déférer aux convocations judiciaires, c'était le seul moyen dont disposait le juge d'instruction pour obtenir la comparution. Au soutien de sa demande il fait valoir que les risques de poursuites pénales suisses n'étaient pas avérés ; que l'envoi de convocations en suisse sans passer par les voies de la coopération internationale était conforme au droit français ; que la Suisse n'accordait pas l'entraide pénale dans le cadre d'enquête sur des faits revêtant un caractère fiscal, ce qui est le cas du blanchiment de fraude fiscale.
Sur les demandes d'annulation, de retrait et de cancellation des documents obtenus par réquisition auprès de l'administration fiscale Concernant les pièces provenant de l'Allemagne, le Procureur National Financier considère que la transmission de ces documents résulte d'une communication entre administrations fiscales et avec l'accord du parquet de Bochum. Il ajoute que les dispositions de la convention de double imposition franco-allemande, de l'accord type OCDE et de la directive sur l'assistance administrative ont été respectées.
Concernant les pièces provenant de Suisse, le Procureur National Financier considère que, par une argumentation similaire, la communication à l'autorité judiciaire par la DNEF des informations obtenues par l'administration fiscale suisse est parfaitement conforme au regard des dispositions de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 interprétée au regard de la convention fiscale OCDE.
Sur les demandes de Monsieur Olivier B… d'annulation et de retrait du dossier de divers pièces
Concernant les pièces relatives aux dossiers de régularisation de clients d'UBS AG, le Procureur National Financier indique que cette demande avait déjà été étudiée à deux reprises à l'occasion de demandes d'actes formulées par la société UBS AG, refusées, et que le recours avait été rejeté par la chambre de l'instruction. Il ajoute que ces éléments de preuve ont été collectés conformément à l'article 427 du code de procédure pénale et qu'ils sont laissés à la discussion contradictoire. Enfin, il conclut que ces éléments de preuve ont été obtenus de manière régulière.
Sur le procès-verbal d'audition du témoin n°119
Le Procureur National Financier fait observer que cette audition résulte d'une autorisation motivée du juge des libertés et de la détention ayant caractérisé l'existence de menaces et que les faits et la procédure présentent incontestablement un caractère de gravité. Plus encore, il soutient que l'audition du témoin n°119 ne caractérise aucune violation des droits de la défense d'Olivier B… dans la mesure où il conserve la possibilité d'en débattre contradictoirement lors de l'audience de jugement.
Sur les documents relatifs à la procédure de CRPC initiée par Patrick F…
Selon le Procureur National Financier, la lettre de l'article 495-14 du code de procédure pénale a été respectée en ce qu'aucune des pièces relatives à la procédure non homologuée ne figure au dossier pénal. Par ailleurs, au stade du jugement, alors que les nullités ont été purgées par l'effet de l'ordonnance de renvoi et que l'article 180-1 du code de procédure pénale a été appliqué, aucune disposition ne permet d'annuler ou d'écarter des débats une pièce cotée au dossier et d'ordonner la cancellation des pièces faisant référence à une CRPC non homologuée.
Sur la validité du mandat d'arrêt délivré à l'encontre de Philippe I…
L’article 131 du code de procédure pénale dispose que : « si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la république, le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ».
Les termes : « ou si elle réside hors du territoire de la République » ont été jugés conformes à la Constitution, notamment car il appartient au juge d’instruction d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à l’émission d’un mandat d’arrêt, sa décision étant placée sous le contrôle de la Chambre de l’Instruction (Conseil Constitutionnel 27 février 2015, n°2014-452 QPC).
Philippe I… a reçu une convocation adressée par le SNDJ le 09/10/2014, par voie postale, afin de se présenter au service le 13/11/2014 (D1952/2).
Cette convocation précise clairement le cadre légal et factuel de l'audition et la possibilité pour la personne de se faire assister par l'avocat de son choix.
Le 12/11/2014, le SNDJ a reçu par télécopie un courrier de Maître Vincent Jeanneret, agissant en qualité de mandataire de Monsieur Philippe I…. Il fait valoir que cette convocation est nulle et de nul effet et qu'en dépit de la volonté de son mandant de ne pas se soustraire à la justice, ce dernier n'est pas en mesure d'y donner suite. Il invoque des dispositions du droit pénal et du droit règlementaire en Suisse qui interdisent formellement à son mandant de venir s'exprimer devant une autorité étrangère dans ce contexte.
Il soutient qu'en cas de violation de ses obligations de secret et/ou de confidentialité, Monsieur Philippe I… s'exposerait personnellement à de lourdes sanctions en Suisse et joint un arrêt du Tribunal Pénal Fédéral Helvétique allant dans ce sens.
Par courrier du 14/11/2014, le juge d'instruction précise que la convocation adressée à Philippe I… est régulière au regard du droit français. Il précise que Philippe I… est convoqué comme suspect et propose la consultation du dossier afin de constater que des banquiers suisses d'UBS AG ont déjà été entendus dans le même dossier sans faire l'objet de poursuites pénales en Suisse. Le magistrat instructeur est en attente d'une proposition de date pour procéder à l'audition et rappelle les dispositions de l'article 131 du code de procédure pénale français.
Par courrier du 21/11/2014, l'avocat de Philippe I… maintient sa position en précisant qu'il entend tenter d'obtenir, notamment du Ministère Public de la Confédération helvétique, toutes assurances utiles au regard du droit pénal afin d'être en mesure de pouvoir s'exprimer devant les enquêteurs dans le cadre de l'instruction visée.
Par courrier du 10/12/2014, Maître Vincent Jeanneret, après une argumentation sur le fond du dossier, estime qu'il n'est pas envisageable que son client prenne le risque, en répondant aux questions qui lui seraient posées, de tomber sous le coup de dispositions pénales suisses, en particulier des articles 162 et 273 CPS d'une part, et 47 LB d'autre part.
Le juge d'instruction a décerné mandat d'arrêt à l'encontre de Philippe I… le 09/01/2015 au motif que ce dernier était responsable du bureau dit France International de la ligne de métier Banque Privée d'UBS AG de 2004 à octobre 2007, que la banque UBS AG a été mise en examen pour démarchage bancaire illégal et blanchiment à titre habituel de fraude fiscale, qu'il a été convoqué pour audition comme suspect, qu'il a fait écrire par son conseil qu'il ne répondrait sur le territoire français à aucune question de peur de violer le secret bancaire suisse, qu'en conséquence, Philippe I… qui réside sur le territoire suisse apparaît en fuite au sens de l'article 131 du code de procédure pénale français.
Il convient de souligner qu'au cours de l'instruction, le 24/03/2016, Philippe I… a été autorisé à désigner un avocat inscrit à un barreau français aux fins de consulter les pièces de la procédure.
Il a néanmoins persisté à invoquer la nullité de la convocation du SNDJ et a produit une lettre en date du 4/12/2014 émanant du Département Fédéral de Justice et de Police considérant la convocation comme non valable.
L'article 16 (Remise d'une convocation par voie postale) du Deuxième Protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (09/11/2011) dispose : « que les autorités judiciaires compétentes de toute Partie peuvent envoyer directement, par voie postale, des actes de procédure et des décisions judiciaires, aux personnes qui se trouvent sur le territoire de toute autre partie ».
La Suisse a émis des réserves et a diffusé des déclarations officielles sur les articles 4, 26, 6, 17, 18 et 27, aucune sur l'article 16.
Par ailleurs, la convocation adressée par le SNDJ à Philippe I… est régulière au regard du droit français sachant également qu'elle ne constitue pas un prérequis pour constater la validité d'un mandat d'arrêt.
L'article 131 du code de procédure pénale prévoit deux hypothèses distinctes et non cumulatives dans lesquelles le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt à savoir, lorsque la personne est en fuite ou qu'elle réside hors du territoire de la République.
Le juge d'instruction a motivé le mandat d'arrêt sur les deux hypothèses.
Il est établi que Philippe I… savait qu'une procédure pénale était dirigée contre lui et qu'il connaissait la nature et la cause de l'accusation.
Il a également manifesté clairement son intention de ne pas déférer aux convocations qui lui ont été adressées ni à aucune autre convocation démontrant ainsi son intention de se soustraire aux poursuites.
Il ne peut valablement prétendre à l'existence d'un risque de violation du secret bancaire alors même qu'il pouvait invoquer son droit au silence dans le cadre des auditions par les enquêteurs du SNDJ.
Il résulte de ces éléments que Philippe I… pouvait être considéré en situation de fuite au sens de l'article 131 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, il est constant que Philippe I… avait sa résidence hors du territoire de la République.
Le législateur a permis au juge d'instruction de décerner un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République même si elle n'est pas en situation de fuite.
Le mandat d'arrêt délivré à l'encontre de Philippe I… répond parfaitement à l'exigence de proportionnalité et de nécessité compte tenu des circonstances de l'espèce, à savoir la gravité des faits et la volonté clairement manifestée par l'intéressé de ne répondre à aucune convocation en se réfugiant derrière le motif inopérant de risque de violation du secret bancaire.
Le mandat d'arrêt constituait ainsi le seul moyen pour que Philippe I… comparaisse devant la juridiction de jugement.
En conséquence le Tribunal considère que le mandat d’arrêt décerné à l’encontre de Philippe I… le 09/01/2015 était nécessaire et proportionné.
Sur la recevabilité des exceptions de nullité
Il a été jugé que la personne en fuite ou résident à l’étranger, qui se soustrait à la procédure d’information, se place, de son propre fait, dans l’impossibilité de bénéficier des dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale.
Il se déduit ainsi de l’article 134 du code de procédure pénale qu’elle n’a pas la qualité de partie au sens de l’article 175.
Dès lors, elle ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 385 alinéa 3 du même code si, renvoyée devant le tribunal correctionnel par le juge d’instruction, elle se trouve ensuite arrêtée.
L’ordonnance de renvoi a, comme le prévoit l’article 179 du code de procédure pénale, purgé, s’il en existait, les vices de procédure.
De plus, il a été également jugé que le bénéfice des dispositions de l’article 385 alinéa 3 constituerait dans son cas un avantage injustifié par rapport à la personne mise en examen qui a normalement comparu aux actes de la procédure (Crim, QPC 04/01/2012 : affaire n°10-85-692 et Crim 03/04/2007).
Au vu de la validité du mandat d’arrêt délivré et sur le fondement des articles 134 alinéa 3, 175, 179 et 385 alinéas 3 du code de procédure pénale, Philippe I… est irrecevable à soulever des nullités de la procédure devant le tribunal correctionnel.
Dieter K…
Par conclusions déposées et visées le 8 octobre 2018, Dieter K… soulève, in limine litis, plusieurs exceptions de nullités. Dieter K… demande ainsi :
• qu'il soit déclaré recevable à soulever des nullités.
Dieter K… se fonde sur les articles 131, 134, 175, 176 et 385 du code de procédure pénale, mais également sur la convention européenne d'entraide en matière judiciaire du 20 avril 1959 et l'accord franco-suisse de 1996. Dieter K… indique que, selon les jurisprudences combinées de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et de la Cour de cassation, l'état de fuite est la situation dans laquelle l'accusé sait qu'une procédure pénale est dirigée contre lui et connait la nature et la cause de l'accusation et qu'il n'a pas l'intention de prendre part au procès ou entend se soustraire aux poursuites. Il considère, qu'en l'espèce, il n'était pas en état de fuite au moment de la délivrance du mandat d'arrêt dont il a fait l'objet, en ce qu'il a répondu au juge d'instruction et lui avait indiqué son souhait d'être entendu ; que la convocation adressée par le service d'enquête le 13 octobre 2014 était illégale, de sorte que le fait de ne pas y déférer ne peut constituer une intention de se soustraire à la justice française ; qu'en déférant à la convocation, il aurait pris un risque de violer la loi pénale suisse ; qu'enfin il a toujours résidé à son domicile à une adresse connue des juges d'instruction.
En outre, il indique qu'il n'a été ni entendu, ni mis en examen au jour de son renvoi ; que l'avis de fin d'information ne lui a pas été notifié ; qu'ainsi il n'a pu formuler aucune demande d'acte ni soulever aucune nullité ; que seul l'état de fuite permet aux juges du fond d'écarter l'application de l'article 385 alinéa 3 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, n'étant pas en fuite, il est recevable à soulever toute nullité devant le tribunal correctionnel.
• que le mandat d'arrêt délivré à son encontre soit déclaré nul, et subséquemment le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi et l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire.
Pour soutenir sa demande, d'une part, Dieter K… reprend l'argumentation précédemment développée, selon laquelle il ne pouvait pas être considéré en état de fuite. D'autre part, il ajoute que la délivrance d'un mandat d'arrêt doit répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité et fait valoir qu'en l'espèce la délivrance du mandat d'arrêt à son encontre n'a pas respecté ces critères, en ce que sa résidence était connue ; que la procédure choisie par les autorités françaises violait le droit international et portait atteinte à la souveraineté suisse ; qu'enfin il était loisible aux autorités judiciaires françaises de recourir à la voie de l'entraide judiciaire pour l'entendre, ce qui avait d'ailleurs était sollicité par l'État suisse.
Sur l'annulation des actes subséquents, Dieter K… soutient que seule une personne ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt régulier peut être renvoyée devant le tribunal correctionnel sans avoir été préalablement entendue ou mise en examen. En l'absence de mandat d'arrêt régulier, il découle des articles 179 et 179-1 du code de procédure pénale que seules les personnes mises en examen peuvent être renvoyées devant le tribunal correctionnel, ce qui, en l'espèce, n'est pas son cas et affecte donc la régularité de la saisine de la juridiction.
Plus encore, il expose que l'ordonnance de renvoi méconnaît l'article préliminaire et les articles 184 et 385 du code de procédure pénale, ainsi que l'article 6§1 de la convention européenne des Droits de l'Homme, en ce qu'elle ne comporte que des éléments à charge.
Enfin, il expose que le mandat d'arrêt contesté est le support nécessaire de son contrôle judiciaire.
• Sur les pièces obtenues auprès des autorités allemandes, que soient annulés la réquisition du 16 juillet 2015 adressée à la DNEF (D2154), le procès-verbal de saisie de pièces à conviction du 27 juillet 2015 (D2159), l'ensemble des actes et pièces de procédure réalisés sur la base des documents électroniques et papiers obtenus illicitement (D2156 à D2158, D2159/5, D2198) et les réquisitions aux fins de traduction (D2191 et D2192) ; que soient écartés des débats le courrier de la DNEF du 20 juillet 2015 (D2155), les documents électroniques et papiers illégalement obtenues auprès de la DNEF (D2156 à D2158, D2159/5) ; que soient cancellés tout acte de la procédure faisant mention des documents ainsi obtenus, y compris les passages du réquisitoire définitif et de l'ordonnance de renvoi y faisant référence.
• Sur les pièces obtenues auprès des autorités suisses, que soient annulés les réquisitions des 4 juillet 2012, 4 octobre 2012, 8 février 2013, 18 février 2013, 2 juillet 2013, 4 mars 2014, 30 mars 2015 adressées à la DNEF et les soit-transmis qui y sont attachés (D1093, D1095, D1096 à D1098, D1162, D1166, D1167, D1720, D1721, D1728, D2133) ; que soit annulés tout acte de procédure accompli sur la base de ces actes ; que les réponses apportés par l'administration fiscales française en réponses à ces réquisitions soient retirées du dossier (D1101, D1165, D1170, D1722, D1724/1, D1726, D1918, D1924/1, D1987, D2036, D2037, D2057, D2136) ainsi que les documents émanant des autorités suisses les accompagnant (D1724/2, D1727, D1918, D1924/2, D1988, D1936/1, D2036/2, D2037/2, D2057/3, D2137, D2138, D2139) ; que soit cancellé tout acte de la procédure faisant mention des documents ainsi obtenus, y compris les passages du réquisitoire définitif et de l'ordonnance de renvoi qui y font référence.
Pour soutenir sa demande, Dieter K… se fonde sur la convention fiscale franco-allemande de 1959, sur la convention fiscale type de l'OCDE, sur la directive 2011/16/UE et sur la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966.
Il fait valoir que la matière est gouvernée par un principe de spécialité, énoncé dans chacune des conventions, qui interdit, ou soumet à des conditions non remplies, l'utilisation à des fins pénales des informations recueillies en application de ces conventions. Plus encore, il indique que les principes jurisprudentiels dégagés en matière de conventions d'entraide judiciaire sont transposables pour les conventions d'assistance administrative internationales, en ce qu’elles comportent des réserves de spécialité. Il soulève la circonstance que les textes internationaux applicables, sur le fondement desquels les documents litigieux ont été transmis à la DNEF, prohibaient expressément leur utilisation à des fins pénales, et, qu'en obtenant ces pièces puis en les versant au dossier de l'information, les juges d'instruction avaient violé le principe de spécialité et les dispositions conventionnelles. Il estime que cette nullité lui cause un grief et, en tout état de cause, est d'ordre public.
Sur la validité du mandat d'arrêt délivré à l'encontre de Dieter K…
L’article 131 du code de procédure pénale dispose que : « si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la république, le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ».
Les termes : « ou si elle réside hors du territoire de la République » ont été jugés conformes à la Constitution, notamment car il appartient au juge d’instruction d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à l’émission d’un mandat d’arrêt, sa décision étant placée sous le contrôle de la Chambre de l’Instruction (Conseil Constitutionnel 27 février 2015, n°2014-452 QPC).
Dieter K… a reçu une convocation adressée par le SNDJ le 13/10/2014, par voie postale, afin de se présenter au service le 26/11/2014 (D1957/7).
Cette convocation précise clairement le cadre légal et factuel de l'audition et la possibilité pour la personne de se faire assister par l'avocat de son choix.
Le conseil de Dieter K…, Dr.Maria Walter, a adressé un courrier aux enquêteurs du SNDJ le 24/11/2014 dans lequel elle fait valoir que la convocation de Dieter K… doit être considérée comme non valable au regard des dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et de la Loi fédérale suisse sur l'entraide internationale en matière pénale. Elle soutient que les demandes devaient être réitérées par la voie de l'entraide judiciaire.
Elle constate que la convocation adressée à Dieter K… n'est pas accompagnée, conformément à l'article 16, section 2 du Deuxième Protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, d'une note indiquant que
Dieter K… pourrait obtenir de l'autorité visée des informations sur ses droits et obligations concernant la remise de la convocation. Elle considère que Dieter K… ne peut obtenir d'informations relatives au statut sous lequel il sera entendu ni sur le respect de son droit de garder le silence. Elle ajoute que Dieter K… s'exposerait à un risque d'engagement de sa responsabilité pénale au regard du droit suisse s'il décidait de répondre librement aux questions étant lié par le secret professionnel aux termes de l'article 47 de la Loi fédérale suisse sur les banques et les caisses d'épargne.
Elle indique qu'en conséquence Dieter K… ne se rendra pas à la convocation du 26 novembre 2014 mais se tient à la disposition des autorités suisses pour être entendu conformément aux règles régissant l'entraide judiciaire entre la Suisse et la France.
En réponse, le juge d'instruction, le 26/11/2014, relève que la convocation adressée à Dieter K… est régulière au regard du droit français et que ce dernier est convoqué comme suspect. Il propose une consultation du dossier et rappelle les dispositions de l'article 131 du code de procédure pénale.
Le conseil de Dieter K… fait savoir, par courrier en date du 16/12/2014, que son client n'entend pas désigner un avocat français. Dans un courrier du 1er avril 2016, il maintient sa position mais demande à avoir accès au dossier de l'information judiciaire afin de présenter des observations, demande réitérée par courrier du 10/05/2016.
Le 18/05/2016, Dieter K… a désigné un conseil français en la personne de Maître Julia Stasse.
Le juge d'instruction décerne mandat d'arrêt à l'encontre de Dieter K… le 09/01/2015 au motif que ce dernier a été responsable de la division Europe de l'Ouest de l'activité banque privée d'UBS AG de 2004 à août 2008, que la banque UBS AG a été mise en examen pour démarchage bancaire illégal et blanchiment à titre habituel de fraude fiscale, que l'intéressé a été convoqué pour audition comme suspect mais a fait écrire par son conseil qu'il ne répondrait sur le territoire français à aucune question de peur de violer le secret bancaire suisse, que Dieter K…, qui réside en Suisse, apparaît être en fuite au sens de l'article 131 du code de procédure pénale français.
L'article 16 (Remise d'une convocation par voie postale) du Deuxième Protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (09/11/2011) dispose : « que les autorités judiciaires compétentes de toute Partie peuvent envoyer directement, par voie postale, des actes de procédure et des décisions judiciaires, aux personnes qui se trouvent sur le territoire de toute autre partie ». La Suisse a émis des réserves et a diffusé des déclarations officielles sur les articles 4, 26, 6, 17, 18 et 27, aucune sur l'article 16.
Par ailleurs, la convocation adressée par le SNDJ à Dieter K… est régulière au regard du droit français sachant également qu'elle ne constitue pas un pré-requis pour constater la validité d'un mandat d'arrêt.
L'article 131 du code de procédure pénale prévoit deux hypothèses distinctes et non cumulatives dans lesquelles le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt à savoir, lorsque la personne est en fuite ou qu'elle réside hors du territoire de la République.
Le juge d'instruction a motivé le mandat d'arrêt sur les deux hypothèses.
Il est établi que Dieter K… savait qu'une procédure pénale était dirigée contre lui et qu'il connaissait la nature et la cause de l'accusation.
Il a également manifesté clairement son intention de ne pas déférer aux convocations qui lui ont été adressées ni à aucune autre convocation sur le territoire français démontrant ainsi son intention de se soustraire aux poursuites.
Il ne peut valablement prétendre à l'existence d'un risque de violation du secret bancaire alors même qu'il pouvait invoquer son droit au silence dans le cadre des auditions par les enquêteurs du SNDJ.
Il résulte de ces éléments que Dieter K… pouvait être considéré en situation de fuite au sens de l'article 131 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, il est constant que Dieter K… avait sa résidence hors du territoire de la République.
Le législateur a permis au juge d'instruction de décerner un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République même si elle n'est pas en situation de fuite.
Le mandat d'arrêt délivré à l'encontre de Dieter K… répond parfaitement à l'exigence de proportionnalité et de nécessité compte tenu des circonstances de l'espèce, à savoir la gravité des faits et la volonté clairement manifestée par l'intéressé de ne répondre à aucune convocation en se réfugiant derrière le motif inopérant de risque de violation du secret bancaire.
Le mandat d'arrêt constituait ainsi le seul moyen pour que Dieter K… comparaisse devant la juridiction de jugement.
En conséquence, le Tribunal considère que le mandat d’arrêt décerné à l’encontre de Dieter K… le 09/01/2015 était nécessaire et proportionné.
Sur la recevabilité des exceptions de nullité
Il a été jugé que la personne en fuite ou résident à l’étranger, qui se soustrait à la procédure d’information, se place, de son propre fait, dans l’impossibilité de bénéficier des dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale.
Il se déduit ainsi de l’article 134 du code de procédure pénale qu’elle n’a pas la qualité de partie au sens de l’article 175.
Dès lors, elle ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 385 alinéa 3 du même code si, renvoyée devant le tribunal correctionnel par le juge d’instruction, elle se trouve ensuite arrêtée.
L’ordonnance de renvoi a, comme le prévoit l’article 179 du code de procédure pénale, purgé, s’il en existait, les vices de procédure.
De plus, il a été également jugé que le bénéfice des dispositions de l’article 385 alinéa 3 constituerait dans son cas un avantage injustifié par rapport à la personne mise en examen qui a normalement comparu aux actes de la procédure (Crim, QPC 04/01/2012 : affaire n°10-85-692 et Crim 03:04:2007).
Au vu de la validité du mandat d’arrêt délivré et sur le fondement des articles 134 alinéa 3, 175, 179 et 385 alinéas 3 du code de procédure pénale, Dieter K… est irrecevable à soulever des nullités de la procédure devant le tribunal correctionnel.
Olivier B…
Par conclusions déposées et visées le 8 octobre 2018, Olivier B… soulève, in limine litis, plusieurs exceptions de nullités et sollicite que ces incidents ne soient pas joints au fond.
Olivier B… demande ainsi :
• qu'il soit déclaré recevable à soulever des nullités.
Olivier B… indique que, selon les jurisprudences combinées de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et de la Cour de cassation, l'état de fuite est la situation dans laquelle l'accusé sait qu'une procédure pénale est dirigée contre lui et connait la nature et la cause de l'accusation et qu'il n'a pas l'intention de prendre part au procès ou entend se soustraire aux poursuites.
Il considère, qu'en l'espèce, il n'était pas en état de fuite au moment de la délivrance du mandat d'arrêt dont il a fait l'objet, en ce que la convocation adressée par le service d'enquête le 13 octobre 2014 était illégale au regard de la convention européenne d'entraide judiciaire de 1959 ; en ce qu'il a répondu au juge d'instruction pour demander à ce que son audition s'inscrive dans le cadre des conventions internationales ratifiées ; et qu'en déférant à la convocation il risquait d'enfreindre la loi pénale suisse. Il ajoute que la délivrance d'un mandat d'arrêt doit répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité et estime que ces critères n'étaient pas remplis.
• que soient annulés la réquisition adressée à la DNEF le 16 juillet 2015 (D2154) ainsi que la transmission et le versement au dossier de l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux obtenus par la voie de l'entraide judiciaire administrative avec l'Allemagne (CD-ROM « CD STRAFA-FA WUPPERTAL », D2155/3, D2159/5, le scellé n° JI//CD Strafa-Fa Wuppertal) ; les documents papiers (D2156 à D2158, D2193, D2359, D2360) ; les actes subséquents ; les traductions et réquisitions supplémentaires pour traduction ; demandes de précisions et réponses correspondantes (D2191, D2192, D2222, D2223, D2224, D2358, D2361).
• que soit annulée la réquisition adressée à la DNEF aux fins d'obtenir des renseignements de l'administration fiscale suisse (D1096 à D1098, D1162, D1166, D1167, D1720, D1721, D1728, D2133) ; que soient également annulés l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux obtenus par la voie de l'entraide administrative avec la Suisse (D1724, D1726, D1727, D1918, D1924, D1987, D2036, D2037, D2057, D2136, D2137, D2138 et D2139).
Pour soutenir sa demande, Olivier B… se fonde sur la convention fiscale franco-allemande de 1959, sur la convention fiscale type de l'OCDE, sur la directive 2011/16/UE et sur la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966.
Il fait valoir que la matière est gouvernée par un principe de spécialité, énoncé dans chacune des conventions, qui interdit, ou soumet à des conditions non remplies, l'utilisation à des fins pénales des informations recueillies en application de ces conventions. Il soulève que les textes internationaux applicables, sur le fondement desquels les documents litigieux ont été transmis à la DNEF, prohibaient expressément leur utilisation à des fins pénales, et, qu'en obtenant ces pièces puis en les versant au dossier de l'information, les juges d'instruction avaient violé le principe de spécialité et les dispositions conventionnelles.
• que soient annulés la transmission et le versement au dossier de l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux relatifs aux contribuables français qui aurait été clients d'UBS AG et auraient utilisé une procédure dite de « régularisation » (D1786, D1912, D1914, D1919, D1935, D1937, D1940, D2021, D2022, D2024, D2025, D2026, D2027, D2028, D2340, D2341, D2342, D2343, D2381, D2383, D2384 et les scellés UBS UN, UBS DEUX, UBS TROIS, UBS QUATRE, UBS CINQ).
Il indique que les éléments ainsi collectés ont fait l'objet d'une exploitation de la part des juges d'instruction, enquêteurs et assistant spécialisé, et que les résultats fondent, dans l'ordonnance de renvoi, l'existence du délit de fraude fiscale d'une assiette de 3.773.008.769 euros. Il ajoute que cependant il n'a pas été possible de vérifier l'exactitude des informations contenues dans ces documents, malgré les demandes d'acte d'UBS AG et les pourvois devant la chambre de l'instruction, et que la partie civile a eu accès à ces informations alors qu'elle est susceptible de solliciter des dommages et intérêts. Il considère alors qu'il est privé de toute possibilité de vérifier la pertinence des noms et chiffres énoncés au regard de la poursuite pour fraude fiscale, ce qui constitue une violation des droits de la défense et une rupture d'égalité des armes.
• que soient annulés l'ensemble des éléments, pièces, actes et procès-verbaux relatifs au témoin n°119 (notamment l'audition en D1640).
Il fait valoir que le témoin n°119 a été entendu sous le régime de l'article 706-58 du code de procédure pénale, alors même que les conditions légales n'étaient pas réunies puisqu'une menace de licenciement, retenue par la chambre de l'instruction, ne fait pas partie des cas légaux. Il estime que cette audition porte une atteinte aux droits de la défense dans la mesure où il est privé de la possibilité de connaître l'identité du témoin alors même que l'audition est un élément à charge de l'ordonnance de renvoi.
• que soit déclarée nulle et cancellée toute mention de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de Patrick F….
Il fait valoir que l'ordonnance de renvoi se réfère à de nombreuses reprises à la reconnaissance de culpabilité de Patrick F… et qu'elle est notamment invoquée à son encontre, et ce en violation de l'article 495-14 du code de procédure pénale.
Sur la validité du mandat d'arrêt délivré à l'encontre d'Olivier B…
L’article 131 du code de procédure pénale dispose que : « si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la république, le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ».
Les termes : « ou si elle réside hors du territoire de la République » ont été jugés conformes à la Constitution, notamment car il appartient au juge d’instruction d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à l’émission d’un mandat d’arrêt, sa décision étant placée sous le contrôle de la Chambre de l’Instruction (Conseil Constitutionnel 27 février 2015, n°2014-452 QPC).
Olivier B… a été convoqué par voie postale le 13/10/2014 afin qu'il se présente dans les services du SNDJ le jeudi 20/11/2014.
Cette convocation précise clairement le cadre légal et factuel de l'audition et la possibilité pour la personne de se faire assister par l'avocat de son choix.
L'intéressé a fait savoir le 18/11/2014, pour donner suite à un appel des enquêteurs, qu'un fax leur serait adressé.
Par courrier en date du 17/11/2014, Maître Alan Hugues, indique qu'il est le conseil d'Olivier B…. Il relève que la convocation de son client intervient dans le cadre d'une enquête relative à l'infraction de blanchiment de fraude fiscale et soutient que la notification d'actes par voie postale en Suisse pour une procédure française visant des faits pour lesquels l'entraide ne peut être accordée n'est pas valable. Il ajoute qu'Olivier B… s'exposerait à des poursuites pénales en Suisse pour infraction à l'article 273 du code pénal suisse en répondant à des questions concernant des pratiques bancaires et commerciales qui auraient pour cadre le territoire helvétique. Il précise que son client ne se rendra pas à la convocation.
Par courrier en date du 20/11/2014, le juge d'instruction note que la convocation adressée à Olivier B… est régulière au regard du droit français, que ce dernier est convoqué comme suspect, propose une consultation du dossier et rappelle les dispositions de l'article 131 du code de procédure pénale.
Le conseil d'Olivier B… réitère sa position dans un courrier du 30/11/2014 tout en assurant qu'Olivier B… entend participer à l'enquête dans les limites du cadre autorisé par la législation suisse.
Le 09/01/2015, le juge d'instruction a décerné mandat d'arrêt à l'encontre d'Olivier B… au motif que ce dernier a été responsable d'abord, à compter de 2006, du segment dit HNW du bureau dit France International de la ligne de métier banque privée d'UBS AG, puis, à compter d'octobre 2007, du bureau FRANCE INTERNATIONAL, jusqu'en 2009, que la banque UBS AG a été mise en examen pour démarchage bancaire illégal et blanchiment à titre habituel de fraude fiscale, qu'il a été convoqué pour audition suspect mais a fait écrire par son conseil qu'il ne répondrait sur le territoire français à aucune question, de peur de violer le secret bancaire suisse, que l'intéressé, qui réside en Suisse, apparaît ainsi en fuite, au sens de l'article 131 du code de procédure pénale français.
L'article 16 (Remise d'une convocation par voie postale) du Deuxième Protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (09/11/2011) dispose : « que les autorités judiciaires compétentes de toute Partie peuvent envoyer directement, par voie postale, des actes de procédure et des décisions judiciaires, aux personnes qui se trouvent sur le territoire de toute autre partie ». La Suisse a émis des réserves et a diffusé des déclarations officielles sur les articles 4, 26, 6, 17, 18 et 27, aucune sur l'article 16.
Par ailleurs, la convocation adressée par le SNDJ à Olivier B… est régulière au regard du droit français sachant également qu'elle ne constitue pas un prérequis pour constater la validité d'un mandat d'arrêt.
L'article 131 du code de procédure pénale prévoit deux hypothèses distinctes et non cumulatives dans lesquelles le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt à savoir, lorsque la personne est en fuite ou qu'elle réside hors du territoire de la République.
Le juge d'instruction a motivé le mandat d'arrêt sur les deux hypothèses.
Il est établi qu'Olivier B… savait qu'une procédure pénale était dirigée contre lui et qu'il connaissait la nature et la cause de l'accusation.
Il a également manifesté clairement son intention de ne pas déférer aux convocations qui lui ont été adressées ni à aucune autre convocation démontrant ainsi son intention de se soustraire aux poursuites.
Il ne peut valablement prétendre à l'existence d'un risque de violation du secret bancaire alors même qu'il pouvait invoquer son droit au silence dans le cadre des auditions par les enquêteurs du SNDJ.
Il résulte de ces éléments qu'Olivier B… pouvait être considéré en situation de fuite au sens de l'article 131 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, il est constant qu'Olivier B… avait sa résidence hors du territoire de la République.
Le législateur a permis au juge d'instruction de décerner un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République même si elle n'est pas en situation de fuite.
Le mandat d'arrêt délivré à l'encontre d'Olivier B… répond parfaitement à l'exigence de proportionnalité et de nécessité compte tenu des circonstances de l'espèce, à savoir la gravité des faits et la volonté clairement manifestée par l'intéressé de ne répondre à aucune convocation en se réfugiant derrière le motif inopérant de risque de violation du secret bancaire.
Le mandat d'arrêt constituait ainsi le seul moyen pour qu'Olivier B… comparaisse devant la juridiction de jugement.
En conséquence, le Tribunal considère que le mandat d’arrêt décerné à l’encontre d'Olivier B… le 09/01/2015 était nécessaire et proportionné.
Sur la recevabilité des exceptions de nullité
Il a été jugé que la personne en fuite ou résident à l’étranger, qui se soustrait à la procédure d’information, se place, de son propre fait, dans l’impossibilité de bénéficier des dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale.
Il se déduit ainsi de l’article 134 du code de procédure pénale qu’elle n’a pas la qualité de partie au sens de l’article 175.
Dès lors, elle ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 385 alinéa 3 du même code si, renvoyée devant le tribunal correctionnel par le juge d’instruction, elle se trouve ensuite arrêtée.
L’ordonnance de renvoi a, comme le prévoit l’article 179 du code de procédure pénale, purgé, s’il en existait, les vices de procédure.
De plus, il a été également jugé que le bénéfice des dispositions de l’article 385 alinéa 3 constituerait dans son cas un avantage injustifié par rapport à la personne mis en examen qui a normalement comparu aux actes de la procédure (Crim, QPC 04/01/2012 : affaire n°10-85-692 et Crim 03/04/2007).
Au vu de la validité du mandat d’arrêt délivré et sur le fondement des articles 134 alinéa 3, 175, 179 et 385 alinéas 3 du code de procédure pénale, Olivier B… est irrecevable à soulever des nullités de la procédure devant le tribunal correctionnel.
UBS France
Par conclusions déposées et visées à l'audience, le 8 octobre 2018, la société UBS France demande in limine litis et à titre principal, que soit annulée la lettre de reconnaissance de culpabilité de Patrick F… du 15 juin 2016 (D2130/2-3) et que soit cancellées toutes les références à cette lettre et à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité contenues dans quelque pièce que ce soit. A titre subsidiaire, la société UBS France demande qu'elle puisse débattre contradictoirement des circonstances, du contenu et de la portée de cette lettre de reconnaissance malgré les dispositions de l'article 495-14 du code de procédure pénale. En tout état de cause, elle sollicite que ces incidents ne soient pas joints au fond considérant qu'elles touchent à l'ordre public.
Pour soutenir sa demande, la société UBS France expose que les dispositions de l'article
495-14 du code de procédure pénale, applicables sur renvoi de l'article 180-1 du même code, interdisent qu'il puisse être fait état d'éléments issus d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui a échoué, et plus spécifiquement de déclarations ou de documents remis au cours de la procédure. Elle estime que la lettre de reconnaissance de Patrick F… doit être annulée, ou a tout le moins écartée du dossier, ainsi que toute référence à cette lettre dans la procédure, d'autant que la responsabilité d'UBS France est engagée de ce chef.
Pour soutenir sa demande subsidiaire, la société UBS France estime qu'a défaut de cancellation, le tribunal doit garantir un débat contradictoire sur la reconnaissance de Patrick F…, notamment parce que la responsabilité d'UBS France est engagée de ce chef, et écarte la prohibition de l'article 495-14 du code de procédure pénale en ce qu'elle porterait atteinte aux droits de la défense.
Par conclusions distinctes, déposées et visées à l'audience le 11 octobre 2018, la société UBS France soulève, in limine litis, l'irrecevabilité de l'action publique.
Pour soutenir sa demande, la société UBS France indique qu'il lui est reproché le délit de complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale sous la prévention suivante « pour avoir sur le territoire national, de 2004 à 2008, été complice par fourniture de moyens du blanchiment aggravé de fraude fiscale en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, reproché à UBS AG, notamment, en servant de relais ou d'intermédiaires entre des prospects et des chargés d'affaires de la société UBS AG, par l'organisation de synergies entre équipes du segment Core Affluent ». Elle expose que les faits qui lui sont reprochés constitueraient, s'ils étaient avérés, le délit de complicité de fraude fiscale, notamment eu égard au principe d'application de la loi spéciale. En conséquence, elle considère que l'action publique est irrecevable dans la mesure où le ministère public n'a pas été saisi d'une plainte préalable de l'administration fiscale précédé d'un avis favorable de la commission des infractions fiscales au visa de l'article L.228 du Livre des procédures fiscales.
En réponses aux exceptions de nullité soulevées par la société UBS France visant à faire annuler ou écarter des débats la lettre de reconnaissance de Patrick F…, le Procureur National Financier conclut au rejet de cette demande pour les mêmes motifs précédemment évoqués concernant ce moyen.
Sur la recevabilité
L’article 385 du code de procédure pénale dispose que : « le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction.
Toutefois, dans le cas où l’ordonnance ou l’arrêt qui l’a saisi n’a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l’article 183 ou par l’article 217, ou si l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.
Lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l’article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de procédure… »).
L’ordonnance de renvoi du juge d’instruction en date du 17 mars 2017 a été portée à la connaissance des parties dans les conditions prévues à l’article 183 alinéa 4 et conformément aux dispositions des articles 184 et 175 du code de procédure pénale.
Au vu des dispositions combinées des articles 179 et 385 du Code de Procédure
Pénale, UBS AG est irrecevable à soulever des nullités devant le tribunal correctionnel.
Au surplus le document visé est une lettre de Patrick F… cotée au dossier qui ne fait pas partie de la procédure de CRPC.
Par ailleurs, les demandes formulées tenant à la recevabilité des poursuites ou des moyens de preuve relèvent de l’examen au fond du dossier.
b) - Sur la compétence du Tribunal
La société UBS AG soulève d'une part et à titre principal, l'incompétence des juridictions françaises concernant les faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale.
A titre subsidiaire, que la compétence du tribunal correctionnel ne soit retenue que pour les seuls actes de blanchiment allégués commis en France.
Au soutien de sa demande, la société UBS AG fait valoir que la loi française n'a pas vocation à s'appliquer en raison du lieu de commission de l'infraction alléguée de blanchiment en ce que l'instruction n'a pas mis en lumière de fait susceptible d'avoir été commis en France ; qu'en matière de blanchiment la jurisprudence ne reconnaît pas que l'infraction d'origine soit considérée comme un fait constitutif de l'infraction car elle exige la démonstration d'un lien d'indivisibilité ; qu'il n'y avait pas en l'espèce ce lien d'indivisibilité ; que la Cour de cassation avait implicitement jugé que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes pour connaître des faits de blanchiments allégués objet du renvoi en se fondant sur l'arrêt rendu le 17 décembre 2014 (n°14-86560) suite à un pourvoi de la société UBS AG. Subsidiairement, la société UBS AG indique que si le tribunal identifiait un acte commis en France par un client, il ne pourrait se considérer compétent à l'égard de l'ensemble des clients.
Ensuite, la société UBS AG soutient l'incompétence territoriale du tribunal correctionnel de Paris en raison du régime applicable aux infractions commises hors du territoire national et vise les articles 113-7 et 113-8 du code pénal. Elle fait observer que les préalables nécessaires à la poursuite des délits commis hors du territoire national n'ont pas été respectés en l'absence de dénonciation officielle par la Suisse et en l'absence de plainte d'une victime précédant la poursuite du délit de blanchiment de fraude fiscale à la date du 26 mars 2014.
La société UBS France demande qu'il soit constaté l'incompétence des juridictions françaises.
Au soutien de sa demande la société UBS France se fonde sur l'article 113-5 du code pénal. Elle fait valoir que la double condition posée par ce texte n'est pas satisfaite en l'espèce, dans la mesure où le délit de blanchiment de fraude fiscale n'existait pas en
Suisse à l'époque des faits et qu'aucune décision définitive constatant la commission de ce délit n'a été rendue par une juridiction suisse.
Philippe I… soulève l'incompétence des juridictions françaises pour connaître des faits reprochés de blanchiment aggravé de fraude fiscale et se fonde sur les articles 113-2, 113-7 et 113-8 du code pénal. Il fait valoir qu'aucun des faits visés à la prévention n'a été commis en France et que seuls trois clients disposaient d'un compte ouvert dans les livres d'UBS AG non déclarés à l'administration fiscale, sans que ces ouvertures ou la gestion courante n'avaient nécessité de contacts avec la France.
M. Philippe I… observe également que les prétendues manoeuvres s évoquées dans l'ordonnance de renvoi n'ont pas été reprises par la prévention et ne peuvent donc pas fonder la compétence des juridictions françaises. Plus encore, M. Philippe I… indique que la commission, en France, de l'infraction d'origine au blanchiment n'est pas suffisante pour proroger la compétence des juridictions françaises et s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Il ajoute qu'aucun cas jurisprudentiel de prorogation de compétence n'est applicable en l'espèce et qu'aucun lien d'indivisibilité ne peut trouver application. Enfin, M. Philippe I… conclut à l'impossibilité de retenir la compétence des juridictions françaises nonobstant la nationalité de la victime car les prescriptions posées par l'article 113-8 du code pénal n'ont pas été respectées.
Raoul W… soulève l'incompétence de la juridiction française pour juger de l'infraction de blanchiment aggravé de fraude fiscale au visa des articles 113-2, 113-7 et 113-8 du code pénal. Selon lui aucun des actes reprochés n'a été commis en France et l'infraction à l'origine d'un blanchiment ne peut être considérée comme un fait constitutif de celui-ci pour permettre au juge français de se déclarer compétent pour juger du blanchiment à l'étranger d'une infraction principale commise en France. Ensuite, M. Raoul W… affirme qu'il n'y a aucune indivisibilité entre le blanchiment et le délit d'origine. Enfin, il considère que la compétence française ne peut être retenue en raison de la nationalité de la victime puisque les prescriptions légales n'ont pas été respectées.
L'État français considère que l'exception d'incompétence doit être écartée. Il se fonde sur l'article 113-2 du code pénal indiquant que l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits justificatifs a eu lieu sur ce territoire. Invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, il affirme que la notion de fait justificatif déborde celle d'élément constitutif de l'infraction et que le délit d'origine est considéré comme un fait justificatif. Il ajoute que cette solution a été confirmée par la chambre criminelle en matière de recel, ce qui est transposable au blanchiment, et s'appuie sur de la jurisprudence. Par ailleurs, pour répondre à l'argumentaire de la société UBS France sur ce point, l'État français considère que le délit de blanchiment aggravé de fraude fiscale reproché à UBS AG, et dont UBS France s'est rendue complice, est réputé avoir été réalisé sur le territoire français en application de l'article 113-2 alinéa 2 du code pénal.
La société de droit suisse UBS AG est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale commis à Paris, sur le territoire national, en Suisse de 2004 jusqu'en 2012, Raoul W…, Dieter K…, Olivier B… et Philippe I… sont renvoyés pour la même infraction commise à Paris, sur le territoire national et en Suisse, pour le premier de 2004 à novembre 2008, pour le second de 2004 jusqu'à septembre 2008, pour le troisième d'octobre 2007 jusqu'à mars 2009 et pour le quatrième de 2004 jusqu'à octobre 2007, la société de droit français UBS France est renvoyée pour des faits de complicité par fourniture de moyens du blanchiment aggravé de fraude fiscale en Suisse de 2004 jusqu'en 2012 reproché à UBS AG, faits commis de 2004 à 2008.
Les poursuites sont fondées sur l'article 324-1 alinéa 2 du code pénal, à savoir le fait d'avoir apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. L'infraction principale visée est le délit de fraude fiscale.
L'article 113-2 du code pénal dispose que : « la Loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la république dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ».
La jurisprudence interprète largement la notion de fait constitutif laquelle englobe des faits autres qu'un élément constitutif même entendu largement.
Il suffit que l'une des opérations du blanchiment ait été accomplie en France pour que l'on considère que l'infraction est commise sur le territoire de la république.
Autrement dit, n'importe quel fait qui participe à la réalisation matérielle du blanchiment ou qui le prépare pouvant être localisé en France, peut être retenu.
En l'espèce, l'enquête préliminaire et l'information ont mis en évidence des faits préparant et participant à la réalisation matérielle de l'infraction de blanchiment aggravé du délit de fraude fiscale, faits qui trouvent leur origine sur le territoire de la république.
Parmi ces faits constitutifs, il y a lieu de relever la présence, sur le territoire de la république, d'une filiale française de la banque UBS AG, la société UBS France SA,
une approche directe ou par l'intermédiaire « d'events » organisés sur le territoire français de résidents fiscaux français (clients ou prospects) ciblés par des chargés d'affaires établis en France ou salariés d'UBS AG obéissant à des consignes et instructions plus que douteuses, des objectifs déterminés d'ouverture de comptes et de dépôts de fonds sur des comptes ouverts chez UBS AG, des offres de services garantissant l'anonymat au titulaire des actifs déposés et des revenus générés qu'il souhaite soustraire à l'impôt sur le sol français.
A l'évidence, de telles méthodes mises en place en France à l'initiative de la société UBS AG avec la complicité d'UBS France avaient pour objectif d'apporter un concours à des opérations de dissimulations de fonds provenant du délit de fraude fiscale commis par des citoyens français fortement imposés tenus à des obligations fiscales vis à vis de
'Etat français et de générer pour UBS AG et UBS France des gains dans le cadre de la gestion de ces actifs.
Il peut également être mis en avant le lien de dépendance juridique unissant l'infraction d'origine, en l'espèce la fraude fiscale, à l'infraction de conséquence, le blanchiment aggravé et considérer que la fraude fiscale commise en France participe des faits constitutifs de l'infraction de blanchiment,
Cette solution a été dégagée dans un arrêt du 26/09/2007 (Cass.Crim, 26/09/2007 n°07-83.829) en présence du délit de recel dont la dépendance juridique unissant l'infraction préalable et l'infraction de recel illustre son caractère de délit de conséquence, en faisant donc le choix, pour l'analyse, de reléguer au second rang son caractère d'infraction autonome.
Les articles 113-5, 113-6, 113-7 et 113-8 du code pénal ne sont pas applicables en l'espèce puisqu'il existe déjà un critère de compétence sur le fondement de l'article 113-
2 du code pénal, les critères de compétence étant alternatifs et non cumulatifs.
En conséquence, il convient de retenir la compétence de la juridiction française pour l'infraction de blanchiment aggravé et de rejeter les exceptions d'incompétence soulevées.
c)- Sur la prescription de l'action publique
La société UBS AG sollicite que soit prononcée la prescription de l'action publique pour tous les faits de démarchage illicite et pour une partie des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale qui lui sont reprochés.
Au soutien de sa demande, la société UBS AG se fonde sur l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa version applicable à l'époque des faits, qui fixait un délai de prescription de l'action publique en matière délictuelle de 3 années.
Concernant l'infraction de démarchage, la société UBS AG explique qu'il s'agit d'une infraction instantanée incriminant une prise de contact non sollicitée. Elle ajoute que le délai de prescription de l'action publique de cette infraction a pour point de départ la date de commission des actes de démarchages allégués. Considérant que le premier acte interruptif de prescription du dossier est le soit-transmis du parquet de Paris adressé aux douanes judiciaires en date du 1er mars 2011, la société UBS AG en tire la conclusion que les faits remontant plus de trois ans avant ce soit-transmis, soit avant le 1er mars 2008, sont prescrits, ce qui concerne les faits visés par l'ordonnance de renvoi. Elle n’ajoute qu’aucun fait hypothétique de démarchage n'est intervenu postérieurement à cette date. Enfin, la société UBS AG affirme que le régime du recul du point de départ de la prescription de l'action publique en matière d'infractions continues et/ou occultes n'est pas applicable au démarchage.
Concernant l'infraction de blanchiment aggravé de fraude fiscale, la société UBS AG fait observer que la saisine initiale visait seulement les faits de blanchiment de la fraude fiscale portant sur des fonds prétendument récoltés par un démarchage illicite. Ensuite, elle indique que c'est par réquisitoire supplétif du 26 mars 2014, que le parquet a étendu la saisine des juges d'instruction aux faits de blanchiments de fraude fiscale, commis de 2004 à 2012, et portant sur des sommes qui n'étaient pas le produit du démarchage illicite. Elle poursuit en soulignant que l'information judiciaire n'a pas révélé l'existence de sommes provenant du démarchage illicite, de sorte que seules les sommes qui n'en sont pas issues sont concernées par la prévention de blanchiment. Elle exclut l'application à l'espèce du régime du recul du point de départ de la prescription de l'action publique en matière d'infractions continues et/ou occultes. Dans ces conditions, elle fixe la date du premier acte interruptif de prescription au 26 mars 2014, date du équisitoire supplétif. Par conséquent, UBS AG conclut que la prescription de l'action publique est acquise pour les comptes ouverts avant le 26 mars 2011 par des résidents fiscaux français qui n'ont pas bénéficié des services bancaires, ainsi que pour les résidents fiscaux français qui auraient bénéficié des services bancaires mais dont les comptes étaient clôturés ou régularisés avant cette date.
Au soutien de sa demande de constatation de prescription de l'action publique, la société UBS France se fonde sur les articles 7 et 8 du code de procédure pénale dans leur version antérieure à la loi du 27 février 2017. Elle fixe le premier acte interruptif de prescription au 1er mars 2011, date du soit-transmis du parquet saisissant le Service National des Douanes Judiciaires. Puis, elle précise que les actes qui lui sont reprochés sont tous antérieurs au 1er mars 2008 et sont, en conséquence, atteints par la prescription.
Olivier B… soulève la prescription de l'action publique concernant l'infraction de démarchage illicite. Au soutien de sa demande, il se fonde sur l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi du 27 février 2017. Il prétend que le premier acte interruptif de prescription est le soit-transmis du parquet de Paris adressé au Service National des Douanes Judiciaires le 1er mars 2011 et, qu'en conséquence, tous les faits antérieurs au 1er mars 2008 sont prescrits.
Concernant l'infraction de blanchiment de fraude fiscale, M. Olivier B… soulève également la prescription de l'action publique. Au soutien de sa demande, il se fonde, là encore, sur l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi du 27 février 2017. Rappelant que le 1er mars 2011 le parquet de Paris a sollicité l'ouverture d'une enquête confiée au Service National des Douanes Judiciaires visant seulement les actes de démarchage, il fait observer que c'est par réquisitoire supplétif du 26 mars 2014 que l'information judiciaire a été étendue aux faits de blanchiment de fraude fiscale. Il considère en conséquence qu'il s'agit-là du premier acte interruptif de prescription pour les faits de blanchiment de fraude fiscale et que les faits antérieurs au 26 mars 2001 sont prescrits.
Hervé D… soulève la prescription de l'action publique et se fonde sur les articles 6, 7 et 8 du code de procédure pénale dans leurs versions en vigueur à l'époque des faits.
Concernant l'infraction de complicité de démarchage illicite, il précise qu'il est renvoyé devant le tribunal pour l'organisation conjointe de deux événements de chasse datés des 2 décembre 2004 et 29 septembre 2005. Il considère que le délai de prescription d'actes de complicité court à compter de la consommation du fait principal punissable, soit enl'espèce du ou des actes de démarchage bancaire illicite prétendument commis lors des chasses. Estimant que le caractère instantané de ce délit est certain, il fixe le point dedépart des délais de prescription de chacun des actes de démarchages allégués aux 2 décembre 2004 et 29 septembre 2005, dates des événements. Enfin, il en tire laconclusion que les faits reprochés sont prescrits depuis le 3 décembre 2007 et le 30 septembre 2008.
Plus encore, Hervé D… indique qu'il ne peut lui être opposé la notion d'indivisibilité des faits. D'une part, il prétend qu'il n'y a aucune indivisibilité des faits. D'autre part, il fait valoir que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation affirme systématiquement que lorsqu'une infraction prescrite est indivisiblement liée à une infraction non encore prescrite, l'effet interruptif ne joue qu'à l'égard de cette dernière.
Concernant l'infraction de recel, dont l'objet est une somme d'argent fongible, il faitremarquer que le délai de prescription court à compter de son dessaisissement. De même, l'utilisation de cette somme pour acquitter des charges courantes ou verser de l'argent à des tiers vaut dessaisissement. En l'espèce, estimant le montant du recel reproché en février 2006 à 200 euros, il considère s'en être nécessairement dessaisi dans l'année qui a suivi sa perception. Il en tire la conséquence que le point de départ a couru au plus tard dès le 1er février 2007 entrainant l'acquisition de la prescription depuis le 1er février 2010.
Dieter K… soulève la prescription de l'action publique concernant l'infraction de démarchage illicite et se fonde sur les articles 7 et 8 du code de procédure pénale dans leurs versions en vigueur à l'époque des faits.
Au soutien de sa demande, Dieter K… considère que le démarchage illicite est une infraction instantanée et que le point de départ du délai de prescription est la réalisation de l'acte de démarchage. Estimant que le premier acte de poursuite est le soit-transmis du 1er mars 2011, par lequel le parquet de Paris saisit le Service National des Douanes
Judiciaires, Dieter K… conclut que la prescription de l'action publique est acquise pour les faits commis avant le 1er mars 2008. Plus encore, il fait observer qu'aucun acte de démarchage ne lui est imputé après cette date, d'autant qu'il avait quitté ses fonctions opérationnelles depuis novembre 2007. D'une part, Dieter K… explique que les actes de démarchage illicite qui lui sont reprochés sont tous antérieurs au 1er mars 2008.
D'autre part, il ajoute qu'aucun acte positif susceptible d'être qualifié d'ordre, instigation ou encouragement au démarchage illicite ne lui est imputé après le 1er mars 2008.
Si seul l'événement du Club de la Pelle à Marseille a été organisé postérieurement au
1er mars 2008, soit le 15 mai 2008, il fait observer qu'il n'y participait pas.
Concernant l'infraction de blanchiment de fraude fiscale, M. Dieter K… soulève également la prescription de l'action publique et se fonde sur l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur à l'époque des faits.
Au soutien de sa demande, Dieter K… fait valoir que le délai de prescription triennal du délit de blanchiment de fraude fiscale court à compter du dernier acte de blanchiment susceptible de lui être imputé. Il estime qu'en l'espèce la prescription a été interrompue à deux reprises. D'une part, une interruption le 12 avril 2012, date du réquisitoire introductif, pour le fait de blanchiment de la fraude fiscale portant sur les fonds récoltés par démarchage. D'autre part, une seconde interruption le 26 mars 2014, date du réquisitoire supplétif, pour les faits de blanchiment de fraude fiscale des sommes n'étant pas le produit du démarchage. De même, il fait observer que les interruptions des délais de prescription sont intervenues respectivement 4 ans et 6 ans après avoir quitté son poste en novembre 2007 du département Wealth Management Western Europe, de sorte que tous les faits reprochés sont prescrits. Enfin, il considère qu'il ne peut être opposé l'argument de l'indivisibilité pour rejeter la prescription de l'action publique puisque sa preuve fait défaut. Selon lui, et s'appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation, la prétendue indivisibilité entre deux infractions ne permet pas de faire renaître la prescription définitivement acquise de la première.
Patrick F… soulève la prescription de l'action publique de l'infraction et se fondesur l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur à l'époque des faits.
Concernant l'infraction de complicité de démarchage bancaire illicite, Patrick F… fixe le premier acte interruptif de prescription à la date du soit-transmis du 1er mars 2011 qui saisissait le Service National des Douanes Judiciaires. Il ajoute que l'infraction de démarchage est une infraction instantanée. Il conclut que dans l'acte de saisine du tribunal, les juges d'instruction ont recensé explicitement plusieurs événements organisés avant le 1er mars 2008, date avant laquelle les faits qualifiables de démarchage bancaire illicite sont prescrits. Il précise que seuls 3 événements sont postérieurs à cette date, à savoir la manifestation du club de la Pelle du 15 mai 2008, celle du château du Tertre en octobre 2008 et le tournoi de Roland Garros de 2011. Il fait observer qu'il avait quitté UBS fin 2009 et qu'il ne peut être poursuivi pour l'événement de Roland Garros. Ensuite, il indique que la manifestation au club de la
Pelle avait été organisée par UBS AG seule. Enfin, concernant le château du Tertre, il n'y avait, selon lui, aucun chargé d'affaire suisse, ce qui exclut cet événement du champ de la prévention. En conclusion, il prétend que le tribunal est saisi de faits susceptibles d'être qualifiés de démarchage illicite à l'occasion « d'events » qui sont tous antérieurs au 1er mars 2008.
De même, Patrick F… affirme que la date des faits poursuivis sous la qualification de « organisation de synergies entre équipes du segment Core Affluent » est insuffisamment explicitée dans l'acte de saisine et n'a pas permis de caractériser d'actes imputables à Patrick F… postérieurement au 1er mars 2008. Le point de départ de la prescription ne peut donc avoir été retardé après le 1er mars 2008.
Enfin sur la question de la prescription, il rappelle que les magistrats instructeurs ont estimé que la prescription ne commençait à courir qu'à partir du dernier acte de démarchage illégal et même du dernier acte de blanchiment de fraude fiscale lorsque ce démarchage et ce blanchiment s'inscrivent dans une fraude complexe. Il considère que ce raisonnement revient à rendre imprescriptibles les délits instantanés passibles de 5 ans d'emprisonnement, d'autant qu'il n'est, lui-même, pas poursuivi du chef de blanchiment de fraude fiscale.
Admettant que les divers faits pourraient présenter un caractère de complexité et d'indivisibilité, il prétend que chacune des infractions conserverait malgré tout son propre régime de prescription et conteste l'application de l'indivisibilité en l'espèce.
Philippe I… soulève l'extinction de l'action publique relative au démarchage illicite au visa des articles 7 et 8 du code de procédure pénale. Il affirme que l'infraction de démarchage illicite est un délit instantané qui s'exécute en un trait de temps. Fixant le premier acte de poursuite à la date du 1er mars 2011, où le soit-transmis du parquet de
Paris saisissait le service des douanes judiciaires, il en conclut que les faits postérieurs au 1er mars 2008 ne peuvent être poursuivis et que les faits antérieurs sont nécessairement prescrits. En outre, Philippe I… conteste le caractère occulte ou dissimulé des faits de démarchage illicite susceptibles de retarder le point de départ de la prescription. Enfin, il rejette l'existence d'une quelconque indivisibilité ou connexité qui pourraient justifier un décalage du point de départ du délai de prescription. En tout état de cause, il considère que les faits sont prescrits puisqu'il quittait ses fonctions au sein du département France International le 31 mars 2007 et que le dernier acte de démarchage prétendument commis serait donc antérieur de plus de 3 ans au premier acte interruptif de prescription.
Ensuite, Philippe I… soulève l'extinction de l'action publique relative aux faits de blanchiment de fraude fiscale au visa des mêmes articles. Il explique que les magistrats instructeurs n'étaient pas saisis des faits de blanchiment de fraude fiscale d'un produit étranger au démarchage illicite avant le 26 mars 2014, premier acte interruptif de prescription, de sorte que la prescription est acquise pour tous les faits antérieurs au 26 mars 2011. Concernant les faits de blanchiment de fraude fiscale portant sur les produits d'un démarchage illicite, il souligne que le soit-transmis du 1er mars 2011 ne visait pas de tels faits, ce qui induit que le premier acte interruptif de prescription est le réquisitoire introductif du 12 avril 2012. Plus encore, Philippe I… indique qu'il n'existe aucun motif de report du point de départ de la prescription et qu'il a quitté ses fonctions le 31 mars 2007 de sorte qu'aucun acte postérieur ne peut lui être reproché. Il fait enfin valoir que même a considérer le 1er mars 2011 comme date du premier acte interruptif de prescription, cette dernière était acquise à cette date.
Raoul W…, soulève la prescription de l'action publique relative aux faits de démarchage bancaire illicite et de blanchiment aggravé de fraude fiscale au visa des articles 7 et 8 du code de procédure pénale.
Selon lui, le point de départ du délai de prescription de l'action publique du délit de démarchage bancaire illicite est fixé au jour où l'acte a été prétendument commis. Selon lui, l'instantanéité et l'absence de dissimulation de cette infraction ne fait pas débat en l'espèce. Le premier acte interruptif de prescription est, selon lui, le soit-transmis au service des douanes judiciaires daté du 1er mars 2011, de sorte que les faits de démarchage qui auraient été commis avant le 1er mars 2008 sont prescrits. Par ailleurs, il fait observer que l'ordonnance de renvoi ne lui impute aucun fait après le 1er mars 2008.
Sur les faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale reprochés, Raoul W… affirme qu'ils ne sont pas de nature à relever de la dissimulation, ni constituer une infraction occulte et qu'il n'y a pas lieu au report du point de départ de la prescription. Il conteste l'existence d'un lien de connexité et/ou d'indivisibilité suffisant entre les infractions pour considérer que les actes interruptifs relatifs au démarchage bancaire illicite interrompraient également la prescription de l'infraction de blanchiment de fraude fiscale. En conséquence, il fixe le premier acte interruptif de prescription à la date du réquisitoire introductif, soit le 12 avril 2012. Il rappelle qu'il a été limogé de la banque le 12 novembre 2008, soit avant le 12 avril 2009, de sorte qu'il juge les faits prescrits.
L'État français conteste l'acquisition de la prescription de l'action publique soutenue par les prévenus. Il affirme que sans même qu'il soit besoin de s'interroger sur le caractère occulte ou dissimulé des faits reprochés à la société UBS AG, ni sur leur connexité ou indivisibilité avec les faits de démarchage, il convient de relever le caractère continu du blanchiment en cause, par dissimulation du produit du délit de fraude fiscale sur un compte à l'étranger non déclaré. Il se fonde sur une jurisprudence de la Cour de cassation dont il dit qu'il a été retenu le caractère continu du délit de blanchiment qui ne se prescrit qu'à compter du jour où l'agissement reproché à cesser.
Il soutient également que ce caractère continu conduit à écarter les prescriptions alléguées par messieurs I…, B… et K….
Sur l'argumentaire de la société UBS France, l'État français oppose qu'il est de jurisprudence constante que la prescription ne court à l'égard du complice que du jour où a été consommé le délit auquel il a participé, et non du jour où ont été commis les faits de complicité, ce qui signifie selon lui que le délit principal étant un délit continu, le point de départ de la prescription à l'égard du complice de ce délit n'intervient que le jour où il prend lui-même fin.
Le 22/02/2011, le président de l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), agissant sur le fondement de l'article L.612-28 du code monétaire et financier, a dénoncé au Parquet de Paris des faits susceptibles de caractériser un système d'évasion fiscale de la France vers la Suissesse orchestrée par la banque UBS AG avec la complicité de sa filiale française, UBS France.
Par soit-transmis en date du 01/03/2011, le Parquet de Paris a saisi le Service National de la Douane Judiciaire dans le cadre d'une enquête préliminaire.
Un procès-verbal de synthèse a été établi le 11/04/2012.
L'enquête préliminaire a révélé des indices présumant de l'existence d'un système global organisé de démarchage bancaire illégal et de blanchiment de fraude fiscale mis en place par la société de droit suisse UBS AG avec la complicité de sa filiale française, UBS France, justifiant les poursuites et les investigations engagées.
Par réquisitoire introductif du 12/04/2012, l'information a été ouverte des chefs de démarchage bancaire ou financier illicite de prospects français ou résidant sur le territoire national commis par des personnes non habilitées et complicité du même délit, blanchiment en bande organisée de fonds obtenus à l'aide de démarchages bancaires ou financiers illicites et blanchiment en bande organisée de fraude fiscale commis de 2007 à 2011.
Le réquisitoire supplétif du 27/06/2012 vise des faits de démarchage bancaire et financier illicite, blanchiment de démarchage bancaire et financier illicite et recel sur la période de 2004 à 2011.
Le réquisitoire supplétif du 26/03/2014 étend la saisine à des faits de blanchiment de fraude fiscale de fonds qui n'étaient pas le produit de démarchage illicite sur la période de 2004 à 2012.
Il convient de souligner que cette saisine, dès l'ouverture de l'information par le réquisitoire introductif du 12/04/2012 (D493/1), portait à la fois sur des faits commis entre 2007 et 2011 de démarchage bancaire et financier illicite de citoyens français ou de résidents sur le territoire national et complicité de ce délit, de blanchiment en bande organisée de fonds obtenus à l'aide de ces démarchages et de blanchiment aggravé de fraude fiscale.
Cette saisine a été élargie par le réquisitoire supplétif du 27/06/2012 lequel porte sur les mêmes infractions en y ajoutant le recel, pour les années 2004 à 2006, puis de nouveau élargie par le réquisitoire supplétif du 26/03/2014.
L'argument consistant à soutenir que le blanchiment aggravé de fraude fiscale n'aurait été introduit que par le réquisitoire supplétif du 26/03/2014 est donc inopérant.
Il est avancé par ailleurs que le premier acte interruptif de prescription étant constitué par le soit-transmis du Parquet de Paris au SNDJ daté du 01/03/2011, seuls les agissements postérieurs au 1er mars 2008 pourraient être poursuivis. Hervé D… et Dieter K… contestent plus particulièrement la notion d'indivisibilité faisant valoir pour le premier, que seuls deux faits lui sont reprochés le 02/12/2004 et le 29/09/2005 avec acquisition d'une date de prescription les 03/12/2007 et 30/09/2008 et pour le second, qu'il avait quitté son poste le 7 novembre 2007.
Cependant, il convient de souligner que la prescription ne commence à courir qu'à partir du dernier acte de démarchage illégal et du dernier acte de blanchiment de fraude fiscale reproché, lorsque ce démarchage et ce blanchiment s'inscrivent dans une fraude complexe et qu'ils sont exécutés et se sont poursuivis sur une longue période, ce qui est le cas en l'espèce.
Le dernier acte de démarchage incriminé se situe lors de l'évènement sportif de Roland
GARROS en 2011 sachant que de nombreux « events » ont été organisés entre 2008 et
2011 tandis que les actes de blanchiment se sont poursuivis jusqu'en 2012 (offre et fonctionnement de comptes numérotés, banque restante, au nom de structures off-shore...).
Le soit-transmis du Parquet de Paris au SNDJ daté du 01/03/2011 étant le premier acte interruptif de la prescription, celle-ci n'était donc pas acquise à cette date.
Par ailleurs, il est ressorti des investigations que les faits reprochés à la société de droit suisse UBS AG avec la complicité de sa filiale française, UBS France, pouvaient s'inscrire dans une politique générale d'établissement bancaire et former entre eux un tout indivisible depuis au moins l'année 2004.
La notion d'indivisibilité a été précisée par la jurisprudence et est caractérisée lorsque les éléments de la prévention sont dans un rapport mutuel de dépendance et rattachées entre eux par un lien tellement intime que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres.
En l'espèce, il apparaît que le blanchiment des fonds liés à des fraudes fiscales est directement dépendant de la prospection préalable, présumée illicite, de résidents fiscaux français.
Il a ainsi été mis en évidence une stratégie de groupe destinée à identifier et approcher en France, directement ou à l'occasion d' « events », via des chargés d'affaires d'UBS AG agissant avec la coopération d'UBS France, des clients ou « prospects » (potentiels futurs clients), en vue de collecter des fonds pour les faire prospérer en Suisse ou à partir de la Suisse de façon occulte.
Ces faits sont dans un tel lien de dépendance que l'existence des uns ne se comprend pas sans l'existence des autres. Le blanchiment apparaît comme la suite logique et nécessaire du démarchage bancaire et financier présumé illicite.
Les faits reprochés à chacun des prévenus sont indissociables et indivisibles entre eux et de ceux reprochés aux sociétés UBS AG et UBS France.
Le Tribunal constate que les faits de démarchage bancaire et financier illicite et de blanchiment de fraude fiscale ne sont pas prescrits.
En conséquence, le Tribunal rejette les exceptions de prescription de l'action publique soulevées.
d- Sur la recevabilité des moyens de preuves
- Pièces et procès-verbaux obtenus par la voie de l'entraide administrative avec l'Allemagne et la Suisse
L'assistance administrative peut être définie comme : « l'ensemble des opérations traduisant une coopération entre les administrations fiscales de deux (ou plusieurs)
Etats en vue de permettre une application correcte des dispositions régissant l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts de chacun des Etats intéressés ».
Les Etats qui se prêtent assistance acceptent de mettre en oeuvre les divers moyens juridiques et pratiques que leur confère leur législation nationale pour aider une administration étrangère à remplir ses attributions fiscales sans se heurter aux limites de souveraineté que constituent les frontières nationales.
L'article 26 du modèle de convention fiscale OCDE autorise l'échange de renseignements portant sur les impositions de toute nature et dénomination mais dans la mesure où les règles relatives à celles-ci ne sont pas contraires aux dispositions de la convention de double imposition.
Chaque Etat bénéficiaire d'un envoi de renseignements dans le cadre de l'assistance à l'assiette, doit observer les règles du secret administratif. Cette obligation au secret constitue une condition à laquelle est subordonné l'octroi de pouvoirs spéciaux d'investigation à l'administration chargée du contrôle de l'impôt. Dès lors, toute limite imposée dans un Etat à l'usage qui peut être fait d'une documentation fiscale doit être respectée par l'Etat contractant auquel cette documentation est communiquée.
La « norme OCDE » en matière de confidentialité est énoncée au paragraphe 2 de l'article 26 du modèle de convention fiscale.
« Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un Etat contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet Etat et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernés par l'établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au paragraphe 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède.
Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans les jugements. Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un Etat contractant peuvent être utilisés à d'autres fins lorsque cette possibilité résulte des lois des deux
Etats et lorsque l'autorité compétente de l'Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation ».
Une clause de confidentialité figure aussi à l'article 8 du modèle d'accord sur l'échange de renseignements de 2002 et à l'article 16 de la directive n°2011/16/UE du 15/02/2011 :
« 1. Les informations communiquées entre États membres sous quelque forme que ce soit en application de la présente directive sont couvertes par le secret officiel et bénéficient de la protection accordée à des informations de même nature par la législation nationale de l’État membre qui les a reçues. Ces informations peuvent servir à l’administration et à l’application de la législation interne des États membres relative aux taxes et impôts visés à l’article 2.
Ces informations peuvent également être utilisées pour établir et recouvrer d’autres droits et taxes relevant de l’article 2 de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autresmesures, ou pour établir et recouvrer des cotisations sociales obligatoires.
En outre, elles peuvent être utilisées à l’occasion de procédures judiciaires et administratives pouvant entraîner des sanctions, engagées à la suite d’infractions à la législation en matière fiscale, sans préjudice des règles générales et des dispositions légales régissant les droits des prévenus et des témoins dans le cadre de telles procédures.
2. Avec l’autorisation de l’autorité compétente de l’État membre communiquant des informations en vertu de la présente directive et seulement dans la mesure où cela est autorisé par la législation de l’État membre de l’autorité compétente qui reçoit les informations, les informations et documents reçus en vertu de la présente directive peuvent être utilisés à des fins autres que celles visées au paragraphe 1. Une telle autorisation est octroyée si les informations peuvent être utilisées à des fins similaires dans l’État membre de l’autorité compétente qui communique les informations.3.
Lorsque l’autorité compétente d’un État membre considère que les informations qu’elle a reçues de l’autorité compétente d’un autre État membre sont susceptibles d’être utiles à l’autorité compétente d’un troisième État membre pour les fins visées au paragraphe 1, elle peut les transmettre à cette dernière pour autant qu’elle respecte à cet effet les règles et procédures établies dans la présente directive. Elle informe l’autorité compétente de l’État membre à l’origine des informations de son intention de communiquer ces informations à un troisième État membre. L’État membre à l’origine des informations peut s’y opposer dans un délai de dix jours à compter de la date de réception de la communication par l’État membre de son souhait de communiquer les informations.
4. L’autorisation d’utiliser conformément au paragraphe 2 des informations qui ont été transmises conformément au paragraphe 3 ne peut être octroyée que par l’autorité compétente de l’État membre d’où proviennent les informations.
5. Les informations, rapports, attestations et tous autres documents, ou les copies certifiées conformes ou extraits de ces derniers, obtenus par l’autorité requise et transmis à l’autorité requérante conformément à la présente directive peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les instances compétentes de l’État membre requérant au même titre que les informations, rapports, attestations et tous autres documents équivalents fournis par une autorité dudit État membre.
En substance, les renseignements transmis par l'Etat requis ne peuvent être utilisés que pour l'établissement ou le recouvrement des impôts concernés par l'échange, même s'ils sont susceptibles d'intéresser d'autres règlementations ou administrations ou de révéler des infractions non fiscales.
Le 17/07/2012, le comité fiscal de l'OCDE a révisé l'article 26 y ajoutant la dernière phrase permettant l'usage de renseignements à d'autres fins sous la double condition que cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l'autorité compétente de l'Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation.
La convention multilatérale contient une disposition identique (article 22,4) de même que la directive n°2011/16/UE (article 16,2). Le modèle d'accord sur l'échange de renseignement de 2002 subordonne simplement la divulgation de l'information à l'autorisation écrite de l'Etat requis (article 8).
La Suisse distingue les voies de l'entraide pénale et administrative.
L'entraide pénale est accordée dès lors que l'infraction répond à la définition d'une escroquerie
L'assistance en matière fiscale, quant à elle, a subi de profondes modifications depuis 2009. Auparavant le secret bancaire était pleinement opposable aux autorités fiscales étrangères et la Suisse ne leur prêtait pas assistance. En mars 2009, le Conseil Fédéral a accepté d'accorder l'entraide administrative en matière fiscale aux conditions de l'article
26 du Modèle de Convention OCDE (MC-OCDE).
La Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales a sollicité l'assistance administrative des autorités fiscales suisses au visa de l'article 28 de la convention franco-suisse du 09/09/1966. Les autorités fiscales suisses ont communiqué les renseignements demandés, renseignements nécessaires à l'administration française pour établir le montant des impôts éludés.
Sur réquisitions à la DNEF, les juges d'instruction se sont fait communiquer les Informations ainsi obtenues.
Les juges d'instruction ont introduit une demande d'entraide judiciaire en matière pénale auprès des autorités judiciaires allemandes le 23/02/2015.
Le Parquet de BOCHUM n'a pas donné satisfaction à la requête le 02/06/2015.
Suite à des réquisitions des juges d'instruction en date du 16/07/2015, la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales a transmis des pièces obtenues dans le cadre d'une assistance administrative au visa de l'article 23 de la Convention sur la double imposition entre l'Allemagne et la France et en application de l'article 26 de l'accord type de l'OCDE et paragraphe 8 alinéa 1 et alinéa 2 Nr.1 de la loi européenne de l'assistance administrative (D2155/1/2).
Le Tribunal constate qu'en l'espèce, les dispositions de la directive sur l'assistance administrative et de la convention fiscale OCDE n'ont pas été respectées.
Les poursuites pour blanchiment de fraude fiscale ne concernent ni l'assiette de l'impôt ni son recouvrement.
Il appartient donc au Tribunal de veiller à ce que les dits documents ne soient pas pris en compte en ce qui concerne les poursuites pour blanchiment de fraude fiscale.
- Pièces, actes et procès-verbaux relatifs aux contribuables français, clients d'UBS
AG, qui auraient utilisés une procédure de régularisation
Il convient de constater que la procédure concernant le versement de ces pièces est régulière.
Les parties ainsi que le Tribunal ont pu prendre connaissance des mêmes pièces dont la valeur probante a pu être débattue contradictoirement à l'audience dans le cadre del'examen au fond.
- Pièces, actes et procès-verbaux relatifs au témoin n°119 et à ses déclarations
Il y a lieu de constater que la procédure d'audition du témoin n°119 est régulière, toutes les voies de recours contre cette audition ayant été utilisées au cours de l'information.
La valeur probante de cette audition a pu être discutée contradictoirement à l'audience dans le cadre du débat au fond.
- Mention de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité initiée par Patrick F…- lettre de reconnaissance de culpabilité de Patrick F… du 15 juin 2016 (D2130/2-3)
L'article 495-14 du code de procédure pénale a été respecté en ce qu'aucune pièce relative à la procédure non homologuée ne figure au dossier pénal.
La lettre rédigée par Patrick F… sollicitant l'application de la procédure de CRPC est une pièce du dossier pénal cotée D2130/2 et ne peut être écartée des débats.
Il convient de souligner que le conseil d'UBS France ne s'est pas privée de produire l'ordonnance de non-homologation concernant Patrick F… en violation de l'article 495-14 du code de procédure pénale.
Il n'en sera pas tenu compte par le Tribunal comme moyen de preuve.
LES FAITS
Le 22 février 2011, le président de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), agissant sur le fondement de l'article L.612-28 du Code Monétaire et Financier, dénonce au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris des faits susceptibles de constituer des délits de fraude fiscale et de complicité de ce délit ainsi que des faits susceptibles de caractériser un délit de démarchage illicite.
La mission d'inspection de l'ACP portait sur le dispositif de contrôle de la conformité d'UBS France SA et devait examiner les procédures et les moyens en vigueur au sein de l'établissement en la matière, y compris en ce qui concerne les opérations transfrontalières de la clientèle.
En revanche, elle n'était pas destinée à caractériser d'éventuelles infractions pénales, ces investigations ne relevant pas de la compétence de l'ACP.
Elle a donné lieu à l'ouverture en avril 2012 d'une procédure disciplinaire n° 2012-03 par le sous-collège sectoriel banque de l'ACP à l'encontre d'UBS France SA.
A l'appui de cette dénonciation, sont transmis des documents concernant la banque UBS France SA parvenus aux services de l'ACP.
Il s'agit d'un courrier en date du 27/09/2010 accompagné de pièces annexes émanant de
Monsieur Nicolas F…, ancien responsable de l'audit interne de la banque et d'un courrier adressé anonymement le 27/12/2010 aux membres de l'équipe d'inspection qui venait de débuter la mission de contrôle dans les locaux de la banque UBS France SA.
Ces deux courriers dénoncent l'organisation d'un système d'évasion fiscale de la France vers la Suisse impliquant UBS France SA et sa maison mère suisse UBS AG.
Selon les documents communiqués, des chargés de clientèle de la maison mère suisse auraient mené sur le territoire français des actes de démarchage illicite de prospects ou de clients français avec la complicité d'UBS France SA.
Par ailleurs, les chargés de clientèle d'UBS France auraient contribué à des opérations d'évasion fiscale de prospects ou de clients français.
Ces opérations transfrontalières auraient été suivies par la direction d'UBS France SA à l'aide d'un outil manuel appelé le « carnet du lait », utilisé entre 2002 et 2007, de façon à ne pas laisser de traces des flux dans les outils officiels de la banque, tout en permettant d'enregistrer ceux qui auraient donné lieu à un partage de commissions entre les équipes commerciales françaises et celles de la maison mère suisse.
Le Groupe UBS AG relayé par l'équipe de management d'UBS France SA exercerait une forte pression sur les banquiers français en vue de leur coopération.
Thierry de CHAMBURE, Président du Directoire d'UBS France SA, est désigné comme l'un des responsables de la mise en place du « carnet du lait » et des instructions de brimade et de diffamation des salariés qui se seraient opposés à ces procédés.
Par soit-transmis en date du 1er mars 2011, une enquête préliminaire est ouverte et est confiée au Service National de la Douane Judiciaire.
Il est apparu qu'à la fin du premier semestre 2009, Serge H… a pris contact avec le secrétariat général de l'ACP. Fin septembre 2010, Nicolas F… a été identifié comme l'auteur d'une première lettre anonyme. Une deuxième lettre anonyme est parvenue à l'ACP à la fin du mois de décembre alors que la mission d'inspection avait déjà commencé ses travaux depuis le 4 ou le 6 décembre 2010. La mission a terminé ses travaux le 22 avril 2011.
L'enquête a permis d'identifier les auteurs des courriers anonymes adressés à l'ACP comme étant Nicolas F…, Stéphanie Gibaud, Olivier F…, Thomas Le Forestier et Serge
H…, salariés de la société UBS France qui, après leur licenciement, ont assigné leur employeur devant le Conseil des Prud'hommes, notamment pour des faits de harcèlement moral ou bien ont saisi l'inspection du travail.
Les investigations ont ainsi débuté dans un contexte particulier mêlant actions aux Prud'hommes et au pénal d'anciens salariés d'UBS contre UBS France et plaintes auprès de l'Inspection du Travail qui refusera d'ailleurs le licenciement de Madame Stéphanie Gibaud, salariée protégée.
LE GROUPE UBS
Le groupe UBS a lancé son projet d'implantation en France en 1998. La filiale UBS France SA (UBSF) a été créée en juin 1999 afin d'exercer en France l'activité de gestion de fortune sous l'autorité fonctionnelle du département correspondant (« Wealth
Management & Swiss Bank, WM&SB ») de la maison mère implantée à Zurich (UBS AG) dans le cadre de la stratégie du groupe de s'établir dans les principaux pays de l'Union Européenne.
UBS AG se présente comme l'un des leaders mondiaux dans ce domaine. Elle estime que les perspectives de croissance de la collecte de capitaux sur le marché suisse est limitée et entend se développer sur de nouveaux marchés, dans le cadre d'une stratégie européenne intitulée : « European Wealth Management Initiative ».
Pour son installation, n'ayant pas procédé à l'acquisition de réseau dès l'origine, le groupe a réalisé d'importants investissements durant les premières années, notamment à travers le recrutement de chargés d'affaires auprès de banques concurrentes.
UBS a poursuivi son développement en France par une importante croissance organique jusqu'en 2008, soutenue par trois acquisitions externes : gestion privée de Lloyds Bank en 2003, la société DOLFI FINANCE SA, basée à Strasbourg, en 2006 et le groupe CCR comprenant notamment sa filiale spécialisée en gestion privée, CHEVRILLON
Philippe en 2008 et son entité de gestion d'actifs CCR Asset Managment (CCRAM).
UBS France SA agréée en juin 1999, est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, filiale d'UBS HOLDING (France) SA (UBSH) qui détient également le contrôle des deux autres entités du groupe UBS exerçant en France : UBS SECURITIES
FRANCE SA (banque d'investissement) et CCR ASST MANAGEMENT (société de gestion de portefeuille à hauteur de 93% de son capital, le solde étant détenu par UBSF.
UBS Holding (France) SA assure à l'égard des trois filiales françaises du groupe UBS, la supervision des filières risques, conformité et audit périodique. Elle est dépourvue d'activité opérationnelle.
UBSF détient pour sa part 100% du capital d'UBS IMMOBILIER (France) SA.
Elle réalise son activité en France métropolitaine, à Paris et dans cinq agences de province (Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes et Strasbourg).
A l'occasion d'une restructuration de la banque en 2009, les bureaux de Lille, Cannes, Aix-en Provence et Toulouse ont été fermés. La fin de l'activité de l'agence de Marseille était également prévue.
La gouvernance d'UBSF est composée d'un organe délibérant, le Conseil de surveillance, d'un Directoire, d'un Comité de Direction, véritable comité exécutif où sont prises les décisions stratégiques, opérationnelles ou commerciales.
UBSF exerce une activité de banque privée et gestion de fortune pour le compte d'une clientèle majoritairement constituée de personnes physiques et de nationalité française.
Prestataire en services d'investissement, UBSF est agréée pour offrir les services de : réception-transmission d'ordres pour compte de tiers, gestion de portefeuille pour compte de tiers, placement non garanti, conseil en investissement et activités connexes.
Elle est également courtier en assurance. En octobre 2010, la banque a notifié à l'ACP l'application du passeport européen pour trois pays (Royaume Uni, Luxembourg,
Belgique).
UBSF présente les modalités habituelles de rattachement matriciel d'une filiale d'un grand groupe bancaire étranger.
UBSF, en tant que filiale française de banque privée, est rattachée à la division ou ligne de métier wealth management & Swiss Bank de UBS AG.
La ligne de métier WM & SB est elle-même divisée en zones géographiques pour la partie « business », la France étant rattachée à la zone Europe (EMEA) et plus particulièrement à la branche Western Europe, en partenaires fonctionnels pour la partie « corporate center » (entité qui regroupe les fonctions de support et de contrôle) à leur tour décliné par zones géographiques.
De ce mode organisationnel résulte un double rattachement de chaque responsable de département au sein d'UBSF :
– à sa ligne fonctionnelle groupe, en Europe : ce rattachement tient lieu de lien hiérarchique dans la mesure où il intervient dans le processus d'évaluation annuelle,
– à la branche hiérarchique locale de la filiale pour le reporting courant,
Le front office d'UBSF échappe à tout rattachement fonctionnel à l'exception du segment de clientèle le plus élevé (Ultra High Net Worth) qui a fait l'objet d'un rattachement groupe, en raison du positionnement stratégique de la banque sur ce type de clientèle.
Par ailleurs, UBSF est rattachée au pôle WM Europe dédié à la clientèle domestique (« on shore ») tandis que le pôle WM-GSEM (anciennement dénommé WMI) chez UBS AG, qualifié d' »off-shore », qui comprend une division France, est pour sa part spécialisé dans la clientèle internationale titulaire de comptes en Suisse.
Il est soutenu par les dirigeants d'UBSF que la stratégie commerciale de développement de la clientèle « off-shore » de WM-GESM est totalement indépendante de la stratégie « on shore » d'UBSF et si les équipes rapportent in fine au même responsable de la ligne de métier, aucune coopération formalisée entre ces équipes n'existerait à l'exception d'échange d'information sur les produits, les méthodologies ou les outils de gestion. UBSF offre une gamme complète de produits et services sur mesure destinée à une clientèle privée aisée. La stratégie commerciale du groupe est clairement orientée vers une clientèle d'entrepreneurs ayant cédé leur entreprise et recherchant des solutions de gestion de patrimoine.
La grande majorité des clients sont résidents français.
Le Front Office est sous la responsabilité directe du Président du Directoire d'UBS France, Monsieur Thierry De Chambure assisté par Monsieur Guy Barboni également en charge du département Paris et FIM (Financial InterMediaries).
Les équipes commerciales sont spécialisées par segments de clientèle auxquels sont attachés des niveaux de prestations différents. Ces segments sont déterminés en fonction du patrimoine du client à savoir :
– segment Ultra High Net Worth (U-HNW) : clients dont le patrimoine global excède 30 millions d'euros
– segment High Net Worth (HNW) : clients dont le patrimoine global est compris entre 1 et 30 millions d'euros
– segment Private wealth (PW) : client dont le patrimoine global est inférieur à 1 millions d'euros
Les équipes sont réparties au sein de trois départements, le département « Ultra High Net Worth », le département « Paris et FIM » et le département « Régions » qui regroupe les cinq agences de province.
Chaque département est composé de plusieurs desks. Les collaborateurs se répartissent entre les chargés de clientèle dits « chasseurs » ou « hunters », qui tiennent effectivement la relation client et font la prospection, les agents dits « assis » ou « farmers », dont le rôle est d'assister les « chasseurs » dans la gestion quotidienne de la relation clients et les collaborateurs dits supports qui assurent la gestion administrative des dossiers et les relations avec les back-offices.
Les responsables de desk ont en général leur propre portefeuille client.
En plus des bureaux centraux à Paris, les agences régionales ou « desk province » possèdent leurs propres équipes de commerciaux désignés sous le nom de « client advisor » ou chargés d'affaires (CA) placés sous la direction du directeur commercial ou « Head of Front », puis d'un responsable, « Desk Head », pour chaque segment d'activité.
Les commerciaux sont ensuite regroupés, pour chaque segment, en équipe sous la responsabilité d'un « Head ».
Entre 2007 et 2008, la banque UBS (France) SA a recruté 40 nouveaux CA. La banque a également encouragé la mobilité interne entre équipes et la synergie entre desk français (ex: « CorA France Domestic ») et suisse (équivalent « CorA International »).
Dans ce cadre, UBS France proposait des rotations d’un à trois ans dans des équipes équivalentes àl'étranger, notamment en Suisse.
UBSF commercialise également les services et produits accessibles à sa clientèle directe par l'intermédiaire de « partenaires », Conseillers en Gestion de Patrimoine (CGP) ou
Société de Gestion de Portefeuille (SGP). Ces partenaires sont gérés au sein du service
FIM rattaché hiérarchiquement au Département Paris et FIM du Front Office et fonctionnellement à la ligne métier FIM du groupe. Les relations avec le CGP ou la SGP sont formalisées au travers d'une convention dans laquelle les partenaires sont mandatés pour effectuer des actes de démarchage pour le compte d'UBSF.
UBSF peut également recourir à des apporteurs d'affaires dont le rôle se limite à la mise en relation du client avec l'établissement. La relation avec l'apporteur est suivie par le chargé d'affaires auquel est confié le client. Une convention est signée.
805 personnes physiques et 322 personnes morales sont déclarées comme démarcheurs pour UBS France.
L'enquête a révélé que des difficultés financières récurrentes de la filiale française avaient entraîné des réorganisations et des licenciements.
A la fin de l'année 2010, UBS France employait 263 salariés et gérait la fortune d'environ 13 000 clients, dont la moitié non-résidents français. Les avoirs déposés dans ses livres s'élevaient à 9,4 milliards d'euros, soit moins de 1% des fonds gérés par l'ensemble du groupe.
En 2011, elle a réalisé un bénéfice net consolidé de 1,6 million d'euros après trois années de pertes, et un profit de 8,1 millions d'euros en 2007. En moyenne, sur la période 2007-2011, son produit net bancaire a été de 65 millions d'euros par an.
En 2009, UBS France a connu des pertes s'élevant à plus de 60 millions d'euros.
Certains témoins confirment qu'UBS France ne faisait pas ou peu de bénéfices, que cette entité n'était pas rentable et que pour UBS AG, conserver la filiale française, était le moyen « d'aspirer l'épargne française ».
Ces difficultés financières étaient en partie liées à la crise des subprimes.
UBS France SA a procédé à une réorganisation, notamment en plaçant les deux segments Core Affluent et High Net Worth sous la responsabilité d'un même directeur.
Le segment Key Client est devenu alors Ultra High Net Worth et le CoreA est devenu Private Wealth.
A l'automne 2011, UBS France SA a mis en place un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi. Les équipes de commerciaux ont été refondues. Des postes de conseillers clientèle ont été créés pour faire l'interface entre les CA et les clients.
Au mois de mai 2011, Thierry de Chambure, président du directoire d'UBS France SA, a été remplacé à la tête de la banque par Alain R…-T…, de nationalité suisse, également président du conseil de surveillance de la banque, auquel a succédé, en mars 2012, Jean-
Frédéric L…, ex-directeur général délégué, responsable du développement international au Crédit Agricole.
Il a été mis en exergue le fait qu'UBS France apparaissait comme très dépendante de la maison mère suisse UBS AG. Elle était d'ailleurs placée sous son contrôle.
Chaque service de la banque française avait un service homologue en Suisse avec lequel les salariés français travaillaient en collaboration directe.
Chaque équipe de CA français semblait liée à une équipe de CA suisses basés à UBS
Genève, au sein du service France International de la société UBS AG. Certains CA français recevaient une formation liée au référencement, démarchage et conseils d'aide à « l'évasion fiscale » afin de rejoindre le service France International en Suisse et se mettre ainsi en binôme avec un CA français.
L'organigramme de la société UBS AG HOLDIND
L'organigramme de la société UBS AG comprend un département Private Banking (banque privée) dont dépend la zone Europe et le département Private Banking France International (Genève) lui-même divisé en Ultra High Net Worth (ex-Key Client international), High Net Worth international et Private Wealth (ex Core Affluent).
En 2003, Marcel Rohner est le WM CEO, Raoul W… est à la tête du WM INTERNATIONAL, Dieter K… dirige le WM WESTERN Europe et Philippe I… le RMM France (Regional Market Management), Olivier B… se situe dans le service Market Development & Support en lien avec les chargés d'affaires Nicolas Oberson (DH Bâle), Joanny D… (DH Zurich), Rosario Rienzo (DH Genève) et Thierry Dumas (DH Lausanne).
En 2004, Dieter K… apparaît à la tête de France International et Philippe I… est toujours responsable de RMM France avec en plus le segment UHNW France.
En 2005, Philippe I… est toujours à la tête de RMM France et dirige le segment UHW France. Olivier B… supervise le segment HNW France et les chargés d'affaires Rosario Rienzo, Nicolas Oberson, Joanny D… et Thierry Dumas.
En 2006, la même configuration est maintenue.
En janvier 2007, Marcel Rohner est toujours CEO, Raoul W… dirige WM International et Dieter K… WM Western Europe.
En octobre 2007, Raoul W… est WM CEO, Francesco Morra est chargé de la zone WEMMEA (Western Europe, Mediterranean, Middle East & Africa), Dieter K… dirige le WM Europe et Olivier B… est CEO France International.
De septembre 2008 à mars 2009, Raoul W… est toujours WM CEO et Olivier B… responsable de RMM France International.
En avril 2009, Jürg Zeltner remplace Raoul W… et Joëlle P… devient responsable d'UBS France International. Karel Gaultier est responsable France UHNWI.
Joëlle P… reste responsable de la Région France International ou WM France International de 2010 à 2013.
L'approche de la clientèle française par les chargés d'affaires (CA)
La clientèle est segmentée, comme le rappelle une présentation du 6 mars 2007 d'Anne Login, responsable commerciale d'UBS France sur l'organisation du Core Affluent à Paris.
Dans son « équipe de chasse », trois catégories de clients sont ciblées : les entrepreneurs, les professions libérales et les cadres.
Chaque CA gère un portefeuille de clients et se voit fixer des objectifs chiffrés en termes de fonds récoltés (Net New Money ou NNM) et placés sur des comptes UBS.
A titre d'exemple, les objectifs chiffrés des CA du CoreA pour l'année 2006 étaient de 10 millions d'euros de NNM pour une marge dégagée de plus de 1% (RoA ou Return on Assets) et l'ouverture d'un minimum de 10 comptes clients.
Pour trouver de nouveaux clients, des prescripteurs, apporteurs d'affaires, ou intermédiaires, notamment des avocats et des notaires, sont invités par UBS pour être démarchés par des commerciaux suisses.
Les clients potentiels (ou prospects) sont ciblés de diverses manières comme l'attestent les témoignages recueillis ainsi que des documents internes d'UBSF, presse spécialisée (milieux d'affaires, cession d'actifs, grosses fortunes...), rubriques nécrologiques, informations « people », microcosmes locaux (bancaire, notarial, avocats d'affaires, experts-comptables).
Les arguments principaux donnés aux clients potentiels sont l'ancienneté de l'expérience de la banque dans la gestion de fortune et la discrétion propre à la Suisse.
Les « events »
Des événements promotionnels, ou « events », sont organisés régulièrement par la banque UBS afin que les CA puissent développer leurs relations avec leurs clients et leurs « prospects» (clients potentiels).
La banque s'associe principalement à des tournois sportifs (tennis, golf, etc.…) ou des manifestations artistiques (concerts classiques, exposition d'art, etc..).
Elle choisit les invités en fonction de leurs centres d'intérêts et donne des instructions de discrétion au personnel français quant à l'identité des clients invités à ces manifestations dites «crossborder».
En effet, des CA suisses sont régulièrement présents à certaines manifestations ou « events » organisées par UBS France SA.
L'objectif est clairement de faciliter la collaboration entre CA français et CA suisses pour approcher des clients sur le sol français. Ces contacts visent à concrétiser des opérations transfrontalières dites « cross border ».
Les révélations sur les carences du système de sécurité en interne
La banque UBS a mis sur pied une série de procédures internes afin de se conformer à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et de permettre un contrôle des activités de son personnel.
Selon les conclusions du directeur juridique d'UBS (France) de l'époque, Eric Dupuy, qui a alerté sa direction dès 2003, ces procédures n'étaient pas toujours respectées et les bases de données concernées par le sujet étaient défectueuses ou mal remplies.
Ainsi, il est arrivé à plusieurs reprises que le recueil exhaustif des informations sur des clients nécessaires à l'ouverture d'un compte (notamment les pièces justificatives à fournir) soit négligé.
Le service d'audit interne est arrivé à la même conclusion en particulier à propos des pièces manquantes dans les dossiers clients et le manque important (50% des dossiers) d'évaluation des risques clients (CRP : Client Risk Profile).
Par ailleurs, les serveurs des bases de données de UBS (France) SA étaient tous situés en Suisse ou en Grande-Bretagne (Londres) ce qui était susceptible de permettre des incursions de la maison mère en Suisse.
Les agissements dénoncés UBS AG n'a pas le droit de prospecter ou de démarcher des clients en France. Elle ne dispose pas du « passeport européen » prévu par la directive 2006/48/CE et par la directive 2004/39 pour le faire.
Elle ne dispose pas non plus de licence bancaire française.
Toutefois, il apparaît que la direction d'UBSF a toujours encouragé ses commerciaux à collaborer avec les CA suisses.
Ces opérations, liées à la politique interne de collaboration entre CA français et CA suisses, sont appelées au sein de la banque « Cross border ».
Par discrétion, les responsables de la banque donnent pour instructions aux CA suisses de crypter les informations sur leur agenda et d'utiliser des acronymes.
L'existence de ces pratiques a été confirmée par plusieurs CA.
Ainsi, Olivier F…, CA salarié d’UBS France, explique que sa société organisait des réunions pour réfléchir sur l'optimisation des synergies entre le CorA France et le CorA suisse (clients de moyenne gamme, soit entre 250 000 et 5 millions d'euros).
Il dit avoir été témoin dès 2005 de pratiques qu’il jugeait contraires à la déontologie professionnelle du secteur bancaire.
Il explique que lorsque les CA suisses se déplaçaient à Paris, Anne Longin lui donnait pour instructions de les prendre en charge et d'organiser des sorties payées à l'aide de sa carte bancaire professionnelle et de « copiner » avec eux.
Ce rapprochement entre CA suisse et CA français était destiné à faire des affaires ensemble notamment en échangeant des clients.
Il a ainsi recommandé un de ses clients à un collègue suisse pour que ce dernier transfère ses actifs déposés au Crédit Suisse de Lausanne vers un compte UBS à Lausanne. L'opération a été comptabilisée dans les « carnets du lait ».
Selon lui, ces pratiques avaient un caractère systématique.
L'auteur inconnu d'un courriel du 19 février 2007 adressé à Patrick F…, ex-directeur de la gestion privée, puis directeur général d'UBS (France), évoque : « une problématique (qui) ne se situe donc pas dans une collaboration Strasbourg-Bâle mais dans une collaboration plus globale France-Suisse ».
L'absence de réponses données par UBSF aux dysfonctionnements constatés
Dès janvier 2004, le directeur juridique d'UBS (France) entre 1999 à 2004, Eric Dupuy a appelé l'attention de Jean-Louis M…, président du directoire de la banque, sur les faits susceptibles de caractériser du démarchage illicite commis par des CA suisses en France.
Il l'a également alerté sur l'obligation de se conformer aux règles de prévention du blanchiment et sur les dysfonctionnements qu'il avait constatés en la matière.
Selon Eric Dupuy, il existait chez UBS une activité classique de gestion privée en France pour des clients français désireux d'ouvrir des comptes déclarés.
Mais il existait également une clientèle française ayant des comptes non déclarés en Suisse.
Il a été informé de cette situation dès son arrivée chez UBS par Martin Liechti.
Il a également appris que des dizaines de CA suisses se déplaçaient en France chaque année pour rencontrer des clients et des prospects. Il a constaté que ces CA suisses se livraient à du démarchage notamment durant les « events » et qu'ils portaient un pins argenté pour faciliter leur identification.
En 2000, il a découvert fortuitement l'existence des « carnets du lait ».
Il indique qu'un gestionnaire de nationalité suisse travaillant au siège parisien d'UBS, boulevard Haussmann, lui a expliqué que sa mission consistait à faciliter l'ouverture de comptes non déclarés en Suisse pour des clients français.
De même, le service d'Audit Interne (Legal Internal Audit ou LIA) d'UBS (France) SA, dirigé par Nicolas F…, a mené plusieurs missions, dont une établissant « des dysfonctionnements en matière de coopération internationale et de démarchage » sur la période 2005-2007 (Rapport de M. F…).
L'inertie de la banque UBS France face au risque de non-conformité a été analysé par l'ACP dans sa décision de sanction comme un manquement particulièrement condamnable.
Le harcèlement moral et les procédures de licenciement des salariés ayant eu un rôle de lanceurs d'alerte
La plupart des anciens salariés d'UBS France qui ont dénoncé les dysfonctionnements internes d'UBS, dont le démarchage illicite, ou apporté leur soutien aux lanceurs d'alertes, disent avoir été victimes de harcèlement moral puis avoir été licenciés.
Madame Marjorie Jacques, inspectrice du travail, explique qu'en 2009, UBSF a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Dans son signalement au Parquet sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale en date du 20/06/2011 (D357), elle dénonce outre des faits de harcèlement moral de salariés et d'entrave au fonctionnement régulier du CHFCT, des infractions à la réglementation économique et fiscale.
Précédemment l'inspection du travail avait été saisie de faits d'entrave à l'action du CHFCT par Stéphanie Gibaud ayant fait l'objet d'une première transmission au Parquet de Paris le 09/10/2009 et de plainte de Nicolas F…, Serge H…, Olivier F… et Thomas
Le Forestier. Hervé D…, salarié d'UBSF entre décembre 2002 et le 25/11/2009, a été licencié pour motif économique. Entendu dans le cadre de la procédure prud'hommale concernant Serge H… le 27/05/2010, il explique qu'il a été embauché par UBSF en 2002 et rattaché au bureau de Lille. Il a occupé le poste de Directeur Régional du bureau de Lille entre 2005 et 2008 puis a été rattaché au key clients desk entre Lille et Paris de septembre 2008 à septembre 2009. A la question de savoir s'il avait connaissance de pratiques aidant à faire de l'évasion fiscale, il répond qu'il ne souscrit pas à cette formulation mais qu'il avait connaissance de pratiques de transferts de fonds non déclarés.
Il évoque un démarchage actif de la part des CA suisses de clients français et la mise en oeuvre de synergies entre l'activité domestique et internationale.
Lors de la même audience du 27/05/2010, Omar B…, licencié d'UBSF pour divergences stratégiques suite à une altercation du 19/09/2007 avec son supérieur hiérarchique à propos du « carnet du lait », responsable de la région PACA, indique qu'il avait connaissance de pratiques illicites sous la forme d'encouragements à participer à la collecte de capitaux basés en Suisse ou ailleurs. A l'occasion des séminaires en Suisse, il était demandé aux CA français et suisses de s'entraider, de collaborer et de pratiquer des opérations légales de référencement. Il conteste avoir participé lui-même à des opérations illicites mais admet avoir fait des opérations cross border enregistrées dans le « carnet du lait ».
Jean-Michel B…, salarié d'UBSF de décembre 1999 à décembre 2008 en qualité de
Directeur régional à Bordeaux, dit avoir été au courant de pratiques d'évasion fiscale entre la France et la Suisse. Il s'agissait de faciliter les transferts de capitaux sans les déclarer. Des noms étaient transmis à des conseillers suisses. Il précise qu'il y avait des transferts légaux dans le cadre d'opérations de domiciliation fiscale en Suisse et des transferts de fonds non déclarés. Ils en avaient connaissance par les clients. Il voyait des CA suisses intervenir en France. Il souligne que Monsieur V… était au courant de ces pratiques illicites et a été alerté.
Par jugement du 30/08/2011, le Conseil des Prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Serge H… aux torts de la SA UBSF.
Dans les motifs de la décision, il est indiqué que Serge H… a pris le 14/01/2002, les fonctions de directeur du bureau de la banque UBS situé à Strasbourg et a été promu à compter du 1er mars 2006 au rang de directeur exécutif.
La charte commerciale d'UBSF, dans sa version de juin 2007, détaille le découpage géographique de son activité en France et notamment le fait que le bureau de Strasbourg couvre une zone de 9 départements situés dans l'est de la France.
Un document interne établi en février 2008 rappelle le même découpage en spécifiant que : « les démarches prospectives des équipes commerciales se font exclusivement selon le découpage géographique. ».
Au cours de cette procédure, Serge H… soulève le fait que des chargés de clientèle suisses interviennent dans la zone géographique du bureau de Strasbourg.
Il cite comme exemple la réalisation de la cession du GROUPE RHENAN D'ENTREPRISES et l'intervention du bureau suisse de Bâle. Il verse aux débats un courriel de Monsieur Gabriel D…, responsable HNW à Bâle, en date du 03/06/2004, dans lequel ce dernier confirme sa participation à un événement de golf à Paris le 21 juin suivant et demande qu'une « liste de prospects » y soient invités. Serge H… donne les noms et adresses complètes de ces prospects, parmi eux figurent trois personnes domiciliées dans le département 57 dépendant du bureau de Strasbourg.
Le Conseil des Prud'hommes de Paris a ainsi retenu le manquement de la SA UBSF à son obligation contractuelle de donner à Serge H… une zone d'intervention exclusive.
Par jugement du 19/06/2012, le Conseil des Prud'hommes de Paris a dit que le licenciement de Nicolas F… notifié le 12/11/2009 par la SA UBSF était sans cause réelle et sérieuse.
Cette juridiction s'étonne que toutes les opérations réalisées par SA UBSF ne soient pas enregistrées d'une seule façon, par un système informatique unique et que certaines opérations de transfert de fonds entre la France et la Suisse donnent lieu à l'utilisation de « carnets du lait ».
Elle souligne la porosité entre la filiale française et sa maison mère suisse et la volonté de la banque française d'orienter certains résidents français fortunés vers des placements vers UBS AG. Elle évoque des pratiques peu transparentes voire opaques. Elle conclut que la SA UBSF ne démontre pas que les accusations réitérées dans divers écrits de Nicolas F… à l'égard de son employeur d'avoir organisé un système d'aide à l'évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale seraient infondées.
Par jugement du 05/03/2015, le Conseil des Prud'hommes de Paris rappelle que Stéphanie Gibaud a été engagée par la société UBSF SA pour une durée indéterminée à compter du 27/09/1999, en qualité d'assistante marketing avec le statut de cadre. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable marketing. Parallèlement, elle a exercé un mandat de secrétaire du CHFCT à compter du 23/07/2007.
Stéphanie Gibaud a dénoncé des agissements constitutifs de harcèlement moral à compter de la fin de l'année 2007 de la part de Madame Denis, nouvelle directrice refusée de suivre les instructions de sa hiérarchie de décrire des fichiers informatiques et papier contenant les coordonnées d'invités, clients et prospects de la banque, ainsi que de chargés d'affaires français et suisses, qui auraient participé à une évasion fiscale, laquelle faisait l'objet d'une enquête pénale.
Les doléances de Stéphanie Gibaud et ses accusations d'évasion fiscale ont été mentionnées sur le procès-verbal de la réunion du CHFCT du 30/06/2009 que la direction a refusé de signer au motif qu'il ne retranscrivait pas la réalité du contenu de la réunion.
Le 28/01/2010, la société UBSF a fait citer Stéphanie Gibaud en diffamation devant le Tribunal de Police de Paris pour avoir adressé par voie électronique le procès-verbal précité à l'ensemble des salariés de la société.
Par jugement du 27/09/2010, le Tribunal de Police de Paris a relaxé Stéphanie Gibaud et a accordé à cette dernière le bénéfice de la bonne foi.
La direction d'UBSF a refusé de signer le procès-verbal de CHFCT du 30/11/2009 qui comportait les accusations de Stéphanie Gibaud.
Le procès-verbal de la réunion du CHFCT du 17/06/2010 cette fois co-signé par la direction, relate les accusations d'une partie des salariés relative au système d'évasion fiscale et de destruction de fichiers compromettants ainsi que les contestations des représentants de la direction.
La juridiction prud'hommale a considéré que le harcèlement moral allégué était établi.
Par jugement du 21/02/2014, le Conseil des Prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Thomas Le Forestier aux torts exclusifs de la SA UBSF. Cette juridiction retient l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.
D'autres salariés ont accepté de signer une clause de confidentialité portant sur leur connaissance du fonctionnement de la banque, à l'occasion de leur licenciement, moyennant une forte indemnité.
Stéphanie Gibaud a déposé une plainte, notamment du chef d'entrave à la mission de secrétaire du CHFCT, enregistrée au bureau d'ordre du Parquet de Paris le 10 décembre 2010.
Olivier F… a déposé une plainte du chef de harcèlement moral le 31 mai 2011 plus particulièrement contre Mme L…, Mme Perrin, MM. F…, Mathieu, V…, et de Chambure.
Le 6 avril 2012, le Parquet de Paris a requis l'ouverture d'une information judiciaire des chefs de : harcèlement moral sur la personne de Nicolas F… et entrave au fonctionnement régulier du CHFCT, en l'espèce notamment par entrave aux missions d'un représentant du personnel, Stéphanie Gibaud, faits commis à Paris (75), entre le 6 avril 2009 et le 31 décembre 2009.
Plusieurs pièces de cette information judiciaire ont été versées au dossier de la présente information judiciaire. Nicolas F… s'est constitué partie civile.
Il est versé à l'audience l'audition de François V… en date du 28/07/2015 par la BRDP.
Lors de cette audition, François V… occupe le poste de Président de la société ELKARTE CONSEIL ET DEVELOPPEMENT. Il explique avoir quitté UBSF dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) le 23/07/2010.
Il conteste tout fait de harcèlement moral à l'encontre de quiconque.
Il fait valoir que Serge H… n'a jamais apporté de preuve sur les irrégularités qu'il a dénoncées et a même refusé de donner des précisions sur des éventuelles opérations frauduleuses.
Il admet que Serge H… l'a alerté sur des irrégularités qu'il aurait constatées en 2006 Il en a également parlé à l'audit interne. Il souligne que le bureau de Strasbourg, dirigé par Serge H…, a été, pendant de nombreux mois, celui avec lequel il y a eu le plus de difficultés sur le respect des procédures relatives à la connaissance des clients.
Après le départ de Serge H…, il a constaté que ce dernier avait des contacts directs avec des commerciaux suisses.
Il soutient que les règles en vigueur au sein d'UBSF étaient très claires et qu'elles ont été rappelées à de multiples reprises : procédure AML et KYC, code de déontologie, messages internes, formations.
De même que Serge H…, Thomas Le Forestier n'a jamais donné d'exemples précis d'opérations potentiellement illégales.
S'agissant des accusations d'Olivier F…, il soutient que le management d'UBSF ne demandait pas de crypter les rendez-vous cross-border.
S'agissant des accusations de Stéphanie Gibaud sur la disparition de fichiers informatiques, il précise qu'il lui a dit qu'une enquête informatique serait réalisée. Le 23/12/2009, il est lui-même entré sur le serveur marketing depuis le poste de Madame Denis en présence de cette dernière, et a constaté que des modifications avaient été effectuées par Madame Gibaud ou quelqu'un de son équipe. Le rapport d'enquête informatique a été remis en février ou mars 2009 et a conclu qu'aucune intrusion n'avait eu lieu.
Les consignes données par la direction d'UBS AG
Afin de ne pas apparaître en infraction avec la loi française relative au démarchage, la banque explique dans une note interne en date de novembre 2005 intitulée « Cross Border Banking and Financial Services Activities Country Paper France » que : « La documentation contractuelle UBS devrait dans la mesure du possible être conclue et signée hors de France. Le conseiller en voyage ne doit pas emporter les documents contractuels signés. Ces documents doivent directement être envoyés en Suisse ».
Le point 4. 1, en page 5, sous la rubrique « servir les clients existants en France » précise que « Les relevés de compte et les décomptes de bourse ne doivent pas traverser physiquement la frontière ».
Le document rappelle qu'UBS AG Suisse n'a pas le droit de délivrer des services bancaires ou financiers en France. La banque évoque explicitement des déplacements de CA qui ne sont pas salariés d'UBS France sur le sol français. Le texte fait aussi référence à l'envoi des contrats en Suisse, qui est présenté, sans ambiguïté, comme le point de ralliement des clients recrutés off-shore (i.e: en dehors de Suisse).
Des consignes précises sont données aux commerciaux d'UBS France, dans un document interne intitulé « Règles à suivre en cas d'enquête ».
Les collaborateurs concernés sont invités à coopérer, informer immédiatement le « legal » (i.e. le service juridique), garder une copie des documents saisis, établir un procès-verbal de visite des enquêteurs.
Préalablement à son audition par les enquêteurs, Véronique Delas, ex-employée d'UBS France, a reçu la visite de deux personnes du service juridique d'UBS France et ce afin de préparer à cette audition à l'issue de laquelle elle devait leur remettre un rapport.
Selon les déclarations d'anciens CA français et d'autres employés, témoins de ces pratiques, les visites de leurs collègues suisses en France devaient rester clandestines.
Ils expliquent que ceux-ci disposaient de cartes de visites dépourvues du logo de la banque et qu'ils prospectaient en France à l'aide d'un manuel intitulé « security risk governance » contenant notamment les recommandations suivantes :
-n'avoir aucun nom de client sur soi ;
-faire disparaître les données sensibles en cas de contrôle ;
-utiliser des hôtels différents de ceux des autres employés d’UBS ;
-être imprévisible dans ses déplacements (changer d’habitudes : restaurants, taxis, rendez-vous avec les clients)
-faire disparaître les données informatiques sensibles avant le franchissement de frontière.
Pour ce faire, ils utilisaient des ordinateurs d'UBS AG cryptés (les « TAS ») et disposaient d'une carte afin d'appeler un numéro en Suisse en cas d'urgence.
Olivier F… indique avoir pu constater lors d'un déplacement à Bâle l'existence de « boîtes à cartes » qui contenaient des fiches mentionnant les coordonnées de clients ainsi que leurs noms, leurs pseudonymes et leurs comptes cryptés.
Il a eu des entretiens avec le responsable du CoreA Suisse, Rodolphe Soirat qui souhaitait le recruter. Il l'a contacté par l'intermédiaire de Daniel L…, responsable du France.
Rodolphe Soirat lui a expliqué qu'il souhaitait lui confier une mission de démarchage de clients français désireux d'effectuer des placements sur des comptes non déclarés ouverts dans les livres d'UBS Genève.
Il précise que Rodolphe Soirat dirigeait une équipe de « chasseurs », c'est à dire de démarcheurs en charge de collecte auprès de clients français. Il avait pour ambition, en le recrutant, de dépasser ses objectifs commerciaux.
Il ajoute que l'objectif était de « piquer un maximum de clients et de les ramener en Suisse, qu'ils soient déclarés ou non, les comptes non déclarés rapportant plus à la banque »
Jean-Louis M… et Nicolas F… l'ont dissuadé d'accepter ce poste. Un autre poste lui a finalement été proposé à Londres.
Olivier F… relate avoir porté ces informations à la connaissance de François V…, responsable juridique et déontologue, lequel a fait semblant de ne pas comprendre et ce alors qu'il avait été informé des mêmes faits par Serge H…, le chef de l'agence de Strasbourg.
Dans un document interne de la banque intitulé : « Success proven practices Dom/Intl-collaboration entre desks », en date du 7 novembre 2007, sont évoqués les points forts des relations entre CA de différents desks de territoires différents et les points à améliorer, notamment les « risques encourus par les collaborateurs /position d'UBS sur le sujet ».
Dans une présentation interne (présentation de « WM Referral Program » - février 2008), est également précisé le mode opératoire à suivre en cas de démarchage pour des opérations transfrontalières.
Le CA ayant démarché un prospect informe ce dernier qu'un autre CA le contactera pour continuer le dossier et ce afin d'éviter que deux CA ne gèrent en même temps un même client.
Dans ce cadre, il est clairement indiqué que le CA, dénommé « de référence » (« Refferring CA ») et le CA « réceptionnaire » (« Receiving CA ») partagent leur commission (NNM) à 50/50.
Les déplacements effectués par les chargés d'affaires sur le territoire national lors des « events »
La présence de CA suisses en France est attestée par de nombreux témoignages convergents ainsi que par des documents se référant à leur visite.
Chaque CA a des objectifs chiffrés à remplir lorsqu'il se déplace pour rencontrer un client.
Il est légitime de penser que ce qui motive les déplacements des CA suisses en France, c'est la perspective de conclure une affaire.
Plusieurs CA suisses ont ainsi été reconnus sur des photographies prises pendant les événements promotionnels organisés par UBS France. Ces « events » sont organisés au profit de clients français. Cependant, des CA suisses apparaissent sur les listes lors d'events de 2002 à 2009 (cf déclarations de Stéphanie Gibaud).
Véronique Zamora, ex-assistante de direction chez UBS France à l'agence de Bordeaux, déclare que les chargés d'affaires suisses « venaient pour des events ». Par exemple, quand on invitait les clients français à des events, comme des journées au Golf avec dîner dans des châteaux. Parfois, il y avait également des personnes qui n'étaient pas clientes d'UBS, comme des avocats ou autres, qui étaient susceptibles de ramener des clients. Les CA me transmettaient les noms et adresses, je m'occupais des réservations, des envois d'invitations... » .
Nicolas F…, responsable de l'audit interne (local Internal Audit: LIA) a mené une mission de contrôle sur l'ensemble des activités de la banque UBS (gestion privée, banque d'affaires et gestion d'actifs) entre le 18 et le 29 juin 2007. Il explique qu'il a découvert lors de son audit « des notes de frais de commerciaux français qui, faisaient mention de collègues suisses présents avec eux, notamment lors d'évents ».
Il en a rendu compte à sa hiérarchie et au responsable de la conformité, François V…, qui ne l'a pas du tout soutenu.
Ses collègues Serge H… et Omar B… ont également attiré son attention sur des agissements irréguliers entre septembre et décembre 2006. Il a également transmis des documents au responsable d'un autre audit, Martin P…, « chief compliance officer group ».
Il est bien l'auteur de la lettre anonyme du 27 septembre 2010 adressée à I'ACP.
Sur le démarchage et les pratiques commerciales d'UBS, il confirme la distinction entre le « chasseur » ou CA « debout » (i.e: Cyril Berger, Philippe Michel ou Omar B…) qui font de la prospection et le « farmer » ou CA « assis » qui se déplacent moins et gèrent un portefeuille de clients à distance. Ils sont aidés par des assistants CA.
Il précise que pour 10 prospects rencontrés, un seul signait avec la banque.
Les pièces relatives à son audit interne et à l'alerte « whistleblowing » effectuée le 19 décembre 2008 (procédure dite de « whistleblowing Protection for Employees ») ont été ultérieurement versées au dossier de l'information ainsi que la réponse de Patrick F….
Il soutient qu'il a eu recours à la procédure du « whistleblowing » car il a été contraint, par sa hiérarchie, de modifier les termes de son rapport et que ses recommandations ont été ignorées,
Dans son alerte en date du 19 décembre 2008, sont évoqués les cinq points suivants :
1)- le rattachement hiérarchique et fonctionnel à Philippe I… du département « Sport Entertainment Group » (SEG) dirigé par Caroline D….
2)- l'activité de démarchage des CA suisses dans les locaux d'UBS France ou bien lors des « events » alors que Patrick F… et François V… étaient informés de ces pratiques, notamment de celle de Juan M… à Bordeaux entre 2006 et 2008.
3)- l'existence d'un fichier informel dénommé le « carnet du lait », en marge du système officiel des ATA.
4)- le versement de « pots de vin » sous la forme d'indemnités de départ substantielles à des salariés d'UBS France menaçant de révéler le système d'évasion fiscale.
5)- la passivité de plusieurs départements et notamment celui de la compliance et l'inaction du directoire face à la gravité des faits révélés par l'audit interne.
Patrick F… a, dans sa réponse au lanceur d'alerte, contesté toute idée de comptabilité parallèle et de dissimulation d'informations au service d'audit LIA. Il a indiqué qu'il n'était en rien concerné par les déplacements de commerciaux suisses en France.
De nombreux courriels échangés entre divers intervenants attestent de la présence de CA suisses lors des « events » organisés en France (scellé n°SG 1-exemples : les courriels des 25 septembre 2006 d'Alain V…, 17 mars 2006 et 12 avril 2006 de Tania Rizzelo, 17 septembre 2007 de Tania Bichfel : scellé n°NF 2).
Le document interne intitulé « MARKETING 2007 HNWI France 14 novembre 2006 » précise en feuillet « Golf 2007 » : « Les UBS Golf Trophy sont pour le marché France Domestique, mais nous avons 10 places par Golf Trophy pour France international » (i.e: le service des commerciaux suisses de UBS AG en charge de clients français,) et « Les invitations sont au nom d'UBS (France) et elles partiront de France, sauf cas exceptionnel ».
Dans un courriel en date du 19 février 2007, adressé à Patrick F…, est évoqué l’« event » Alinghi organisé par Olivier B… et la participation du CA suisse Nicolas Oberson qui s'est vu attribuer 11 places pour inviter des clients alsaciens et lorrains. Il est précisé qu'il s'agit d'un « event global ».
Un courriel de Jérôme Matteucci en date du 12 janvier 2004, parle de « collaboration entre le ON et le OFF concernant ces événements », (scellé n°OF3) sous-entendu le « on shore » et le « off-shore ».
Un document interne d'UBS France évoque les modalités pratiques des déplacements de personnes extérieures à la banque dans ses locaux, notamment sous les rubriques suivantes :
- « Cas des rendez-vous entre un client UBS (France) SA, un conseiller commercial de UBS (France) SA et un conseiller commercial non-membre de UBS (France) SA », dans laquelle il est précisé que : « tout rendez-vous avec un client/prospect de UBS (France) SA et ayant lieu dans les locaux de UBS (France) SA doit être tenu en présence d'un conseiller commercial d'UBS (France) SA ».
- « Cas des rendez-vous entre un client d'une entité du groupe UBS (France) SA et un conseiller commercial non-membre de UBS (France) SA » (scellé SG1).
Ces éléments démontrent que des CA d'UBS, n'appartenant pas à UBS (France) SA, venaient rencontrer des clients au siège parisien de la banque.
Une autre note interne intitulée « Cross Border Banking and Financial Services Activities Country Paper France » en date du mois de novembre 2005 précise que dans le cadre de la coopération avec UBS (France) SA et d'autres tierces parties : « le contact de clients dans les locaux domestiques de UBS avec l'implication des entités françaises d'UBS est seulement autorisé si elle est approuvée par le client/prospect et UBSFrance SA ».
Plus clairement le document indique : « référence de possibles clients UBS (France) SA à UBS SA uniquement sur une base occasionnelle »
Les multiples échanges de courriels ont permis de retrouver des listes d'invités.
Lors de son audition par l'inspection du travail le 18 février 2010, Stéphanie Gibaud, dénonce la disparition de ses fichiers informatiques relatifs à l'organisation d'événements promotionnels par UBS France. Elle a refusé de détruire ces fichiers comme le lui avait demandé sa supérieure hiérarchique, Catherine Denis.
Selon elle, UBS France couvre un démarchage financier en faveur d'UBS Suisse et de ce fait organise la fraude fiscale.
Ces fichiers concernaient les noms de clients, prospects et chargés d'affaires correspondants, en France et en Suisse, ayant participé à des événements depuis la création de la banque (scellé SG1).
Stéphanie Gibaud a également relaté cet incident dans le procès-verbal du CHFCT du 30 juin 2009.
En réaction, elle explique qu'UBS l'a citée du chef de diffamation devant le tribunal de police de Paris. Elle a été relaxée par le tribunal au vu des éléments matériels et des nombreux témoignages attestant de sa bonne foi.
Elle a fait partie des effectifs d'UBS France jusqu'au 26 avril 2012.
Entendue par les enquêteurs, elle déclare que l'enquête interne relative à la disparition de ses fichiers informatiques a été menée par Hervé Mercier Ythier, responsable du service informatique d'UBS France.
Dans le cadre de ses fonctions, elle était chargée d'organiser des « plates-formes événementielles » pour les CA afin de développer leur réseau avec leurs clients et leurs prospects.
Elle travaillait avec quatre collaborateurs pour cette activité.
Entre 1999 et 2008, elle a organisé entre 80 et 100 événements sportifs ou culturels qui permettaient aux commerciaux de rencontrer leurs clients.
Elle considère les CA d'UBS France comme « ses clients en interne ».
Elle souligne que l'objectif des événements promotionnels était la prospection ou l'entretien du carnet d'adresse et des relations commerciales des CA.
Elle collaborait au quotidien avec ses homologues d'UBS AG. Ses homologues basés à Genève pour le marché international ont été Sophie Ducrey de 2000 à 2002 puis Katia Crisci de 2002 à 2006 puis Tarda Rizzello de 2006 à 2007 et enfin Delphine Groux.
Elles s'échangeaient le planning des « events ».
Des CA français assistaient aux « events » en Suisse et en France organisés directement par UBS Suisse et des CA suisses assistaient aux « events » en France organisés par Stéphanie Gibaud.
Elle situe sa prise de conscience en 2008 au moment où a éclaté l'affaire B… aux Etats-Unis, affaire dans laquelle la banque UBS a été mise en cause pour des faits d'évasion fiscale.
Elle souligne que cette affaire a constitué un véritable séisme au sein de la banque.
Le turn over de personnel déjà important au sein du groupe UBS a encore augmenté.
Elle s'est alors demandé pourquoi les CA d'UBS Suisse venaient démarcher les clients français.
Elle évoque une véritable concurrence entre les CA suisses et leurs collègues français.
Ces derniers se plaignaient d'ailleurs d'avoir des objectifs trop élevés à atteindre.
Pour les réaliser, ils étaient amenés à s'entendre avec les CA suisses.
Stéphanie Gibaud déclare avoir été le témoin direct du démarchage illégal effectué par les CA suisses en France.
Elle confirme qu'à la suite d'une perquisition effectuée dans le bureau de Patrick F… en 2008, sa supérieure hiérarchique, Catherine Denis, lui a demandé de détruire tous les documents relatifs aux événements organisés depuis 1999, par exemple les conférences tenues au club de la Pelle à Marseille au cours desquelles en 2008 des avocats et des notaires avaient été invités par UBS pour être démarchés par des commerciaux suisses.
Elle indique qu'en décembre 2008, de retour de congé, elle a constaté que des fichiers excel présents sur son ordinateur avaient été expurgés de leur contenu (identité des clients et prospects et apporteurs d'affaires).
Sachant que le démarchage des CA d'UBS Suisse était illicite, que 80 % des comptes ouverts par des Français n'étaient pas déclarés à l'administration fiscale, que les CA français et suisses étaient en concurrence mais collaboraient néanmoins, elle en a conclu que la logique de ce système était l'évasion fiscale vers la Suisse.
Elle a communiqué des documents, notamment des échanges de mails, attestant de la réalité du démarchage illicite des CA d'UBS Suisse.
En avril 2009, le comité d'hygiène et de sécurité (CHFCT), dont elle était la secrétaire, a été destinataire d'un document redéfinissant les règles d'accès au siège d'UBS France.
Au vu de ce document, il était désormais interdit à un commercial ne faisant pas partie du personnel d'UBS France de pénétrer seul dans les locaux de la banque.
Cela pouvait signifier qu'auparavant les CA d'UBS AG avaient un accès libre au siège parisien et avaient la possibilité de réserver un salon ou un bureau pour rencontrer leurs clients ou prospects français.
Stéphanie Gibaud a pris des photos à l'occasion des « events » sur lesquelles des CA suisses sont identifiés.
Elle précise qu'après chaque « event », le service du marketing demandait aux CA de rendre compte des retombées en termes de Net New Money.
Elle évoque plus particulièrement les « évents » suivants :
-UBS Opéra Lyon ;
-UBS Golf Trophy Lyon ;
-UBS Pleyel ;
-UBS Opéra Nantes ;
-UBS Strasbourg.
Un tableau synthétique et chronologique des events organisés par UBS entre 2004 et 2011 a été établi par les enquêteurs (D1075).
Les clients identifiés
Des recherches ont été effectuées sur les noms de clients communiqués par les témoins.
Certaines personnes physiques apparaissent comme ayant le profil « idéal de prospects
», à savoir, chefs d'entreprise (BTP), élus locaux, sportifs, financiers, professions libérales.
Des personnes ont été identifiées
Ainsi, Roland C…, ancien directeur financier du groupe ERAM, a ouvert, en 2003, deux comptes dans les livres d'UBS Suisse pour un montant total en 2008 de 3 040 926 €.
Ces comptes ont été ultérieurement déclarés par ses héritiers auprès de la cellule dite de régularisation ou de « dégrisement » de la DGFIP afin de régulariser leur situation fiscale.
Sa famille a affirmé tout ignorer de l'existence de ces comptes et n'a apporté aucune explication aux enquêteurs sur la manière dont ceux-ci avaient été ouverts.
En juin 2011, les fonctionnaires du SNDJ ont procédé à des surveillances au Stade Roland-Garros, à Paris (16ème), Porte d'Auteuil, dans le cadre de l' « event » organisé par UBS dans le cadre du tournoi international de tennis.
Celles effectuées le 3 juin 2011, ont permis d'identifier les époux Lucchetta, invités par un CA français, Alain V…, à assister à l'une des demi-finales, sur le court central, après un déjeuner offert au restaurant Roland-Garros par la Fédération Française de Tennis.
C'est en réalité Mme Luccheta et sa fille qui ont profité de l'invitation.
Les billets ont été commandés à Zurich à la société Tennis Europe. Les époux Lucchetta présentaient le profil type des prospects susceptibles d'intéresser UBS.
Les surveillances effectuées lors du tournoi de Roland-Garros, les 1ers et 3 juin 2011 ont permis également d'identifier le CA suisse Karel Brice Gaultier (ou Brice Carel ou Brice Carel Christophe), employé chez UBS Suisse, qui y avait invité des clients français via la Société suisse GPS Performance.
D'après les témoignages recueillis, c'est son frère qui aurait pris en charge les clients.
Karel Gaultier utilisait deux numéros d'appels suisses (0041 79 826 72 00 et 0041 79 609 39 29) et n'était pas titulaire de numéros d'appel français.
L'analyse de la téléphonie, confirmée par des surveillances, a révélé que Karel Gautier travaillait en Suisse mais effectuait de multiples allers et retours Paris-Genève en prenant des vols Air France et EASY JET payés par UBS AG. Il vivait en France chez son épouse de nationalité française, Charlotte Dewynter.
De janvier à l'été 2011, ses deux numéros de téléphone portable ont activé 10417 fois des bornes d'opérateurs français : appels reçus et émis, sms, connexions internet). Il est noté quelques contacts avec des numéros de téléphone au nom d'UBS France et de
Thierry CHAMBURE.
UBS AG utilisait les services de la société GPS Performance pour inviter ses clients.
Cette société suisse avait son siège à Lausanne et offrait des conseils et des services dans les domaines du sport et de la culture.
Son site Internet précise qu'elle met « à disposition d'une clientèle d'entreprises, d'organisateurs, de manifestations, d'athlètes, des compétences dans le domaine du sponsoring, de la communication et du marketing ».
Les intermédiaires financiers
Une note interne intitulée « Cross-Border Banking and Financial Services Activities Country Paper France » en date de novembre 2005 explique qu'UBS peut passer par des intermédiaires financiers français pour se présenter à des prospects comme « un fournisseur potentiel de services bancaires ou financiers » et désigner « un interlocuteur que le prospect pourrait contacter ». Il est spécifié qu'ils ne doivent pas être utilisés comme « un canal de distribution indu d'UBS France ».
La banque met en garde sur les modalités d'une telle collaboration. Elle souhaite éviter que ces relations soient « structurées de manière indiquant qu'UBS utilise des tierces parties aux fins d'établir un réseau de distribution d'UBS en France (..). Elle précise que le client final doit avoir conscience que l'intervention d'un intermédiaire financier en France implique que ses données « seront également détenues hors de Suisse et ne seront pas protégées par le secret professionnel du banquier prescrit par le droit suisse ».
Il est intéressant de souligner qu'un certain nombre de salariés ou d'anciens salariés d'UBS sont devenus gérants ou porteurs de parts de sociétés de gestion en patrimoine.
Ces derniers étaient précisément susceptibles de devenir des intermédiaires financiers utiles pour UBS.
Certains se sont ainsi spécialisés dans le « family office », activité ayant pour objectif la gestion de patrimoine des très grandes fortunes avec la prise en compte de la multiplicité des fiscalités nationales.
Les « carnets du lait »
Les « carnets du lait » ont été mis en place vers 2002, sous la direction de Dieter K…, au sein du département Financial Intermédiaries (FIM). Ce département a accès à une base de données clients appelée IRMA auxquels UBS Suisse a pu également avoir accès, en infraction avec le secret bancaire et la réglementation bancaire française.
Des CA suisses ou luxembourgeois sont venus expliquer le mécanisme aux CA français.
La majorité des acteurs de la banque UBS France, ex-salariés en conflit avec la banque ou non, qui ont été entendus, confirment l'existence des « carnets du lait ».
Ils décrivent ces documents comme le moyen d'établir les montants des commissions dues aux CA français pour la délocalisation d'un client en Suisse.
Ils ont été mis en place et centralisés par la direction de la gestion du patrimoine (Wealth Managment).
Olivier F…, ex-CA français dans l'équipe de « chasseurs » du Core Affluent France (segment pour les clients disposant de 250 000 à 5 millions d'euros) à Paris et conseil en investissement, parle d'une comptabilité parallèle à la comptabilité des entrées de capitaux dans la banque.
Ce document permet de savoir quel CA français a recommandé un client français à un CA suisse et inversement.
Les flux financiers entre CA français et CA suisses sont reconnus par un système de compensation virtuelle pour le banquier ayant recommandé le client et réelle pour celui le récupérant.
Ces flux sont enregistrés dans une base informatique dénommée « Asset Transfert Adjusments » (ATA) présentée comme un système de validation des commissions des CA au même titre que les « carnets du lait ».
Ce système permet de calculer et d'établir les reconnaissances d'affaires entre CA.
Or certains des flux intégrés dans les « carnets du lait » n'étaient pas repris dans la base comptable officielle (ATA).
Selon Thomas Le Forestier, CA de 2006 à 2009, les « carnets du lait » servaient « à matérialiser un démarchage illicite de chargés d'affaires transfrontaliers. Le « carnet du lait » ne contenait pour moi que des opérations illicites car issues de démarchages transfrontaliers » et pouvait par conséquent, servir à des opérations d'évasion fiscale.
S'agissant du démarchage, il évoque des rendez-vous entre clients français et CA suisses, au domicile des clients, au siège de la banque boulevard Haussmann, au Café de la paix, place de l'Opéra.
Pour son segment, les « carnets du lait » étaient tenus par Sandrine M…, assistante D’Anne Longin.
Pour le segment supérieur (avoirs de 5 à 30 millions d'euros), ils étaient tenus par l'assistante de Patrick F…, Béatrice P….
Il affirme que 30% de ses clients lui ont été recommandés par des CA suisses.
Nicolas F…, chef du service d'audit interne d'UBS France jusqu'en 2008, présente les « carnets du lait » comme le moyen de « tenir comptablement mais manuellement, sans intégration dans le système officiel de la banque des mouvements transfrontaliers non déclarés. Ça a été mis en place en 2002 ».
Selon lui, tous les chefs d'agence régionale en province et les trois chefs de division commerciale à Paris ainsi que leurs assistantes étaient au courant de l'existence des « carnets du lait ».
En août ou septembre 2007, il a lui-même reçu un courrier adressé par erreur par Béatrice P… qui lui demandait de préparer les « carnets du lait ».
Une fois le chiffre validé avec ses homologues étrangers, la direction commerciale réintégrait le flux global dans la comptabilité analytique officielle de la banque UBS France en un seul mouvement.
Le « carnet du lait » servait à enregistrer le nom du CA qui avait récupéré l'argent pour pouvoir ensuite lui verser son bonus en fin d'année. Après le calcul des bonus lors d'une réunion d'ajustement entre français et suisses, les "carnets du lait" étaient détruits.
Il dit avoir été informé des agissements commis au sein d'UBS par Serge H… en 2006.
En 2007, il a rédigé un rapport d'audit jugé trop précis par le président, Pierre P…, qui lui a demandé d'en revoir la formulation et ce afin de ne pas attirer l'attention des autorités de contrôle externes.
Il explique que c'est à la suite de ce rapport, que Patrick F… a décidé de redéfinir les modalités d'utilisation des ATA et des « carnets du lait ».
Omar B… lui a révélé que les « carnets du lait » servaient à comptabiliser des opérations illégales d'évasion fiscale ou de sommes ne transitant pas par la France mais concernant des clients français et des CA français.
Nicolas F… indique qu'il a également compris, à cette occasion, qu'il existait du démarchage illicite effectué par les commerciaux suisses en France.
Il affirme en avoir informé ses supérieurs hiérarchiques, MM. R…, V… et F….
En interne, il a utilisé la procédure de l'alerte (« whistleblowing »).
La banque de France (ACP) a été avertie en mai 2009 par Serge H…, qui a été le premier à quitter la banque. Il est l'auteur de la lettre anonyme rédigée le 27/09/2010 et adressée à l'ACP.
Serge H… a pris les fonctions de directeur du bureau de UBS situé à Strasbourg le14/01/2002.
A compter du 1er mars 2006, il a été promu au rang de directeur général. Le bureau de Strasbourg couvrait une zone de 9 départements situés dans l'Est de la France.
Il précise qu'UBS s'était engagée à lui donner ainsi qu'à ses collaborateurs une zone d'intervention exclusive.
Le conseil des prud'hommes a constaté la rupture de son contrat de travail en reconnaissant que des CA d'UBS Suisses venaient démarcher sur sa zone de compétence. UBS France a été condamnée à lui payer une indemnité totale de 500 000 euros.
Pour Serge H…, la pratique des « carnets du lait » « reposait sur la compensation de flux aussi appelée netting de flux. C'est la recommandation commerciale. (..). Par recommandation, on entend des échanges d'informations entre les chargés de clientèle français et suisses et si l'opération se réalisait, elle était ensuite créditée à votre compteur commercial propre. On incitait également les CA suisses qui pratiquaient l’offshore à faire des recommandations sur le onshore ce qui permettait de compenser les flux. Dans un premier temps, c'était une méthodologie purement orale. C'est Béatrice P…, assistante de Patrick F…, qui centralisait ces opérations. Après, il y a eu une période textos où tous les échanges se faisaient par textos. Ces échanges de textos se faisaient tous les trimestres. Il y a ensuite eu une période mails avec l'envoi du tableau « VACHE » qui était un fichier excel avec une comptabilisation dans les deux sens France / autre et autre /France. Nous, CA français, nous ne pouvions pas faire de l’offshore. C'est pourquoi les CA suisses proposaient ce type de produits, c'est ce que les Suisses appellent le simple money, l'argent sans problème. Il ne faut pas confondre cela avec le complex money, avec l'argent où se posait les problèmes de fiscalité tout à fait légal ».
Il explique que pour les CA, les « carnets du lait » permettaient de recevoir des bonus supplémentaires même si cela se faisait sur des actifs dont la provenance pouvait être douteuse.
Pour la banque, cela permettait de développer une activité off-shore de manière plus rapide.
Il prétend que l'origine des fonds n'était pas toujours licite car il aurait suffi, dans le cas contraire, d'utiliser l'outil informatique ATA qui existait de manière officielle. Selon lui, entre 2004 et 2006, il ne transitait que « des choses sulfureuses et nauséabondes ».
Serge H… ajoute qu'en 2006, il a dénoncé les faits au déontologue François V… et a discuté de la situation avec l'auditeur interne de la banque, Nicolas F….
Il précise qu'à la suite de l'audit interne mené en juin 2007, Patrick F… a souhaité que les « carnets du lait » intègrent non seulement les opérations licites transfrontalières mais également les opérations illicites.
Il a ainsi exigé que soit intégrée dans les « carnets du lait » l'opération, parfaitement licite, de la vente de l'hôtel Monceau, pour 40 millions d'euros, menée par Omar B….
Ce dernier, mécontent de se voir priver de 50% de son bonus et en profond désaccord avec la décision de Patrick F…, a quitté UBS à la suite de l'altercation qu'il a eu avec ce dernier le 19 septembre 2007.
Parmi les responsables de la mise en place des « carnets du lait », il cite Raoul W…, responsable mondial chez UBS AG de la gestion de fortune, Dieter K…, « patron Europe » d'UBS AG et Pierre P…, président du directoire d'UBS France.
Parmi les prospects ayant bénéficié de comptes enregistrés dans les « carnets du lait » il cite un boucher de Wissembourg, M. René A…, qui possédait 500 000 € placés au Crédit Suisse.
Le transfert à UBS et les comptes de ce prospect ont été gérés par Laurent Lorentz, CA suisse.
Le 15 octobre 2007, Serge H… a adressé le mail suivant aux chefs d'agence, et notamment à Hervé D…, directeur de l'agence de Lille :
« En ce qui concerne les ATA internationaux, historiquement appelés carnet du lait la position de Patrick F…, digne de Richard Virenque, à savoir, si des CA indélicats ont historiquement mis dans le carnet du lait du simple money, c'est à l'insu de mon plein gré me paraît tout à fait inadmissible. C'est probablement parce qu'il nous prend pour des boeufs que dans le cadre du carnet du lait, il nous demandait de remplir des tableaux excel appelés vaches.
Cela démontre néanmoins une chose, si l'un d'entre nous avait été mis historiquement en difficultés en appliquant des procédures orales volontairement ambiguës, il se serait retrouvé seul face à ses responsabilités sans aucun soutien hiérarchique. Le côté positif néanmoins, c'est que nous saurons dorénavant être extrêmement stricts dans les A TA internationaux mais face à de telles positions négationnistes, qui transforment les réalités historiques, je me sens contraint de saisir officiellement le déontologue de la banque à savoir, François V…, pour qu'il nous donne officiellement la position de la banque relative au « carnets du lait » ».
Omar B… a travaillé chez UBS France de 2001 à 2008. A partir de 2004, il est devenu directeur régional à Cannes, supervisant également le bureau de Marseille. Il a été licencié à la suite de son conflit avec Patrick F….
Il précise : « la pratique des carnets du lait consiste à enregistrer des opérations, des soutiens qui ont été apportés pour développer des flux cross border, autrement appelés transfrontaliers ».
Il a entendu parler de cette pratique à partir de 2005.
Il indique que le CA français se voyait imposer des objectifs de 30 millions d'euros, donc, aider les CA suisses en leur transmettant les informations utiles lui permettait de conserver son emploi en remplissant ses objectifs et en plus de recevoir un bonus.
Il distingue deux types d'opérations d'une part, les délocalisations qui étaient des transferts d'opérations dans un autre pays, opérations en principe légales, d'autres part, les recommandations qui pouvaient permettre des transferts illicites.
Le rôle du CA d'UBS France était de repérer les personnes susceptibles d'avoir besoin de services de l'off-shore, c'est à dire des CA n'ayant pas le droit de démarcher en France comme les CA d'UBS AG. Ces opérations-là « ne devaient pas être déclarées au fisc ».
La direction générale de Zurich demandait de développer une politique de coopération fondée sur l'échange d'information. UBS Paris participait bien à la recherche des prospects et à la communication des informations sur les clients susceptibles de transférer leurs avoirs.
En « mettant les ATA dans les carnets du lait », la direction avait, selon lui, tenté de dissimuler les opérations illicites qui étaient en faible proportion dans la masse des opérations transfrontalières licites.
Il ajoute que :« Outre les opérations légales, il y en avait d'autres qui relevaient de la recommandation, à savoir qui pouvaient être éligibles à un transfert illégal qui n 'était pas organisé dans le détail par UBSF. En France, notre mandat était de connaître tous les clients potentiels à la gestion de fortunes. Quand, dans cette démarche, quelqu'un repérait une personne susceptible d'avoir besoin des services de l'off-shore, c'est à dire ceux qui n'ont pas le droit de démarcher en France, comme les chargés de clientèle Suisse, ces opérations-là ne devaient pas être déclarées au fisc. Il était demandé par la direction générale de Zurich de développer une coopération fondée plus sur des informations. C'est pour cela que vous ne trouverez pas de montage à proprement parler, mais Paris participait bien à la communication de qui pouvait être éligible à ce titre de transfert »
« Et il faut comprendre que dans ce système, le plus souvent, le chargé d'affaire français n'effectuait aucune opération physique mais ne faisait que transmettre une information au chargé d'affaire suisse. Tout le reste était géré par la Suisse et pour le chargé d'affaire contribuant ainsi à accomplir ses objectifs annuels »
Il prétend que le président Pierre P… c’était « adjoint les services d'un déontologue, François V…, dont le rôle consistait à donner l'apparence légale à l'activité de la banque et a toujours nié l'existence du carnet du lait ou affirmé ne pas en connaître l'existence alors qu'il était évident qu'il la connaissait ».
Pour définir les liens entre UBS France et UBS AG, il déclare : « UBS France était sous la tutelle d'UBS AG filiale à 100 %, à ce titre alors que je m'exprimais au sujet des dérives de la banque avec Pierre P…, ce dernier m'a répondu qu'il n'était qu'un simple fonctionnaire au service du siège suisse ».
François A…, a exercé les fonctions de CA à Lille de 2002 à 2007 puis à Toulouse en 2008 et 2009.
Il indique que « la pratique des carnets du lait était une mesure de discrétion pour des activités illégales liées à des opérations de transfert d'argent. L'origine des fonds importait peu, l'important était d'assurer la pérennité d'UBS France vis-à-vis de la Suisse. Cette pratique pouvait concerner une activité que l'on appelle la compensation.
Cela consiste à faire des opérations de virement d'un client A en Suisse vers un client B français qui veux transférer de l'argent en Suisse et qui veut faire du off. Un paiement de la main à la main a lieu en France du client B vers le client A. En Suisse, il a un virement du compte UBS suisse du client A vers un nouveau compte du client B qui est créé en Suisse. L'ouverture de compte était signée par le client B, envoyé par le CA suisse vers son domicile privé en Suisse. Un CA Suisse, Joanny D…, m'a expliqué cette pratique. Cette pratique a existé de tout temps et sur toutes les banques.
Je pense que les opérations du carnet du lait concernaient de l'argent à l'étranger, en cash ou sous forme de titres, qui n 'étaient pas chez UBS.
Les carnets du lait avait pour but de masquer toutes ces activités illicites.».
Il dit avoir bien vu le fichier excel en 2006 ou 2007 et précise que les « carnets du lait » concernaient essentiellement les CA parisiens et Patrick F…. Les CA suisses demandaient des noms de clients souhaitant placer de l'argent.
Ils offraient des cadeaux à leurs collègues français pour que ces derniers « pensent à eux ». Ils étaient présents lors des events nationaux et internationaux.
Selon les déclarations des anciens employés d'UBS France, les « carnets du lait » se présentaient sous la forme d'écritures sur un carnet de papier quadrillé de type ClaireFontaine.
Ils étaient transmis par les chefs des desks, directeurs régionaux en province et directeurs de segments à Paris, à la direction parisienne, sous forme de fichier Excel que Patrick F…, directeur de la gestion du patrimoine et de tous les CA en France, en qualité de Front Office, centralisait et transmettait à la maison mère en Suisse.
Ce fichier excel était rempli par l'assistante de Patrick F…, Béatrice P…, qui avait elle-même baptisé le fichier excel, fichier « vache ».
Béatrice P… a été l'assistante de Patrick F… jusqu'en 2009. Elle décrit les rubriques du fichier de la façon suivante :
-la rubrique segment correspond à la catégorie de clientèle, par exemple High Net Worth,
-la rubrique relative à la date de la transaction,
-la rubrique relative au nom du client,
-la rubrique mentionnant la provenance est une colonne déjà remplie avec le mot tiers,
-la rubrique « from » sert à renseigner le nom du CA français,
-la rubrique « to » correspond au nom du CA suisse,
-le montant est indiqué en millions d'euros,
-la rubrique « location/commentaires » correspond au nom de l'agence et aux remarques des directeurs régionaux.
Selon elle, les « carnets du lait » enregistrent probablement à la fois des opérations licites et des opérations illicites.
Elle présente UBS comme une banque suisse venant chercher ses clients en France.
Elle désigne les CA suisses comme les « petits hommes verts » et ajoute que ces derniers ne venaient pas dans les locaux d'UBS France mais ont assisté à des « events » en 2002, 2003 et 2004. Elle précise qu'il s'agissait de CA du desk France d'UBS Suisse, toujours les mêmes, dont le responsable était Philippe I…, que les prospects étaient ciblés à l'aide d'un logiciel appelé DIANE et qu'à la différence des ATA dont les montants bruts étaient globalisés, compensés et non documentés, les "carnets du lait"s’étaient individualisés par clients, nominatifs et non compensés.
Nicolas F… confirme que Patrick F… a réuni, le 19 septembre 2007, l'ensemble de ses collaborateurs pour redéfinir les règles de fonctionnement des ATA, système officiel d'enregistrement des flux pour des échanges entre commerciaux et entre plusieurs pays, ainsi que du "carnet du lait". Ce dernier souhaitait désormais que toutes les opérations légales et illégales soient inscrites dans le « carnets du lait ». Les CA devaient à l'avenir partager leurs commissions sur les opérations licites avec la Suisse.
Cette décision a suscité l'amertume de certains d'entre eux, en particulier de Omar B….
Nicolas F… dénonce ainsi la confusion totale des banques française et suisse, la société mère et sa filiale, dans le droit fil de l'ouverture de la base de clientèle IRMA à la firme Suisse.
Dans son rapport d'audit de juin 2007, Nicolas F… souligne l'absence au sein du système ATA, de distinction entre les commissions des CA français faisant suite à une opération de délocalisation de fonds de clients à l'étranger, de celles sanctionnant l'arrivée d'un nouveau client.
Il s'interroge également sur le fondement de la rémunération du CA français et suppose que l'intervention de ce dernier dans la décision de son client de placer ses fonds à l'étranger, en est l'explication.
Les recommandations faites dans son rapport sont en conséquence de « traiter la comptabilité des ATA en dehors des reporting relatifs au Net New Money et l'ensemble des mouvements justifiés ».
Il affirme que ces remarques ont été rectifiées et diluées dans le rapport définitif par sa hiérarchie au sein d'UBS France et qu'aucun élément n'apparaissait désormais quant à la répartition des rémunérations entre CA français et CA étrangers.
Les quatre versions différentes du rapport ont été jointes au dossier.
Plusieurs messages électroniques entre employés de la banque font expressément référence aux « carnets du lait ».
Un document informatique, sous forme de tableau Excel, envoyé en pièce jointe à un mail daté de novembre 2011, est formellement identifié par l'auteur de ce fichier informatique, à savoir Béatrice P…, qui l'a créé en 2005 à la demande de son supérieur hiérarchique Patrick F….
Auparavant, les « carnets du lait » n'existaient que sous format papier, tenus sur un cahier d'écolier par Sandrine M…, assistante du directeur de la gestion privée.
Dans la correspondance interne de la banque ou dans les échanges informels entre collaborateurs, les enquêteurs ont mis en exergue également les exemples suivants :
- un courriel du 22 novembre 2005 émanant de Anne L…, collaboratrice de Patrick F… adressé à Alain V… (Head of Core Affluent Team, Christine Savary (chef du CoreA équipe 1), Ian H… (Chef du CoreA équipe 2) au sujet du « carnet du lait » d'Olivier F… qui devait être transmis à Patrick F…, directeur de la gestion privée, et qui mentionnait un montant de 4 millions d'euros.
- des copies d'écran de portables de Serge H… relatifs à un sms de Béatrice P…, demandant que les directeurs régionaux lui adressent les éléments permettant de renseigner les « carnets du lait ».
L'évasion fiscale
Les auteurs des courriers anonymes dénoncent la mise en place en 2002 jusqu'en 2007 minimum d'un système d'évasion fiscale au sein d'UBS principalement de la France vers la Suisse.
Ils exposent le schéma suivant : l'argent du client français part de France ou de Belgique (Bruxelles) vers la Suisse (Genève) ou le Luxembourg au départ des agences de Paris, Strasbourg, Lille, Cannes, Marseille, Lyon, Bordeaux et Nantes avec différents modes de transferts des fonds. Le transfert des avoirs peut se faire d'un compte déjà non déclaré à l'étranger vers un compte UBS en zone off-shore (hors Suisse) puis rapatrié sur un compte UBS Suisse. Le client français est démarché en France par des CA suisses. Sont jointes des listes de chargés d'affaires français ou suisses ayant fait du off-shore (ouverture de compte à l'étranger) et de clients français ayant des comptes non déclarés dont des personnalités du monde du spectacle, du sport, des affaires, gagnants du loto...).
Olivier F… déclare avoir été en contact tout au long des années 2006 et 2007, sur ordre de sa responsable hiérarchique, Anne L…, avec les commerciaux suisses d'UBS dédiés aux activités off-shore, dites « cross border », qui ouvraient notamment des comptes non déclarés, constituant la majeure partie du fonds de commerce du Core Affluent international d'UBS en Suisse.
Il indique avoir découvert les pratiques d'évasion fiscale d'UBS France, en 2005, lors d'un « event » organisé à Lausanne par Alain V…, à l'époque responsable des commerciaux de la société Lloyds Banque France, banque rachetée par UBS, au cours duquel il avait rencontré l'ensemble des équipes dédiées à l'activité off-shore.
En 2006 et 2007, lors de visites dans les agences suisses, Olivier F… a constaté les pratiques et les méthodes des CA suisses qui se déplaçaient en France, qu'il qualifiait « dignes de James Bond ».
Il a demandé par mail à Philippe C…, assistant director chez UBS AG en Suisse, de lui préciser la distinction entre : « un compte complexe » et « un compte simple ».
Ce dernier a répondu : « c'est super facile à comprendre, puisque : Complex = déclaré - Simple = non déclaré au fisc ».
Par ces propos le responsable suisse confirme l'existence de la pratique d'ouverture de compte-client chez UBS en Suisse sans qu'ils soient déclarés aux services fiscaux français.
Enfin, il affirme que Pierre P…, de nationalité suisse, qui a remplacé Jean-Louis M… à la tête d'UBS (France) SA, a utilisé la filiale française pour développer des « pratiques illégales » et a « industrialisé cette activité illégale d'évasion fiscale ».
Olivier F… ajoute qu'UBS France perdait de l'argent chaque année. Malgré tout, son actionnaire majoritaire, UBS AG, continuait à injecter des fonds et à faire fonctionner sa filiale parce que, selon lui, elle avait mis en place un process d'évasion fiscale.
Il a remis aux enquêteurs l'instruction écrite relative aux activités bancaires transfrontalières et prestations de services financiers (le « country paper France » de novembre 2005).
Selon lui ce document rappelle un certain nombre de règles mais explique également comment les contourner.
Interrogé sur l'origine des fonds alimentant les « carnets du lait », Omar B… déclare « le but était pour partie de faire de l'évasion fiscale. Personnellement, je n'en ai jamais vu ».
Ces propos sont corroborés par d'autres anciens collaborateurs de la banque UBS qui indiquent :
- Serge H… : « Eventuellement échapper à une certaine fiscalité »,
- Thomas L… : « Ces carnets ne pouvaient concerner que des opérations illicites car issues de démarchages transfrontaliers et pouvaient, par conséquent, servir à des opérations d'évasion fiscale »,
- François A… : « Cette pratique des « carnets du lait » était une mesure de discrétion pour des activités illégales liées à des opérations de transferts d'argent. L'origine des fonds importait peu ».
Anne L… confirme la présence des CA suisses aux « events ». Elle cite un client français, Eric G…, qui, en 2005 ou 2006, a été démarché par un CA suisse de Lausanne lors d'un « event » golf. Ce dernier a transféré en Suisse une partie de son portefeuille en le déclarant.
En invitant des clients d'UBS passionnés de golf les CA suisses parvenaient à les convaincre de transférer leurs avoirs dans d'autres entités du groupe.
Jean-René L…, CA du CorA à Paris puis à Toulouse, entretenait des relations trop étroites avec les CA suisses.
Lors de réunions, les CA français se plaignaient auprès de Patrick F… de la présence des Suisses. Ce dernier répondait qu'il n'y pouvait rien.
Certains chefs d'agence, en particulier Serge H… (Strasbourg) mais également Jean-Michel B… (Bordeaux), étaient en colère.
La mise en cause d'UBS dans d'autres procédures diligentées par des autorités judiciaires étrangères, en Allemagne et aux Etats-Unis
Plusieurs administrations fédérales américaines ont été saisies d'opérations transfrontalières d'UBS ayant permis à des contribuables américains de commettre des faits de fraude fiscale. A la suite de l'affaire Bradley B…, la banque UBS aux Etats-Unis a été contrainte de verser la somme de 780 millions de dollars pour évasion fiscale par le fisc américain.
Le ministère américain de la Justice (DoJ ou US Department of Justice) a obtenu, le 19 août 2009 de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) suisses qu'elle lui communique les données relatives à 300 clients américains soupçonnés d'avoir fraudé le fisc en 2009.
De plus, la Suisse s'est engagée à traiter une demande de l'Internal Revenue Service (IRS) américain, dans le cadre de l'entraide administrative, portant sur environ 4450 comptes ouverts ou clos et ce alors que l'IRS avait parallèlement déposé un recours devant une cour fédérale américaine pour obtenir une contrainte judiciaire afin d'obtenir l'identité de 52 000 clients américains titulaires de comptes UBS en Suisse.
En Allemagne, le Parquet de Mannheim a ouvert une enquête sur des agissements liés à de la fraude fiscale imputés à UBS. Le dossier a fait l'objet d'un classement sans suite le 8 février 2012.
Ultérieurement, une procédure a été diligentée par le Parquet de Bochum.
Le rapport de la mission de contrôle d'UBS France et la procédure devant I'ACP
L'ACP a effectué une mission de contrôle dirigée par Florence M…, inspecteur de la Banque de France, au siège d'UBS France SA du 2 décembre 2010 au 22 avril 2011 portant sur les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et de conformité.
L'inspection s'est attachée notamment à l'examen du risque de non-conformité de l'activité transfrontalière.
Sur les « carnets du lait » (dans le cadre de l'activité transfrontalière) :
UBS France n'a communiqué à la mission de contrôle de 1'ACP qu'un seul exemplaire des « carnets du lait » daté du mois d'août 2007. Dans ce document, l'ACP relève des flux qui ne sont pas retrouvés dans les enregistrements ATA. UBS (France) SA n'a pas été en mesure de lui communiquer d'autres exemplaires de "carnets du lait" affirmant qu'ils avaient disparu.
L'ACP s'en est étonnée, s'agissant de documents nécessaires à la bonne traçabilité des reconnaissances d'affaires et donc des bonus distribués, qui auraient dû être conservés pendant une durée de 5 ans.
Ces éléments constituaient en effet des éléments importants pour l'audit des référencements d'affaires.
D'après les explications des dirigeants d'UBS (France) SA, les « carnets du lait » avaient été emportés par d'anciens collaborateurs, notamment par Patrick F….
L'audition de ce dernier par le service Risk & Compliance à la suite de l'audit de 2008 a été communiquée à la mission. Patrick F… a expliqué, à cette occasion, que les « Carnets du lait » n'étaient que de simples cahiers manuscrits l'aidant à assurer le suivi administratif des compensations d'affaires entre les CA. Il a affirmé qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une comptabilité parallèle.
Les explications d'UBS (France) SA concernant ces deux systèmes de reconnaissance d'affaires ont été jugées « floues » (les ATA pour les flux licites et les « carnets du lait » pour les flux non déclarés au fisc).
La discordance entre les flux mentionnés dans les « carnets du lait » et ceux relevés dans les ATA, a suscité des critiques de la part de l'ACP.
Le fichier dit « vache.xls » n'a pas non plus été retrouvé.
L'ACP a conclu qu'UBS (France) SA maîtrisait insuffisamment le risque de non-conformité attaché à l'activité transfrontalière. Les anomalies relevées ont montré que ce défaut de maîtrise était lié à l'organisation même d'UBS (France) SA.
C'est ainsi qu'ont été relevées les anomalies suivantes :
- il n'existait pas de cadre normatif encadrant les activités transfrontalières en France La
« policy group » relative aux opérations transfrontalières n'a pas été déclinée dans une procédure locale,
- le contrôle permanent de la conformité, encadré par une procédure de 2006, ne fait pas de cartographie des risques de non-conformité et s'attache trop à « pallier les lacunes des procédures »,
- le « comité cross border », créé pour l'activité transfrontalière, n'a pas d'attributions encadrées et aucun représentant du service Risk control et Compliance n'y participe. Les éléments de gouvernance du « comité cross border » ne sont pas non plus définis alors même qu'il est censé décider de la stratégie en la matière. En outre, il n'y a aucun procès-verbal ou de compte-rendu du contenu des discussions et des décisions prises, d'où une absence de traçabilité.
Ce « comité cross border » ne semble finalement exister que sur le papier,
- le dispositif de contrôle des ATA présente des faiblesses, notamment concernant le pôle offshore dédié aux clients français en Suisse. Ils sont insuffisamment contrôlés et documentés,
- les personnes chargées au sein d'UBS France des fonctions de conformité et de contrôle ne paraissent exercer aucun contrôle sur les visites de collaborateurs d'UBS AG en France à des clients ou prospects français, en violation de la réglementation sur le démarchage bancaire et financier. Le responsable conformité ne participe d'ailleurs pas au comité de direction,
- « mystère » concernant l'utilisation de l'application informatique d'UBS AG ReNew par les collaborateurs d'UBS France ou par des salariés d'UBS AG pour des références d'affaires de prospects ayant transféré des fonds de la France vers la Suisse. L'accès à cette application at été refusé à l'ACP.
Ces constatations ont amené l'ACP à conclure que tout semblait se passer comme si UBS France SA « n'avait pas d'autres moyens que de s'en remettre à sa maison-mère société de droit helvétique pour le contrôle de la conformité légale (au droit français) des opérations cross border conduites par ses propres salariés ».
Florence M… estime qu'il y avait chez UBS France une apparence très organisée et normative mais qu'en réalité, à côté de cela, il existait « des injonctions contradictoires contraignantes finalement pour le respect de la conformité ».
Elle cite ainsi le partage de bonus des CA et le fait que certains échanges de mails entre salariés montrent que les procédures ne sont pas respectées et que les chefs de la ligne de métier incitent leur CA à ne pas respecter les règles.
Les inspecteurs ont retrouvé un « carnets du lait » dans le rapport d'audit de Martin P… (auditeur de UBS AG) de 2009 et se sont rendu compte qu'il n'était pas enregistré dans les ATA.
Elle qualifie l'audit effectué par Yoan C…, successeur de Nicolas F…, LIA, sur le whistleblowing de Nicolas F… de travail superficiel aboutissant à des constats erronés.
Elle souligne que UBS France a successivement fourni trois versions différentes de la fonction des "carnets du lait" et qu'il a été relevé des contradictions sur les ATA.
Le 24 mai 2012, UBS France a reçu notification des griefs dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue aux articles L.612-38 et R.612-35 et suivants du code monétaire et financier.
Elle a déposé un mémoire récapitulatif le 28 septembre 2012.
Le 25 juin 2013, la commission des sanctions de 1'ACP, procédure n°2012-03 UBS France) a prononcé un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 10 millions d'euros.
Il a été constaté le fait d'avoir attendu plus de 18 mois pour entreprendre la mise en place de procédures de prévention et de contrôles propres à traiter le risque grave de non-conformité, qui exigeait une réaction immédiate, caractérisant un manquement particulièrement condamnable.
Par son arrêt du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat a rejeté la requête d'UBS France tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2013.
L'enquête de la direction centrale du renseignement intérieur DCRI sur la banque UBS
Selon une note du 24 novembre 2009, il est apparu que la DCRI a, en 2009, diligenté une enquête relative aux faits de démarchage illégal commis sur le territoire national par UBS AG (société mère de droit suisse), sur le mécanisme d'évasion fiscale qui pourrait lui être reproché et sur les clients concernés.
Plusieurs notes émanant de la DCRJ ont fait l'objet d'une déclassification à la demande du magistrat instructeur.
Une note du 21 novembre 2013 évoque l'existence d'un système d'évasion fiscale structuré.
Il y est mentionné que Raoul W… est, depuis 2002, le « directeur Monde (or la Suisse) » d'UBS, et que Dieter K…, le directeur Western Europe, aurait été licencié sans ménagement en 2008.
Il est relaté qu'en 2006 et 2007, sous la présidence de Pierre P…, UBS France se serait livré à un démarchage massif de ses clients afin de leur proposer un système d'évasion fiscale à destination de la Suisse.
Le système fondé sur une double comptabilité a été mis à jour dans le rapport d'audit interne remis à la banque le 24 septembre 2007. Le « carnet du lait » est décrit comme un système volontairement non automatisé de reporting des flux entre la France et la Suisse fondé sur le netting concernant principalement des opérations d'évasion fiscale.
Au cours de son audition du 18 avril 2013, Hervé Preuilh, fonctionnaire de police en fonction à la DCRI, explique dans quelles conditions Nicolas F…, qui était une relation amicale, lui a révélé « les mécanismes de fraude fiscale mis en place par son employeur ».
Le processus de fraude étant décrit de façon précise il a rédigé un brouillon de note à sa hiérarchie. Il en a parlé à son supérieur direct, Eric Bellemin-Comte qui lui a répondu qu'il avait connaissance du mécanisme utilisé. Par la suite, sa hiérarchie lui a reproché ses relations personnelles avec Nicolas F…. Il a été écarté de la DCRI par son directeur,
Bernard Squarcini.
LES AUDITIONS
1- UBS France SA
Nicolas F…
De nouveau entendu, Nicolas F… précise le fonctionnement du système des recommandations de clients et des reconnaissances d'affaires.
Il indique que lorsqu'un CA recommande un client à son collègue français ou étranger, les reconnaissances d'affaires sont partagées à 50% de manière à récompenser les deux commerciaux.
Lorsque le flux est illégal, donc non déclaré au fisc, il est qualifié de « simple money » par opposition au « complex money ».
En cas de délocalisation du client à l'étranger la reconnaissance d'affaires est de 100%.
Il confirme qu'il a été contraint par sa hiérarchie de modifier la rédaction de son rapport d'audit de 2007, notamment en ce qui concerne le système des ATA, partage des flux entre commerciaux français et étrangers.
Il explique que la première version de son rapport a suscité une véritable panique chez Patrick F… qui a décidé de modifier les règles d'enregistrement des reconnaissances d'affaires.
Les règles du jeu de la comptabilité des reconnaissances d'affaire des CA ont changé à un mois des évaluations. Désormais, les CA français qui font une opération avec l'étranger ou même la France, se voient obligés d'intégrer lesdites opérations dans le « Carnet du lait » pour noyer les opérations illégales passées, présentes ou à venir, dans les opérations légales existantes.
Dans ce nouveau mécanisme, les CA se voient octroyer 50% au lieu de 100%, lorsqu'ils envoient un client se délocaliser par exemple.
Il décrit Patrick F… comme celui qui assurait le suivi des reconnaissances d'affaires. Il précise que l'ensemble des opérations légales ou illégales étaient vérifiées chaque mois par Dieter K….
Le bonus d'un CA en France était calculé sur la base de quatre indicateurs appelés Key
Performance Indicator (KPI), 3 critères officiels et un critère officieux :
1)- l'objectif de collecte Net New Money (ou collecte d'actifs réalisée);
2)- RoA : « return on assets » (revenu sur produit vendu, retour sur investissement ou marge dégagée sur un portefeuille) ;
3)- Revenus nets pour la banque des placements proposés aux clients (production de revenu net pour la banque, i.e : le bénéfice de la banque);
4)- Shadow accounting : la part subjective prenant en compte le relationnel avec la hiérarchie et la collaboration avec la Suisse (la coopération transfrontalière avec la Suisse) ;
Cette expression est employée dans un document interne d'UBS Suisse sur les reconnaissances d'affaires du 10 juillet 2002. Elle est citée dans le point 5-3 Reconnaissances (E.Schôn): « Les reconnaissances réussies au sein de l'équipe des intermédiaires français et également celles concernant des clients individuels des desks seront reconnus par 50% de NNM (shadow accounting,). La coopération transfrontalière est réclamée à tous les CA. [..] 21. E. Schôn tiendra une liste des NNM Shadow Account ».
Miguel Azevedo
Miguel Azevedo, auditeur interne et collaborateur de Nicolas F…, explique que certains dirigeants suisses d'UBS, comme M.M. Ospel ou W…, se croyaient au-dessus des lois et poussaient les commerciaux à prendre un maximum de risques.
Il indique que l'audit du département « Sport Entertainment Group » (SEG) a montré que ce service, dirigé par une cadre, Caroline D…, était directement rattachée à Philippe I…, en Suisse.
Caroline D… disposait d'un important carnet d'adresse mais n'était pas préparée à des fonctions d'encadrement et de gestion. Sa mission consistait à chercher des prospects pour leur faire ouvrir des comptes chez UBS AG compte tenu de son rattachement à Philippe I….
Selon lui, compte tenu de la confusion qui existait entre la maison-mère et sa filiale française, Nicolas F… avait compris qu'il y avait un risque de démarchage illicite.
Il précise que les directeurs des agences régionales rapportaient qu'ils étaient obligés de surveiller les CA suisses pour les empêcher de prendre des rendez-vous directement en agence.
Ceux qui se plaignaient le plus étaient Serge H… et Omar B….
Alain Berthaut
Le chef de l'agence UBS de Marseille de fin 2001 à septembre 2006, Alain Berthaut explique qu'il avait sous ses ordres six commerciaux. Il décrit les ATA comme des opérations fictives permettant de restituer la réalité de la production de chaque personne.
Il soutient que chaque ATA était traçable, informatisé et licite.
Il précise que jusqu'en 2006 ou 2007 l'ATA s'appelait « carnet du lait ». Il était remis une fois par mois à Patrick F…. Après chaque réunion, ce dernier rencontrait son homologue suisse, Philippe I…, qui s'occupait des clients français voulant aller s'installer en Suisse.
Il affirme ne pas avoir connaissance d'une comptabilité occulte.
Compte tenu du caractère informel des « carnets du lait » (notes manuscrites), il admet qu'ils ont pu servir à des reconnaissances d'opérations d'évasion fiscale, des « opérations cross border illicites ». Entre des clients et des CA français sur lesquelles apparaissaient aussi des CA d'UBS Suisse.
Il reconnaît qu'UBS Suisse a financé des « events » organisés en France. Selon lui, cela s'expliquait par le fait que la banque souhaitait récompenser ses clients délocalisés.
Il a assisté à des manifestations ou « events » en présence de CA suisses.
Leur participation pouvait avoir un objectif de démarchage de la clientèle française.
Stéphanie Gibaud les prévenait de la présence de commerciaux suisses et de prospects invités par UBS AG aux « events ».
Il précise que des CA français avaient parfois des liens d'intérêts avec des collègues suisses.
Il déclare qu'il savait, sans disposer de preuves, que les CA suisses cherchaient à faire du développement en France.
Il n'est pas en mesure d'expliquer l'existence de notes de frais concernant des rendez-vous
Jean-Michel B…
Jean-Michel B…, a été directeur de l'agence UBS de Bordeaux jusqu'en 2008. A la demande de Serge H…, il a témoigné devant le conseil des prud'hommes.
Il déclare que les « carnets du lait » représentaient pour lui uniquement des transferts d'argent non déclaré de la France vers la Suisse. Il avait connaissance de l'existence de comptes non déclarés en Suisse.
En revanche il affirme que tous ses clients avaient des comptes déclarés et qu'il ignorait comment transférer de l'argent non déclaré de la France vers la Suisse.
Il assure qu'il n'y avait pas de « carnets du lait » à Bordeaux.
En revanche, il confirme que les « events » organisés par UBS Suisse servaient aux CA à démarcher la clientèle française.
Il cite l'exemple du CA suisse, Juan M…, qui venait en France pour rencontrer des prospects. Il le croisait lors des « events » financés par UBS AG.
Il donnait des consignes strictes à ses collaborateurs afin que Juan M… ne rencontre pas les clients de la banque.
Sur l'évasion fiscale, il ajoute que l'attitude de la hiérarchie a évolué au fil du temps.
Jean-Louis M… a été le meilleur président et un homme particulièrement intègre. En revanche, Pierre P…, de nationalité suisse, ne l'a jamais soutenu dans sa volonté de refuser les pratiques illégales.
Selon lui, trois personnes ont joué un rôle moteur dans l'évasion fiscale, à savoir, Raoul
W…, responsable au niveau mondial, Dieter K…, responsable pour l'Europe de l’Ouest et Pierre P… président du directoire d'UBS France.
Par ailleurs, il présente Nicolas F… comme un homme très rigoureux, obsédé par la légalité.
Catherine M…
La collaboratrice de Jean-Michel B…, Catherine M…, CA Senior à Bordeaux conteste toute participation à des opérations d'évasion fiscale.
Sur instructions de son directeur elle s'est rendue à l' « event » Golf Trophée d'Evian à deux reprises en 2002 et 2004. Elle y a rencontré Dieter K…, patron dUBS pour l'Europe et également des CA suisses.
Des clients et prospects français étaient invités par UBS France et par UBS AG.
A Bordeaux, elle a rencontré parfois le CA suisse, Juan M….
Anne L…
Anne L…, ancienne responsable du segment Core Affluent de 2005 à 2008 chez UBS France, puis directrice du « market development » de 2008 à 2010, puis à nouveau directrice du Core Affluent à compter de 2010, indique qu'elle a travaillé comme CA senior chez UBS et est rapidement devenue l'adjointe d'Etienne T….
Elle confirme que les « carnets du lait » ont été mis en place par Patrick F….
L'objectif des « carnets du lait » était, selon elle, de préparer un ATA pour des opérations licites et non de tenir une comptabilité parallèle.
Elle décrit les « events » auxquels elle a participé et confirme que les CA suisses parlaient avec des prospects.
Le responsable des « events » ou Dieter K… tenait une réunion de debriefing pour évaluer les résultats des « events », c'est à dire l'apport de Net New Money (NNM).
Elle relate que les desk head des régions et certains CA se plaignaient de la présence des suisses. Le plus virulent à cet égard était Serge H….
Ils en faisaient part à Patrick F… qui répondait qu'il n'y pouvait rien.
Elle cite les noms des CA suisses se rendant souvent au siège d'UBSF à Paris comme Frédéric P… ou Christophe M… (UBS Lausanne).
Lorsqu'il voyageait en France Christophe M… avait interdiction de distribuer des cartes de visite portant le logo d'UBS Suisse ou d'avoir des documents à l'en-tête de la banque.
Fréderic P… venait parler aux client advisors des équipes. Des ATA ont été établis avec lui. Quand il venait au siège, il sollicitait beaucoup les CA français. Il présentait aux CA français des personnes françaises qu'il connaissait et il demandait qu'on lui présente des dossiers de clients français ou des prospects français à transférer en Suisse.
Elle ajoute qu'ils rencontraient des clients dans des halls d'hôtels à proximité du siège, en particulier l'hôtel Bedford, rue de l'Arcade. Elle a rendu compte de ces visites à François V…, la compliance officier.
Elle conteste avoir elle-même aidé des clients ou prospects à ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
Elle admet néanmoins qu'elle a su, dès 2001, que le département France International d'UBS AG, dirigé par Joëlle P…, gérait des comptes ouverts par des Français dont certains étaient non déclarés au fisc et que tous les dirigeants et commerciaux d'UBS France le savait.
Le rôle d'UBS France International était d'avoir des clients français soit résident en Suisse à la suite de délocalisation, soit voulant ouvrir des comptes en Suisse pour une offre de gestion différente de celle offerte en France.
Etienne T…
Etienne T… indique qu'il était chargé de la gestion des chefs d'agences régionales (Desk Heads) ainsi que du support de Lyon.
Il affirme que les objectifs qui lui étaient fixés par Patrick F…, pour les segments HNW et Core A, consistaient à obtenir des ouvertures de comptes en France et pas en Suisse.
Il n'a pas assisté à la vive altercation entre Patrick F… et Omar B… dans les locaux de Swiss Life, le 19 septembre 2007, à propos d'un ATA (opération de l'hôtel Monceau).
Selon lui, Omar B… essayait de « faire tomber » Patrick F….
Il fait remarquer qu'Omar B… a quitté la banque dans de très bonnes conditions.
Il indique que Serge H… voulait également soutirer le maximum d'argent à UBS, ce dernier a donc menti en prétendant que les « carnets du lait » ne rendaient compte que d'opérations de blanchiment de fraude fiscale.
Etienne T… confirme qu'à l'international l'ATA servait à récompenser un apport d'affaire. Il cite essentiellement l'exemple d'une délocalisation, c'est à dire d'un expatrié devenant résident fiscal suisse que le CA français envoyait à un collègue suisse.
Il explique que les « carnets du lait » étaient des documents papier remis à Patrick F….
Il les remplissait pour l'agence de Lyon.
Il lui était demandé de séparer les opérations en provenance d'un tiers (cas où les fonds n'avaient pas transité par UBS) ou de UBS (UBS France ou une autre filiale d'UBS située dans un autre pays).
C'est de cette façon qu'il interprétait le courriel que lui avait adressé Béatrice P…, l'assistante de Patrick F….
Il conteste la thèse de Nicolas F… sur les « events ».
Il affirme que les CA suisses ne venaient pas aux events pour « piquer des clients français ».
A Lyon, il n'a jamais favorisé les contacts avec les CA suisses.
Jean-Louis M…
L'ancien président du directoire d'UBS France à la tête de la banque privée, Jean-Louis M…, distingue l'activité internationale légale, comme la délocalisation de contribuables français en Suisse ou en Belgique, de l'activité illégale, comme les activités de prospection des CA suisses en France.
Il déclare qu'il avait interdit aux démarcheurs suisses de mettre les pieds boulevard Haussmann. Toutefois, il a été beaucoup plus difficile de tenir cette résolution lorsqu'il est passé sous le contrôle de Dieter K….
Tous les trimestres, il croisait des CA suisses (« les bonhommes verts »).
Il relate que Dieter K… venait en France rencontrer des clients sans le prévenir.
Il ajoute que des clients lui ont dit qu'ils avaient rencontré des CA suisses.
Certains CA suisses venaient souvent sur des « events » golf. Il estime que si on leur payait des voyages et des hôtels de luxe, ce n'était pas pour rien.
Selon lui, certains organigrammes étaient révélateurs. Il y avait ainsi au moins 10 à 15 salariés qui travaillaient au Desk France International et ces derniers ne passaient pas toutes leurs journées à Genève. Ces pratiques sont devenues illégales quand la loi sur le démarchage a été votée en 2002 ou 2003.
Il explique que les « carnets du lait » et « le shadow accounting » représentaient la même réalité. Il s'agissait de faire rentrer dans les comptabilisations des nouveaux actifs de l'année ceux qui n'étaient pas comptabilisés dans les actifs français.
S'agissant des « events », il précise qu'en principe les CA suisses ne s'y rendaient pas, mais qu'il en a néanmoins croisé certains à plusieurs reprises. Il cite Dieter K…, Philippe I…, Nick P…. Il évoque également le nom de Juan M… comme très entreprenant dans la région bordelaise.
Caroline D…
Caroline D… a été gestionnaire de patrimoine et responsable de clientèle chez UBS
France à partir de 2001, d'abord au service transversal SEG puis au Key Clients France
International jusqu'en 2005 et enfin au HNW Paris jusqu'en 2008.
Son supérieur N+l, Philippe I…, apparaît dans l'organigramme d'UBS France daté octobre 2003) alors qu'il est salarié d'UBS AG.
Elle rend compte de son activité à UBS France, Stéphane Astic, directeur du HNW Paris mais également en Suisse à Philippe I… dans le cadre d'un double reporting.
Elle n'est pas en mesure d'expliquer pourquoi aucun ATA concernant son activité n'a été retrouvé dans les archives d'UBS France alors que 90 % de ses clients sont à l'étranger.
Elle conteste le rapport d'audit de 2004 sur le SEG selon lequel elle aurait refusé de répondre aux questions. Elle assure qu'elle n'avait pas de portefeuille personnel de clients mais qu'elle démarchait des prospects français pour le compte des Suisses.
Elle confirme la présence de CA suisses dépendant du desk international aux « events » auxquels elle a participé et qui étaient organisés sous l'égide d'UBS Western Europe dirigé par Dicter K… (par exemple le Verbier Festival, l'Evian Master de Golf, la course Alinghi).
Elle précise que les CA suisses distribuaient des cartes de visite.
Elle affirme qu'elle n'a jamais vu de « carnets du lait » tout en étant parfaitement en mesure de décrire leur rôle et leur fonction.
L'agence régionale de Strasbourg
Le journal des opérations de collecte commerciale a révélé que le 18 octobre 2005, Laurent Lorentz, chef de l'agence de Strasbourg et successeur à ce poste de Serge H…, a effectué un transfert du compte non déclaré de M. et Mme A…, boucher charcutier à Wissembourg, du Crédit Suisse vers UBS Suisse. Le compte a été ouvert en 1979. A ce titre, il a bénéficié d'une reconnaissance d'affaires de 500 000 € avec sa collègue suisse, Yvette R…, CA en fonction à Bâle.
Un courrier anonyme transmis par I'ACP au Parquet le 16 avril 2012 fait également référence au compte de Mme A…. L'auteur du courrier préconise un rapprochement ligne à ligne des comptes entre entités UBS de province, la maison mère et les comptes de clients comme le seul moyen et la preuve absolue pour mettre en évidence les mouvements transfrontaliers d'évasion fiscale qui ne pourraient jamais être justifiés par le commercial. Un calcul moyen permet, selon le rédacteur de cette lettre, de réaliser que la banque UBS France participait à hauteur de 5 à 7% par an de sa collecte nette à l'évasion fiscale vers la Suisse.
Bernard D…
Bernard D… explique avoir ouvert directement un compte UBS en Suisse en 2007 mais au nom de son fils. Au début de l'année 2006, il a rapatrié une partie importante de son patrimoine chez UBS Strasbourg parce qu'il connaissait bien Laurent Lorentz. Il a eu l'occasion de participer à une compétition de golf pour amateurs organisée par UBS à La Wantzenau (67).
Laurent Lorentz participait au tournoi avec ses clients, ses collaborateurs assuraient la logistique.
Lors d'une seconde audition, revenant sur ses précédentes déclarations il admet avoir ouvert un compte non déclaré à Zurich chez UBS AG en 2005 mais, de sa propre initiative.
Il assure que Laurent Lorentz n'est pas intervenu dans les opérations d'ouverture de comptes en Suisse sur lesquels étaient déposés des avoirs (140 à 150 000 €) non déclarés à l'administration fiscale française. Il a fait des retraits d'espèces à deux ou trois reprises.
Les enquêteurs ont procédé à une perquisition au domicile des époux A…, 4 rue de la République à Wissembourg (67) et ont saisi divers documents et correspondances émanant de la banque UBS et de Laurent Lorentz.
Andrée Moisy Nosal
Andrée Moisy-Nosal explique avoir rejoint UBS Strasbourg à la création de l'agence en 2002 en qualité de chargée d'affaires (CA) au sein d'une petite équipe de six personnes.
Elle affirme avoir toujours respecté la réglementation bancaire française et n'avoir jamais favorisé l'évasion fiscale. Elle a eu connaissance de l'existence des « carnets du lait » pour en avoir discuté avec son manager, Serge H…, mais connaît mal leur fonctionnement.
Elle les définit comme une reconnaissance d'activité entre la France et la Suisse sur une relation d'affaires. Il ne s'agit pas, selon elle, d'une pratique occulte.
Les CA suisses n'ont pas, à sa connaissance, accès aux données relatives aux clients.
Lorsque Serge H… lui demandait si elle avait des opérations à intégrer dans les « Carnets du lait », il faisait référence à des opérations qui pouvaient être non conformes à la réglementation bancaire française.
Elle admet avoir participé à des « events » où se trouvaient également des CA suisses, qui, manifestement, compte tenu de leur agressivité commerciale, étaient là pour faire du démarchage. Ils étaient en concurrence avec les CA français et leur prenaient des clients.
Selon elle, ce phénomène a duré entre 2002 et 2007.
Elle explique avoir participé le 7 novembre 2006 à un séminaire portant sur les synergies entre desks français et suisse au cours duquel ont été évoqués par Joël Perié les dangers liés au démarchage illicite pour les collaborateurs de la banque.
L'objectif était de développer une clientèle commune avec les CA suisses venant démarcher sur le territoire national.
Serge H…
Entendu une nouvelle fois et placé en garde à vue, Serge H… explique qu'il a traité pour Laurent Lorentz des dossiers qui étaient dans le « carnet du lait », à savoir, le dossier du boucher de Wissembourg, A… et Mme Christ, cliente de Frédéric Lépine.
Il 'agissait dans ces deux cas de transferts de fonds non déclarés du Crédit Suisse en Suisse vers un compte UBS en Suisse qu'ils souhaitaient ouvrir.
Il admet qu'il acceptait de jouer le jeu pour que ses collaborateurs bénéficient des commissions pour leur recommandations. Néanmoins, il ne voulait rien écrire et n'a jamais tenu de « carnet du lait ».
Il faisait remonter les informations pas téléphone à Mme P…, assistante de Patrick F….
Il n'adhérait pas à cette pratique mais le faisait à cause de la pression de ses chargés d'affaires et de la récompense que ses collaborateurs pouvaient retirer au moment du calcul des bonus.
Il donne un exemple concret pour le client, M. A…. Ce client avait déjà un compte au
Crédit Suisse avec de l'argent non déclaré. Son CA en France était Laurent Lorentz. M. A… a fait savoir à Laurent Lorentz qu'il n'était pas satisfait de la prestation du Crédit Suisse.
Laurent Lorentz a contacté un CA Suisse qui a contacté à son tour M. A… pour lui faire ouvrir un compte bancaire chez UBS en Suisse. Le transfert d'argent a été fait du Crédit Suisse vers UBS AG.
Pour cette recommandation, Laurent Lorentz s'est vu reconnaître un NNM rapporté le moment venu à Mme Pantegnie, assistante de M. F….
De son côté le CA suisse qui a récupéré ce client, a rapporté l'opération à son Desk en Suisse.
Par la suite, la reconnaissance d'affaires a fait l'objet d'une compensation négociée entre Philippe I…, patron des CA suisses et Patrick F…, le patron des CA français.
Pour Madame Christ, les opérations ont suivi le même schéma.
Dans ces cas, l'argent était déjà à l'étranger et déjà non déclaré. C'était du off-shore.
Déclarer du off-shore était complexe à cause des déclarations d'impôts qui sont complexes et pour lesquelles la banque UBS Suisse n'était pas équipée. UBS n'était pas capable de faire du traitement fiscal et de délivrer les IFU (imprimé fiscal unique).
Il ajoute que le bureau qui faisait les plus grosses opérations était celui de Lyon dirigé par Etienne T…. Ce dernier avait pour client un certain Manoukian le « roi de la chaussure », installé à Roman. Plusieurs dizaines de millions d'euros ont été reconnus à Etienne T….
Il confirme que les « carnets du lait » constituaient bien une comptabilité occulte des reconnaissances d'affaires entre CA français et CA suisses concernant les opérations transfrontalières.
Selon lui, il s'agissait essentiellement de regrouper en Suisse des fonds off-shore déjà placés à l'étranger plutôt que de transférer des avoirs de la France vers la Suisse.
Il affirme que c'était une organisation institutionnalisée à laquelle il était impossible de ne pas participer.
II s'est cependant fixé ses propres limites en veillant à ce que les CA de son équipe ne participent pas à des transferts de fonds de la France vers la Suisse.
L'ouverture du compte suisse de « simple money » était effectuée par le CA suisse mais l'opération bénéficiait également au CA français sous la forme d'une reconnaissance d'affaires inscrite sur les « carnets du lait ». Quand l'opération était totalement légale, elle était enregistrée dans les ATA.
Les CA français étaient incités à partager les affaires avec les CA suisses. Ce thème faisait l'objet de séminaires organisés par UBS en Suisse. Les commerciaux suisses et français étaient invités à se coordonner pour éviter que deux CA ne s'occupent d'un même client.
Les années 2005 et 2006 ont correspondu à l'apogée de la banque.
Olivier B…, responsable de la HNW Suisse pour les clients français, venait tous les deux mois à la réunion des Desk Head à Paris.
S'agissant des « events », sur présentation de photographies relatives à l'UBS Golf Trophy de 2007, il identifie un CA suisse, Gabriel D… d'UBS Bâle.
Il précise que les « events » servaient à faciliter les affaires avec les gens rencontrés à cette occasion
Il décrit Patrick F… comme un « gentil garçon » qui a été instrumentalisé par les suisses. C'est lui qui, chaque année, assisté de Mme Lorin-Guerin, présidait à Paris le comité bonus.
Le Net New Money inscrit dans les « carnets du lait » était affecté à chaque commercial en fonction de sa contribution et après l'opération de compensation à laquelle Patrick F… procédait avec son homologue suisse, Philippe I….
Laurent Lorentz
Laurent Lorentz affirme que les « carnets du lait » était l'ancien nom des ATA et qu'il n'a jamais eu l'occasion de les transmettre à Patrick F…. Il refuse d'évoquer l'opération relative à son client M. A….
Interrogé sur l’« event » Alinghi, organisé à Valence, en Espagne, en 2007, auquel ont été invités des experts comptables alsaciens pressentis pour être des apporteurs d'affaires ou prescripteurs et auquel participaient des CA suisses, notamment Nicolas Oberson, il prétend ne pas être en mesure d'affirmer que les CA suisses venaient démarcher les clients français.
Il conteste leur avoir apporté son aide pour démarcher les clients français.
Il réfute avoir eu des relations d'affaires avec les CA suisses Nicolas Oberson, Olivier B…, Gabriela Juil, Christophe Peiry.
Il confirme néanmoins la présence de CA suisses, notamment Gabriel D…, à l' « event » UBS Golf Trophy le ler juin 2007 à Ilkirch. Ils étaient là « pour faire du business pas pour jouer au golf»
Lors de son interrogatoire de première comparution, il précise qu'il a été embauché comme CA par Serge H… en 2002. Il a conservé cette fonction jusqu'au 1er avril 2009, date à laquelle il a été nommé directeur d'agence « Desk Head » ou « branch manager ».
Auparavant, il a été l'adjoint de Serge H… en 2005 ou 2006. Ce dernier a quitté UBS en juillet ou août 2008.
De 2002 à 2006, il a collecté 200 millions d'euros sous gestion.
Revenant sur ses précédentes versions, il admet qu'il a, comme l'ont déclaré Nicolas F… et Serge H…, activement conseillé son client, M. A…, boucher charcutier à Wissembourg, puis procédé au transfert du compte non déclaré de ce dernier, du Crédit Suisse vers UBS AG.
Il reconnaît qu'il a bénéficié, grâce à cette opération, d'une reconnaissance de flux en novembre 2005 portant sur une somme de 500 000 € de la part d'Yvette R…, CA à Bâle.
Il estime qu'il n'y avait rien d'illégal puisque l'argent était déjà en Suisse depuis longtemps.
II n'a pas incité ses clients à faire de l'évasion fiscale. Il connaissait les époux A… depuis 1979.
Il confirme que leur argent était du « simple money », c'est-à-dire des avoirs non déclarés mais affirme leur avoir conseillé de régulariser la situation.
Il a touché une reconnaissance de flux de 1,6 millions de francs suisses, fin 2004 ou début 2005, sur le transfert vers UBS Suisse du compte de Bernard D…, directeur général de GEBO, société appartenant à Pierre Schoen. Il n'est pas en mesure de dire si le compte était déclaré ou pas.
Il conclut en indiquant : « J'ai vu des CA suisses en France et c'est sûr qu’ils n’étaient pas forcément là pour faire de la couture et ils pouvaient être agressifs en termes de business mais aucun de mes clients n 'est jamais venu me voir en me disant qu'ils avaient été démarchés mais après, est-ce qu'ils reviendraient pour le dire ».
L'agence régionale de Lille
Hervé D…
Hervé D…, directeur de l'agence UBS de Lille, explique la distinction entre ATA et « Carnets du lait » :
- Les ATA sont des documents de reconnaissance de flux d'affaires entre des entités analytiques du groupe UBS.
- Le « carnets du lait » est un système de reconnaissance d'affaires transfrontalières manuel sur support excel. Ce système est apparu en 2005 en remplacement des A TA électroniques transfrontaliers. Il a appris leur existence quand il est devenu directeur régional.
Il observe qu'une seule et même personne, à savoir, Philippe I…, dirigeait ou supervisait le desk France WMI de Genève et UBS France, situation susceptible, selon lui, de poser un problème de conflit d'intérêts.
Le desk France gérait les actifs des ressortissants français déclarés ou pas. Il s'agissait en réalité essentiellement d'actifs non déclarés.
Il pense que la synergie commerciale n'est pas légale à partir du moment où elle concerne des actifs offshores, c'est- à- dire non déclarés.
Le 24 novembre 2006, il a bien reçu un courriel de la secrétaire de Patrick F…, Béatrice P…, lui demandant de préparer les « carnets du lait ».
Il précise que les opérations on shore correspondent aux sommes déclarées au fisc tandis que les montants off-shore correspondent aux sommes non déclarées. Dans certains « carnets du lait », il existait des opérations des deux types.
En sa qualité de directeur d'agence, il a mené des opérations inscrites sur les « carnets du lait », en particulier avec la Belgique. Il a mis en contact de nombreux clients avec des CA d'UBS Belgique.
Il met en cause François A… qu'il décrit comme un CA moins contrôlable que les autres.
Il conteste les déclarations de ce dernier selon lesquelles Géry Trenteseaux, dirigeant de la société GTI de Roubaix, aurait bénéficié d'opérations transfrontalières illicites.
Il affirme que les « events » n'étaient pas un axe majeur du développement de l'agence de Lille mais plutôt une vitrine.
Il admet qu'il était tout à fait possible que les CA suisses aient utilisé les « events » pour démarcher de manière illégale des clients ou des prospects en France mais les membres de son équipe ne les ont pas aidés. Il évoque néanmoins une forte pression des CA suisses qui « débarquaient tous les deux mois ».
Selon lui, d'une manière générale, il s'agissait clairement d'une stratégie marketing de la banque UBS AG. Il estime que la direction d'UBS France avait une attitude très ambigüe par rapport à la pression commerciale d'UBS AG.
Hervé D… conteste toute participation à des faits de démarchage illicite indiquant qu'il s'est borné à aider des clients à se délocaliser en Belgique.
Il confirme avoir été présent au moment de l'altercation entre Patrick F… et Omar B… concernant les "carnets du lait". L'incident avait eu lieu lors d'un cocktail après une réunion.
L'objet du conflit portait sur le fait que les reconnaissances d'affaires transfrontalières n'étaient plus faites à 100% mais à 50%. Il ne se sentait pas concerné par les mécanismes des « carnets du lait » qui portaient sur le mélange de flux licites et illicites.
Il n'est pas en mesure d'expliquer pourquoi l'agence de Lille a été supprimée en 2009.
La part de ses bonus, rémunération variable, a considérablement augmenté lorsqu'il est devenu chef d'agence en 2005, passant de 12 000 euros à 125 100 euros en 2008. Il a quitté l'agence de Lille en 2008 pour rejoindre le service Key Client à Paris.
Avec l'autorisation de sa hiérarchie, plus précisément de Patrick F…, il a accepté d'organiser des « events » à destination de la clientèle lilloise. Ces « events » étaient financés par UBS Suisse qui disposait d'un budget marketing et donc payait toutes les dépenses.
Il évoque un « event » dit « chasse de La Planquette », organisé les 2 décembre 2004 et
29 décembre 2005. Le propriétaire de cette chasse commerciale, Raymond Wybaux était un prospect.
Un CA suisse, Joanny D…, était présent.
Hervé D… a cosigné avec ce dernier les invitations. Les cartons d'invitation ont été fournis par La Ferme de la Planquette qui a adressé ses factures à UBS AG (7 648 € en 2004 et 6 500 € en 2005).
L'inauguration du bureau de Lille en juin 2004 a donné lieu à un « event » à l'Opéra de Lille entièrement financé par la Suisse qui avait son propre contingent d'invités. Les invités du bureau de Lille étaient presque minoritaires.
Il assure que contrairement au bureau de Lyon, le modèle de développement de l'agence de Lille n'était pas fondé sur les « events ».
Il admet néanmoins qu'il a invité quelques clients à l' « event » Alinghi (bateau sponsorisé par UBS pour l'America's Cup), à l'Art Basel (Bâle), au Verber Festival Orchestra, au Tournoi de Roland Garros, à l'Evian Master (UBS Golf Trophy).
Il indique que des CA suisses étaient systématiquement présents lors de ces « events » et qu'il arrivait que ceux-ci prennent des rendez-vous avec ses clients.
Lors de son interrogatoire de première comparution, il explique qu'il est associé et gérant (à 25%) de de la société de gestion de patrimoine Affectio Finance qu'il décrit comme une « family office » bénéficiant de l'agrément de CIF et de courtier en assurance. Cette société n'a pas signé de convention générale avec UBS France et ne pratique pas le démarchage pour le compte de la banque.
S'agissant de son activité au sein de la banque UBSF, il conteste avoir noué des relations d'affaires avec les CA suisses sinon de manière très anecdotique et jamais pro-active, à la demande de clients qui demandaient à avoir un contact en Suisse ou au Luxembourg, et toujours pour des fonds déclarés à l'administration fiscale française.
Il assure avoir toujours décliné les sollicitations pressantes des CA suisses.
Il réfute catégoriquement les mises en cause de Nicolas F… et François A….
Il qualifie les anciens collaborateurs d'UBS France ayant témoigné contre leur ancien employeur (Serge H…, Nicolas F…, Stéphanie Gibaud, Olivier F…, Thomas L…) de « coalition des maîtres chanteurs » tout en reconnaissant que Nicolas F… disait des choses vraies mais que ses motivations étaient « nauséabondes ».
Son rapport d'audit de l'agence de Lille, fin 2007, ne mentionne pas de problématique d'évasion fiscale.
Il ajoute que si Patrick F… a mis beaucoup de temps à le nommer à la tête du bureau de Lille c'était parce qu'il pratiquait avec ses subordonnés N-1 une politique dite de « Déstabilisation positive des managers » en s'appuyant sur la rivalité des cadres (D…-
A… à Lille, B…-S… à Cannes, H…-Lorentz à Strasbourg, B…-M… à Bordeaux.,).
Il décrit certains de ses anciens collègues CA de « mercenaires » animés par une certaine cupidité leur faisant oublier l'éthique professionnelle (i.e: François A… et Etienne T…).
Il précise que certains d'entre eux avaient des « liaisons dangereuses » avec les CA suisses et qu'ils prenaient des libertés avec la législation bancaire en faisant des opérations off-shore avec la Suisse sans avoir l'aval de leur hiérarchie.
Il explique ainsi que François A… l'a mis devant le fait accompli dans le dossier de l'horloger-bijoutier Boyannick de Montreuil-sur-Mer qui détenait un compte non déclaré chez UBS Suisse de 2 millions d'euros. Le CA suisse en charge du dossier était
Dominique Zinner.
Sur les « carnets du lait », il distingue plusieurs phases dans l'histoire d'UBS France :
-1999-2004, sous la présidence de Jean-Louis M… qu'il qualifie de « prince paresseux », trois personnes avaient un rôle de direction : Eric Dupuy, chef du « legal » et du « compliance », Gary Hermann, chef de l'un des desks des Key Clients et Wladimir de Kechilava. Ces derniers ont été impliqués dans une affaire de blanchiment et licenciés pour faute lourde.
Jean-Louis M… a laissé s'instaurer un dialogue direct entre Eric Théron, directeur commercial et prédécesseur de Patrick F… et Gary Hermann et Dieter K…, responsable du secteur Europe occidentale. Il y avait déjà des reconnaissances d'affaires off-shore avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg. Elles étaient ponctuelles et de haut niveau.
A la fin des années 90, UBS AG a, dans le cadre de la « Western Europe Initiative », décidé de s'implanter localement en demandant des licences bancaires pour ses filiales.
Il s'agissait d'anticiper d'éventuelles amnisties fiscales dans les Etats concernés et une convergence de fiscalité. Les amnisties n'ont jamais eu lieu sauf en Italie.
Pour rentabiliser l'opération il a été décidé de saturer le marché vers le bas et de descendre en gamme : il s'agissait du « Core Affluent Initiative ». Il y a eu un ratissage industriel des petits patrimoines. Le nombre des reconnaissances d'affaire a augmenté et il a été décidé de recourir à un suivi sous forme excel. UBS AG exerçait une intense pression sur les équipes françaises en imposant à ses CA de « devenir ami avec les CA français ». C'est ce qui expliquait les visites intempestives des CA suisses dans les locaux de la banque française, notamment en région. Hervé D… a recruté des CA « estampillé CorA » pour respecter le plan « Core Affluent Initiative ».
-En 2005, UBS Suisse a nommé Pierre P…, ressortissant suisse, ancien d'UBS Monaco, en remplacement de Jean-Louis M… à qui il était reproché un certain manque de coopération avec la maison mère. Pierre P… a été nommé pour maximiser les synergies avec la Suisse. Il était la « marionnette de UBS AG ».
Lors de la réunion du 4 novembre 2005, il a décidé de ne plus recourir aux ATA pour les « opérations cross border » avec la Suisse, qu'elles soient on shore ou off-shore.
L'application informatique ne fonctionnait plus.
En 2005, lors de la première réunion à laquelle il a assisté comme chef d'agence, il a naïvement évoqué le « carnets du lait » dans le compte rendu qu'il avait rédigé. Jean-Miche B… lui a alors conseillé de supprimer cette mention.
Le 7 novembre 2006, lors d'un séminaire intitulé « CorA Fronce Domestic : Synergies with CoreA Intl » a été annoncé la création de la plateforme téléphonique Coraline pour filtrer les appels des clients vers leurs CA. Il s'agissait de libérer du temps pour que les
CA puissent « chasser » au lieu de répondre aux clients ayant déposé de l'argent en
Suisse ou ayant de l'argent déposé en France. Ce service s'est transformé en UBS Access
Ligne (UAL). Des call advisors épaulaient désormais les CA non seulement pour exécuter des ordres simples mais aussi pour « détecter du potentiel », c'est- à-dire connaître la situation patrimoniale du client pour augmenter la part de marché (share of wallet) de la banque.
-En septembre 2007, Pierre P… a été remplacé par Gabriel Castello, ancien chef du projet « CoA Initiative » pour tous les pays de l'Europe de l'Ouest.
-En juin 2008, Gabriel Castello a été remplacé par Thierry de Chambure qui était « tout sauf banquier ». Il a été à la tête de la Corporate Advisory Group (CAG). Il était donc compétent en matière de fusion-acquisition. Il a été « le bras armé des suisses dans le nettoyage d'UBS France avec effacement des disques durs ».
Les CA suisses qui ont vu décroître leur part de NNM, ont obtenu que soit reconnu 50% des affaires. Le système de Patrick F… a eu pour conséquence de créer un bonus préférentiel pour les CA faisant beaucoup d'opérations cross border.
S'agissant de bureau de Lille, de 2005 à 2008, la collecte de NNM, y compris avec ATA, a représenté entre 250 et 300 millions d'euros. Le taux de reconnaissance d'affaires était de 30 à 40 % pour 10 à 20 reconnaissances d'affaires par an au bénéfice de la Belgique et du Luxembourg.
Ainsi, l'agence de Lille ne faisait presque pas de « carnets du lait ». La collecte pour
UBS Belgium augmentait le produit net bancaire d'UBS mais pas celui d'UBS France.
C'est la raison pour laquelle l'agence de Lille a été fermée.
Il explique que Joanny D… était CA au French Desk de la branche Wealth Management
International chez UBS AG.
Hervé D… ne peut expliquer pour quelle raison ce CA Suisse connaissait de nombreux clients ou prospects français de la région lilloise invités aux « events » (Bernard M…, Vincent Dufour, Dominique de la Rochefoucauld, Marie-Christine Amiot, Guy Aldecoa, Claude Santin).
Le French Desk de UBS AG était chargé des fonds déclarés ou non déclarés des ressortissants français. L'essentiel de ces fonds étaient non déclarés. Il était plutôt organisé selon le segment de clientèle (Keys clients et HN W).
Patrick F…
Patrick F… a été recruté chez UBS France en 2003. Il est devenu responsable de l'activité commerciale pour la France (responsable du front office) en janvier 2004. Il a été nommé membre du directoire puis directeur général.
Il déclare que les reconnaissances d'affaires pour les opérations transfrontalières ne ne pouvaient pas donner lieu à une fraude fiscale.
Selon lui, UBS France ne dissimulait pas l'existence des « carnets du lait ».
Il les décrit comme des brouillons de reconnaissances ou apports d'affaires entre CA pour des opérations on shore ou offshore entre la France et la Suisse et dans une moindre mesure avec la Belgique. Ce document d'identification et de contrôle des opérations cross-border a été institué en 2005 ou 2006 à la demande de la Suisse, peut-être de Dieter K….
Le nom a été inventé à cette époque par lui et par Julien Vaudan, son sales manager.
Il conteste le fait que les « carnets du lait » aient pu constituer une comptabilité parallèle et plus particulièrement la version présentée par Omar B… qui fait une différence entre
ATA et "carnets du lait". Il admet que les explications de la banque, sur ce sujet, ont beaucoup varié, notamment devant l'ACP.
Il soutient qu'il ne pouvait pas savoir que Laurent Lorentz avait transféré des avoirs, de compte à compte, en Suisse, pour les époux D… et A….
Il précise que les « carnets du lait » étaient détruits au fur et à mesure de la mise en forme des ATA, raison pour laquelle il a été quasi impossible d'en retrouver des exemplaires.
Une fois le « carnet du lait » rempli, il vérifiait les chiffres avec ses homologues suisses,
Olivier B… ou Philippe I…, ses correspondants chez UBS AG.
Philippe I… a été le responsable du département France International chez UBS AG et a été remplacé ensuite par Olivier B….
Il ajoute que ce service gérait des comptes UBS de français ouverts en Suisse, déclarés ou non déclarés.
Il admet qu'il existait une collaboration commerciale entre UBS AG et UBS France à l'occasion des « events ».
Des liens amicaux et des échanges d'informations existaient entre CA suisse et CA français.
Le siège de Zurich donnait des instructions pour développer une synergie entre CA suisse et français. Les instructions valaient ordres. UBS France n'était pas véritablement autonome par rapport à UBS AG.
Lors des « salons clientèle », une procédure existait pour que la réglementation relative au démarchage soit respectée.
S'agissant des salariés d'UBS France licenciés alors qu'ils avaient dénoncé un certain nombre d'agissements contraires à la réglementation bancaire, il déclare qu'il y a eu, de leur part, une volonté de soutirer de l'argent à la banque.
Il confirme la présence des CA suisses aux « events » organisés en France, ce qui leur permettait de nouer des relations commerciales ou de consolider les réunions préexistantes.
Il existait donc bien du démarchage illicite en France. Les « events » étaient parfois cofinancés par UBS France et UBS AG.
Lors de son interrogatoire de première comparution, Patrick F… conteste les faits qui lui sont reprochés indiquant qu'il a exercé ses fonctions chez UBS en toute honnêteté, c'est-à-dire en respectant la réglementation bancaire et fiscale.
Il indique que tous les « events » étaient organisés par UBS Suisse et sur instructions d'UBS Suisse.
Selon lui, les équipes de Dieter K…, qu'il décrit comme ayant la double casquette UBS
France et UBS AG, causaient un important préjudice à UBS France en termes d'image et en terme de développement, mais personne ne pouvait les en empêcher.
Il confirme que Dieter K…, N +1 de Philippe I… puis d'Olivier B…, en sa qualité de patron de Wealth Management Western Europe (France, l'Espagne, Monaco), était aussi pendant toute cette période président du conseil de surveillance d'UBS France.
Il décrit MM. I… et B… comme ses homologues suisses. Comme lui, ils rendaient compte à Dieter K… au titre de ses deux fonctions (président du conseil de surveillance d'UBSF et patron du Wealth Management Western Europe dont dépendait France
International).
Il confirme qu'un nombre important d'opérations notées sur les « carnets du lait » et validées par la Suisse étaient fusionnées ou « nettées » dans un ou plusieurs ATA entre head of front.
Il maintient que les « carnets du lait » n'étaient pas destinés à mettre en place un système frauduleux
Il affirme que Dieter K… était bien le concepteur des « carnets du lait » et qu'il leur avait demandé de rationaliser le contrôle des opérations transfrontalières. Ils ont donc mis en place un système de consolidation par tableaux excel.
Il explique que beaucoup de français voulaient se « délocaliser » ce qui ne voulait pas dire placer leur argent en Suisse. Il lui arrivait de donner les coordonnées de ses collègues suisses.
S'agissant des « events », il cite le tournoi de tennis de Roland-Garros comme un bon exemple de co-financement mais chaque société payait ses journées. En revanche, la chasse de la Planquette, évoquée par Hervé D…, a été un « event » entièrement financé par UBS Suisse.
Il précise qu'une procédure a été mise en place en 2008 afin de s'assurer que les gens qui réservaient les salons du siège dUBS France à Paris étaient bien ceux qui recevaient des clients parce qu'il a pu arriver que les salles de réunion soient utilisées par des tiers qui n'étaient pas à l'origine de la réservation pour recevoir des clients ou des prospects.
La société UBS France
Le président du directoire et président du conseil d'administration d'UBS Holding
France, Jean-Frédéric L… et Hervé M…, Chief Operating Officer de l'ensemble des entités UBS en France, ont été entendus.
Les représentant de la banque expliquent qu'UBS France et UBS securities sont des filiales à 100% de la société de droit français, UBS Holding, elle-même filiale à 100 % d'une société de droit néerlandais (BV), qui est une filiale à 100% de la société de droit suisse UBS AG.
Ils réfutent la thèse selon laquelle UBS France aurait toujours été déficitaire.
UBS AG a créé UBS France en 1999 sans achat de fonds de commerce. UBS France a donc recruté des banquiers et trouvé des locaux avant même d'avoir une clientèle, ce qui explique les résultats négatifs des premières années d'exploitation.
En 2006-2007, UBS France a atteint son point d'équilibre avec un montant d'actifs sous gestion supérieur à 10 milliards en 2007 (i.e: cumul de la collecte depuis la création).
En août 2007, la crise des subprimes et la baisse des marchés financiers ont commencé.
Le plan social qui a été décidé à la fin de l'année 2008 pour « réduire la voilure » a eu un impact sur les comptes de 2009. L'exercice 2011 a été légèrement positif.
En 2012, la crise de la zone Euro est la cause d'un déficit de 6 millions d'euros.
UBS AG subventionnait sa filiale via la holding française par des prêts suivis d'abandon de créances.
Sur la complicité de démarchage illégal en France d 'UBS Suisse
Ils contestent toute complicité d'UBS France avec les faits reprochés à UBS AG. La banque française n'a pas vocation à contrôler ce que fait la maison mère sur le territoire français. UBS France respectait la loi française et était dotée de services de contrôle interne, de conformité et d'audit. L'organisation conjointe d’« events » ne caractérise pas, par elle-même, le démarchage. Les « events » servaient à maintenir la relation avec le client.
Ils affirment qu’ils n’y avaient aucune raison de penser que les CA suisses ne respectaient pas les instructions écrites diffusées par le groupe.
Il existait seulement, et de manière tout à fait logique, un marketing commun entre pays européens.
S'agissant de l'organisation de synergies sur le segment Core Affluent, visant à optimiser la gestion du segment de clientèle le plus bas, elle a été, selon eux, très vite abandonnée, ce segment ne constituant plus un axe stratégique pour la banque.
S'agissant des « carnets du lait », ils contestent toute idée de comptabilité occulte au sein d'UBS France. Ils expliquent qu'il s'agissait uniquement d'un outil utilisé pour préparer l'évaluation de la performance de chaque banquier. Les CA étaient en effet évalués selon un processus complexe appelé PMM avec pour critère principal le Net
New Money (NNM). Les reconnaissances d'affaires servaient à évaluer les bonus.
Jusqu'en 2009, ces ATA n'étaient pas documentés.
L'établissement des bonus n'a jamais pris en compte d'autres affaires que celles enregistrées dans les ATA.
Ils confirment que UBS France avait connaissance de la présence de CA suisses en
France, lors des « events » et que, dans certains cas, UBS France et UBS Suisse les organisaient conjointement. Ils affirment que cette situation n'a duré que jusqu'en 2008.
Ils admettent que la présence de CA suisses était perçue en interne comme une concurrence et donc un sujet de mécontentement et de conflit.
Sur la notion de démarchage
Les représentants d'UBS France maintiennent que le fait de déjeuner avec un prospect ne constitue pas une opération de démarchage. Ils reconnaissent en même temps que le fait de déjeuner avec un client servait notamment à obtenir de sa part la souscription de nouveaux placements.
Ils expliquent que les notions de prospect et de client doivent être clairement distinguées.
Ils insistent sur le fait qu'ils n'avaient pas le pouvoir de contrôler l'activité des CA suisses en France.
Ils affirment que la banque UBS France a toujours évité de donner la liste de ses clients à UBS AG et vice-versa ce, afin d'éviter de contrevenir aux règles relatives au secret bancaire en vigueur dans les deux pays.
Ils considèrent qu'un chargé d'affaires suisse pouvait rencontrer un client français en
France (sauf lors des events) hors agence, mais dans le respect des lois sur le démarchage et qu'il n’avait pas la charge du respect de cette réglementation.
Des nouvelles règles ont été mises en place par une procédure éditée le 1er février 2009.
Sur les instructions du groupe concernant les activités transfrontalières
Selon les représentants d'UBS France, il n'y avait pas, dans les instructions générales données par le groupe, de volonté de cacher un démarchage illicite de chargés d'affaires suisses.
Sur les synergies entre équipes françaises et équipes suisses.
Le 7 novembre 2006, Joël Perié, responsable en Suisse du marketing des « events » pour la France a organisé un séminaire sur les bonnes pratiques « Dom/Inti » de collaboration entre « desk ».
Il est déploré que les « succès dépendent des individus seuls et non de la structure », que la « chasse (ou organisation d'events,) [soit] réalisée par des CA sans concertation avec le desk du territoire concerné ». Il est recommandé des réunions en commun, un compte rendu au CA apporteur après une visite du prospect, de créer des binômes entre desks pour garantir un suivi et un échange permanent.
Les représentants d'UBS France se bornent à rappeler que la loi n'interdit pas ce travail en commun.
Sur l'analyse des flux transfrontaliers
Les représentants d'UBS France soutiennent que l'argent collecté à l'étranger par UBS grâce à la France ne correspond pas à l'objet de la fraude fiscale et donc au produit de son blanchiment.
La plupart des ATA correspondent soit à des transferts par swifts, soit à des referrals c'est-à-dire des recommandations de prospects en vue de leur délocalisation, et qui pouvaient en théorie également correspondre à des recommandations de clients d'UBS
France pour des sommes qui n'étaient pas détenues chez UBS France.
Sur la complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale
S'agissant de l'obligation pour les banques de déclarer à l'administration fiscale les virements d'un montant supérieur à un certain seuil, il résulte d'une note en date du 23 mai 2013 que cette déclaration n'est pas nominative mais uniquement par agrégats pour les statistiques. En outre, elle ne s'applique plus depuis 2011 aux flux entre la France et la zone SEPA, qui inclut la Suisse.
Ils font valoir qu'UBS AG pratique depuis 2012 la vérification de la conformité fiscale de ses clients étrangers non-résidents, notamment en leur délivrant un imprimé fiscal unique (IFU).
S'agissant d'UBS France, les clients transférant de l'argent en Suisse le faisaient de façon transparente par swift ou ordre de transfert.
UBS n'a jamais organisé de passage de valises de billets.
UBS Suisse était soumise aux règles anti-blanchiment de l'OCDE et ne pouvait ouvrir un compte avec un gros apport en cash.
Ils précisent que la plupart des reconnaissances d'affaires l'ont été à hauteur de 100 % et non à 50 %. Il n'y a jamais eu de volonté de faciliter « la vie des gens désirant frauder le fisc français ». Il qualifient d'absurde la thèse développée par le journaliste Antoine Peillon dans sonouvrage: « Ces 600 milliards qui manquent à la France » (Seuil mars 2012).
Ils contestent les déclarations de Serge H…, de Stéphanie Gibaud, d'Olivier F… et de
Hervé D… et font valoir que les Français qui plaçaient de l'argent en Suisse le faisaient parce qu'ils souhaitaient avoir accès à des produits financiers n'existant pas en France.
Sur le soutien d 'UBS France par UBS AG
L'ACP a indiqué qu'UBS AG avait accordé au groupe français un prêt sans intérêts dont l'encours avait évolué de la manière suivante : 50 M€ (de 2003 à 2004) puis 550 M€ jusqu'en 2005 et 1.500 M€ en 2006 puis 2.000 M€ de 2007 à 2010. Ce soutien s'est élevé à 2 000 M€ soit des revenus cumulés de 2005 à 2010 pour ces prêts consentis sans intérêt, de 175 M€.
Malgré les recherches effectuées, UBS France n'est pas parvenu, avant la fin de l'année
2015, à identifier 16 reconnaissances d'affaires (ATA) de la Suisse à la France émises entre juillet 2005 et décembre 2008, portant sur 145 000 000 €.
Lors d'un ultime interrogatoire, MM L… et M… précisent que Dieter K… a été président du conseil de surveillance d'UBS France au moins depuis 2005 et jusqu'en août 2008. Georgio Ricucci, Gabriel Castello puis Nikolas P… lui ont succédé.
Ils affirment que le secret bancaire s'appliquait pleinement à UBS France et à UBS
Suisse et dans les rapports entre la mère et la fille. Selon eux, le cumul des fonctions n'empêchait pas une stricte séparation entre les activités des deux sociétés.
Patrick F…, qui a pourtant décrit une double tutelle hiérarchique, ne disposait pas, selon eux, d'informations particulières sur l'activité France International pas plus que Dieter
K… ne disposait d'informations privilégiées sur l'activité de « France domestique ».
Ils admettent ne pas avoir été en mesure d'identifier 16 ATA et ont précisé la nature des obstacles rencontrés. Ils expliquent que ces reconnaissances d'affaires relevaient de la responsabilité de Patrick F… et que ce dernier n'a jamais reconnu que ces ATA correspondaient à des opérations d'évasion fiscale.
Ils ont produit une série de courriels émanant du directeur juridique, François V…, qui, à l'occasion d'événements ou de sollicitations diverses, semble avoir rappelé à des CA le nécessaire respect des règles relatives à la législation sur le démarchage bancaire.
Ils assurent que des formations ont été également dispensées.
Ils affirment de nouveau que les « events » ont été conjointement organisés avec la maison mère UBS AG jusqu'en 2007.
Selon les représentants d'UBS France, la présence fréquente de collaborateurs suisses sur le territoire national n'impliquait pas forcément la commission de faits de démarchage illicite.
Il existait au sein du groupe UBS un certain nombre de règles internes dites « country papers », qui précisaient ce que les banquiers ou CA avaient le droit de faire ou de ne pas de faire.
Ils n'excluent pas que la question d'une interprétation erronée de la loi française par ces « country papers » puisse évidemment se poser.
Ils contestent les déclarations de Jean-Louis M… et affirment que lors de son mandat
ce dernier a perdu le contrôle de l'entreprise et a été incapable de gérer sa croissance. Il a, en particulier, échoué à mettre en place un important chantier informatique.
Son directeur commercial s'est vu reprocher des faits de corruption. La perte opérationnelle a été de l'ordre de 40 millions d'euros au 31 décembre 2004.
Ils affirment qu'UBS France n'a jamais adressé des clients en Suisse avec l'idée qu'ils ne déclaraient pas leurs avoirs en France.
Ils ajoutent : « C'est vrai qu'il y a eu des cas où dans les ATA les clients sont partis de
France et ont déclaré la 1ère année mais plus les années suivantes. Mais on n'est pas responsable de la bêtise des gens ».
Les obligations fiscales étaient systématiquement rappelées aux clients.
Sur les CA suisses rencontrant dans les locaux d'UBS France des clients/prospects d'UBS France ou d'UBS Suisse
Ils indiquent que la présence d'un CA suisse dans les locaux d'UBS France n'était pas, en tant que telle, proscrite mais devait être encadrée. Le cas de figure possible pouvait être la situation dans laquelle un client, qui envisageait de s'expatrier en Suisse, demandait expressément à rencontrer un CA Suisse pour ouvrir un compte dans ce pays.
Avant la procédure mise en place par Patrick F…, il n'existait aucune règle interdisant aux CA suisses de rencontrer des clients ou prospects au siège d'UBS France.
C'est à partir de 2004, que des « country papers » relatifs au démarchage illicite ont été édictées.
La loi française en la matière date du 1er août 2003.
Ces situations de mise en contact de CA suisses ont été, selon eux, tout à fait exceptionnelles.
François V…, dès sa prise de fonction en 2004, a pris des mesures pour s'assurer que les règles du droit français étaient bien comprises par les salariés de la banque et a rappelé à l'ordre systématiquement les CA suisses sur les règles du droit français.
Chaque fois qu'une situation irrégulière lui était soumise il réagissait.
Le 9 juillet 2004, il a ainsi adressé un courriel à Christopher Juste qui travaillait pourUBS AG.
Ils citent également un e-mail de François V… en date du 15 février 2005 adressé à
Ces mises au point ont fait également l'objet d'échanges entre la direction commerciale la filiale et celle de la société mère.
Ils ne sont toutefois pas en mesure de produire des justificatifs de ces échanges.
Selon Hervé M…, dans les années 2000, l'offshore était censé décliner en même temps que le onshore montait en puissance.
Sur les CA suisses rencontrant en dehors des locaux des clients /prospects d 'UBS France ou d'UBS Suisse
Anne Longin- Guyot a en particulier évoqué dans son audition le cas de Frédéric P…,
CA suisse, qui rencontrait des clients français dans le hall de l'hôtel Bedford, 17, rue de
1'Arcade, Paris à proximité du siège d 'UBS France et le fait qu'UBS France organisait des conventions dans des chambres d'hôtels situés à proximité de son siège.
Les enquêteurs ont établi la liste des réservations faites auprès de l'Hôtel Bedford à Paris.
Les réservations étaient destinées à UBS Zurich, UBS Lyon, UBS Bordeaux, UBS France Paris, UBS Lille, UBS Marseille, UBS Nantes, UBS Cannes, UBS Strasbourg, BS Genève, UBS Bâle.
Sur les CA Suisses détachés chez UBS France
Les salariés suisses détachés (par exemple : Thomas Zingg, responsable des risques, détaché sur le fondement d'un contrat d'expatrié, mais également Guy Barboni), étaient payés par UBS France. Ils perdaient automatiquement leurs habilitations chez UBS AG.
Sur les reconnaissances d'affaires enregistrées dans les ATA
Sur demande des juges d'instruction, UBS France a recherché si les personnes ayant régularisé leur situation fiscale (ci-après les « dégrisés ») avaient donné lieu à un ATA (ci après les « reconnus » ou les « collectés »). Seul le client Jacques B… figure sur les deux listes.
UBS France a aussi recherché si les « dégrisés » apparaissaient sur la liste des personnes ayant pu être démarchées (ci-après les « démarchés »). Il n'a été relevé que trois autres noms.
Dans un dernier envoi, UBS France a identifié 9 ATA correspondant à un montant de
13,1 M€.
Ils expliquent avoir fait des recherches dans les boîtes mail de commerciaux français susceptibles d'être à l'origine de ces opérations, dans celles de Patrick F… et de son assistante Béatrice P…, et dans celle de Jean de Beaucorps, le contrôleur de gestion.
Ils précisent que Patrick F… procédait à des compensations d'ATA internationaux vers ses CA mais également d'un desk à l'autre d'UBS France vers UBS France (par exemple: un client déménageant de Paris à Toulouse : l'ATA de Toulouse à Paris passait par Patrick F…).
Sur les témoignages des anciens collaborateurs d'UBS France
Les représentants d'UBS France contestent le témoignage de Stéphanie Gibaud, Hervé
D…, Olivier F…, Omar B…. Ils communiquent des courriels de François V… en date du 27 décembre 2004, du 26 janvier 2005, 1er mars 2005, destinés aux commerciaux rappelant que les clients devaient déclarer les comptes ouverts à l'étranger.
Sur les déclarations de Bradley B…
Ils déclarent n'accorder que peu de crédit aux déclarations de Bradley Bikenfeld qui a quitté le groupe UBS dix ans auparavant, n'a jamais eu affaire aux entités françaises et a été condamné pénalement aux Etats-Unis.
Sur les « events »
Les représentants de la société UBS France maintiennent qu'à compter de 2008, la banque n'a plus organisé un seul événement promotionnel avec UBS Suisse. Le responsable de la conformité, François V…, a exigé qu'aucune possibilité de mise en relation de client ou prospect français à travers des événements promotionnels avec des
CA suisses ne se produise.
Ils rappellent que l'organisation d'événements promotionnels par un grand groupe international est une pratique courante et légale, y compris au sein d'autres banques.
Toutefois, sous l'impulsion de François V…, à la fin de l'année 2007, UBS France a décidé de ne plus y recourir.
Cette décision s'explique également en raison des récriminations de MM. H… et B…, qui ont dénoncé le démarchage illicite auquel se livraient les CA suisses mais sans citer d'exemples précis.
Sur la destruction des archives de Stéphanie Gibaud
Les représentants d'UBS France contestent la destruction des archives de Stéphanie Gibaud et accusent cette dernière d'avoir emporté des pièces avec elle.
Sur les résultats d 'UBS
Frédéric L… explique que le revenu de la banque a augmenté de 20% entre 2013 et 2014, passant de 63M.€ à 76M.€.
La marge d'exploitation est passée de 4,2 à 11,3 M€. Mais le résultat de l'exercice 2013 a été impacté par l'amende de 10 millions d'euros versée à la suite de la sanction prononcée par I'ACPR, corrigée du produit de la cession de CCR.
Le résultat de l'exercice 2014 serait affecté par une provision pour redressement fiscal : son montant global est de l'ordre de 25 M€ et compte tenu des règles d'intégration fiscale, il impacte UBS France à hauteur de 6,4 M€ et UBS Holding pour le solde ou presque.
Le redressement fiscal est dans sa phase de dialogue contradictoire avec l'administration. Il porte principalement sur les ATA. L'administration fiscale considère que dès lors qu'un bonus a été versé pour un apport d'affaires aux CA, la banque aurait dû recevoir une commission d'apport d'affaires l'année de la reconnaissance d'affaires.
Elle estime, par ailleurs, que les affaires apportées par UBS France en l'année N devaient donner lieu à rétrocession en n + 1, n + 2.
La société UBS France a versé plusieurs pièces au dossier notamment des courriels envoyés par François V…, directeur juridique (head of legal risk and compliance) adressés à des CA ou des homologues de la direction juridique d'UBS AG par lesquels ce dernier fait connaître son refus de participer à des opérations qu'il a estimé relever du démarchage illicite. C'est ainsi que dans un courriel du 27 février 2007 (D2104),
François V…, apprenant que trois parisiens voulant ouvrir un compte à Berne, ne souhaitaient recevoir aucune correspondance de Suisse, en déduit, sans aucun autre élément d'information, qu'ils n'avaient pas déclaré leurs avoirs à l'administration fiscale (D2100 à D2114).
Le 2 juillet 2015, les enquêteurs ont procédé à une nouvelle perquisition au siège de la société UBS France, 69 Bd Haussmann, 75008 Paris.
Il a été demandé à la société UBS France de fournir les archives des boites de messageries électroniques de 9 collaborateurs ou dirigeants de haut niveau (B. L…, P. P…, P. F…, B. P…, E. Bucaille, T. de Chambure, Gabriel Castello, Thierry Chouvelon), pour la période comprise entre le ler janvier 2004 et le 31 décembre 2009.
Le 3 août 2015, UBS France a remis un premier disque dur sur lequel figurent les boîtes mails de 6 personnes entre le 15 décembre 2008 et le 15 décembre 2009. Le 9 septembre 2015, la banque a remis un deuxième disque dur, avec les boîtes mails de 9 personnes entre janvier 2004 et décembre 2008. Il a été constaté que ces archives ne contenaient qu'un nombre très réduit de courriels avec Raoul W… en destinataire ou en émetteur.
A titre d'exemple, s'agissant de Philippe I…, homologue suisse de Patrick F…, pour la période de 2004 à 2007, il a été décompté quatre mails en direct.
Il paraît invraisemblable qu'un nombre si réduit d'échanges ait eu lieu entre ces deux hommes qui ont exercé des fonctions éminentes respectivement au sein d'UBS AG et au sein d'UBS France. Les archives remises aux enquêteurs paraissent largement incomplètes.
2-UBS AG
Pierre Gerbier Condamin explique qu'il a travaillé chez UBS au sein de l'équipe
Marché France de mars 2005 à janvier 2006, à Genève, avec le titre de sous-directeur pour la Family office. Il a été licencié pour faute à la suite « d'une erreur dans l'utilisation de sa carte bancaire professionnelle » et été a embauché par la société de François Reyl, où il est resté jusqu'en 2010 (Banque Reyl Private Office).
Il indique que le marché France était traité par UBS à Genève, à Bâle et à Lausanne et que de nombreux français travaillaient dans le même service que lui.
Le département des Key Clients relevait de la responsabilité de Philippe I…, celui du HNW était dirigé par Olivier B… et le Mass Affluent par Rosario Rienzo.
Il était chargé des gros clients français.
La plupart des sportifs français étaient « gérés » par Philippe I…, un ancien footballeur professionnel.
Son interlocuteur chez UBS France était principalement Patrick F…. Ce dernier lui a fait comprendre, lors d'une visite à Paris, que les liens entre UBS France et UBS AG devaient rester secrets (« officiellement inexistants »).
De ce fait, certains courriers étaient envoyés à l'adresse personnelle des collaborateurs.
Les prises de contact entre les chargés d'affaires suisses et les clients invités pouvaient se faire à l'occasion des « events », le but étant de créer un lien faussement fortuit entre chargés d'affaires et clients.
UBS France fonctionnait comme un bureau de démarchage fantôme de UBS AG.
La presque totalité des clients ne déclaraient pas leurs comptes alors qu'ils étaient résidents fiscaux français.
Il existait des fiches bristol portant le nom de code de chaque client rangées dans des boîtes en bois. Ce fichier dénommé CARDEX était lui-même rangé dans un coffre-fort.
Il n'y avait pas de nom de clients dans le système informatique.
La plupart des clients n'ouvraient pas de compte en nom propre mais via des structures complexes. Le département Wealth Planning était chargé du conseil et des constitutions de structures off-shore.
Les montages financiers consistaient souvent à constituer une structure étrangère faisant de fausses prestations et recevant des paiements.
Pour le résident fiscal français, le prêt lombard constituait une technique efficace. Cela consistait à contracter un prêt dans une banque française qui prenait une garantie. Cette banque était en relation avec une banque suisse dans laquelle étaient déposés des fonds non déclarés. Il s'agissait d'un prêt octroyé au client sur la base de ses propres fonds en Suisse.
Pour le rapatriement des fonds non déclarés le résident fiscal français utilisait aussi le système de l'assurance-vie dont le bénéficiaire économique était une société d'assurance masquant en réalité la personne physique détentrice de l'assurance.
Pour blanchir la fraude fiscale, le contribuable pouvait aussi acheter des oeuvres d'art ou d'autres biens mobiliers facilement transportables et aisément négociables sur un marché international (exemple : les grands crus).
L'ouverture d'un compte au nom d'une personne morale servait surtout à éviter les dispositions de la directive Epargne (European Saving Directive) qui a été appliquée en
Suisse à partir du 1er juillet 2005 en vertu d'un accord entre l'UE et la Confédération suisse.
Il précise qu'il travaillait en open space et entendait tout ce qui se passait. Les clients appelaient depuis des cabines téléphoniques en utilisant un nom de code. Les chargés d'affaires se rendaient en France pour rencontrer leurs clients en prenant toutes les précautions pour ne pas se faire remarquer.
Selon lui, UBS agissait comme une officine de blanchiment de fraude fiscale. Le plus souvent le client français disait clairement à son gestionnaire que les fonds n'étaient pas déclarés.
Aucun document n'était prévu pour les questions fiscales.
Il explique qu'il lui est cependant difficile de citer des noms de contribuables français en raison du secret bancaire suisse.
Il ajoute qu'un de ses collègues lui a parlé des « carnets du lait » et du système des reconnaissances d'affaires entre chargés d'affaires suisses et français mais qu'il n'en a jamais vu personnellement.
Il relate que les flux étaient clairement de la Suisse vers la France.
Certains bonus étaient versés aux chargés d'affaires sur des comptes suisses déclarés ou non ou bien prenaient la forme d'avantages en nature, invitation à des voyages ou des séjours.
Les hiérarchies respectives des deux banques se rencontraient régulièrement pour vérifier et valider les reconnaissances d'affaires.
Il détaille les différents modes de captation des clients pour l'ouverture de comptes non déclarés, à savoir, l'utilisation d'intermédiaires dénommés « apporteurs d'affaires » ou « centres d'influence ».
Il évoque l'exemple précis d'une coopération entre un chargé d'affaires français et un chargé d'affaires suisse, le dossier « galerie Opéra ». Le chargé d'affaires français,
Christophe Conigliano a présenté le client au chargé d'affaires suisse, Dominique Zinner.
Pierre G… précise dans quelles conditions il a quitté la banque UBS.
Son employeur lui reprochait l'utilisation abusive d'une carte bancaire professionnelle.
Il a été poursuivi du chef d'abus de confiance et condamné par ordonnance du procureur général de la République et du Canton de Genève à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve. La décision pénale indique qu'entre le 16 mai et le 27 décembre 2005, le prévenu a utilisé la carte de crédit VISA Business à des fins privées. Le montant des transactions effectuées à ce titre se montait à 40220,18
CHF intérêts en sus. Le prévenu a signé une reconnaissance de dette en date du 6 janvier
2006 pour le montant précité. La plainte pénale a été déposée pour ces faits, le 17 janvier
2006, par Nathalie Fontanet et René Wuetherich, au nom et pour le compte d'UBS SA.
Pierre Gerbier Condamin a reconnu les faits, expliquant notamment avoir agi de la sorte pour aider financièrement sa mère. Il a été licencié avec effet immédiat en date du 6 janvier 2006.
Le 18 janvier 2014, le magistrat instructeur a été autorisé par le juge des libertés et de la détention à procéder, sous couvert d'anonymat, à l'audition d'un ancien chargé d'affaires d'UBS AG disant avoir reçu des appels téléphoniques le menaçant lui et sa famille.
Le témoin portant le n°119 confirme avoir débuté sa collaboration avec UBS AG en
2000 comme chargé d'affaires avec un portefeuille de clients dans l'équipe France
Internationale, à Lausanne, et avoir quitté la banque en 2010.
Sur l'évolution de l'organigramme de UBS AG
La description très précise de l'organigramme d'UBS AG et du fonctionnement de la banque permet d'attester de sa connaissance approfondie du fonctionnement de la banque suisse.
Il explique qu'à Lausanne, il y avait deux Desk head c'est-à-dire deux chefs de segment, le segment Core Affluent pour des patrimoines compris entre 250 KFS et 2 000 KFS et le segment au-dessus de 2 000 KFS qui s'appelait HNWI (« High Net Worth
Individuals »), et qui comprenait aussi un chargé d'affaires qui s'occupait des Key
Clients (de plus 50 000 KFS).
En 2003, Philippe I…, patron de France International, chapeautait à la fois Daniel L…, responsable du segment Core Affluent, Jean-Baptiste Aveni, responsable du segment
HNWI et Olivier B…, responsable du support, c'est-à-dire des campagnes-produits, du marketing, etc.
En 2004, Daniel L… rendait compte directement à Dieter K… comme le faisait déjà
Philippe I…, ce qui montre que le segment Core A prenait de l'ampleur, et ce, jusqu'en 2007.
En octobre 2007, un changement important a eu lieu.
Olivier B… a remplacé le tandem Philippe I… et Daniel L…, et a rendu compte à son tour directement à Dieter K….
Par ailleurs, le segment Core A de Genève s'est développé de manière importante.
En avril 2009, Joëlle P… a succédé à Olivier B….
A la tête du segment UHNWI, Karel Gaultier a remplacé Olivier Bertrand.
Le service France International était rattaché à Dieter K…, patron de la division Western
Europe, à compter de 2002.
Chez UBS, le développement du segment international et sa structuration a essentiellement commencé à compter de l'année 2001.
Auparavant, la banque avait dû absorber les conséquences de la fusion de la banque
Société des Banques Suisses (SBS) et de UBS, fusion qui a donné UBS.
En 2008 et 2009, le top management a changé.
Raoul W…, patron du Wealth Management au niveau mondial, a été remplacé par Jurg Zeltner.
France International a été rattaché au Wealth Management Southern Europe, alors qu'auparavant ce département était rattaché à Western Europe.
UBS a connu des affaires judiciaires aux Etats-Unis, en particulier l'affaire B…, où le nom de Raoul W… est apparu.
Les équipes Italie International d'UBS ont connu les premières amnisties fiscales dans ce pays ce qui fait dire au témoin qu'elles étaient donc rompues à cet exercice et ont voulu en faire bénéficier les équipes françaises, d'où le rattachement de la France au service Southern Europe qui comprenait notamment l'Italie.
Le fonctionnement des comptes non déclarés
Selon l'expérience du témoin, la proportion d'avoir sous gestion de France International déclarés au fisc était de 1 à 2 % sur le segment Core affluent, 4 à 5 % sur le segment
HNW et plus sur les Key Clients.
Il indique qu'il était facile de savoir si tel ou tel client déclarait ou ne déclarait pas ses avoirs en observant les indices suivants :
- si les relevés de compte étaient édités sans le nom du client mais avec seulement le numéro ducompte;
- si les relevés de compte n'étaient pas envoyés au domicile du client en France mais étaient conservés « banque restante », autrement dit, s' ils n'étaient pas envoyés au domicile du client mais conservés à la banque;
- si le client ne demandait pas de documents lui permettant de remplir sa déclaration d'impôts.
Pour consulter leur compte la plupart des clients prenaient rendez-vous à l'agence en Suisse.
Leur chargé d'affaires imprimait alors les relevés, les plaçait sous enveloppe qu'il scellait.
Lors du rendez-vous, il leur remettait cette enveloppe. Le client était libre de l'ouvrir et de la consulter sur place ou de l'emporter avec lui, ce qui n'était jamais le cas.
Le chargé d'affaires lui faisait signer une décharge selon laquelle il avait eu à sa disposition ses relevés et les courriers relatifs au compte.
Certains clients contactaient la banque par téléphone, beaucoup à partir de cabines téléphoniques. Ils s'identifiaient soit par leur nom, soit par leur numéro de compte, soit par un code, soit même seulement à la voix.
S'agissant du code, il existait depuis longtemps chez UBS une procédure dénommée « identification à l'aide d'un nom conventionnel ». Elle fonctionnait encore à son départ en 2010.
Lorsqu'elle était suivie, un sobriquet, par exemple « l'ami du Ritz », était utilisé ce qui permettait au client de signer toute sa correspondance avec UBS sous ce nom conventionnel et de lui donner force contractuelle. Mais il ne fallait pas choisir de nom propre ou de mots trop vagues, pour éviter des confusions avec d'autres clients.
Pour cette raison, cette procédure n'était pas très souvent utilisée.
En revanche, au téléphone, il était fréquent d'utiliser avec ses clients un nom conventionnel, mais seulement pour permettre l'identification du client et sans que ce code ne soit déclaré dans le cadre de cette procédure.
S'agissant du client qui ne s'annonçait que sous un numéro de compte, les chargé d'affaires pouvaient l'identifier de la manière suivante : dans des boîtes en bois étaient disposées deux séries de fiches cartonnées format A6, l'une par nom, l'autre par numéro.
Cette dernière série leur permettait d'identifier un client à partir de son numéro.
A partir de 2003, ces fiches, ainsi que les boites, leur étaient fournies par la banque.
Après l'ouverture du compte, les chargés d'affaires recevaient les fiches par courrier interne. Le témoin confirme que CARDEX était la marque des boîtes de fiches.
UBS interdisait aux chargés d'affaires de tenir un fichier client informatique, car la banque avait peur que le contenu des fichiers soit divulgué d'une manière ou d'une autre.
Elle estimait qu'il était plus facile de faire sortir une clé USB que des fiches bristol.
Mais en réalité, les chargés d'affaires tenaient presque tous un fichier.
Seule la fiche cartonnée permettait de faire le lien entre un numéro de compte et un nom de titulaire, ainsi que les documents d'ouverture du compte qui étaient entreposés à
Genève pour les clients de Genève et de Lausanne et à Bâle ou Zurich pour les clients de Bâle et de Zurich.
Les employés des services d'archivage n'avaient pas accès aux relevés de compte.
S'agissant de l'e-banking, pour les comptes numérotés, comptes dont les relevés ne portaient pas le nom du client, l'accès en ligne était resté impossible jusqu'en 2007 ou 2008.
Dans un souci de cohérence et de sécurité ce service était déconseillé aux clients.
Si on voyait sur leur ordinateur personnel des connections sur un site d'UBS, il était inutile que le client prenne tant de précautions pour rester discret. Très peu de clients le demandaient, car eux-mêmes étaient extrêmement prudents, « jusqu'à la paranoïa ».
Certains demandaient aux chargés d'affaires de leur envoyer quand même un relevé de compte par e-mail. Ces derniers le faisaient alors de leur boîte mail privée ou d'une boîte créée ad hoc, et envoyaient des relevés dépourvus du logo UBS et de numéros de compte.
Au début, ils imprimaient le relevé bancaire, après avoir découpé l'emplacement du logo et du numéro de compte, puis le scannaient pour l'envoyer.
Vers 2004 ou 2005, il est devenu possible, en interne, d'éditer des relevés de comptes sans logo et sans numéro de compte. Il a fallu passer du « bricolage » à une pratique beaucoup plus organisée.
II a confirmé la réalité de la distinction entre le « simple money » pour argent non déclaré et le « complexe money » pour argent déclaré.
Le fait de déclarer au fisc induisait non seulement cette question de la déclaration mais aussi celle d'une stratégie de placement plus complexe au regard de l'optimisation fiscale.
Quelques questions fiscales pouvaient néanmoins se poser pour le « simple money », à la suite de l'entrée en vigueur de la directive européenne sur l'épargne, I'EUSTIP.
A compter de 2008, UBS a eu la possibilité de délivrer un imprimé fiscal unique (IFU), alors que c'était impossible auparavant.
Toutefois, presque aucun client ne le demandait.
Quand c'était le cas, cela prenait beaucoup de temps aux chargé d'affaires.
Le discours d'UBS à l'égard de ses clients français offshore était en substance le suivant : « ou vous montrez patte blanche ou vous quittez UBS ».
Ce n'était pas à l'origine le fonds de commerce d'UBS, puisque les gens venaient pour avoir de la discrétion et du secret, plutôt que de la performance.
Les chargés d'affaires connaissaient le code fiscal suisse mais pas la loi fiscale française.
UBS ne faisait pas signer à ses clients de déclaration de conformité fiscale.
La banque n'adressait pas de courriers à ses clients.
Sur l'aide à la fraude (les omissions déclaratives des résidents fiscaux français)
Les solutions apportées aux clients qui possédaient de l'argent non déclaré ont évolué au fil du temps et dépendaient aussi de la fortune des intéressés, certaines solutions étant plus coûteuses que d'autres.
Le chargé d'affaires tenait généralement au client le langage suivant : « ce n'est pas de
l'argent sale, c'est juste de l'argent non déclaré. En Suisse, l'évasion fiscale ce n'est pas de la fraude fiscale, donc vous êtes à l'abri. En revanche, si c'est du produit du crime, là, on coopérera (avec les autorités judiciaires) ».
La création de sociétés off-shore constituait la solution la moins coûteuse : sociétés de l'Etat du Delaware, des Îles Vierges Britanniques (BVI), de Panama etc.
Même s'il pouvait demander des comptes numérotés, le client souhaitait souvent interposer une société.
Ce service était utilisé afin d'échapper aux conséquences de l'application de la directive
Epargne qu'on appelait également I'EUSTIP.
Il existait toutefois d'autres moyens d'y échapper en composant habilement le portefeuille du client. En effet 1'EUSTIP ne s'appliquait qu'à certains produits financiers, de sorte qu'il suffisait de placer auprès du client un produit hors champ de 1'EUSTIP pour qu'il puisse y échapper.
C'est ainsi par exemple que les intérêts des obligations émises après 2001 étaient dans le champ de la directive, alors que les dividendes d'actions étaient hors champ.
Il suffisait donc pour échapper à la directive de choisir des produits composés d'au moins 50 % d'actions.
Les chargés d'affaires « jonglaient » habilement avec ces produits financiers et s'attachaient à proposer aux clients des produits qui étaient hors champ de la directive.
Tout cela a généré beaucoup de chiffre d'affaires pour UBS, notamment grâce aux droits d'entrée, frais de switch etc.
Une société offshore (BVI, AG, Ltd, etc.) titulaire d'un compte ayant investi dans un produit soumis à l'EUSTIP n'était pas soumis à cette directive, autrement dit n'avait, pas à opter entre l'imposition à la source et la transmission de son identité à l'AFC. Seules les personnes physiques étaient soumises à la directive Epargne.
Environ un tiers des clients personnes physiques avaient été contraints de choisir entre le prélèvement à la source et la divulgation de leur identité.
Dans tous les cas c'était la première solution qui était choisie.
La retenue à la source de 15 % d'abord, de 35% ensuite, s'appliquait non pas au capital mais seulement aux intérêts générés par le capital.
Lorsque le client était le bénéficiaire économique d'une société de type Ltd, le compte était ouvert au nom de cette société. Le nom du client apparaissait sur un document appelé « formulaire A » qui devait être rempli à l'ouverture du compte par le chargé d'affaires.
La pratique était de le faire systématiquement signer au client, surtout pour la clientèle étrangère, que la relation bancaire soit ouverte au nom d'une personne morale ou d'une personne physique.
Outre les sociétés offshore, les chargés d'affaires proposaient à certains clients des fondations de famille de droit du Liechtenstein, plutôt les chargés d'affaires venant d'UBS ou des trusts, plutôt les chargés d'affaires venant de la SBS.
Le compte bancaire était ouvert au nom de la fondation. Un pouvoir sur le compte était confié à un avocat ou un notaire du Liechtenstein, et dans le même temps, un employé d'UBS était membre du conseil de la fondation et disposait, à ce titre, d'un droit de signature afin de faciliter le fonctionnement du compte. Le client était « premier bénéficiaire » de cette fondation et son nom apparaissait dans les documents relatifs à la fondation.
Les fondations avaient commencé à être remplacées par des trusts vers les années 2002 ou 2003.
Les trusts se sont beaucoup développés au cours des années 2000.
La banque évitait les trusts de Jersey ou de Guernesey parce que ces pays étaient situés en Europe. Les trusts des Bahamas étaient préférés puis ceux de Singapour. Ces derniers étaient cependant moins pratiques en termes de gestion en raison du décalage horaire.
En principe, les chargés d'affaires ne les proposaient qu'aux clients disposant d'au moins
1 million de CHF.
Les frais, pour la constitution du trust, correspondaient à un minimum forfaitaire de 10
000 CFH et chaque année de 5000 CHF.
Vers 2008, UBS a développé et vendu un trust appelé « light », de droit des Bahamas.
Il était le même pour tous les clients qui l'achetaient.
Il était très rigide dans ses règles de fonctionnement. Le client ne pouvait pas décider, comme dans un trust classique, qu'après son décès les avoirs ne seraient pas distribués pendant une certaine durée et qu'ils le seraient ultérieurement. Il pouvait seulement désigner les personnes à qui devaient revenir les fonds à son décès.
Le client n'avait pas plus de marge de manoeuvre que pour l'assurance-vie. Mais l'intérêt pour lui était qu'à la différence de l'assurance-vie, qui était proposée par UBS LIFE, donc par une société suisse, le trust relevait de droit des Bahamas, et donc « plus loin » et « plus opaque » à l'égard du fisc français.
Lorsque certains clients se sont inquiétés des connections pouvant exister entre les
Bahamas et le fisc américain, UBS a proposé les trusts de Singapour.
Comme ils étaient moins coûteux, des trusts appelés « light » pouvaient être proposés à partir de 500 000 CHF d'avoir sous gestion. Ces trusts constituaient des moyens d'éviter la réglementation EUSTIP.
Le trust pouvait investir dans des produits relevant de la directive sans y être soumis.
En outre, à la différence de l'assurance-vie pour laquelle le client devait donner un mandat de gestion, le titulaire d'un trust pouvait continuer à gérer lui-même ses avoirs, avec l'aide de son conseiller.
L'assurance-vie était « le trust pour les pauvres » à partir de 100 000 CHF. Le titulaire du compte était la société UBS LIFE et non pas le client. UBS LIFE avait donc des milliers de comptes chez UBS AG. Le client était le premier bénéficiaire de l'assurancevie et il ne figurait pas au formulaire A. Dans le cas d'une personne déjà cliente chez UBS, le chargé d'affaires lui proposait de signer ce contrat d'assurance-vie. Il avait juste à indiquer à qui revenaient les fonds en cas de malheur. Il devait signer un mandat de gestion à une équipe d'UBS AG qui transmettait le dossier à UBS LIFE laquelle ouvrait le compte qui était donc géré par UBS AG. Toutefois, le client continuait à contacter son chargé d'affaires habituel qui avait encore une vision synthétique de l'état du compte.
Le mandat de gestion obligatoire constituait une autre différence avec le trust, même « light ».
Avec le trust, le client pouvait soit donner mandat de gestion, soit choisir une gestion discrétionnaire, c'est à dire gérer lui-même en accord avec le chargé d'affaires.
Le témoin affirme qu'environ 98% des avoirs des clients qu'il avait sous gestion n'étaient pas déclarés.
Il indique qu'UBS développait un discours hypocrite fondé sur l'irresponsabilité « C'est la faute des chargés d'affaires, mais ce n'est jamais la faute à UBS ».
Il admet que les chargés d'affaires signaient les country paper et les policy ainsi que le code de déontologie et ajoute que s'ils ne signaient pas : « ils dégageaient ».
Mais dans le même temps, on leur donnait et on donnait aux clients tout ce qu'il fallait pour faire de l'évasion fiscale. Il s'agissait d'un système hypocrite.
Pour les chargés d'affaires, il existait un arsenal informatique pour rester discret notamment les ordinateurs portables qui étaient utilisés lors des missions en France.
Ils avaient pour instruction de les vider avant de passer la frontière, à l'aller comme au retour.
Avant de partir, ils préparaient en Suisse, sur une plate-forme virtuelle, tous les documents dont ils avaient besoin.
En France, ils pouvaient se connecter sur cette plate-forme et charger tous les documents lesquels n'étaient disponibles que durant le laps de temps pré-défini.
Pour les clients, il existait une offre de services divers, comptes numériques, trusts, fondations, assurances-vies, sociétés offshore, produits financiers permettant d'être en dehors de la directive Epargne.
Il ne leur a jamais été demandé de faire des faux ou de blanchir de l'argent provenant d'autres infractions que l'évasion fiscale.
Il rappelle qu'en Suisse, la fraude fiscale au sens pénal, n'est pas de l'évasion fiscale : la première est pénale et la seconde administrative. La seconde consiste à pécher par omission en oubliant de déclarer au fisc les sommes à déclarer. La première suppose en plus des faux ou des mensonges actifs.
Les méthodes de rapatriement des fonds
Le témoin déclare qu'une somme de 9 999 € pouvait être transportée et passée par la frontière avec la France sans obligation déclarative, et ce, toutes devises confondues, par famille et non par individu.
La banque acceptait de délivrer des cartes de crédit sans logo, mais avec le nom et prénom du client. Lorsque le compte était au nom d'une société offshore, il était mentionné le nom de la société et le nom de la personne autorisée à l'utiliser.
Il était aussi possible de la délivrer sans le nom et avec seulement le nom de la société s'il voulait seulement l'utiliser pour retirer des espèces dans des distributeurs de billets.
Il était possible d'avoir des plafonds mensuels de 50 000 ou pourquoi pas de 100 000 €.
S'agissant des paiements de vacances à l'étranger, si le client le demandait la banque pouvait, à partir de son compte UBS, payer directement l'hôtel.
Jusqu'en 2006 ou 2007, la banque de l'hôtel recevait comme information « d'un de nos clients ».
Une directive communautaire a ensuite imposé la divulgation du nom du donneur d'ordres.
Ce service offert par UBS n'avait donc plus d'intérêt pour les clients, du moins pour les paiements au sein de l'Union Européenne.
Il était possible de mettre des sommes d'argent à la disposition d'un client se rendant au
Luxembourg dans une agence UBS. L'inverse était vrai mais beaucoup plus rare.
Jusqu'en 2001 ou 2002, il était même possible pour UBS de faire des mises à disposition dans d'autres banques qu'UBS.
Le témoin décrit de manière schématique les systèmes de compensations.
Un client A avait besoin à Paris de 100 € et un client B voulait déposer 100 € à Genève.
Il suffisait que B apporte les 100 € à A et que A fasse un virement de 100 € à B.
Certains chargés d'affaires faisaient le lien eux-mêmes entre les clients A et B.
Pour quelques-uns c'était même semi-industriel.
Les chargés d'affaires venaient à Paris et passaient la moitié de leur temps dans leur chambre d'hôtel pendant une semaine pour y recevoir de l'argent et en donner.
De retour à Genève, ils passaient peut-être deux jours à faire toutes les quittances de caisse pour régulariser ces compensations.
Des clients faisaient la mule pour UBS et touchaient une petite commission. Dans certains cas, un rendez-vous en ville était fixé on fixait à A et B sans leur dire que l'autre était aussi client.
Officiellement, la hiérarchie d'UBS avait interdit ces pratiques et n'en savait rien mais selon lui, elle était parfaitement au courant.
La seule chose qui était claire était que si le chargé d'affaires se faisait prendre il était licencié sur le champ.
C'est ainsi que Michel Wicht, chargé d'affaires au bureau de Lausanne, demeurant à
Fribourg, a quitté la banque en 2003.
Le témoin décrit la scène suivante qui a eu lieu à Paris, à l'hôtel Plazza Athénée. Une personne a déposé un sac à la table où il était assis avec son chef et est partie.
Il n'y a eu ni reçu ni comptage. Le chef s'est levé pour aller compter les espèces aux toilettes avant que n'arrive la personne à qui les fonds étaient destinés.
En 2010, ces pratiques perduraient.
Chaque CA avait sa méthode, son passeur ou son intermédiaire.
Il n'y avait évidemment aucune procédure formalisée.
Le témoin évoque également une des modalités de la technique du prêt lombard.
La Suisse prête et envoie les fonds en France officiellement.
Ces fonds sont justifiés par ce prêt qui est garanti par le compte non déclaré (nantissement etc.), mais qui officiellement l'est par un compte déclaré, ouvert chez
UBS Suisse à l'occasion de cette opération.
Le client se retrouve donc en Suisse avec un compte non déclaré et un compte déclaré.
Souvent les sommes figurant sur le compte déclaré provenaient des économies que le
client avait dans d'autres banques.
Par ailleurs, l'ouverture de ce compte officiel avait pour avantage de libérer le client d'un mensonge et des soupçons du douanier car à la question « avez-vous un compte en
Suisse, il pouvait répondre oui et le douanier arrêtait de poser des questions ».
Sur le démarchage en France des chargés d'affaires suisses
Le témoin affirme que si la banque payait des voyages en France, ce n'était pas seulement pour faire des « serrages de mains et du relationnel ». Ils avaient des objectifs et devaient rendre compte. De retour de Suisse, ils devaient faire un compte rendu. On leur indiquait de commencer leurs phrases en disant : « à la demande du client..., nous procédons à telle ou telle opération »
Ils rencontraient les clients à leur domicile, dans un hôtel ou dans un lieu public.
Ils leur arrivaient aussi de les rencontrer dans les locaux d'UBS France mais cela leur était formellement interdit.
Sur les compte-rendus, il n'indiquait pas forcément où il avait rencontré son client.
Il précise que les voyages faisaient partie des objectifs. Ils devaient en faire au minimum 3 ou 4 par an.
Au mois de mars 2010, on leur a dit : « d'ici un mois tout le monde doit avoir fait au moins un voyage ». Il explique qu'il y a eu, à la fin de l'année 2009 un coup d'arrêt, peut-être à cause l'affaire Falciani.
Le témoin confirme qu'il participait à des « events » afin de rencontrer le maximum de gens en très peu de temps. Comme ses collègues, il notait sur un cahier, à la volée, un maximum d'informations sur les profils des gens rencontrés. Lors d'autres « events », il veillait à être placé à la même table, pour continuer à faire la « cour » au client ou prospect.
Beaucoup de temps était parfois nécessaire pour faire venir un prospect chez UBS.
Il rencontrait également des clients en France en dehors des « events ». Le plus souvent, il s'agissait de référencement ou de recommandations émanant d'autres clients qui lui disaient que telle ou telle personne pourrait être « intéressée ».
La prospection totalement à froid ne fonctionnait pas. Les « events » servaient à la prise de contact. Les signatures de contrats avaient lieu plus tard.
Le chargé d'affaire éditait le document d'ouverture de compte sur son ordinateur. Il ne portait ni le nom du client ni la date ni le lieu de signature. Le client le signait à Paris.
Le chargé d'affaires plaçait ces documents dans une enveloppe qu'il libellait à son nom ou à celui de sa femme ou à celui de ses enfants. Il récupérait le tout en Suisse.
Un courrier signé « Rosario », signature non manuscrite et nom pouvant correspondre à celui d'un chargé d'affaires de Genève, Rienzo Rosario, mentionné sur les organigrammes produits du département France International a été adressé aux juges d'instruction le 9 mars 2016.
Ce document corrobore les déclarations du témoin n°119.
Selon le signataire, en 2009 et 2010, UBS a organisé le transfert des structures offshores de certains résidents français vers des polices d'assurances vie de Swisslife Singapour encore plus opaques. Il s'agissait d'une localisation lointaine mais pratique et efficace.
Les résidents français n'étaient pas tous centralisés sur le secteur France à Genève,
Lausanne, Zurich ou Bâle. Joëlle P… qui avait aussi travaillé chez Swisslife connaissait les chiffres.
Il existait une compétition interne pour gérer les meilleurs comptes et donc obtenir les meilleurs bonus.
De 2000 à 2007, Philippe Magnin-Feysot a été conseiller clientèle institutionnelle, poste consistant à proposer des services et des conseils financiers à des entités comme des caisses de pensions, des compagnies d'assurance, trésorerie en Suisse.
Il a ensuite rejoint le CorA France dans la division d'UBS en Suisse. Sans pouvoir être plus précis, il déclare que la majeure partie des comptes ouverts étaient non déclarés.
Il précise avoir entendu parler en 2007 de mécanismes de compensation servant aux clients à rapatrier les fonds mais pour des faits largement antérieurs.
Sylvie J… confirme en grande partie les éléments révélés par le témoin n°119.
Elle explique qu'elle a été embauchée comme chargée d'affaires chez UBS à Bâle en février 2006 en raison de son expérience du financement immobilier.
Les Desk Head ont été Peter T… puis Gabriel D…. Elle a été licenciée le 14 octobre 2009.
Elle travaillait sous la direction de Peter T… dont le supérieur était Daniel L…. UBS devait développer une offre de financement immobilier en France, le projet « Pierre ».
Il s'agissait d'une offre suisse pour les clients d'UBS français ou ressortissants d'autres pays qui avaient besoin d'un financement pour l'acquisition de biens immobiliers en
France. Il y avait également un contrat d'assurance-vie de droit français commercialisable depuis les agences suisses.
Elle n'avait pas de clients en propre puisqu'elle était chargée de rechercher les comptes qui « dormaient ».
Ces comptes appartenaient au segment inférieur, le CoreA (moins de 250 000 €). II y avait beaucoup de frontaliers. Certains demandaient que leurs relevés leurs soient adressés à domicile, d'autres qu'ils soient mis à leur disposition en « banque restante ».
Dans cette dernière hypothèse, les clients prenaient rendez-vous à l'agence de Bâle.
Elle confirme l'existence du système de fiches cartonnées CARDEX.
Elle recevait les clients des portefeuilles des autres chargés d'affaires et leur faisait des propositions, souvent de prêts immobiliers de droit suisse.
Elle avait 50 à 100 clients avec un total de 20 ou 30 millions d'euros. Les portefeuilles étaient très cloisonnés. Elle n'intervenait qu'en soutien du cchargé d'affaires en titre. Elle travaillait beaucoup et avait du mal à remplir ses objectifs. Elle est tombée malade en
2009 et a demandé à sa hiérarchie de réduire son temps de travail, ce qui lui a été refusé.
Elle a finalement été licenciée le 14 octobre 2009.
Elle souligne que chez UBS les différentes activités étaient cloisonnées et avaient leur propre hiérarchie. Il n'y avait pas de travail d'équipe. C'était une guerre perpétuelle au sein même de la banque.
Elle affirme qu'elle ne démarchait pas les clients ou les prospects car la plupart de ses clients étaient déjà clients chez UBS Suisse. Néanmoins elle leur proposait des produits
financiers.
Elle les rencontrait en France. Elle se déplaçait pour examiner personnellement les biens immobiliers à estimer en vue d'un financement. Elle collectait des informations et donnait un avis. Le dossier était soumis à sa hiérarchie
La même méthode était utilisée pour des ouvertures de comptes.
Elle a participé à des « events » uniquement en Suisse, Aïda à Bâle, en 2008, la coupe de l'América à Valence (Espagne), sur invitation de Daniel L…, patron du desk France.
Elle confirme que des chargés d'affaires d'UBS AG faisaient du démarchage en France.
Des collègues se déplaçaient munis de cartes de visite sans logo. Elle a vu aussi des ordinateurs spéciaux pour les chargés d'affaires se déplaçant en France. Les consignes d'UBS étaient de ne pas signer de contrats en France. Tous les documents étaient signés à Bâle. Tous les chargés d'affaires du desk France avaient vocation à aller voir des clients en France.
Il fallait pour cela disposer d'une autorisation délivrée en interne.
Elle-même rencontrait 80% de ses clients en Suisse et 20 % en France, notamment lors de visite à domicile ou dans les salons d'UBS France en l'absence d'un CA français mais pas dans les agences régionales d'UBS France.
En 2007 ou 2008, elle a assisté à une réunion à Paris avec des collègues chargés d'affaires suisses. II a été question de synergie.
Des chargés d'affaires suisses se voyaient proposer de travailler en France et inversement, il était proposé à des chargés d'affaires français de venir travailler en Suisse.
S'agissant des « montages fiscaux », selon elle, ils ne relevaient pas du chargé d'affaires mais passaient par le Wealth Planning.
Elle confirme que les trusts et les fondations étaient des institutions bien connues chez UBS, comme à la BNP ou partout ailleurs en Suisse.
Elle indique qu'elle connaissait aussi les travel cash cards utilisables dans le monde entier.
Fin 2007-2008, un cabinet français a été mandaté par UBS pour mettre en place la possibilité d'éditer des imprimés IFU. Ce service était facturé assez cher au client (300 CHF).
S'agissant de ses relations avec UBS France, elle a rencontré Serge H… (Strasbourg),
Olivier F… et Anne Longin (responsable du CoreA à Paris) et ses collègues de Bordeaux et Cannes (Stéphane Drouet) et ce afin de bien connaître le marché français.
En 2007-2008, une réunion a été organisée à Paris à laquelle participait beaucoup de chargés d'affaires suisses. Il a été question de synergies.
Elle évoque le cas de Monsieur B…, un client ayant bénéficié du système des avances
Lombardes pour un total de 565 K€ entre le 17 juillet et le 29 octobre 2007. Les fonds étaient gagés sur les valeurs détenues en Suisse par ce même client.
Interrogée comme témoin assisté, elle affirme ignorer que la souscription d'emprunts immobiliers constitue une opération de banque au sens de l'article L.311 -1 du code monétaire et financier entrant dans le champ du délit de démarchage bancaire et financier.
Elle soutient qu'elle a travaillé dans le respect des instructions qui lui étaient données et estime donc avoir été trompée par son employeur. Toutes ses visites en France étaient autorisées par son supérieur hiérarchique.
Joëlle P…
Joëlle P… explique qu'elle est directrice (Managing Director) à banque UBS AG en Suisse.
En 2007, UBS lui a proposé la mission de développer les Key clients, segment stratégique pour la banque, en France.
A partir de janvier 2008, elle a encadré deux ou trois équipes de chargés d'affaires. Elle ne gérait pas de portefeuilles de clients.
A la suite de la crise financière, en 2009, UBS lui a demandé de revenir en Suisse pour prendre la direction du service France International comme CEO.
Ce département disposait de bureaux à Genève, Lausanne, Bâle et Zurich. Celui de
Genève était le plus important, entre 100 et 200 personnes. Le département France
International était rattaché à l'entité GESEM (marché établis - Global Established Market en opposition aux marchés en développement, comme l'Asie) dirigée par Juerg Haller.
Elle affirme qu'il n'existait pas de politique de coopération transfrontalière entre les chargés d'affaires d'UBS France et le département France International et avec les chargés d'affaires suisses.
Selon elle, il n'y avait aucune possibilité de démarchage pour les chargés d'affaires suisses.
En sa qualité de directrice du service, elle veillait à ce que les règles applicables soient respectées. Elle précise qu'un nombre significatif de clients du département avaient régularisé leur situation fiscale auprès de la cellule Woerth.
Ce qui implique qu'à son arrivée, le département gérait donc bien un certain nombre de comptes non déclarés.
Elle expose que certains clients, titulaires de comptes dits « historiques », ont eu beaucoup de mal à s'y résoudre. UBS a mis en place un programme dit « Domestic
Like » pour les aider dans les opérations de régularisation.
Il appartenait à chaque client de déclarer son compte et ses avoirs auprès de l'administration fiscale française.
De son côté, la banque s'est montrée de plus en plus exigeante à l'égard des clients, en leur imposant de respecter leurs obligations fiscales, sous peine de voir leur compte clôturé.
Elle prétend que depuis son arrivée chez UBS AG, en particulier depuis 2009, il n'y avait aucune volonté de faire de la fraude fiscale.
Elle admet qu'auparavant, la banque était peu regardante sur la situation fiscale des clients. La situation a évolué de manière drastique après son arrivée au département.
Raoul W…
Le 6 novembre 2008, Raoul W… a été « inculpé » (« indictment ») par les autorités judiciaires américaines, qui lui reprochaient la mise en place d'un schéma de fraude reprenant les principaux griefs développés contre son employeur, UBS AG. Cette inculpation a été soumise à un Grand Jury qui a ordonné son renvoi devant la juridiction de jugement. Raoul W… a été arrêté en 2013 lors de vacances en Italie.
Le procès s'est tenu Fort Lauderdale (Floride) en novembre 2014. Raoul W… a été relaxé par Je jury fédéral de Floride du sud. La fraude d'UBS AG a été établie mais il a été impossible d'en imputer la responsabilité à Raoul W….
Lors de ses auditions, Raoul W… invoque l'ancienneté des faits et sa haute position hiérarchique Il affirme qu'il n'avait pas connaissance des détails de fonctionnement des services de la banque et en particulier de la situation spécifique des clients français.
Il insiste sur le fait qu'il dirigeait un groupe bancaire de taille mondiale.
Il relate qu'il a commencé sa carrière en 1984 chez Swiss Bank Corp, banque qui a fusionné avec UBS en 1999. Il rappelle qu'en 2004 il est devenu directeur d'UBS (Head Wealth Management International), c'est à dire directeur de l'activité de gestion de fortune de la banque pour le monde entier. Cette activité est divisée en 7 ou 8 grandes régions.
Dieter K… était à la même époque responsable de la région Europe occidentale.
Il dirigeait aussi bien l'activité France domestique, développée par la filiale UBS France, que l'activité France International, ces deux départements faisant partie de la division WMI.
Il avait sous sa responsabilité environ 10 0000 salariés.
Depuis 2005, il fait partie du « Group Executive Board » de la banque, qui comprend une dizaine de membres dont le président du groupe.
En 2007, à la suite de la fusion du « métier WM » et du « métier Business Banking » (banque de détail), il est devenu directeur Global Wealth Management & Business Banking (la distribution en Suisse et toute l'activité de courtage aux Etats-Unis, GWM & BB).
L'ensemble représente 60 000 salariés.
Au-dessus de lui, il y avait le directeur général (CEO), puis le conseil d'administration d'UBS.
Son patron de l'époque, Marcel Rohner est devenu président du groupe.
Il ne se souvient pas avoir siégé au sein du conseil de surveillance d'UBS France et ce malgré les procès-verbaux des 4 et 10 octobre 2001, du 16 mai 2002 mentionnant sa présence aux séances du conseil.
En novembre 2008, il a décidé de quitter UBS parce que la banque négociait avec le
Ministère de la justice des Etats-Unis.
Il ajoute avoir été inculpé (« indicted ») à l'époque par les autorités américaines mais affirme que le Ministère américain de la justice (Department of Justice (DOJ) ne l'a jamais auditionné. Il a plaidé non coupable.
Le gouvernement suisse a finalement trouvé un accord avec celui des Etats-Unis et a donné les noms des contribuables américains coupables de fraude fiscale.
Au procès, les témoins cités par le DOJ ont mis en cause Martin Liechti, comme étant celui qui, de 2002 à 2007, donnait les instructions.
Ce dernier a négocié un accord avec le DOJ.
Il était, selon lui, très difficile pour une société cotée en bourse d'aller jusqu'au procès aux Etats-Unis. Toutes les sociétés qui ont plaidé coupables ont fait faillite, notamment
Arthur Andersen. En conséquence, les sociétés engagées dans des batailles juridiques et judiciaires avec le DOJ préféraient rechercher des accords transactionnels.
Juste après son départ en 2009, UBS a fait évoluer son équipe dirigeante. Toutefois, des dirigeants comme Jurg Z…, Alain R…, Tom N… ou Stefan Z… font toujours partie du groupe.
Il observe que le secret bancaire suisse s'est détérioré durant ces vingt dernières années et pense qu'il va progressivement disparaître.
Dans les années 90, lorsqu'il a pris des responsabilités au sein d'UBS, personne ne pouvait prévoir à quel rythme cette évolution interviendrait.
Selon lui, de nombreux clients étrangers qui avaient des comptes en avaient hérités.
Il ne sait pas combien de chargés d'affaires travaillaient pour le desk France d'UBS AG.
Il précise que la banque employait un effectif de 19 000 chargés d'affaires dans le monde
Les objectifs de ce service étaient, selon lui, fixés par son responsable, Dieter K…, jusqu'en 2007, puis par Franco M… pour la période postérieure.
Il ajoute qu'il ne gérait pas lui-même de comptes bancaires.
Chaque client définissait avec la banque le nombre de relevés de comptes qui lui étaient adressés et la possibilité ou pas de les consulter sur Internet. Il pouvait également demander que les relevés lui soient adressés à la banque en poste restante. Les documents bancaires étaient conservés pendant 10 ans. Il considère que le recours au service « banque restante » ne pouvait constituer un indice de fraude fiscale.
Selon lui, l'entrée en vigueur en Suisse, le 1er juillet 2005, de la directive Epargne du 3 juin 2003 n'a pas eu d'incidence sur la stratégie du WMI.
Il prétend que le recours à des comptes numérotés ou codés dits CQUE n'était pas non plus de nature à faciliter la dissimulation des avoirs en Suisse.
Il affirme qu'il ignorait le fait qu'avant 2007, aucun IFU n'était délivré et qu'après 2007, aucun IFU n'était adressé au client à moins que ce dernier en fasse la demande.
S'agissant de la constitution de personnes morales interposées, il indique que la banque UBS AG avait des filiales qui proposaient des services de planification successorale (« wealth planning »), telle que la constitution de trust.
Il ignore si ces filiales pouvaient elle-même être trustee ou si le trustee était un avocat ou une société extérieure. Dans certaines juridictions, il devait y avoir une société sous-jacente au trust.
Il affirme que la constitution de sociétés de domicile ne faisait pas partie des services proposés par UBS. Elles étaient toutefois utilisées pour le règlement de succession ou pour protéger des avoirs contre d'éventuels créanciers. Globalement un petit nombre de clients étaient bénéficiaires d'un trust ou d'une fondation.
Selon le système fiscal suisse, le client est responsable du respect de ses obligations fiscales et donc de ses déclarations d'impôt. La banque retenait l'impôts à la source.
Il fait valoir que la banque ne disposait d'aucun moyen de vérifier si le client effectuait ou pas ses déclarations au fisc et ajoute que cela ne faisait pas partie de ses missions.
Elle ne donnait pas non plus de conseils en matière fiscale.
Des chargés d'affaires pouvaient avoir des doutes quant à la situation fiscale de leurs clients. S'ils aidaient sciemment leurs clients à commettre une fraude fiscale, ils étaient immédiatement licenciés.
Raoul W… prétend qu'il ne connaissait pas le système fiscal français.
S'agissant de la politique d'UBS AG en matière de coopération transfrontalière, il déclare que la politique générale prévoyait que les chargés d'affaires pouvaient recommander des clients.
Dans la pratique, chaque chargé d'affaires protégeait sa clientèle et ne faisait un référencement que lorsqu'il y était contraint.
Raoul W… affirme encore qu'il n'était pas au courant de la mise en place de synergies entre chargés d'affaires français et chargés d'affaires suisses.
Selon lui, il était interdit aux chargés d'affaires suisses d'accéder à certains locaux d'UBS France.
Il soutient qu'il n'a jamais entendu parler ni des ATA, ni des « carnets du lait ».
S'agissant du démarchage illicite en violation des dispositions du code monétaire et financier issues de la loi française du 1er août 2003, il déclare que les chargés d'affaires recevaient une formation appropriée et que ceux qui ne respectaient pas les règles, le faisaient à l'insu de la banque.
Il fait valoir la notion de dérives individuelles.
Il n'a été destinataire d'aucune réclamation des chargés d'affaires français portant sur des pratiques de concurrence déloyale. Selon lui, il existait des règles internes édictées dans chaque pays par le service juridique et de conformité. Il incombait donc au chef de département de vérifier que les instructions étaient respectées.
Les chargés d'affaires étaient encadrés par les Desk head. Il n'a pas eu connaissance d'une quelconque transgression ou violation des règles édictées par les « country papers ».
Il dit ignorer que Juan M…, chargé d'affaires suisse, rencontrait des prospects à
Bordeaux, que des chargés d'affaires suisses recevaient dans les locaux parisiens d'UBS France des clients/prospects, en utilisant le nom d'un collègue parisien.
S'agissant plus particulièrement des interdictions édictées par les « country papers » de décembre 2005 et de novembre 2005, il soutient que les restrictions aux activités transfrontalières étaient tout à fait compatibles avec les objectifs assignés aux chargés d'affaires de France International.
Il n'a pas été en mesure de justifier de la diffusion de ce document auprès des chargés d'affaires.
Confronté d'une part, aux déclarations de plusieurs anciens salariés d'UBS et d'autre part, à certaines incohérences des documents internes valant instructions aux collaborateurs de la banque, il admet que ces instructions étaient mal formulées allant même jusqu'à dire qu'il était tout à fait possible que ce règlement interne ait été diffusé sans son avis ou sa validation, ni celle du président Rohner.
Dans la mesure où UBS était présente dans 60 pays, il était nécessaire de déléguer les responsabilités et de recourir à des directeurs régionaux.
Invité également à commenter le document intitulé « Security Risk Gouvernance », document traitant de la manière dont les chargés d'affaires pouvaient se déplacer à l'étranger et des règles et précautions à respecter, il affirme que cette instruction ne s'appliquait probablement pas à la France.
Raoul W… ayant invoqué la possibilité que des « country papers » ambigus ou imparfaits aient été diffusés sans son aval, deux hauts responsables de la direction juridique de la société UBS AG, Ursula S… et Peter K… ont été entendus et confrontés avec lui ainsi qu'au représentant d'UBS AG (Andrew W…) et à ceux d'UBS France
(Jean-Frédéric L… et Hervé M…).
Cette confrontation a porté en particulier sur l'évolution et le processus de révision des documents juridiques valant instructions aux chargés d'affaires et relatifs notamment à la notion de démarchage illicite en droit français.
Un premier « country paper France » at été établi en novembre 2003, un autre en décembre 2005 et un dernier en décembre 2008.
Ce document a été actualisé le 3 avril 2013 par des « instructions supplémentaires ».
Les instructions de 2003 ont été produites par le service « GWM Lega and compliance » dirigé par Ursula S….
Les « country papers » de 2003 et 2005 font référence à un document séparé relatif « à
l'offre de produits et services par UBS AG à des prospects et clients en France », appelé
« product specific guidance » dans le country paper de 2003 et « Product Paper France» dans le « country paper » de 2005.
En 2003 et 2005, le cabinet d'avocats Clifford C… a été consulté en la personne de Me
Bruno F…, avocat au barreau de Paris.
En 2005, Roland S… a demandé à Clifford C… une simple révision d'un projet de « country paper » 2005, sans opinion juridique (« Tour work should be limited to a mark-up of the attached papers, no separate legal opinion is required »).
Il ressort d'un échange de courriels du 15 novembre 2005 que le service juridique d'UBS a payé pour la mise à jour du « country paper France » et du « product paper France » la somme de 2 500€.
Dans son mail du 15 novembre 2005 à Clifford C…, Roberto B… indique que le « country paper » de 2003 a été utilisé comme base pour de nombreuses sessions de formation pour les chargés d'affaires suisses (« was used as a basis for a number of education sessions organized for our Swiss client advisors »).
Au sujet des événements promotionnels, les « events » organisés sur le territoire français, UBS AG, mentionnée comme étant UBS SA dans le « country paper » en français en Dl187, précise, dès le « country paper » de 2003, que des représentants d'UBS AG peuvent y assister mais que ces « events » doivent être organisés au nom d'UBS France.
Cette mention a été supprimée en 2008.
Les instructions de 2005 indiquent au point 3.1:
« UBS (Suisse) peut donner suite aux requêtes non sollicitées des prospects » (« UBS
may answer to unsolicited prospect requests »)
Cela revient à considérer qu'à condition que ces requêtes n'aient pas été sollicitées par
UBS AG, la banque peut donner suite, en France, aux requêtes des prospects, où que ce soit, c'est- à-dire quel que soit le lieu de l'entretien.
Or une telle hypothèse est contraire à l'article L341 -1 du code monétaire et financier qui définit le démarchage.
Ce « country paper » rappelle en introduction que sont interdites les « visites sollicitées ou non sollicitées faites à des personnes à leur domicile, lieu de travail ou des endroits qui ne sont pas voués au marketing de produits ou de services » (cf. D1187/2).
Le « country paper » de 2005 énonce que les chargés d'affaires d'UBS AG ne peuvent recevoir aucun ordre d'investissement de prospect ou de clients sur le territoire national, mais dans le même temps ajoute aux points 3.2 et 4.2 que: « les formulaires bancaires devraient dans la mesure du possible être signés hors de France ».
Au paragraphe 4.2, il est spécifié que le chargé d'affaires en voyage ne doit pas passer la frontière avec ces documents lesquels doivent être « envoyés directement au «booking center » c'est-à-dire en Suisse ou au Luxembourg.
Cette phrase tend à prévoir l'hypothèse où un chargé d'affaires suisse a fait signer au client des documents contractuels sur le territoire français.
Le « country paper » de 2003 et de celui de 2005 autorisent la coopération avec les intermédiaires financiers selon les termes suivants :
- la coopération entre UBS AG et les FIM établis en France (2003) ne doit pas conduire à un démarchage actif (« active marketing ») en France mais doit reposer sur les sollicitations des FIM (« solicitation efforts of the FIM ») (en 2003)
- la coopération entre UBS AG et les FIM établis en France est présentée comme admissible à condition qu'ils ne soient pas utilisés comme un canal de distribution indu d'UBS en France : le FIM doit se borner à « identifier », c'est-à-dire indiquer ou signaler
UBS comme étant un fournisseur potentiel de services bancaires ou financiers et donner au prospect le nom d'un interlocuteur d'UBS AG qu'il pourrait contacter (en 2005).
Cette coopération doit être concrétisée par la conclusion d'un contrat.
A la différence de celui de 2008, ni le « country paper » de novembre 2003, ni celui de décembre 2005 n'indiquent le service d'UBS qui les a produits, ni leur date d'entrée en vigueur, ni le champ de leur diffusion.
Ursula S…
Ursula S… explique qu'elle a exercé la fonction de General Counsel de la Global Wealth
Division d'avril 2002 à fin avril 2009.
En 2002, le chef du Global Wealth Management (GWM) n'était pas Raoul W…l.
Elle a quitté la banque en 2010.
Elle confirme qu'elle avait deux lignes de reporting : une ligue de reporting dénommée
« Solide » au CEO de GWM, et une ligne de reporting dite fonctionnelle au Group
General Counsel. Peter K… était le Group General Counsel à son arrivée jusqu'en 2008.
Sur la conformité à la loi française en matière de démarchage
Elle assure que les « country papers » relatifs à chaque pays ont régulièrement été révisés pour tenir compte de l'évolution des législations étrangères à la Suisse. Peter
K… a mis en place en 2002 un groupe de travail, ce qui, selon elle, constituait une pratique novatrice dans le secteur bancaire et même « révolutionnaire ».
Il a été proposé au business committee international dirigé par Raoul W… (WMI) d'une part, d'établir des « country papers » non seulement pour la France mais également pour d'autres pays, d'autre part, d'organiser des formations pour les chargés d'affaires.
Elle n'a pas été personnellement impliquée dans la rédaction des « country papers ». La révision et l'actualisation des « country papers » était faites en lien avec des avocats extérieurs.
Elle suppose donc que les documents étaient en conformité avec les dispositions de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 portant notamment sur le démarchage.
L'objectif était également de faciliter la compréhension de ces « manuels pays » par les chargés d'affaires.
La présentation des documents a évolué avec le temps.
Elle relève que la révision de ces documents n'a donné lieu à aucune tension avec le
WMI entre les exigences du développement commercial et les impératifs de la conformité.
Sur le recours à des FIM
Elle soutient que le recours aux services des intermédiaires rémunérés (FIM) ou apporteurs d'affaires ne constituait pas un moyen de détourner les termes de la législation sur le démarchage illicite.
Elle explique que selon le droit suisse, il existait une distinction claire entre le rôle du
FIM et celui de la banque : le FIM prodiguait des conseils d'investissement et la banque tenait le compte et était seulement dépositaire.
Elle conteste le fait que la banque ait utilisé le FIM comme un canal de distribution de ses produits. Elle réfute l'idée que le démarchage illicite ait pu être « externalisé ».
Peter K…
Peter K… explique qu'il a exercé les fonctions de Group General Counsel à compter du 1er juillet 2001 et jusqu'en avril 2008. Il a exercé précédemment les activités d'avocat au barreau de Zurich. A partir d'avril 2008 et jusqu'au 15 avril 2009, il a été Chairman, c'est-à-dire président de la banque.
Il précise que le CEO (directeur général) dirigeait la banque tandis que le Chairman présidait le « Board » (conseil d'administration) et avait la responsabilité finale de la gouvernance de la banque.
Il confirme les déclarations d'Ursula S… en ajoutant que la banque a déployé tous les efforts nécessaires pour réaliser la meilleure conformité.
Dans cet objectif, le groupe UBS a dépensé environ 1 milliard de francs suisses et mobilisé 1500 à 2000 collaborateurs.
Il ne se souvient pas du contenu précis des « country papers » et n'en a pas suivi personnellement la rédaction.
Selon sa politique habituelle en la matière, la banque s'était adressée à des conseils Externes.
La question qui était posée était la suivant : « quelle est la loi sur cette question en Italie, en Belgique, en France etc. ? ».
La banque rédigeait ensuite ces « country papers » avec les avocats externes.
Lorsque la situation évoluait, il était demandé aux avocats de réviser le document en marques apparentes (« mark up »).
Il est accordé une grande importance à la réputation de la banque car il s'agit d'un établissement bancaire assurant la gestion de fortunes dans le monde. Chaque échec, litige, ou accusation constituait une catastrophe pour la banque.
Le conseil d'administration, group CEO, GMW et BB CEO et Group General Counsel, souhaitait donc une conformité du plus haut niveau.
La procédure américaine et le témoignage du lanceur d'alerte, Bradley B….
Bradley B… a dénoncé les faits commis au préjudice du fisc américain en 2005. Il a été poursuivi lui-même et condamné par une juridiction américaine (US District Judge américain, William Zloch) du chef de « conspiracy to defraud the United States ».
Il a été versé au dossier :
– Le jugement de condamnation de Bradley B… rendu le 21 août 2009 qui l'a condamné à 40 mois d'emprisonnement ;
– L'accord de poursuites différées (« deferred prosecution agreement » (DPA) intervenu entre le Departement of Justice (D.O.J) et la banque UBS en date du 18 février
2009 approuvés par un juge fédéral du tribunal fédéral du district sud de Floride.
Le 18 février 2009, UBS AG a donc reconnu (« acknowledge ») les faits de
« conspiracy » en vue de fraude fiscale et de démarchage sans licence, pour avoir :
– facilité la création de comptes au nom de sociétés offshore permettant aux résidents fiscaux américains de cacher leurs avoirs sur lesdits comptes ;
– accepté des formulaires W8BEN fournis par les gérants des sociétés offshore indiquant que ces dernières (et non les clients US) étaient les bénéficiaires économiques des avoirs sur les comptes ouverts chez UBS AG;
– eu des contacts illicites avec les clients US.
UBS AG a accepté de payer la somme de 780 000 000 USD et de fournir au Gouvernement des Etats-Unis les identités et informations bancaires de clients américains. En contrepartie, les poursuites pénales ont été suspendues.
Le 12 janvier 2015, Bradley B… a souhaité être entendu en qualité de témoin.
Il explique qu'il a été engagé au bureau de Genève d'UBS AG, le 4 juillet 2001, en qualité de directeur du service « Client Advisor Business Development » pour les Etats-
Unis au sein du département Wealth Management International.
A l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein d'UBS, soit entre 2001 et 2006, il a été le témoin privilégié de certaines pratiques mises en place par UBS, ses banquiers privés et ses différentes entités dans le monde.
Au début de l'année 2007, Bradley B… s'est rapproché des autorités étatiques, fiscales et judiciaires américaines compétentes afin de les informer de l'existence de ces pratiques.
Entendu le 27 février 2015, il confirme qu'il a travaillé pour UBS AG d'octobre 2001 à octobre 2005, date de sa démission.
Il explique que certains chargés d'affaires étaient appelés des « chasseurs » (« hunters »), chargés de voyager et de démarcher à travers les Etats-Unis, pays dans lequel UBS disposait à la fois de filiales et de succursales.
D'autres chargés d'affaires avaient simplement une fonction de gestionnaires (« gatherers ») et ne démarchaient pas.
L'équipe américaine a déménagé à plusieurs reprises.
A une certaine période ses bureaux étaient voisins de ceux du département France International.
Selon lui, ces fréquents déménagements servaient à semer la confusion dans l'esprit des personnes susceptibles d'enquêter sur les activités et pratiques d'UBS AG.
Aux Etats-Unis, UBS collectait de manière bien distincte à la fois de l'argent déclaré (« complex money ») et de l'argent non déclaré (« simple money »).
Selon lui, l'objectif d'UBS Private Banking était de collecter de l'argent frais partout dans le monde pour ensuite l'envoyer en Suisse. C'est en Suisse que la banque facturait aux clients le plus de frais, c'est-à-dire bien plus que ne le faisaient ses filiales locales comme UBS France.
Il s'agissait des frais liés aux services bancaires (« banking services ») mais aussi liés à la gestion des actifs (« securities services »).
Les clients acceptaient évidemment de payer plus de frais à leur banque dans la mesure où elle leur permettait de ne pas payer d'impôts.
Le témoin précise que chaque chargé d'affaires avait dans son portefeuille entre 100 et 200 relations bancaires, une relation bancaire pouvant correspondre à plusieurs comptes IBAN, et que la banque n'ouvrait pas de compte en Suisse à moins de 1 million de francs suisses comme potentiel.
Par ailleurs, UBS AG a déclaré devant le Sénat américain qu'elle gérait « environ 20000 comptes ouverts en Suisse pour des clients américains (US Clients) dont environ 1000 étaient des comptes déclarés et environ 19 000 étaient non déclarés », Soit 95 % de comptes non déclarés.
Le témoin indique qu'il a lui-même donné ces chiffres aux autorités américaines. Ces données provenaient de documents internes. La banque n'a pu que confirmer l'information.
Il évoque les programmes de régularisation mis en place aux Etats-Unis en 2009 et en 2011 (« voluntary disclosure program ») qui, au 31 décembre 2012, ont suscité 39 000 déclarations volontaires et le paiement de 5,5 milliards de dollars de droits éludés et de pénalités.
Plus de 50% des contribuables concernés étaient titulaires d'un ou plusieurs comptes chez UBS AG. Le chiffre des titulaires de comptes incluait celui des bénéficiaires économiques de comptes en cas d'interposition d'une personne morale ou d'un trust.
En 2007, il a dénoncé aux autorités américaines des pratiques permettant de frauder l'impôt similaires à celles mises en lumière dans la présente procédure, à savoir, la création de sociétés offshore dites sociétés de domicile et de toute autre entité telle que les trusts permettant de cacher les avoirs, le système des comptes anonymes numérotés, le démarchage clandestin sur le territoire américain (les « chasseurs » venaient avec des ordinateurs portables cryptés selon des procédés développés en interne par UBS), des transactions en cash, les mécanismes de compensation.
Sa description du fonctionnement d'UBS AG et des services offerts par la banque à ses clients fraudeurs est très semblable à celle contenue dans l'audition du témoin n°119.
Selon Bradley B…, les instructions internes données par la direction de la banque étaient parfaitement hypocrites. Les responsables savaient parfaitement qu'elles n'étaient pas respectées par les chargés d'affaires. UBS avait délibérément effectué du démarchage sur le territoire américain alors qu'elle ne disposait d'aucune licence, tout en se « couvrant » par la publication de notes internes, les « country papers ». UBS avait facilité la fraude fiscale de ses clients américains en leur fournissant des relevés bancaires tout en sachant que les intéressés n'avaient pas renseigné l'imprimé fiscal W-9.
Avant de partir de Suisse, les chargés d'affaires envoyaient les données relatives aux clients ou prospects sur un courriel crypté, puis passaient la frontière avec un ordinateur vide. Une fois arrivé aux Etats-Unis le chargé d'affaires pouvait télécharger les données sensibles.
Selon lui, même si la banque ne le reconnaissait pas, la création de sociétés offshore interposées correspondait à une politique délibérée d'UBS.
En effet, il était distribué à tous les chargé d'affaires une liste (check list cf D2007) des documents nécessaires à la constitution de ce type de sociétés (« domiciliary companies ») ou d'un trust.
Pour les Etats-Unis et le Canada, les chargés d'affaires orientaient les clients vers des prestataires qui fournissaient ce type de sociétés agréées par UBS, qui les appelaient les « Approved Service Providers » (ASP).
Pour l'Europe et donc la France, il existait un département qui était chargé de constituer les fondations et les trusts.
S'agissant des trusts, UBS avait tout intérêt à en constituer. Une filiale d'UBS devenant le trustee, il était par la suite beaucoup plus compliqué pour le client de changer de banque.
Le 14 juillet 2008, la société UBS AG a déclaré devant une commission d'enquête du
Sénat américain qu'elle avait environ 20000 comptes bancaires ouverts en Suisse pour des résidents américains (« US clients »). UBS AG a révélé également que le montant des actifs américains sous gestion s'élevait à 18,2 milliards de francs suisses ou 17,9 milliards de dollars (D1849/21).
Dieter K…
Dieter K… est responsable de la division Europe de l'Ouest (CEO Wealth Management
Western Europe) d'UBS AG de 2006 jusqu'en novembre 2007, et a, à ce titre, sous sa responsabilité l'activité de France International.
Il est par ailleurs président du conseil de surveillance d'UBS France jusqu'en juin 2008, ainsi que président de son comité d'audit, également jusqu'en juin 2008.
Du fait de cette dernière fonction, il est destinataire des rapports d'audit interne de
Nicolas F…, par exemple du rapport sur le département dit « Controlling » d'UBS France en juin 2007.
A l'audience, s'agissant du conflit d'intérêt, il indique que ce n'était pas un problème pour lui d'avoir les deux casquettes. Il était conscient des risques mais des règles très strictes avaient été instituées des deux côtés.
S'agissant des synergies et de la coopération, il explique qu'il fallait nouer la confiance des deux côtés et connaître les différentes entités.
S'agissant des « events », il fait valoir qu'UBS France assurait le financement et avait une liberté totale sur l'organisation. Le seul but des « events » était de faire plaisir aux clients.
Il ajoute qu'il y avait des règles très précises à respecter : « les country papers » et que la priorité était de garder le client.
Il affirme qu'il n'intervenait pas dans le fonctionnement des ATA et qu'il n'y avait qu'environ 10 transactions par trimestre. Le bonus n'était pas important.
Il a bien été destinataire des rapports d'audit rédigés par Nicolas F… et les a lus.
Il expose qu'il y avait beaucoup de comptes venant de successions dans les livres d'UBS AG et que ces comptes ont été ouverts dans les années 50. Les banques domestiques ont été créées pour capter de nouveaux clients.
Il soutient qu'il n'est pas possible de cacher un compte en Suisse et que la banque n'avait pas connaissance de l'existence de comptes non déclarés.
Il n'associe pas « simple et complex money » avec les termes « déclarés ou « pas déclarés ». Il ne s'agit absolument pas d'une définition venant d'UBS. Selon lui, le « complex money », visait la complexité de la gestion.
La banque UBS AG n'a jamais cherché à contourner la Directive Epargne.
L'activité principale était la gestion d'actifs. Lorsqu'il est arrivé en 2001, tous les services offerts par la banque existaient déjà.
Philippe I…
Philippe I… a été responsable du département France International de la ligne de métier banque privée d'UBS AG de 2004 jusqu'au 31/03/2007.
A l'audience, il déclare que France International était un marché mature. L'objectif était de garder les clients et la qualité de service. Développer la clientèle existante était moins onéreux.
En 2003, M. B… était à ses côtés. Il était le point d'appui de France International.
Sa mission consistait à rester en harmonie avec la stratégie globale et fournir les meilleurs services et les meilleurs produits. Il précise s'être beaucoup investi dans France Domestique.
Il n'a jamais lui-même vendu de produits. Il n'a pas participé à l'élaboration des « country papers » mais a mis en place des formations.
Entre 2003 et 2005, il y a eu une dizaine de formations.
Il a sans cesse répété aux chargés d'affaires qu'ils devaient respecter les règles sous peine de licenciement. Il existait un contrôle continu. Le débriefing était fait par le Desk Head.
En 2003, il a écrit un mémo à toutes ses équipes dans lequel il avertissait que s'il avait une preuve de dérapage, il licencierait sur le champ.
Il a d'ailleurs licencié une personne à 2 ans de la retraite.
Il affirme qu'il n'y avait pas d'objectifs tenant au nombre de déplacements et qu'il n'existait aucune concurrence entre chargés d'affaires suisses et français. Cependant, la concurrence existait, selon lui, surtout en France.
Les synergies et la coopération entre chargés d'affaires se situaient au niveau des formations sur les produits. A cette occasion, il pouvait se créer des affinités.
Il confirme que des chargés d'affaires suisses pouvaient se rendre au domicile d'un client juste pour un entretien sans que rien ne soit proposé au client.
S'agissant des « events », il explique que le but principal était de promouvoir la banque.
Il a assisté à des events de golf. Il faisait le discours groupe. Ces « events » étaient de grande qualité. Il n'avait pas de clients propres. Les « events » étaient organisé par UBS France pour UBS France. Quand les CA suisses étaient présents, c'était en « lien entre services marketing ».
Des échanges de cartes de visites pouvaient avoir lieu pour le référencement d'autres clients.
Il admet qu'il traitait les reconnaissances d'affaires transfrontalières avec Patrick F….
Ils arbitraient les cas. Il y avait un contrôle général pour vérifier l'existence de la transaction.
Il soutient qu'il n'avait aucune responsabilité sur le département SEG et n'était pas le supérieur hiérarchique de Madame D… contrairement aux déclarations de cette dernière.
Il explique que ce qui conduit les résidents fiscaux français à ouvrir un compte en Suisse, c'est la stabilité économique de ce pays. Par ailleurs UBS AG est la plus grande banque privée du monde.
In fine, il reconnaît qu'il se doutait qu'il existait des comptes non déclarés dans les livres de la banque UBS AG. La terminologie « simple money » et « complex money » n'a jamais été formalisée dans la banque.
S'agissant des services et des produits proposés par UBS, il fait valoir que le client était maître de ses décisions Olivier B…
A compter d'octobre 2007 et jusqu'en mars 2009, Olivier B… succède comme patron de
France International à la fois à Philippe I…, segments UHNW et HNW et à Daniel L…, segment Core Affluent, et rapporte désormais directement à Dieter K….
Il expose qu'il n'a jamais été chargé d'affaires à UBS et n'était pas en relation directe avec le client. Il n'était pas contrôleur financier.
Il a eu des fonctions de business management notamment pour la collecte des « carnets du lait » qui constituaient uniquement un système de management.
Il a participé à des « events » en France comme bras droit de Philippe I… dans un premier temps puis après 2007, comme patron de France International.
Il confirme que l'objectif des « events » était la satisfaction et la « rétention » du client ainsi que la communication et l'image du groupe.
Dieter K… attribuait un budget et les arbitrages étaient faits par le Desk Head.
Il explique les synergies comme un mode d'organisation générale avec la volonté d'être « une grande famille » et que les gens se rencontrent.
Il évoque les règles strictes des « country papers ».
Il invoque la stabilité économique et politique de la Suisse ainsi que la qualité des services et le secret bancaire pour expliquer l'intérêt, pour des résidents fiscaux français, d’ouvrir des comptes dans ce pays. Il ne méconnaît pas l'existence de comptes non déclarés. Il conteste le fait qu'UBS AG ait mis en place des procédures pour contourner les lois.
Il y avait une offre de produits et de services et le client prenait les décisions.
Le représentant de la banque UBS AG, Andrew W…, General Counsel Wealth
Management, Group Managing Director a indiqué que les effectifs d'UBS avaient été réduits à cause de la crise financière passant de 85 000 personnes en 2008 à 65 000 en 2015.
Le poids du marché domestique France
UBS AG, a communiqué le poids relatif du marché domestique France dans l'ensemble des marchés domestiques Europe (« WME »), en l'espèce 7,5 %.
Le marché France International/marché « WM Europe
Elle a également précisé que le marché France International, par rapport au marché «
WM Europe », représentait environ :
-9,0% en 2004
-9,2% en 2005
-9,1% en 2006
-8,9% en 2007
-9,2% en 2008
-9,4% en 2009
-9,5% en 2010
-8,2% en 2011
-8,0% en 2012
-7,6% en 2013
-6,9% en 2014.
Directive Epargne
De 2005 à 2012, le taux de clients France International ayant opté pour la transmission de leur identité à l'AFC en application de la directive épargne du 3 juin 2003 a approximativement augmenté de 1% par an, soit de 1% en 2005 à 8% en 2012.
Les montants annuels, depuis 2005, retenus à la source en application de la directive épargne du 3 juin 2003.sont approximativement de :
- 2 100 000 francs suisses pour l'année 2005
- 7 400 000 francs suisses pour l'année 2006
- 9 100 000 francs suisses pour l'année 2007
- 10 700 000 francs suisses pour l'année 2008
- 8 100 000 francs suisses pour l'année 2009
- 6 700 000 francs suisses pour l'année 2010
- 8 900 000 francs suisses, pour l'année 2011
- 11 000 000 francs suisses pour l'année 2012
Montant des encours sous gestion du département France International
La banque suisse n'a pas répondu aux questions relatives au montant des encours sous gestion du département France International. Des évaluations ont été faites amenant à considérer que le montant des encours sous gestion du département France International en 2008 aurait été de 23 milliards d'euros.
Le représentant d'UBS AG conteste l'évaluation proposée.
Les témoignages
Invité à s'exprimer sur les témoignages décrivant le système de blanchiment de fraude fiscale des résidents fiscaux français clients de la banque, organisé par UBS AG, il affirme que l'utilisation de la terminologie « simple money » et « complex money » n'était pas encouragée par la banque.
Il introduit néanmoins une nuance en indiquant : « simple money, c'est de l'argent dont on ne sait pas s'il a été déclaré ou non, alors que complex money, on sait qu'il a été déclaré ».
Selon lui, les clients souhaitaient uniquement bénéficier de l'exceptionnelle et ancienne compétence suisse dans la gestion de fortune, en particulier celle d'UBS, le plus important gestionnaire de fortune.
Il ajoute que tous les témoins qui mettent en cause la banque, ont été licenciés par UBS et ne sont donc pas objectifs à l'égard de leur ancien employeur. UBS a mis en place des règles très strictes depuis 2003 en France concernant le démarchage, règles qui ont été rendues encore plus strictes en 2009.
La banque restante
Le représentant de la banque n'a pas été en mesure de préciser le nombre de personnes ayant opter pour le service « banque restante » (« retained mail ») et affirme qu'en tout état de cause, on ne peut pas déduire de ce choix que le client français ne déclare pas ses avoirs au fisc français.
La proportion de clients de France International ayant opté pour l'envoi du courrier à leur domicile serait approximativement de 53 %.
L'imprimé fiscal IFU
Il ne peut pas non plus préciser la proportion de clients relevant de France International qui, à compter de l'année 2007, a demandé un imprimé fiscal unique (IFU).
Les comptes numérotés
Il prétend qu'il ne connaissait pas la procédure de l'identification du client par téléphone à l'aide d'un nom conventionnel décrite par le témoin n°119 et confirmée par Philippe Magnin-Feysot.
Il admet néanmoins que le compte anonyme numéroté était un service offert à la clientèle et que ces comptes étaient soumis à un niveau supérieur de sécurité. Lorsque le client choisissait ce service, son nom et son numéro de compte n'étaient accessibles qu'à son chargé d'affaires et à certains services centraux d'UBS. Par ailleurs, les relevés du compte concernés étaient édités sans la mention de son nom Ce service était distinct du service « banque restante ». On pouvait y recourir et demander l'envoi de ses relevés à domicile.
Ce produit dénommé « relation numérique », par opposition au « compte nominatif » était facturé au client avec un supplément de 20 % des frais de garde et au minimum 300 CHF par an, puis à compter de janvier 2009, plus jusqu'à 480 CHF par trimestre.
Ce produit est offert aux comptes ouverts au nom d'une personne physique, mais aussi aux comptes ouverts au nom d'une personne morale, lorsqu'il s'agit d'une société de domicile.
Aux paragraphes 622 et 623 de l'instruction de 2004, il est expliqué que le client peut déclarer un nom conventionnel ou pseudonyme ou nom fantaisiste ou un numéro dit CQUE, et les utiliser pour sa correspondance ou le retrait d'espèces. Le numéro CQUE est le numéro du compte que le client ne peut pas choisir.
C'est seulement en octobre 2010 que, d'après l'instruction de 2010, UBSAG a décidé de ne plus permettre à ses clients de correspondre sous un pseudonyme ou un numéro.
Cependant, il est indiqué que les pseudo ou numéro déclarés « may be retained », ce qui signifie que si un client avait bénéficié par le passé d'un compte numéroté le dispositif pouvait être maintenu après 2010.
Le représentant de la banque admet que le fichier CARDEX décrit aussi bien par le témoin n°119 que par Pierre G… n'a pas été supprimé en 2012.
Services offerts
Par rapport aux déclarations du témoin anonyme n°119 sur les différentes solutions et services offerts par UBS AG aux clients disposant de fonds non déclarés, il observe que la Suisse et ses banques ont toujours traqué le produit du crime. Il ajoute qu'il est exact que naguère, l'évasion fiscale n'était pas considérée en Suisse comme de la fraude fiscale mais que ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il fait valoir que les autorités suisses, par l'intermédiaire de l'assistance fiscale, répondent à toutes les demandes d'assistance internationale.
II admet que des chargés d'affaires ont pu avoir avec leurs clients des discussions relatives à l'utilisation de sociétés de domicile, sociétés offshore constituées pour faire des investissements mais n'ayant, elles-mêmes, aucune activité économique ou commerciale mais il n'y avait aucune incitation en la matière et ce n'était pas un service proposé au client.
Ces sociétés pouvaient parfois avoir un salarié, comme une family office employant un directeur des investissements. Il s'agissait notamment de sociétés incorporées offshore aux ÎlesVierges Britanniques (BVI) ou aux Îles Caïman.
En revanche, UBS AG proposait bien à ses clients la constitution et l'exploitation de trusts et de produits d'assurance-vie mais pas (ou plus) de fondations.
Le recours à ces services n'a jamais eu pour finalité de permettre aux clients d'échapper au prélèvement à la source prévu par la directive Epargne.
Certains produits financiers se trouvaient de facto en dehors du champ de la directive.
Il existait un service spécial le Wealth Planning qui offrait ces services à la demande du chargé d'affaires.
La décision de donner suite ou pas à la requête du chargé d'affaires était prise au sein du
Wealth Planning. Ce département pouvait en référer à la direction juridique et de la conformité.
Pour la constitution d'un trust, il était en outre demandé au client de joindre une consultation d'avocat et de disposer d'avoir représentant une certaine somme (1000 K francs suisses, selon le témoin n’119). Il conteste l'existence d'un trust dit « light » ou standard relevant de la « juridiction » des Bahamas.
S'agissant des trusts, l'identification du client final dépendait du caractère discrétionnaire ou non du trust et de son caractère révocable ou non. Selon le cas, c'était le nom du constituant ou celui du bénéficiaire, qui figurait sur le formulaire A du compte.
S'agissant des fondations, il confirme qu'elles relevaient bien du droit du Liechtenstein.
En revanche, un employé d'UBS ne pouvait plus être membre de l'entité créée par leurs clients.
UBS AG n'a pas été en mesure de communiquer un quelconque rapport de contrôle interne relatif à des cas de détection d'usage illégitime d'entités offshore ou de polices d'assurance-vie.
Les cas de refus d'ouverture de compte de client fondés sur une volonté présumée de frauder le fisc n'étaient pas répertoriés.
Lors de l'interrogatoire du 23 mars 2015, le représentant d'UBS AG refuse de répondre à plusieurs questions ou se montre particulièrement évasif dans ses réponses, notamment sur l'évolution des effectifs du département France International, sur les faits de démarchage illicite commis à Bordeaux imputés à Juan M…, chargé d'affaires suisse du département France international, sur les déclarations d'Anne L… relative aux activités du chargé d'affaires d'UBS Lausanne, Frédéric P…, sur la convention groupe du Wealth Management International Core Affluent, les synergies entre chargés d'affaires français et chargés d'affaires suisses organisées dans le cadre du segment Core Affluent et sur le fonctionnement du CorALine mis en place en 2005.
Il est rappelé que le 7 novembre 2006 a eu lieu un atelier « workshop » intitulé « CorA France Domestic. Synergies with CorA Intl », qui a donné lieu à un document de 79 pages (cf. D640/125 à D640/204 et 473).
Par ailleurs, sur un document intitulé « Core Affluent Paris, Genève 9 novembre 2006
», figure la présentation des équipes CorAffluent de France (D640/205 à D640/216).
Lors de cet atelier, sont intervenus, notamment Patrick F…, Béatrice L… (directrice des ressources humaines) et Joël Périe (du bureau de Lyon) de chez UBS France ainsi que des représentants d'UBS AG.
Les commerciaux d'UBS France (« les CA Core Affluent Domestique d'UBS France ») ont manifestement été étroitement associés à cette stratégie commerciale en synergie.
Les cellules de régularisation
Dans le contexte de la mise en place de la cellule de régularisation Woerth, un document power point en date du 23 octobre 2009 détaille les documents bancaires, package A, package B, package C, en fonction du montant des avoirs que la banque peut fournir au « client qui en formule la demande », et dresse une liste d'avocats, en France ou en Suisse, dont les contacts peuvent être fournis. Ce document qui détaille également les conditions de la régularisation en France ne montre pas que la banque incite ses clients à régulariser mais, à tout le moins, qu'elle fournit des informations s'ils faire.
En 2011 ou 2012, la banque a imposé à ses clients de participer aux programmes de régularisation.
Des courriers ont été adressés et à défaut de réponse dans les 45 jours le compte a été clôturé.
Sur les provisions passées par UBS AG
Le représentant de la banque confirme l'existence d'une provision et de son montant à hauteur de 10 millions d'euros en raison des poursuites exercées en France par l'ACP.
Les provisions relatives aux poursuites pénales) était incluses dans la provision de 239 millions d'euros, qui couvrait également toutes les actions en justice impliquant le Wealth Management dans le monde, pas seulement en France et en Allemagne mais aussi par exemple à Singapour, ainsi que pour l'affaire Madoff qui avait une composante luxembourgeoise.
Procédure allemande
UBS AG a conclu en 2013 un accord de nature pénale avec le Parquet de Bochum prévoyant le paiement d'une amende de 300 000 000 d'euros pour des faits d'évasion fiscale au préjudice du Trésor public allemand. Éric L… a créé en 2004 LA PATRIMONIALE FRACO-SUISSE. Il avait un bureau à
Bâle en Suisse et un bureau occasionnel à Strasbourg. Il travaillait avec des banques suisses comme le Crédit Suisse et UBS. Sylvie J… était sa correspondante chez UBS depuis 2006.
Il explique que cette dernière « tournait » dans tout l'Est de la France et faisait parfois du business « direct ». Elle démarchait des clients en France.
Plus généralement, il expose qu'UBS envoyait des chargés d'affaires prospecter en
France et avait une politique très agressive. Il n'a jamais eu de contact avec UBS France mais précise s'être rendu en 2008 dans l'agence UBS de Strasbourg pour voir s'il pouvait travailler avec eux. Il a rencontré Olivier DI FIN.
Il relate que lorsqu'il avait un client qui voulait ouvrir un compte en Suisse, il précisait à ce dernier que l'origine des fonds devait être justifiée. Il faisait un rapport préalable sur le client et le recommandait à Sylvie J…. Sur trois ou quatre ans, il pense qu'il y a eu entre 20 et 30 ouvertures de comptes pour des clients français. Le client apportait son argent en espèce, seule façon de ne pas laisser de trace pour le fisc français.
Les Suisses n'étaient pas regardant sur l'aspect fiscal.
Il a eu des contacts avec José et Steven B… et a accompagné José B… à Bâle pour une ouverture de compte. Ce dernier voulait faire des transferts de fonds. Il a été suivi par
Sylvie J….
Il précise qu'il ne faisait que du relationnel tandis que Sylvie J… allait chercher des clients dans tout l'Est de la France.
Il confirme que la plupart de ses clients avaient des comptes non déclarés.
Il signale que la banque UBS recommandait la procédure « banque restante » et de ne pas appeler au téléphone. Le courrier était stocké moyennant finance. Si le client voulait connaître le solde de son compte, il fallait qu'il se déplace.
Selon lui, la banque savait que les fonds n'étaient pas déclarés.
LES INVESTIGATIONS
1- Recherches auprès de la DNEF
Sur le fondement des dispositions de l'article L101 du livre de procédures fiscales, les magistrats instructeurs ont communiqué à la DNEF deux listes de personnes physiques
(« tableau clients prospect vi et v2 » : la liste de 304 personnes clients / prospects apparaissant avoir fait l'objet d'un démarchage par des CA suisses) pouvant avoir été démarchées, au sens du code monétaire et financier français, par des chargés d'affaires (« client advisors » ) de l'établissement bancaire UBS Suisse, lors de rendez-vous individuels sur le territoire national ou à l'occasion d'événements culturels, sportifs ou caritatifs organisés sur le territoire national ou non (les événements promotionnels désignés comme des « events »).
La DNEF a précisé que trois contribuables avaient déclaré détenir un compte UBS Suisse (MM. Pierre C…, Roland C… et Jean-Marc B…), quatre contribuables détenaient un tel compte mais ne l'avaient pas déclaré (MM. Jacques C…, Pierre M…, René A… et Pascal B…), et neuf contribuables détenaient un compte dans une autre banque suisse.
Lors d'une perquisition au domicile de l'une de ces personnes, Pierre M…, a été découvert un relevé bancaire d'un compte ouvert chez UBS AG (D1098).
Pierre M… a confirmé avoir un compte non déclaré dans les livres d'UBS Suisse. II a contesté avoir fait l'objet d'un démarchage par un chargé d'affaires suisse. Il a précisé qu'UBS ne lui avait donné aucun relevé de compte de sorte que, une fois par an, il se déplaçait à Genève.
2- Analyse croisée des ATA et des « carnet du lait »
La perquisition réalisée au siège d'UBS France, a conduit à la saisie de tableaux rédigés par le département de contrôle de gestion (placés sous cote UBS AG). Ces documents présentent, par segment ou branche, mois par mois, de 2005 à 2012, les montants d'argent collectés, de Net New Money (NNM), grâce à UBS France.
Ils distinguent la NNM collectée (ou « bookée ») en France, hors ATA, de la NNM résultant des reconnaissances d'affaires (ATA).
Les reconnaissances d'affaires en faveur de la France permettent de présumer que le client concerné a été en contact avec un chargé d'affaires, employé par UBS Suisse ou UBS Belgique ou encore UBS Luxembourg.
UBS France a fait savoir qu'elle n'était pas en mesure de communiquer l'intégralité des informations relatives aux ATA internationaux car le nom des clients ou des prospects n'ont été centralisées qu'à partir de l'année 2009. Auparavant les procédures du groupe n'imposaient pas aux chargés d'affaires de consigner ces informations.
Le taux de reconnaissance d'affaires n'a été disponible qu'à partir de l'anné 2012. UBS France explique que pour pouvoir retracer complètement les données relatives à chaque ATA, elle a instauré en mai 2009, une procédure de suivi et de contrôle interne de ces ajustement (cf procédure interne 07FR03) imposant notamment l'obligation pour le chargé d'affaires d'établir un dossier par client identifiant le client ou prospect et l'opération économique sous-jacente à l'ATA, un formulaire de partage entre le CA français et son homologue d'une entité étrangère au sein du groupe UBS, l'obligation de conserver les dossiers d'ATA pendant cinq ans par le Business manager qui a pour mission d'effectuer des rapprochements trimestriels entre le fichier des ATA internationaux et les dossiers qui lui sont transmis, la validation de chaque dossier par le desk head, puis par le responsable du front office d'UBS France, un contrôle semestriel effectué par le département Risk & Conformité des contrôles de premier niveau.
De 2004 à 2012, les sommes collectées chez UBS AG (hors de France) et ayant donné lieu à une reconnaissance d'affaires (ou ATA) de la société mère à sa filiale française, UBS France, se sont élevées à 1 588 000 000 €. Les sommes reconnues par le département France International d'UBS AG à UBS France se sont élevées à 486 000 000 € (sommes représentées par les parties A et B du tableau D1850).
Les chargés d'affaires employés par UBS AG ayant le plus souvent enregistré des reconnaissances d'affaires à des chargés d'affaires employés par UBS France étaient Emilie C…, Thomas S…, Dominique N. B…, Benno S….
La liste des personnes physiques ou personnes morales ayant donné lieu à une reconnaissance d'affaires par un chargé d'affaires suisse à un chargé d'affaires français a été communiquée à la Division nationale des enquêtes fiscales (DNEF) afin de déterminer si ces personnes disposaient d'un ou plusieurs comptes bancaires ouverts à la banque UBS en Suisse.
La banque a communiqué également une note interne relative à la gestion des ATA entre deux chargés d'affaires d'UBS France (ATA domestiques) ou ATA internationaux.
Pour les années 2009-2011, l'administration fiscale précise que seules quatre personnes ont volontairement déclaré un compte UBS à l'administration fiscale française
(Christophe A…, Aymeric et Pierre-André D…, Jacques B…).
Ces personnes ont fait l'objet de reconnaissances d'affaires pour 8 465 000 €, sur un total de 80 950 910 € pour la période.
3- Procédures de régularisation
Béatrice B…, chef du Service de traitement des déclarations rectificatives, explique que son service s'est occupé du traitement fiscal des dossier des personnes possédant des avoirs à l'étranger, qui n'avaient pas été déclarés. Il a été créé en septembre 2013, suite à la circulaire du 21 juin 2013 du Ministre du Budget.
Elle explique le déroulement de la procédure qui commence par le dépôt d'une lettre d'intention, dans laquelle un contribuable indique qu'il souhaite régulariser sa situation, à raison d'avoir dissimulés à l'étranger. Cette lettre est déposée soit par le contribuable, soit par son conseil, qui est généralement un avocat, mais qui peut aussi être un notaire, ou un expert-comptable.
Cette lettre peut être plus ou moins explicite sur la nature et l'origine des avoirs.
Le chiffre annoncé d'environ 30 000 régularisations provient du nombre de dépôt de ces lettres d'intention. Ces lettres sont classées et archivées dans l'attente de la transmission par le contribuable ou son conseil du dossier complet. Le dossier est affecté à un des inspecteurs du service, qui va pouvoir le traiter.
Les pièces produites sont examinées afin de valider l'origine des fonds. Les éléments déclarés sont contrôlés, c'est-à-dire, les déclarations d'impôt rectificatives, d'impôt sur les revenus, d'impôt de solidarité sur la fortune, de succession et de don manuel. Il peut être demandé au contribuable des précisions, des compléments de pièces et/ou de rectifier les déclarations rectificatives. Les échanges se font quasiment exclusivement par mail.
A l'issue de ce procédé, l'inspecteur prépare les pièces de procédure, à savoir, la lettre de motivation des pénalités et le contrat de transaction. Il établit aussi les documents de taxation en vue de la mise en recouvrement. Le dossier est ensuite considéré comme complet et est transmis pour visa à un supérieur hiérarchique, généralement des inspecteurs divisionnaires.
Il lui arrive de viser avec sa collègue Christiane F… les dossiers comportant les plus gros enjeux.
A l'issue du visa, les pièces de procédure sont adressées au contribuable ou son conseil qui doit retourner dans les 30 jours le contrat de transaction signé. Le dossier dit « dossier de taxation », est transmis au comptable public qui émet un avis de mise en recouvrement, quel que soit l'impôt, lequel est envoyé au contribuable, qui doit alors s'acquitter de sa dette fiscale.
Elle précise qu'il est fréquent que les contribuables acquittent spontanément leur dette fiscale lors du retour du contrat de transaction. Lors du dépôt du dossier complet, il est prévu que les contribuables doivent déjà verser le montant des droits dus à l'impôt de solidarité surla fortune et les droits de mutation à titre gratuit.
Le délai moyen de traitement est variable et peut aller d'un jour à plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Cela dépend de la production des justificatifs par le contribuable ou s'il y a désaccord sur l'interprétation fiscale d'une opération.
Les remises transactionnelles sont prévues par la circulaire du 21 juin 2013 et dépendent du comportement du contribuable, soit passif, soit actif, par rapport à l'origine des fonds.
Pour les passifs, la majoration pour manquement délibéré de 40% est ramenée à 15% et l'amende par compte non déclaré est plafonnée à 1,5% du montant des avoirs (contre 5% normalement). Pour les actifs, la majoration est de 30%, et l'amende est plafonnée à 3%. Si la régularisation est engagée par les héritiers d'une personne décédée, la situation du défunt ne fait l'objet d'aucune majoration et amende.
Les périodes de régularisation ont porté, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à 2006 et pour l'impôt de solidarité sur la fortune et les droits de mutation à titre gratuit, 2007.
Les fonds sont principalement d'origine familiale et proviennent de successions ou de donations.
Il arrive qu'il y ait des comportements dits « actifs », ou que des contribuables aient alimenté des comptes dissimulés, soit à partir d'épargne réalisée en France, souvent des espèces, soit par des rémunérations encaissées directement à l'étranger.
Il peut alors s'agir de complément de rémunérations versés par des groupes internationaux ou des paiements par des fournisseurs étrangers. Il y a aussi parfois des frontaliers avec la Suisse et des fonctionnaires internationaux.
Le principal pays d'accueil des fonds dissimulés est la Suisse à 80%.
Au moment de son audition, la cellule a traité environ 4000 dossiers. S'agisssant de la banque UBS, il a été comptabilisé environ 1000 dossiers. Elle précise que la banque suisse UBS revient fréquemment. Elle fait partie des cinq banques suisses les plus citées qui sont : PICTET, JULIUS BAER, CREDIT SUISSE, LOMBARD ODIER.
Elle cite deux cas de dossier dans lesquels le contribuable ou son conseil a indiqué qu'il avait agit sur les conseils de la banque UBS Suisse, avec interposition de structures dans un paradis fiscal ou avec un système de compensation pour des retraits d'espèces.
Il s'agit du dossier de Mme Fatemeh N…, veuve M…, née le 03 juillet 1932 à Téhéran
(Iran) et demeurant 27 rue Robert de Fiers, PARIS 15. Dans sa lettre d'intention datée du 18 octobre 2013, celle-ci indique qu'elle et son mari, décédé le 29 septembre 2013, détenaient depuis les années 1970 des avoirs en Suisse, notamment auprès de la banque UBS et qu'une partie de ces avoirs étaient abrités au sein d'une fondation familiale constituée suite aux recommandations des conseillers de la banque UBS.
Elle remet une copie du courrier. Le contact de l'inspecteur des finances publiques est le fils de Mme M… : M. S…, A…, R… M…, né le 08 février 1960 et demeurant … ; email : … ; téléphone : ….
Le dossier est en cours d'instruction.
Elle constate, à la lecture des documents, qu'il est question d'une fondation à VADUZ au LICHTENSTEIN nommée HONAZA FONDATION créée le 08 juin 2006 et liquidée le 20 septembre 2010. Cette fondation détient les parts d'une société aux BAHAMAS,
TERRAM VALLEY Inc. créée le 16 février 2006 et dissoute le 10 décembre 2010. Cette société est titulaire du compte n° 0206-876413 ouvert le 07 juin 2006 auprès de la banque UBS SA ZURICH. Ce compte, au 31 décembre 2006, présente un solde créditeur de 767 957 US dollars et au 31 décembre 2009, un solde créditeur de 1 025
516 US dollars.
M. M… est venu à deux reprises au service. Une première fois pour connaître le détail de la procédure de régularisation et une seconde fois en novembre 2014 pour déposer le dossier.
Le cas d'utilisation d'un système de compensation concerne trois dossiers d'une famille,
M. et Mme H… et de leurs enfants Mme Danielle H…, et Mme Michèle A…, née H… assistée de deux avocats du cabinet KALONE AVOCATS, Maîtres Richard Dehe et
Anne Sophie De Rouin. Les parents ont reçu un legs en 2003, au décès d'une tiers personne, Mme Reyna V…, d'un portefeuilles titres d'une valeur liquidative de 4 759
010 euro, au 31 juillet 2003. Ce portefeuilles titres a été porté au crédit d'un compte
GADELOUPE 2, ouvert à la banque UBS Suisse, le 08 juillet 2003. En octobre 2003, les parents ont ouvert un compte le 07 octobre 2003, pour chacune de leur fille : compte
« GALENE » pour Mme H… et compte « ST BARTH » pour Mme A…, sur lesquels ont été versées les sommes de 1 084 304 euros pour chacune.
Il résulte des pièces communiquées par les conseils, pour les trois dossiers, qu'ils ont bénéficié d'un système de compensation, pour effectuer des retraits d'espèces.
Le principe du système de compensation est un système permettant pour le contribuable de faire un virement depuis son compte dissimulé à l'étranger vers un autre compte à l'étranger et de pouvoir recevoir en contrepartie, sur le territoire national, des espèces pour un montant correspondant, minoré d'une commission.
Dans le cas de la famille H…, les avocats indiquent dans leur courrier que les membres de la famille H… ont « utilisé les services proposés par la banque UBS Zurich, en procédant à des retraits d'espèces par le biais d'opérations de compensation, clairement identifiés dans les relevés (...) sous les libellés « Ordre Vermont Limited » ou « Ordre
HAND Cie SA ». Les sociétés précitées, bénéficiaires des virements effectués dans le cadre de ces opérations de compensation, organisaient la remise. En France des sommes compensées au seul profit du titulaire des comptes.
Elle remet la copie des trois lettres d'intention déposées par les avocats et les documents d'ouverture des différents comptes ainsi que des tableaux de synthèses des retraits d'espèces et opérations de compensation sur les années 2006 à 2012.
Elle précise néanmoins que ces trois dossiers n'ont pas encore été instruits et que, compte tenu de ces opérations de compensation, il n'est pas certain que le service reste compétent. Il est possible qu'une brigade de contrôle de la Direction nationale de vérification des situations fiscales le prenne en charge.
En dehors des deux cas évoqués, elle explique qu'oralement, les conseils indiquent aux agents du service que c'est sur les conseils des banques suisses que leurs clients ont interposé des structures off-shore, notamment après l'entrée en vigueur de la Directive européenne sur l'épargne (ESD). Cette directive visait à mettre en place une retenue à la source sur les produits de l'épargne des personnes physiques ressortissants de l'Union européenne. L'interposition d'une structure off-shore permettait d'échapper à la taxation, les comptes étant désormais détenus par des sociétés ou des trusts. Ce n'est pas nécessairement uniquement la banque UBS Suisse, mais celle-ci en fait partie.
En comparaison avec d'autres banques suisses, UBS apparaît comme moins coopérative sur la fourniture d'informations sur l'origine des fonds. Par exemple, certaines banques attestent que selon les informations dont elles disposent, que les fonds proviennent d'une succession ou d'un autre compte précédemment ouvert dans la banque. Cela permet de confirmer ou d'infirmer le statut actif ou passif du contribuable. UBS ne fournit jamais ce genre d'information et ne produit à son client aucune attestation.
Elle ajoute que le service « banque restante » est quasi systématique et concerne toutes les banques suisses. Il s'agit d'ailleurs d'un service payant, facturé au titre du droit de garde, qui permet que la correspondance soit retenue en banque et ne soit pas envoyée à l'adresse du client.
Au sujet des frais bancaires, ceux-ci paraissent bien plus élevés que les frais bancaires habituels facturés par les banques françaises. C'est l'opinion partagée par de nombreux conseils. Cela dépend aussi du niveau des avoirs confiés en gestion.
Dans la majorité des cas, les contribuables indiquent qu'ils se déplaçaient en Suisse pour récupérer des sommes en espèces. Très peu de contribuables ont régularisés des situations dans lesquelles ils disposaient d'une carte bancaire reliés aux fonds dissimulés.
Les scellés M… UN et H… UN ont été exploités (D2019 et D2020).
Scellé M… UN
Il est constaté la présence d'une lettre d'intention de régularisation, datée du 18 octobre
2013, rédigée par Mme N…, épouse M….
Elle y indique que sur les recommandations des conseillers de la banque UBS, elle et son époux ont constitué une fondation familiale qui regroupe tous les avoirs financiers du couple détenus à la banque UBS.
Le document intitulé « Statuten der HONAZA Fondation VADUZ » évoque la création, le 07 juin 2006, d'une fondation dénommée HONAZA FONDATION, située à VADUZ, avec M. et Mme M… comme bénéficiaires, lesquels jouissent de leur vivant de l'ensemble de la fortune de la fondation et des revenus en découlant.
L'article 12 du document intitulé « règlement de la fondation HONAZA » prévoit : « si selon les statuts, la gestion de la fortune de la fondation revient au conseil de fondation, ce dernier doit faire gérer les avoirs bancaires par UBS SA ».
Le 16 février 2006, une société TERRAM VALLEY Inc a été créee, son siège social est situé dans les locaux de UBS TRUSTEES Ltd, East Bay Street, P0 Box N-7757,
NASSAU, BAHAMAS.
A compter du 07 juin 2006, date de création de la fondation HONAZA, la société
TERRAM VALLEY est titulaire, de deux comptes ouverts à la banque UBS, compte
0206876413 et compte 0206876414, pour lesquels M. et Mme M… sont les ayants droits économiques.
Ces deux comptes ont été ouverts par Dr Peter Marxer Jun. Cette société a été dissoute le 10 décembre 2010.
Dans le document intitulé « Declaration of Trust » l'unique action de la société
TERRAM VALLEY est portée par une société HORNBEAM Corp, sise MORGAN and
MORGAN, Swiss Tower, 16th floor, 53 Street, PANAMA ; dans la fondation HONAZA, le 06 juin 2006.
Dans le document « Ôffentlichkeitsregister LIECHTENSTEIN » rédigé en langue allemande, la fondation a été résiliée le 09 septembre 2010.
Il est donc démontré la mise en place d'un montage avec deux sociétés étrangères et une fondation, pour permettre la détention de comptes bancaires par structures interposées, selon la chronologie suivante :
1) détention de comptes bancaires à UBS Suisse par les époux M… ;
2) création de la société TERRAM VALLEY Inc dont la seule action est portée par la société HORNBEAM Corp située MORGAN and MORGAN, Swiss Tower, 16th floor, 53 Street, PANAMA ;
3) ouverture de deux comptes bancaires à la banque UBS par la société TERRAM
VALLEY Inc (ayants droit économiques M. et Mme M…) ;
4) apport de cette action unique de la société TERRAM VALLEY à la fondation
HONAZA (bénéficiaires M. et Mme M…) ;
5) gestion des avoirs des époux M… via la fondation HONAZA ;
6) dissolution de la fondation, en septembre 2010 ;
7) dissolution de la société TERRAM VALLEY, en décembre 2010 ;
8) détention de nouveau en direct de comptes à la banque UBS Suisse par les époux
M….
Il est noté une incohérence de dates entre les éléments d'information contenus dans la lettre d'intention de régularisation de Mme M… et les documents fournis. En effet, le 16 février 2006 la société TERRAM VALLEY Inc a été créée.
Le 06 juin 2006 la fondation HONAZA, a été créée et le même jour, la société TERRAM
VALLEY ouvre deux comptes à la banque UBS.
Les bénéficiaires de la fondation sont M. et Mme M… et les ayant droits économiques des deux comptes sont M. et Mme M…. Le 20 septembre 2010, la fondation HONAZA est dissoute, le 10 décembre 2010, la société TERRAM VALLEY Inc est elle aussi dissoute.
Or dans sa lettre d'intention de régularisation Mme M… n'indique pas la date de création de la fondation, mais indique qu'en raison de coûts élevés de tenue de cette fondation elle et son époux l'ont obturée en 2003 et ont ouvert un compte ordinaire à la banque UBS.
Il apparaît dans la lettre d'intention de régularisation que les époux M… détiennent trois comptes à la banque UBS :
- compte numéro 206887323 ouvert au nom de M. et Mme M… (M. M… étant décédé
Le 29 septembre 2013), montant d'environ 750 000€ ;
- compte numéro 206394563 ouvert au nom de M. et Mme M… (M. M… étant décédé
Le 29 septembre 2013), montant d'environ 125 000€ ;
- compte numéro 206111540 ouvert il y a deux ans, joint avec la fille de M. et Mme
M… (fille qui est décédée le 29 juillet 2013), montant d'environ 200 000€.
Scellé H… UN
Ce scellé contient des documents relatifs à trois dossiers de régularisation déposés auprès du STDR, en date du 19 mai 2014, par le cabinet d'avocats KALONE, pour les personnes suivantes :
- Monsieur Raymond H… et son épouse Fortunée H… ;
- Madame Danielle H…, leur fille ;
- Madame Michèle A…, née H…, leur fille également.
Chacun de ces extraits de dossiers de régularisation est composé d'une lettre du cabinet d'avocats KALONE expliquant la situation des intéressés, le fonctionnement des comptes bancaires ouverts à la banque UBS SUISSE et les conséquences fiscales en
France de la détention d'un patrimoine mobilier en Suisse.
En annexe, sont joints les documents d'ouverture du compte et un tableau récapitulatif des retraits d'espèces sur les années de 2006 à 2012.
Sur les trois courriers du cabinet KALONE, les époux H… ont reçu à titre de legs un portefeuille titres au décès de Madame Reyna R…, survenu le 28 juin 2003. Les valeurs mobilières, pour un montant total de 4 759 010 €, ont été portées au crédit d'un compte n°206887447, dénommée « GUADELOUPE 2 », ouvert à la banque UBS SUISSE par les époux H…, le 08 juillet 2003.
Le 16 octobre 2003, les époux H… ont consenti à leurs filles Danielle et Michèle deux dons manuels de 1 084 304 € chacune.
Les sommes reçues ont été créditées sur un compte n°206889599 dénommé « GALENE » ouvert à UBS Suisse par Danielle H…, le 07 octobre 2003 (transformé en « GALENE 2 » à la majorité de son fils sous le numéro 206102637) et sur un compte n°206889598 dénommé « ST BARTH » ouvert à UBS Suisse par Michèle H…, le 07 octobre 2003.
Les identités des personnes précitées et les dates relevées figurent bien sur les documents d'ouvertures de comptes.
Dans ces mêmes courriers, les avocats indiquent qu'ils ont exploité les relevés bancaires et relèvent qu'aucune alimentation externe n'est intervenue depuis l'ouverture des trois comptes. Ils indiquent également que tant les époux H… que leurs filles ont retirés des espèces de ces trois comptes.
Les avocats précisent que compte tenu des difficultés que présentaient pour leurs clients des déplacements en Suisse : « ces derniers ont utilisé les services proposés par la banque UBS en procédant à des retraits d'espèces par le biais d'opérations de compensation, identifiées dans les relevés de comptes par le libellé « ordre société HDS », « ordre VERMONT LIMITED » ou encore « Ordre HAND Cie SA ».
Les sociétés précitées, bénéficiaires des virements effectués dans le cadre de ces opérations de compensation, organisaient la remise en FRANCE des sommes compensées au seul profit des titulaires du compte, les époux H… ou Danielle ou Michèle.
Dans le courrier pour le dossier des époux H…, les avocats indiquent que M. H… a donné trois ordres de retraits d'espèces par compensation pour des bénéficiaires tiers et qu'en raison de son âge et de son état de santé, il ne se souvient plus de l'identité de ces tiers.
Dans le dossier de régularisation des époux H…, sur le tableau récapitulatif des retraits d'espèces et des retraits d'espèces par opérations de compensation du 01/01/2006 au
31/12/2012, il apparaît que les époux H… n'ont fait qu'un seul retrait d'espèces en Suisse en 2010.
Ils ont toujours fait appel aux services proposés par la banque UBS, avec des retraits par compensation avec interposition de la société VERMONT LIMITED, pour leur seul bénéfice :
- quatre retraits par compensation en 2006 pour un montant total de 110 000€ ;
- deux retraits par compensation en 2007 pour un montant total de 110 000€ ;
- trois retraits par compensation en 2008 pour un montant total de 140 000€ ;
- trois retraits par compensation en 2009 pour un montant total de 120 000€ ;
- trois retraits par compensation en 2010 pour un montant total de 110 000€.
A compter de l'année 2011, ils continuent d'utiliser le système de compensation proposé par la banque UBS mais avec interposition de la société HAND CIE SA :
- deux retraits par compensation en 2011 pour un montant total de 70 000€ ;
- un retrait par compensation en 2012 pour un montant total de 50 000€. Les époux H… ont donc été bénéficiaires, en France, d'espèces par compensation, pour un montant total de 710 000€ sur 7 années.
Dans le dossier de régularisation de Danielle H…, sur le tableau récapitulatif des retraits d'espèces et des retraits d'espèces par opérations de compensation du 01/01/2006 au 31/12/2012, il ressort que Danielle H… n'a fait qu'un seul retrait d'espèces en Suisse en 2010.
Elle a toujours fait appel aux services proposés par la banque UBS, avec des retraits par compensation avec interposition de la société VERMONT LIMITED, pour son seul bénéfice :
- trois retraits par compensation en 2006 pour un montant total de 70 000€ ;
- un retrait par compensation en 2007 pour un montant total de 30 000€ ;
- deux retraits par compensation en 2008 pour un montant total de 45 000€ ;
- deux retraits par compensation en 2009 pour un montant total de 35 000€ ;
- deux retraits par compensation en 2010 pour un montant total de 40 000€.
A compter de l'année 2011, elle continue d'utiliser le système de compensation proposé par la banque UBS mais avec interposition de la société HAND CIE SA :
– deux retraits par compensation en 2011 pour un montant total de 40 000€ ;
– un retrait par compensation en 2012 pour un montant total de 25 000CHF, soit
20 709€.
Danielle H… a donc été bénéficiaire, en France, d'espèces par compensation, pour un montant total de 280 709€ sur 7 années.
Dans le dossier de régularisation de Michèle H…, sur le tableau récapitulatif des retraits d'espèces et retraits d'espèces par opérations de compensation du 01/01/2006 au
31/12/2012, il apparaît que Michelle H… n'a fait appel aux services proposés par la banque UBS, avec des retraits par compensation avec interposition de la société
VERMONT LIMITED, pour son seul bénéfice qu'une seule fois en 2010, pour un montant de 48 000 €.
Elle se rendait en Suisse pour retirer des espèces en euro et en francs suisses directement auprès de la banque UBS (retrait de 381 697 € sur 7 années).
Il est démontré que la banque UBS Suisse propose à ses clients un système de retraits d'espèce par compensation auprès d'une société tiers, permettant aux clients de la banque de retirer des espèces auprès de sociétés, en France.
À la suite de la consultation des dossiers individuels des personnes ayant régularisées leur situation fiscale, un tableau des dossiers de la liste dite « UBS » a été établi comprenant différentes mentions, à savoir, les agences de dépôt, l'origine des avoirs et s'il s'agit de comptes numérotés ou détenus via des entités étrangères (fondations ou trusts). (Cote
UBS UNE)
Le montant des sommes déposées chez UBS au ler janvier de la dernière année régularisée s'élèverait au minimum, après les retraitements, à un montant total de 3 773
008 769 € pour 3 983 dossiers au 30 septembre 2015 (D2384/5).
CONCLUSIONS
Par conclusions régulièrement déposées, Hervé D… sollicite sa relaxe de tous les chefs de la poursuite. A titre liminaire, il conclut que la motivation de son renvoi devant le tribunal se résume à deux affirmations factuellement fausses et non vérifiées lors de l'information judiciaire.
Concernant l'infraction de complicité de démarchage illicite, Hervé D… soutient que l'acte de démarchage suppose la formulation d'une offre ; que les cas d'exception sont précis et excluent la simple arrière-pensée du chargé d'affaire qui resterait silencieux, tout en espérant réaliser un jour une affaire avec le prospect ; que le droit pénal refuse de faire entrer dans les éléments constitutifs des délits les actes préparatoires, tel que l'échange d'une carte de visite.
Ensuite, il affirme que le dossier ne permet pas d'établir qui Joanny D… a vu lors des chasses de la Planquette. Il fait observer qu'aucune des personnes figurant sur les listes d'invités, ni invités potentiels, n'ont été entendues par les enquêteurs. Seul Guy A… a été auditionné et précise être un ami de longue date de M. Joanny D… et n'avoir pas participé aux événements. Hervé D… dit également que les listes d'invités ne sont pas des listes de présence ; que les notes et tableaux qui sont au dossier ne sont pas datés ; que le tableau dactylographié de 2004 comprend le nom de M. Segard alors même que ce dernier déclare ne pas être venu ; qu'enfin le tableau de 2005 n'est pas probant car il s'agit d'un état des invitations en cours et non d'un document final.
Plus encore, Hervé D… estime que le dossier ne permet pas d'établir que lors des événements M. Joanny D… a agi en vue d'obtenir un accord sur des produits bancaires ou financiers. Il relève que les deux seuls témoignages sont ceux de Messieurs Sion et
M…, lesquels disent ne pas avoir été démarchés, ni témoins d'un démarchage. Selon
Hervé D…, ces propos concordent avec ceux de Mme Fabienne Monet Charvolin, chargé d'affaire d'UBS France.
Par ailleurs, Hervé D… entend démontrer que le dossier ne permet pas d'exclure que les invités présents à ces chasses rentraient dans l'une des exceptions de l'article L.341-2 du
Code monétaire et financier. Selon lui les clients d'UBS sont des gens fortunés et/ou avertis et sont donc susceptibles d'entrer dans l'un des cas d'exclusion du démarchage.
Il dit déplorer qu'aucune vérification n'a été faite à ce sujet et que Messieurs Dufour,
Wibaux et M… entrent dans les cas d'exclusion.
Enfin, Hervé D… considère que l'élément matériel de la complicité n'est pas constitué puisque qu'il n'a rien fourni à son collègue suisse, mais s'est seulement greffé sur un événement suisse pour lequel il avait reçu deux ou trois places afin que le bureau lillois puisse inviter ses propres clients ou prospects. Il ajoute que l'élément intentionnel fait défaut car il n'avait pas conscience ni la volonté de se rendre complice du délit éventuel de démarchage illicite. Il avance qu'il était jeune et inexpérimenté ; qu'il n'avait reçu aucune formation sur le démarchage ; que la loi était récente ; que les événements n'avaient rien d'anormal et étaient une pratique habituelle du groupe UBS ; que la présence de CA suisse était banale ; que la co-organisation ou le financement croisés entre la France et la Suisse n'était pas rare ; que des événements chasses avaient déjà eu lieu ; qu'enfin les deux événements de chasses reprochés avaient été autorités par la hiérarchie. De même, il fait valoir qu'il n'avait aucune volonté d'aider des CA suisses à démarcher illégalement puisqu'il se plaignait de leur comportement.
Concernant l'infraction de recel, Hervé D… soutient qu'il lui est reproché une reconnaissance d'affaire pour M. M… qui aurait été prise en compte pour le calcul de son bonus. Or, il répond que cette reconnaissance d'affaire ne figure pas dans les ATAs et qu'elle n'avait pas de nécessité puisque M. M… était déjà client de UBS AG. Il ajoute que le montant du recel allégué aurait été très faible.
Par conclusions régulièrement déposées et visées le 7 novembre 2018, Patrick F… sollicite sa relaxe.
Sur le fond, Patrick F… sollicite sa relaxe de tous les chefs de la poursuite.
Au soutien de sa demande, Patrick F… considère que l'infraction de démarchage illicite n'est pas caractérisée. Il fait valoir que la société UBS AG conteste le démarchage ; qu'aucun contact ou acte de démarchage susceptible d'être réprimés selon le régime légal n'est établi par l'enquête ; qu'aucun client ne dénonce d'acte de démarchage, et notamment Guy A… qui décrit seulement des liens d'amitié entretenus depuis les années 80 avec le chargé d'affaires Joanny D… ; qu'aucun chargé d'affaires suisse n'est poursuivi pour démarchage et qu'aucune diligence n'a été entreprise pour recueillir leur déclaration ; que seule Sylvie J… a été entendue et placée sous le statut du témoin assisté ; que les déclarations de M. Patrick F… faites lors de sa garde-à-vue, où il reconnaissait un démarchage, constituent une réponse laconique, sans suite logique, et en fin d'audition ; qu'en outre il n'a jamais eu vent d'agissements contraires aux règles du code monétaire et financier ; que si des chargés d'affaires ont manifesté un mécontentement suite à la présence des chargés d'affaires suisses en France, ils n'ont cependant décrit aucun acte de démarchage illégal ; qu'enfin les déclarations des anciens salariés et du témoin anonyme sont de simples assertions et allégations qui ne permettent pas de caractériser une quelconque infraction.
Plus encore, Patrick F… entend démontrer que les éléments de la complicité ne sont pas démontrés. Il indique qu'il n'a apporté aucun concours à la commission de l'infraction principale ; qu'il était seulement préoccupé par les objectifs de développement de la banque et le bien-être professionnel ; que la volonté d'augmenter sa part de marché ne traduit pas une volonté d'agir illégalement ; que les instructions internes reçues par les chargés d'affaires suisses étaient claires et rappelées régulièrement par des formations; que les activités transfrontalières étaient strictement encadrées et que des sanctions disciplinaires avaient été prononcées ; qu'enfin au regard des informations dont il disposait, il n'a pu avoir conscience qu'il aurait pu apporter son concours à une activité délictuelle en participant à l'organisation « d'events » en France.
Au soutien de sa demande, Patrick F… considère également que l'infraction de blanchiment de démarchage illicite n'est pas caractérisée. Il fait valoir que l'infraction primaire est inexistante ; que le système de compensation A.T.A (Adjustment Transfer
Assets) existait avant son arrivée ; qu'il s'agissait seulement d'un outil de correction du
Net New Money des chargés d'affaires ; que les « carnets du lait » ont été instaurés pour recenser de manière moins éparse les affaires susceptibles de discussions sur les reconnaissances d'affaires ; que ce système n'a jamais été occulte ni dissimulé ; que la compensation n'est pas un indice de fraude, mais seulement une modalité pratique consistant à solder les comptes entre deux entités au moyen d'une seule opération ; que les reconstitutions des ATA par UBS France permet d'exclure la dissimulation de tout produit de démarchage bancaire illicite dans les « carnets du lait » puis dans les ATA ; que les déclarations des anciens salariés du groupe UBS sont contradictoires voire incohérentes; qu'enfin les tableaux étaient détruits par l'assistante de Patrick F… et de sa propre initiative, sans qu'elle n'ait jamais reçu d'instructions. En conséquence, il considère qu'il n'est pas établi de dissimulation dans les « carnets du lait » et qu'aucune faute pénale susceptible de lui être imputée n'est rapportée.
Par conclusions régulièrement déposées, la société UBS France sollicite sa relaxe de tous les chefs de poursuites.
Au soutien de cette demande, la société UBS France fait d'abord valoir que la caractérisation d'une éventuelle complicité de sa part suppose la démonstration préalable d'un fait principal punissable. Or, elle considère que les infractions reprochées à UBS AG, de démarchage illégal et de blanchiment de fraude fiscale, ne sont pas caractérisées.
D'une part, elle prétend qu'aucun acte matériel de démarchage n'a été établi, en ce que la seule présence en France de CA Suisse et l'existence de listes d'invités sont des éléments insuffisants ; que les CA suisses, dont la présence est alléguée lors des événements, n'ont pas été auditionnés ; que les dirigeants présents l'étaient en raison de la nature de leurs fonctions ; que les clients entendus affirment n'avoir jamais été démarchés ; qu'aucun démarcheur ni démarché n'a été identifié ; qu'aucune corrélation n'a été établie entre les reconnaissances d'affaires (ATAs) et les personnes éventuellement présentes aux événements ; et qu'enfin l'existence de bases de clients propres à UBS France, dont il n'est pas prouvé qu'UBS AG y avait accès, ne peut constituer un élément matériel de démarchage. Elle ajoute que le rapport de l'ACP et les conclusions de la mission du département « Risk & Compliance » confirment l'absence de tout acte de démarchage. Enfin UBS France conclut que l'intention délictueuse du banquier démarcheur n'est pas prouvée.
D'autre part, concernant le blanchiment de fraude fiscale, la société UBS France fait d'abord valoir l'absence d'élément légal. En effet, elle estime que les faits reprochés doivent être qualifiés de complicité de fraude fiscale et qu'en application des règles du concours d'infraction, cette dernière qualification doit s'appliquer. Ensuite, UBS France soulève l'absence de tout élément matériel de démarchage et dénonce l'approche d'un système global. Selon cette dernière, la caractérisation du délit de blanchiment suppose la preuve de la commission du délit d'origine commis par chaque contribuable, ainsi que la preuve des actes de conversion, dissimulation ou de placement du produit de la fraude.
Elle soutient que ce n'est pas le cas en l'espèce. Plus encore, UBS France prétend que l'élément moral du blanchiment reproché à UBS AG fait défaut.
Au soutien de sa demande de relaxe, la société UBS France fait ensuite valoir que les délits de complicité de démarchage et de complicité de blanchiment doivent nécessairement s'analyser sous la qualification de complicité de fraude fiscale, entrainant une irrecevabilité de l'action publique.
En tout état de cause, elle indique qu'il n'existe aucun acte matériel de complicité de démarchage de sa part résultant de l'organisation des synergies, de l'organisation des
« events », des prétendues rencontres dans ses locaux, des mises à disposition de chambres d'hôtels à des CA suisses, et des reconnaissances d'affaires, précisant que ces dernières ont été documentées en quasi-totalité. Concernant l'élément moral, UBS
France note l'absence de caractérisation de l'élément intentionnel la concernant en ce que des formations relatives à la lutte contre le blanchiment étaient dispensées ; que des instructions relatives à l'accès à ses locaux existaient ; que dès novembre 2003 les rencontres entre un CA suisse et un prospect dans ses locaux étaient soumises à autorisation ;qu'elles'assurait du respect de la législation sur le démarchage ; qu'enfin son responsable conformité assurait une mission de surveillance et un contrôle constant.
La société UBS France indique enfin qu'il n'existe aucun acte matériel de complicité de blanchiment de fraude fiscale de sa part. Selon elle, la seule existence du système de reconnaissance d'affaire ATAs n'établit pas sa connaissance d'éventuels fonds destinés à être placés sans déclaration à l'administration fiscale afin d'éluder l'impôt. Elle ajoute qu'un ATA est lié à un client qui a régularisé sa situation fiscale et que seuls 8 ATAs internationaux sur 232 n'ont pas pu être documentés. De plus, elle précise que l'organisation de son groupe ne permet pas d'établir une intention délictueuse. Enfin, selon cette dernière, l'existence de règles et procédures internes exclut une prétendue volonté de sa part d'aider à la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale.
Enfin, au soutien de sa demande de relaxe, la société UBS France fait valoir qu'aucun des délits reprochés ne lui est imputable au visa de l'article 121-2 du code pénal. Selon elle la prévention ne précise pas l'organe ou le représentant qui aurait personnellement organisé les synergies ou les « events » conjointement avec UBS AG avec la volonté d'aider cette dernière à faire du démarchage illégal ou blanchir le produit d'une fraude fiscale. De plus, elle ne soulève qu’aucun de ses dirigeants principaux en fonction durant la période de prévention visée n'est désigné. Enfin, elle affirme qu'il n'est reproché à aucune autre personne visée par l'ordonnance de renvoi d'avoir personnellement commis les faits qui lui sont reprochés, de sorte qu'il est impossible de lui imputer les délits visés à la prévention.
Elle demande que l'État Français soit débouté de l'ensemble de ses demandes à son égard.
Par conclusions déposées et visées à l'audience, le 7 novembre 2018, Raoul W… sollicite sa relaxe et le rejet de toute demande formulée par la partie civile.
D'abord, Raoul W… affirme qu'il est renvoyé à raison d'une éventuelle complicité de démarchage illicite par fourniture d'instruction et qu'il ne peut être considéré comme représentant de la personne morale de ce chef, dès lors que la prévention retenue à son endroit diffère de celle opposée à la personne morale. Concernant l'infraction de blanchiment aggravé de fraude fiscale, Raoul W… constate qu'il est renvoyé du même chef que la personne morale. Toutefois, il estime que les critères fixés par l'article 121-2 du code pénal ne permettent pas d'engager sa responsabilité pénale en ce qu'il n'était pas président directeur général de la banque UBS AG ; qu'il n'avait pas de mandat de représentation de la banque ; et qu'aucune délégation de pouvoir existait. Il en conclut qu'il ne peut répondre que de ses éventuelles fautes personnelles pour la période de prévention qui le concerne.
Ensuite, Raoul W… soutient que les éléments retenus à charge résultent d'un faisceau d'indices qui ne peuvent fonder des preuves et répond à plusieurs points avancés par l'ordonnance de renvoi. Il rappelle les fonctions qu'il occupait et la distance tant géographie que hiérarchique avec les chargés d'affaires. Il rappelle qu'il ne participait pas à l'activité productive directe de chaque bureau de l'entité WMI, ni à celle de France International dont il ignorait l'activité concrète et quotidienne. Sur sa participation à la convention WMI Core Affluent de Zurich le 8 juin 2006, il répond qu'il n'avait fait qu'un discours général et global. Sur les réunions auxquelles il aurait participé en France avec les employés d'UBS France, il affirme qu'il venait seulement deux fois par an pour présenter la stratégie et les résultats de la banque, ou bien encore la rentabilité d'UBS
France. Sur sa participation à une politique d'augmentation des chargés d'affaires, M.
Raoul W… rétorque qu'il avait bel et bien demandé des chiffres, mais pour introduire plus d'équité entre les pays dans l'attribution des promotions. A cet égard, il dit avoir signé entre 600 et 700 promotions par an, ce qui l'empêchait de connaître les salariés bénéficiaires. Sur la fourniture d'instruction en matière de démarchage illicite, il oppose l'absence de mails, courriers et instructions précisant qu'il occupait un poste se situant cinq à six échelons au-dessus du chargé d'affaires et qu'il n'avait aucun contact direct avec eux, sauf lors de conventions.
Il souligne que les magistrats instructeurs ont seulement supposé sa connaissance des faits délictueux sans l'établir et ont fait un parallèle erroné avec la procédure américaine pour laquelle il a été acquitté. Il conclut que les déclarations des anciens salariés d'UBS
France le visant directement sont imprécises et non circonstanciées et ne peuvent suppléer l'absence de preuve.
Plus précisément sur les infractions reprochées, il considère que les éléments constitutifs des infractions ne sont pas réunis. Concernant l'infraction de démarchage bancaire
illicite, il fait valoir que la présence des chargés d'affaires suisses en France n'apparait pas établie pour des activités de démarchage ; qu'aucun prise de contact non sollicitée n'est précisément caractérisée ni démontrée ; qu'aucun des résidents fiscaux français prétendument démarchés n'a été identifié ni entendu ; que la preuve de l'ouverture de comptes bancaires à la suite de prétendus actes de démarchages n'est pas rapportée ; que le montant des sommes prétendument obtenues par démarchage illicite n'est pas déterminée ; qu'enfin, faute d'identification des clients démarchés, il n'est pas possible de vérifier l'application possible des cas d'exclusion. Il considère que les éléments reprochés se fondent sur une approche globalisante. Il affirme qu'il ignorait le processus de reconnaissance d'affaire par sa haute position hiérarchique ; qu'entre 2004 et 2008 il n'a jamais assisté à aucun « event » organisé par le département France International d'UBS AG ou par UBS France ; qu'il ne participait pas aux séminaires dans le cadre des synergies, lesquelles étaient gérées de manière locale et décentralisée sans qu'il ne donne de consignes ; qu'il n'a jamais pris part à la rédaction des « country papers » mais en soutenait le principe ; qu'il n'a pas rédigé le document « security risk governance », ni été consulté avant sa diffusion.
Concernant l'infraction de blanchiment, Raoul W… affirme également que les éléments constitutifs ne sont pas réunis. Selon lui, aucune opération de blanchiment n'est prouvée, ni même sa date de commission et l'origine des fonds. Il prétend qu'il n'a pas été recherché si des clients auraient eu recours aux services bancaires litigieux pour effectuer du blanchiment ; qu'il n'a pas été démontré, pour chacun des avoirs blanchis, si le détenteur du compte était résident fiscal français ; qu'il n'a pas plus été recherché si les actifs déposés n'auraient pas été déclarés et si la banque avait connaissance de la non-déclaration de ces avoirs ; que le délit d'origine de fraude fiscale est seulement déduit sans qu'il ne soit listé les contribuables régularisés ; qu'enfin il n'est pas démontré l'antériorité de cette fraude fiscale supposée. Il soutient qu'il n'existe aucune preuve de son concours intentionnel.
Raoul W… ajoute que les charges retenues contre lui sont des faisceaux factuels qui ne caractérisent pas d'infraction. En effet, il explique que la banque a respecté la directive épargne et n'avait pas d'obligation de contrôler la situation fiscale des clients français ; que la terminologie « simple/complex money » dépendait de la manière dont le client souhaitait que la fiscalité de ses avoirs soient traitées sans aucune volonté de dissimulation ; que la constitution d'entités telles que des trusts, des fondations ou des
sociétés de domicile répondait à des besoins de règlement de successions ou de protection des avoirs ; que le service de banque restante visait à assurer la confidentialité des informations bancaires du client ; que les comptes numérotés garantissaient le secret bancaire en Suisse et découlait d'une exigence légale liée à la prévention et au contrôle du blanchiment d'argent dans la mesure où la banque connaissait toujours l'identité du titulaire ; que le formulaire dit « IFU » n'était qu'un simple imprimé récapitulant les informations fiscales ; que le lancement dans chaque pays d'une plateforme téléphonique pour les clients du segment Core affluent était justifié par des considérations budgétaires. Raoul W… poursuit en dénonçant l'absence de distinction, en fonction des contribuables, des impôts et années en cause, c qui ne permet pas de matérialiser une fraude. Il précise n'avoir jamais ouvert de compte bancaire, ni donner des instructions pour faire procéder à des ouvertures clandestines.
Par conclusions régulièrement déposées, Dieter K… sollicite sa relaxe de tous les chefs de la poursuite.
A titre liminaire, il entend corriger les fonctions qui lui sont attribuées dans l'ordonnance de renvoi. Concernant UBS AG, il précise qu'il n'avait pas de fonctions au sein des deux organes de gouvernance de la banque, qu'il n'était pas CEO, ni n'est titulaire d'aucun mandat social en suisse. Il indique que, sur la période d'avril 2001 à novembre 2007, il a été successivement employé comme « Regional Market Manager Western Europe »
(RMM), puis promu comme « Head Wealth Management Western Europe » le 1er octobre 2003. En cette qualité il était responsable de l’activité « Wealth Management » (banque privée) pour l’unité Western Europe (Europe de l’ouest) d’UBS qui couvrait la
France, l’Espagne, le Portugal et Monaco. A compter du mois de novembre 2007, à la suite de plusieurs réorganisations, M. Dieter K… explique qu'il perdait tout pouvoir de direction au sein du segment « Wealth Management Western Europe », mais également sa responsabilité opérationnelle dans le management de France international et France domestique et plus généralement toute responsabilité opérationnelle au sein de la banque. Il précise qu'il n’avait plus la charge d’aucune décision, son rôle ayant seulement consisté à assurer la passation de la prise de fonction de son successeur en lui faisant suivre les affaires le concernant. Il démissionnait en juin 2008.
Concernant UBS France, il dit qu'il exerçait les fonctions de Président du Conseil de surveillance et Président du Comité d'audit d'UBS France jusqu'en juin 2008. A ces titres, il avait pour mission d’exercer un contrôle sur l’activité du Directoire d’UBS France.
Il fait valoir que ses responsabilités se traduisaient par un « double reporting », l’un provenant de l’unité Domestic, l’autre de l’unité International. Selon lui, cette organisation matricielle est commune aux grands groupes de société et conforme à la réglementation bancaire.
Concernant l'infraction de démarchage illicite, M. Dieter K… indique que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas démontrés.
D'abord, Dieter K… soutient que les termes de la prévention sont impropres à caractériser un délit de démarchage. D'une part, l'instigation du démarchage illicite n'est pas incriminée par la loi, sauf à caractériser un acte de complicité pour le donneur d'ordre. D'autre part, le dirigeant ne peut pas être responsable du démarchage illicite commis par ses préposés faute de participation personnelle matérialisée par un acte positif.
Ensuite, Dieter K… conclut à l'absence de tout élément matériel de démarchage illicite.
Il explique n'avoir personnellement commis aucun acte de démarchage en ce qu'il n'avait pas de clientèle propre. Il intervenait seulement ponctuellement pour des clients d'importance. Ses venues à Paris s'expliquaient par ses fonctions exécutives et pour la chambre de commerce, mais non pour démarcher des clients. A ce titre, il conteste les propos de Jean-Louis M… qui lui attribuait une clientèle. De même, Dieter K… indique que le Businness Review Group de février 2008, auquel il avait assisté, était une simple réunion de travail au sujet de clients majeurs où aucun acte de démarchage n'a été commis à cette occasion. Ensuite, concernant les « events », Dieter K… fait observer qu'ils étaient organisés par le marketing et destinés à l'entretien du carnet d'adresse des chargés d'affaires et à la promotion commerciale. A ce titre, sa présence aux événements majeurs était, selon lui, normale eu égard à ses fonctions et qu'il n'a jamais commis de démarchage à ces occasions.
Plus encore, Dieter K… conclut également à l'absence d'élément matériel d'un démarchage commis par les chargés d'affaires de France International. A ce titre, il fait observer que la présence de CA suisses en France n'était pas illégale.
Il pointe l'absence de prises de contact identifiées par l'enquête, d'auditions des CA suisses dont la présence est alléguée, et de clients affirmant avoir été démarchés. Par ailleurs, il souligne que l'existence de débriefings organisés par le département marketing n'est pas avérée ; qu'il est étranger à la création de « carnets du lait », pratique qu'il n'a pas encouragée puisqu'il s'est borné à demander à Patrick F… de contrôler et rationaliser la gestion des transactions transfrontalières ; qu'il n'a pas donné de consignes pour encourager le démarchage illicite, mais seulement pour développer les synergies sur des sujets autres que le démarchage illicite ; qu'enfin le document « Security risk governance » émanait du service marketing, n'était pas conçu pour l'Europe de l'ouest bénéfice des clients.
Enfin, Dieter K… conclut à l'absence d'élément intentionnel. Selon lui, les règles relatives au démarchage, édictées par la banque dans les « country papers » et permettant d'encadrer les activités transfrontalières, étaient claires, accessibles et largement diffusées. Leur violation donnaient lieu a des sanctions et des formations étaient organisées. Le concernant plus spécifiquement, Dieter K… fait remarquer qu'il veillait à être informé des fraudes et cherchait à les déceler en précisant qu'il se saisissait du moindre signalement. Il cite en exemple plusieurs audits ou enquêtes, et notamment l'audit d'UBSF de 2004 qu'il a sollicité sur demande urgente, lequel avait permis d'identifier des fraudes ayant conduit à des licenciements. Enfin, il s'étonne de la contradiction entre les propos de Nicolas F… et les conclusions de ces audits, remettant en cause l'impartialité de ce dernier qui avait connu une profonde déception à la suite de sa non-augmentation salariale.
Concernant l'infraction de blanchiment de fraude fiscale, Dieter K… considère que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas démontrés.
D'abord, Dieter K… souligne que le délit d'origine de fraude fiscale n'est pas démontré et que les magistrats instructeurs se sont contentés de présenter trois méthodes de calculs fondées sur le montant des actifs sous gestion de France International afin d'établir l'existence d'une fraude fiscale. Il ajoute qu'aucun résident fiscal français, ayant commis une fraude fiscale compatible avec la période de prévention le concernant, n'a été identifié. Plus encore, il fait valoir que les listes de régularisés ne peuvent établir une fraude fiscale en ce que, d'une part, il n'a pas eu accès à ces listes et d'autre part, Madame B… a déclaré que les sommes provenaient principalement de fonds familiaux issus de successions ou de donations, dont les comptes étaient ouverts bien avant 2007. Enfin, il affirme que ces listes de régularisés ne précisent pas la nature de l'impôt éludé et les autres pièces fiscales ne concernent que la situation des clients d'UBS AG pour les années 2010 à 2012.
Sur la matérialité du blanchiment, Dieter K… conteste l'existence d'acte de dissimulation, placement ou conversion. Il fait observer qu'il n'était pas chargé d'affaire et qu'en conséquence il n'a jamais ouvert le moindre compte bancaire. Il indique que les services bancaires dénoncés étaient légaux et existaient depuis de nombreuses années.
Il n'a exercé aucune responsabilité au sein du département ayant la charge de ces produits et services.
Sur l'élément intentionnel, Dieter K… indique qu'il n'est pas prouvé qu'il avait connaissance du délit d'origine. Il précise qu'à l'époque des faits reprochés les banques suisses n'avaient pas l'obligation de s'assurer que leurs clients étaient en règle avec leurs administrations fiscales respectives, mais qu'elles étaient seulement tenues de faire appliquer l'accord franco-suisse du 26 octobre 2004. De même, eu égard à sa qualité de président du conseil de surveillance d'UBS France, Dieter K… se dit très sensible au respect de la réglementation fiscale et avoir toujours demandé à ses équipes une vigilance particulière.
Par conclusions régulièrement déposées, Olivier B… sollicite sa relaxe de tous les chefs de la poursuite.
Concernant l'infraction de démarchage illicite, Olivier B… indique que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas démontrés.
Il fait valoir qu'il n'a commis aucun acte de démarchage en ce qu'il n'a jamais exercé les fonctions de chargé d'affaire, précisant qu'il était le supérieur hiérarchique au niveau N+3 des chargés d'affaires. Il explique sa présence aux événements par son rôle de représentation et pour ses activités professionnelles.
Sur la présence en France des chargés d'affaires suisses d'UBS AG, Olivier B… soutient qu'aucun acte de démarchage illicite sur le territoire français n'a été caractérisé et qu'il n'est pas établi que les « country papers », règles impératives au sein de la banque, n'auraient pas été respectées. Il ajoute que les chargés d'affaires suisses visitaient des personnes déjà clientes sur le territoire français ; que les événements avaient une vocation commerciale et promotionnelle ; qu'aucun événement n'a été organisé conjointement par UBS AG et UBS France durant la période où il était responsable de
France International ; que sur la période de prévention qui le concerne seuls deux événements ont été organisés, à savoir la manifestation du Club de la Pelle à Marseille le 15 mai 2008 qui s'est déroulée dans le respect des règles des « country papers » et l'événement au château du Tertre en octobre 2008 où seuls des clients français étaient présents ; qu'enfin le courriel adressé à Patrick F… du 19 février 2007 évoquant un événement organisé par Olivier B… n'est pas un élément probant.
Sur l'organisation des synergies entre équipe du segment Core Affluent, Olivier B… fait observer qu'il y était étranger pour avoir la charge d'un autre segment, le HNWI. De plus, il ajoute que les faits à charge retenus par l'ordonnance de renvoi sur les synergies datent de 2006 et sont donc antérieurs à la période de prévention qui le concerne.
Sur la collaboration entre les équipes Domestique et France International, Olivier B… explique que ces coopérations étaient régulières, conformes à la pratique de tout groupe international et s'inscrivaient dans les limites fixées par les « country papers ».
Sur les reconnaissances d'affaires, Olivier B… précise que la procédure existante prévoyait un comité de validation formel ainsi qu'une documentation systématique démontrant la régularité du procédé. Il ajoute que la quasi-intégralité des ATA ont été reconstitués et qu'aucune opération irrégulière n'y figure. Enfin, il fait observer qu'un seul ATA a été établi entre lui et Patrick F… pendant la période de prévention en novembre 2007.
Enfin, dans l'hypothèse où un acte de démarchage illicite serait établi, il conclut à l'absence de sa responsabilité personnelle puisqu'il n'était ni organe ou représentant d'UBS AG, mais seulement un préposé chargé de l'exécution et de la transmission des directives et instructions aux responsables de segments ; qu'il n'a pas participé à la détermination des politiques générales et à la mise en place des contrôles internes ; qu'il n'est pas à l'origine des « carnets du lait » ; et qu'enfin il n'a jamais été informé de visites de CA de France International sur le territoire français pour démarcher des prospects français.
Concernant l'infraction de démarchage illicite, Olivier B… indique que les éléments constitutifs du blanchiment de fraude fiscale ne sont pas démontrés.
D'abord, il soulève l'absence de caractérisation du délit d'origine en ce que l'enquête n'a pas établi de fraude fiscale commise par des contribuables français et s'est limitée à soupçonner une politique globale contredite par divers témoignages.
Ensuite, Olivier B… oppose l'absence d'acte matériel du blanchiment. Il considère que les services bancaires visés par la prévention correspondent à des services traditionnels et légaux, précisant qu'aucune carte Travel Cash (moyen de paiement non nominatif) n'était proposée à la clientèle par UBS AG. De même, l'identité du détenteur d'un compte était toujours connue d'UBS AG de sorte qu'aucune ouverture n'était clandestine, le bénéficiaire économique des fonds étant toujours identifié notamment par le biais des formulaires A. Plus encore, il fait observer qu'à considérer ces éléments comme matérialisant un blanchiment, ils n'ont de toute manière pas été mis en place et proposé par lui.
Enfin, Olivier B… fait valoir qu'il n'avait pas connaissance de l'origine frauduleuse des fonds prétendument blanchis. Il indique qu'il ignorait l'existence d'éventuelles infractions fiscales commises, le cas échéant, par des clients ; qu'aucune obligation ne pesait sur l'établissement bancaire s'agissant de la situation fiscale des clients ; qu'il appartenait aux clients européens d'UBS AG d'opter pour la transmission à l'administration fiscale dont ils étaient contribuables eu égard à l'accord franco-suisse de 2004 ; qu'en tout état de cause il n'est pas prouvé qu'Olivier B… ait apporté sciemment son concours à des opérations de dissimulation du produit d'un délit de fraude fiscale.
Par conclusions régulièrement déposées le 07 novembre 2018, Philippe I… sollicite sa relaxe.
Concernant les faits de blanchiment de fraude fiscale, Philippe I… soulève, à titre principal, l'incompétence de la juridiction française. A titre subsidiaire, il soulève l'acquisition de la prescription de l'action publique. A titre infiniment subsidiaire, il sollicite sa relaxe.
En tout état de cause, il demande de voir constater l'irrecevabilité de la partie civile et qu'elle soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.
D'abord, Philippe I… conteste une « approche globale » adoptée dans le cadre de l'information judiciaire et par le ministère public, qui se traduit pas une absence de preuve de la commission d'un quelconque délit, la compilation d'éléments factuels insusceptibles de caractériser les charges d'un quelconque délit, et l'absence de recherche des éléments constitutifs des infractions. Il considère que cette « approche » entraine une atteinte aux droits de la défense et à un procès équitable.
Sur le délit de démarchage illicite, Philippe I… sollicite sa relaxe estimant que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis. A titre liminaire, il rappelle les règles d'imputation de la responsabilité pénale estimant qu'elles n'ont pas été respectées, ainsi que le régime du démarchage illicite avec les cas d'exclusion.
D'abord, Philippe I… conclut à l'absence de fait principal punissable. Il indique que la présence des chargés d'affaires suisses en France s'expliquait par le besoin de visiter les clients pour entretenir de bonnes relations et éviter une fuite vers la concurrence, leur rendre compte de leur portefeuille et/ou proposer une opération habituelle au sens de l'article L.341-2 du code monétaire et financier. Ces visites étaient, selon lui, licites et encadrées par les « country papers ». Il ajoute que les clients d'UBS AG entendus ont tous confirmé l'absence de démarchage, alors que l'identification du démarché est essentielle au regard de la loi. Il précise que les accusations reposent sur les déclarations d'anciens employés d'UBS France en conflit ouvert avec leur ancien employeur et dont les témoignages sont sujets à caution.
En outre, aucun de ces témoignages ne matérialise d'acte de démarchage. A l'inverse, il met en avant divers témoignages de salariés d'UBS France et d'UBS AG qui attestent, selon lui, de l'absence d'acte de démarchage illicite, de même que les déclarations d'Hervé D… et Patrick F…. Philippe I… soutient également qu'aucun chargé d'affaires démarcheur n'a été identifié, notamment au sein des segments dont il avait la charge, et qu'il n'a jamais eu la responsabilité du segment Core Affluent ce qui empêche de rechercher sa responsabilité.
Sur l'organisation des « events », Philippe I…, se basant sur plusieurs témoignages, assure que l'objectif était la promotion et la communication autour du groupe UBS et qu'aucun témoin ne relate d'acte de démarchage. L'invitation de clients historiques ne peut constituer de démarchage, tout comme la remise de carte de visite. Enfin, il ajoute que les magistrats instructeurs n'ont pas essayé d'établir l'élément intentionnel de l'infraction.
Ensuite, Philippe I… considère que, dans l'hypothèse où des actes de démarchage illicite seraient retenus, ils ne pourraient lui être imputés en l'absence de complicité. En effet, il affirme qu'il lui est reproché une complicité de démarchage illicite par instigation, mais dit en contester tant la matérialité que l'intention. Aussi fait-il observer que les commerciaux recevaient leurs instructions des « Desk Heads », seuls en charge du contrôle quotidien des activités des chargés d'affaires ; que les instructions qu'il donnait aux responsables de segments, lesquels les transmettaient aux « Desk Heads », étaient générales et avaient trait aux objectifs ; qu'aucun quotas de déplacements n'avaient été mis en place et que les seuls objectifs étaient de conserver et développer la clientèle existente de France International ; que les « events » n'ont jamais été organisés par France International ; que dès novembre 2003 les règles internes interdisaient tout démarchage en France ; qu'il s'assurait que les formations soient suivies et en organisait lui-même ; que ce comportement exclu toute incitation au démarchage illicite. Plus encore, il précise que les synergies sont classiques au sein d'un groupe international et que les seules synergies visées par l'ordonnance de renvoi concernent le segment Core
Affluent dont il n'avait pas la charge. Le document « security risk governance » donnait des indications tenant à la sécurité des personnels du département marketing se rendant sur des zones sensibles et était totalement étranger à l'activité de France International.
Enfin, Philippe I… indique qu'il n'a lui-même commis aucun acte de démarchage et qu'aucun élément ne vient le contredire. Il n'a jamais exercé de fonction commerciale ni eu de clientèle. Il indique avoir participé à des événements organisés en France pour assurer la représentation sociale et mondaine. De même, il a participé à des réunions sur le territoire français pour les besoins de son activité de cadre salarié d'UBS AG.
Sur le délit de blanchiment aggravé de fraude fiscale, Philippe I… sollicite sa relaxe estimant que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis.
D'abord, il conteste l'existence du délit d'origine de fraude fiscale en ce que les éléments constitutifs ne sont pas réunis et qu'aucun fait précis de fraude fiscale n'est cité. Il affirme que l'ordonnance de renvoi se base sur les listes de régularisés fiscaux, mais conteste leur valeur probante en ce qu'il n'a pas eu accès à ces listes ; que ces listes ne permettent pas de connaître la nature de l'impôt éludé ; qu'elles ne comportent aucune précision sur les circonstances d'ouverture des comptes, notamment la date ; qu'il n'est donc pas possible de vérifier si les actes ont été commis dans la période de prévention. Il ajoute que les employés d'UBS France entendus, dont certains ont dénoncé un prétendu système d'évasion fiscale, ont tous dit ne pas avoir été témoins de la moindre opération d'évasions fiscale.
Philippe I… poursuit en indiquant que le produit de la fraude fiscale alléguée n'est pas établi.
Selon lui, les documents qui fondent l'estimation du montant de la fraude sont dépourvus de force probante car obtenus en violation du principe de spécialité et en contravention avec les conventions applicables. Il ajoute qu'il n'est pas établi que les fonds suspects soient d'origine frauduleuse, d'autant qu'il ressort des témoignages qu'il s'agissait de comptes anciens. Faute d'avoir établi le produit de la fraude allégué, aucun blanchiment ne peut être poursuivi. Sur l'élément matériel du délit, il dit n'avoir jamais procédé à l'ouverture d'un compte bancaire ; que rien n'établit que des comptes clandestins auraient été ouverts par des clients des deux segments de France international dont il avait la charge ; qu'il n'a jamais été chargé d'affaires ni eu de clientèle propre. Plus encore, il explique également qu'il n'a jamais mis en place les services bancaires dénoncés comme illicites, lesquels étaient gérés par le département « Product & Services » dont il n'avait pas la charge ; que ces services bancaires ne peuvent caractériser un blanchiment, mais répondent seulement aux besoins des clients, notamment la confidentialité des données ou pour des raisons patrimoniales. Il conclut qu'il n'est pas établi en quoi ces services bancaires auraient eu pour objet de dissimuler, placer ou convertir le produit de l'infraction allégué. Sur l'élément intentionnel, Philippe I… considère qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu connaissance de l'origine frauduleuse d'éventuelles sommes blanchies aux motifs qu'il n'était pas au contact direct des clients ; que les chargés d'affaires ne contrôlaient pas la situation fiscale des clients ; que l'option prévue par l'accord conclu le 26 octobre 2004 entre la Communauté Européenne et la Suisse ne peut caractériser la connaissance de la situation fiscale du client.
Par conclusions régulièrement déposées, la société UBS AG sollicite sa relaxe des chefs de démarchage bancaire ou financier illicite et de blanchiment aggravé de fraude fiscale.
A titre principal, UBS AG sollicite la relaxe des chefs de renvoi considérant que les éléments constitutifs des infractions ne sont pas réunis.
D'une part, concernant le délit de démarchage illicite, elle indique qu'aucun acte de démarchage bancaire n'a été établi et dénonce une « approche globale », non fondée sur des preuves. Elle fait valoir qu'il n'existe aucun acte matériel de démarchage en ce que le rapport de l'ACP n'en avait identifié aucun ; que le département audit du groupe avait conclu au respect des règles régissant les activités transfrontalières ; que les clients auditionnés avaient dit n'avoir jamais été démarchés ; que les témoignages recueillis sont, soit à décharge, soit contredits, mais qu'ils n'établissent aucune preuve d'acte de démarchage ; que les événements (dits « events ») n'étaient pas des supports de démarchage mais s'inscrivaient dans un politique de rétention de clientèle et de développement d'affaire et qu'aucune prise de contact envers une personne déterminée n'est avérée ; que les réunions dans les salons d'UBS France ou les réservations de chambres d'hôtels à proximité du siège de cette banque sont indifférentes au regard de la législation sur le démarchage ; que les synergies étaient légales et répondaient à des logiques commerciales, organisationnelles et de formation ; que les consignes de gestion du risque de sécurité étaient une simple présentation destinée aux membres de l'équipe marketing lors de déplacements ; qu'enfin, aucune somme obtenue par le supposé démarchage n'a été rapportée. La société UBS AG considère également que l'élément moral de l'infraction n'est pas établi. Elle prétend que les instructions internes (dites country papers) qui interdisaient le démarchage étaient sans ambiguïté, claires et conformes aux règles en vigueur ; qu'elles ont été largement diffusées auprès des personnels ; que les CA étaient tenus de rendre compte après les visites ; et qu'enfin des sanctions disciplinaires étaient prononcées en cas de manquement, dont UBS AG donne deux exemples.
D'autre part, concernant le blanchiment, UBS AG soutient d'abord que le délit primaire de fraude fiscale n'est pas établi ; que la fraude fiscale en aval a seulement été estimée sans s'appuyer sur des preuves ; et qu'enfin aucun produit issu d'une fraude fiscale n'a été mis en évidence, de sorte que tout blanchiment était impossible. De plus, UBS AG fait valoir que l'élément légal du blanchiment de fraude fiscal fait défaut en raison de l'accord sur la fiscalité de l'épargne conclu en 2004 entre l'UE et la Suisse. Cet accord constitue un obstacle aux poursuites aux motifs qu'il fixe les obligations des agents payeurs suisses, ce dernier n'étant donc pas soumis aux législations nationales spéciales des autres États de l'UE, dont la France. Ensuite, UBS AG conteste la matérialité du délit de blanchiment en ce qu'aucune transaction n'a été identifiée et que les services bancaires proposés ne peuvent caractériser un concours délictueux de la banque mais répondent à des besoins des clients. Enfin, UBS AG argue que l'élément intentionnel n'est pas caractérisé du fait d'une approche globale de l'instruction préparatoire qui ne prouve pas l'intention du banquier de commettre un acte illégal ; du fait qu'elle n'avait pas l'obligation de connaître la situation fiscale de ses clients, ni n'avait la possibilité de déduire la non-conformité fiscale de ses clients ; qu'enfin elle s'est toujours attachée à promouvoir le respect des obligations fiscales.
A titre subsidiaire, la société UBS AG soutient que les règles relatives à la responsabilité pénale des personnes morales conduisent à la relaxe en ce que sur huit personnes citées par l'ordonnance de renvoi, seuls quatre personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel ; qu'il n'a pas été identifié d'organe ou de représentant d'UBS AG ; et que les quatre prévenus sont renvoyés pour des faits commis entre 2004 et 2009, alors qu'UBS AG est renvoyée pour des faits commis de 2004 à 2012, ce qui empêche toute déclaration de culpabilité de la banque pour la période postérieure à mars 2009.
A titre très subsidiaire, la société UBS AG soutient que la qualification de blanchiment est improprement retenue et que les faits poursuivis relèvent en réalité de la qualification de complicité de fraude fiscale. Plus encore, elle ajoute que si le tribunal considérait que les qualifications de blanchiment et de complicité de fraude fiscale étaient susceptibles de s'appliquer, seule cette dernière doit être privilégiée en raison des règles du concours d'infraction. Enfin, elle fait valoir que dans ces deux précédentes hypothèses, les faits ne peuvent être poursuivis dans la mesure où la procédure n'a pas respecté le formalisme imposé par l'article L.228 du livre des procédures fiscales.
Sur les demandes de la partie civile, la société UBS AG sollicite, à titre principal, que l'État français soit débouté de l'ensemble de ses demandes du fait de la relaxe.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où le tribunal entrerait en voie de condamnation, la société UBS AG sollicite également que la partie civile soit déboutée de l'ensemble de ses demandes. Elle fait valoir que l'État français n'a pas la possibilité de demander l'indemnisation de l'impôt éludé, développant les règles applicables en matière de fraude fiscale qu'elle juge transposables au blanchiment. Elle ajoute que l'État français a déjà été indemnisé à travers les régularisations des contribuables. En outre, UBS AG précise que le seul préjudice éventuellement indemnisable se limiterait aux coûts supplémentaires de l'administration fiscale liés à la mise en oeuvre e de procédures judiciaires pour faire valoir ses droits, ce qui n'est pas le cas en l'espèce car le suivi et le recouvrement des créances fiscales fait partie des fonctions régaliennes de l'État. Enfin, UBS AG fait valoir qu'aucun justificatif n'est versé par la partie civile pour justifier de son préjudice.
Par conclusions régulièrement déposées et visées à l'audience le 15 novembre 2018, l'Etat français sollicite la recevabilité de sa constitution de partie civile ;la condamnation solidaire de la société UBS AG, de la société UBS France, de Raoul W…, de Dieter K…, de Philippe I… et d'Olivier B… à lui payer la somme de 1.600.000.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du blanchiment aggravé de fraude fiscale ; la condamnation in solidum de la société UBS AG, de la société UBS France, de Raoul W…, de Dieter K…, de Philippe I… et de Olivier B… à lui payer la somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
L'État français affirme dans ses écritures que les délits reprochés aux prévenus sont constitués.
Il fait valoir que sa constitution de partie civile est recevable au visa de l'article 2 du code de procédure pénale. En outre, il soutient que la Cour de cassation a affirmé qu'en matière de blanchiment de fraude fiscale le préjudice particulier subi par l'État est certain.
En ce qui concerne le préjudice, l'État français tient pour acquis que les comptes des contribuables français ouverts en Suisse étaient gérés au sein d'UBS Suisse dans le « départment Wealth Management International ». Après avoir rappelé les méthodes de calculs et les éléments retenus par les juges d'instruction dans l'ordonnance de renvoi, l'État français indique qu'il a été révélé que le montant des avoirs sous gestion de France International était de 10,6 milliards d'euros au 1ier juin 2006 et de 8,85 milliards d'euros au 30 novembre 2008. Il affirme que ces montant sont corroborés par ceux révélés dans le cadre des procédures de régularisations des avoirs non déclarés, dont il résulte que le montant avéré des avoirs détenus sur un compte UBS à l'étranger appréhendés dans le cadre de ces procédures peut être estimé à 4,8 milliards pour les seuls contribuables ayant engagé une démarche de régularisation. Pour finir, il détermine l'assiette de la fraude à un montant estimé de 8,1 milliards d'euros et fait observer que 12.710 contribuables sur les 50.330 dossiers complets de régularisation déposés au STDR détenaient des avoirs non déclarés figurant sur des comptes UBS à l'étranger.
Par ailleurs, l'État français estime que son préjudice financier subi à raison de ces opérations de blanchiment intègre également la fraude d'amont liée à la non-déclaration des flux financiers à l'origine des avoirs dissimulés. Plus encore, indépendamment de son préjudice économique lié à l'absence de recettes fiscales, l'État français ajoute que la dissimulation de ces avoirs a entrainé, par principe et par nature, des dommages financiers importants l'ayant conduit à diligenter des investigations, des procédures lourdes et à mettre en place des structures dédiées pour faire valoir ses droits.
Se basant sur les éléments recueillis par l'exercice de l'assistance administrative internationale auprès de l'Allemagne, l'État français avance que le nombre de comptes ouverts dans les livres d'UBS AG par des résidents français était de près de 40.000.
Retenant un pourcentage de 99% de comptes non déclarés ouverts par des résidents français dans les livres d'UBS AG, l'État français affirme que son préjudice est considérable et qu'il n'a pas été réparé par les différentes cellules de régularisation, ni par la retenue à la source qui a pu être pratiquée au titre de l'accord du 25 octobre 2004.
En conséquence, eu égard au nombre de clients concernés, au montant des avoir blanchis, à la durée de la période visée, il fixe son préjudice à la somme de 1.600.000.000 euros.
MOTIFS DE LA DECISION
ACTION PENALE
SUR LA REQUALIFICATION EN COMPLICITE DE FRAUDE FISCALE ET
L'IRRECEVABILITE DE L'ACTION PUBLIQUE
UBS AG et UBS France sollicitent la requalification des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale en complicité du délit de fraude fiscale eu égard au principe de l'application de la loi spéciale.
En conséquence, elles demandent qu'il soit constaté l'irrecevabilité des poursuites dans la mesure où le Ministère Public n'a pas été saisi d'une plainte préalable de l'administration fiscale précédée d'un avis favorable de la commission des infractions fiscales au visa de l'article L.228 du Livre des Procédures Fiscales.
L'article 40 du code de procédure pénale dispose que : « Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ».
L'article 40-1 prévoit que : « Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun soit d'engager des poursuites, soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1, 41-1-2 ou 41-2, soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient ».
Les poursuites sont ainsi exercées de manière libre et indépendante par le Ministère public qui dispose de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits au vu des éléments portés à sa connaissance.
Par ailleurs, le tribunal correctionnel doit de manière générale, restituer à la poursuite sa qualification véritable. Lorsqu'il est en présence d'un éventuel concours d'infractions, il relève de l'office du juge de déterminer la qualification la plus adaptée aux faits de l'espèce et la chambre criminelle rappelle régulièrement qu'il s'agit non seulement d'un droit mais d'un devoir du juge pénal.
La société de droit suisse UBS AG est poursuivie pour blanchiment aggravé de fraude
fiscale pour avoir apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés commis par des contribuables du Trésor Public français par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France, la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de service, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées, sociétés off-shore, trust, fondations, contrats d'assurance-vie, service banque restante, mise à disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement nominatifs ou au nom de l'entité interposée.
La société de droit français UBS France est poursuivie pour complicité par fourniture de moyens du blanchiment aggravé de fraude fiscale en Suisse de 2004 jusqu'en 2012, reproché à UBS AG, notamment en servant de relais ou d'intermédiaires entre des prospects et des chargés d'affaires de la société UBS AG, par l'organisation conjointe d'évènements promotionnels (les events) visant notamment le segment HNW et UHNW, et l'organisation de synergies entre équipes du segment CORE AFFLUENT.
L'article 324-1 du code pénal définit le blanchiment notamment comme « le fait d'apporter un concours a une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ».
L'article 1741 du Code Général des Impôts a une portée générale car susceptible de s'appliquer à tous les impôts visés par le Code Général des Impôts. Il peut prendre quatre formes différentes, l'omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, la dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt, l'organisation d'insolvabilité et l'entrave au recouvrement de l'impôt et l'utilisation de tout autre manière frauduleuse.
Quelque soit le moyen utilisé, pour être consommé, le délit requiert la réalisation d'un résultat juridique : la soustraction à l'établissement ou au recouvrement de l'impôt.
En l'espèce, les faits révélés par les investigations et reprochés à UBS AG et UBS France en qualité de complice sont des opérations qui consistent dans le placement de fonds provenant de fraudes fiscales sur des comptes situés en Suisse puis leur gestion au moyen de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou à convertir sciemment les dits fonds non déclarés.
Ces faits ne constituent en aucun cas des actes de complicité de fraude fiscale et vont bien au-delà en ce qu'ils visent des agissements en aval faisant appel à des montages et stratagèmes complexes destinés à gérer le produit direct ou indirect de la fraude fiscale commise par des résidents fiscaux français.
Dès lors, le tribunal estime que le dossier révèle bien l'existence de faits de blanchiment aggravé distinct et autonome à la fois sur le plan matériel et intentionnel.
Le Tribunal n'est pas en présence d'un simple conflit de qualification mais bien de faits de blanchiment autonomes et distincts de la fraude fiscale.
En conséquence, il convient de rejeter la demande de requalification des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale et complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale en complicité de fraude fiscale.
I- SUR LE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER ILLEGAL
A - EXERCICE DES ACTIVITES BANCAIRES EN FRANCE
En France, l'exercice des activités bancaires, des services d'investissement et des services de paiement est réservé aux établissements bénéficiant d'un agrément et soumis à une surveillance particulière des autorités de contrôle. L'étendue des activités ouvertes aux établissements agréés dépend de leur agrément et, le cas échéant, de leur statut particulier.
Tous les établissements sont soumis aux mêmes autorités d'agrément, de contrôle et de réglementation.
L'ACPR a pour mission de prendre les décisions individuelles d'agrément des établissements de crédit, des sociétés de financement et des entreprises d'investissement.
Elle est dotée d'une double fonction de contrôle et de sanction : elle contrôle le respect de la législation et de la réglementation par les établissements et sanctionne les éventuelles infractions, sous réserve de la compétence de l'AMF. Elle veille également à la qualité de leur situation financière, en particulier en matière de solvabilité et de liquidité.
Le mécanisme du passeport européen pour les banques et les sociétés de services financiers permet aux entreprises agréées dans n'importe quel Etat de l'Union Européenne ou de l'Espace Economique Européen de commercer librement dans n'importe quel autre Etat, moyennant un minimum d'autorisations supplémentaires. Ce passeport européen est un élément fondateur du marché unique européen pour les services financiers. Il repose sur le règlement uniforme de l'Union Européenne applicable aux services financiers (Directive 2004/39/CE du Parlement Européen du 21 avril 2004).
Il est constant que la société de droit suisse UBS AG ne disposait d'aucun agrément ni d'aucun passeport européen lui permettant d'exercer ses activités bancaires et financières sur le territoire français.
B - LE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER
L'article L 341-1 alinéa I du code monétaire et financier définit l'acte de démarchage bancaire ou financier comme « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord portant... » sur l'une des opérations financières énumérées par le texte.
L'article L 341-1 alinéa 7 ajoute : « constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins ».
L'article L.353-2 1° dispose : « Est puni des peines prévues à l'article 313-1 du code pénal : le fait, pour toute personne, de recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier définie à l'article L 341-1 sans remplir les conditions prévues aux articles L.341-3 et L.341-4 ».
Les articles L.341-3 et L.341-4 énumèrent les personnes habilitées à procéder au démarchage.
Il est précisé à l'article L.341-3 1° du code monétaire et financier que ne peuvent recourir ou se livrer à l'activité de démarchage bancaire ou financier, dans la limite des dispositions particulières qui les régissent, que les établissements de crédit ou les sociétés de financement agréés et habilités à intervenir sur le territoire français.
Les établissements de crédit sont définis par l'article L.511-1 1° comme des entreprises dont l'activité consiste, pour leur propre compte et à titre de profession habituelle, à recevoir des fonds remboursables du public et à octroyer des crédits. Jusqu'au 1er janvier 2014, l'article L.511-1 définissait les établissements de crédit comme : des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque au sens de l'article L.311-1 (…), c'est-à-dire « la réception de fonds du public, les opérations de crédit ainsi que les services bancaires de paiement ».
La société de droit suisse UBS AG répond à la définition de l'établissement de crédit.
Elle n'est ni agréée ni habilitée à intervenir sur le territoire français.
Il lui est donc impossible de recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier sur le territoire français.
Il est inutile, en ce qui la concerne, de se livrer à l'examen des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier (article L.341-2 du code monétaire et financier) puisque que toute activité de démarchage lui est interdite.
La société de droit français UBS France SA est, quant elle, régulièrement agréée et habilitée et peut recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier sur le territoire français.
Le critère défini par l'article L.341-1 du code monétaire et financier est celui de la prise de contact non sollicitée par tout moyen qui suppose une démarche active de la part du démarcheur. L'expression « en vue de » n'implique pas l'obtention d'un accord sur la réalisation d'une opération ou la fourniture d'un service ou d'une prestation.
Le texte voit également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, dans le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation des produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins.
C - LE SYSTEME MIS EN PLACE PAR LA SOCIETE UBS AG AVEC SA
FILIALE UBS FRANCE SA
Les termes de l'article L.353-2 1° du code monétaire et financier renvoient à la notion de « recours » à l'activité de démarchage bancaire ou financier définie à l'article L 341-1 sans remplir les conditions prévues aux articles L.341-3 et L.341-4.
En l'espèce, le recours à l'activité de démarchage bancaire ou financier illégal reproché à la société de droit suisse UBS AG s'inscrit dans un système global tenant à la fois à l'organisation même de la société UBS AG et de sa filiale UBS France, à la stratégie commerciale générale mise en place en matière d'activités transfrontalières, aux instructions internes ambigües et à géométrie variables ainsi qu'aux consignes de clandestinité, aux prises de contacts avec des clients/prospects sur le territoire français en vue de capter des fonds pour les rapatrier en Suisse.
1- L'organisation matricielle
Il est établi qu'il n'existait pas de réelle séparation entre les équipes de direction de la société mère et celles de sa filiale qui apparaissent au contraire étroitement imbriquées.
Cette confusion des pouvoirs et la subordination des dirigeants d'UBS France à l'égard de la maison mère constituait un risque et a facilité la mise en place de stratégies non conformes à la réglementation française.
Caroline D… a évoqué un double reporting ou un double management concernant son département SEG.
Patrick F… a expliqué qu'il dépendait d'une double hiérarchie, d'une part du Président d'UBS France, d'autre part de Dieter K…, chef du département Banque Privée pour l'Europe et donc chef du département France International. Il décrit une organisation matricielle imposant une double subordination à : « quelqu'un en France et quelqu'un en Suisse ».
Il apparaît que Patrick F… subissait la pression commerciale des chargés d'affaires d'UBS AG puisqu'il a été contraint d'intervenir pour mettre un terme à la pratique frauduleuse consistant pour les chargés d'affaires parisiens à réserver à leurs noms des salons au siège d'UBS France à la demande de chargés d'affaires suisses (instruction interne du 03/03/2009) ou pour modifier les modalités d'enregistrement des reconnaissances d'affaires lorsque la pratique des "carnets du lait" a été mise à jour par l'auditeur interne, Nicolas F….
La collaboration entre la maison mère et sa filiale a été soigneusement dissimulée par des consignes de discrétion voire de clandestinité donnée aux chargés d'affaires suisses se déplaçant en France dans le cadre de leurs voyages professionnels (« cross border banking and financial services activities country paper France » de décembre 2005 et le manuel « security risk governance » émanant du service marketing WMI de juin
2006).
2- Les synergies et la coopération transfrontalière
L'existence non seulement de synergies entre UBS AG et sa filiale française, mais d'un système de coopération transfrontalière témoigne de l'instauration d'une politique systématique de collecte des avoirs de résidents fiscaux français vers la Suisse.
La nomination de Pierre P… en remplacement de Jean-Louis M… coïncide avec une volonté d'intensifier au maximum les synergies avec la Suisse.
Par exemple, le groupe UBS a mis en oeuvre une stratégie de développement du segment « Core Affluent » correspondant au segment de clientèle possédant des patrimoines compris entre 250.000 et 3 000 000 €, à compter de 2006.
UBS France a coopéré à cette initiative non seulement en « on shore » ou en « domestique » mais aussi en lien avec France International.
Une convention s'est tenue sur ce thème à Zurich le 08/06/2006. Elle a donné lieu à un rapport dans lequel il est question de développer les relations téléphoniques, par internet et par les visites aussi bien dans « nos bureaux que sur place » (« both in our offices and on location »), aussi bien pour les équipes France domestique que France International.
Il y est annoncé le lancement d'une ligne téléphonique dédiée aux clients Core Affluent International appelée UBS Access Line.
Le 07/11/2006 a été organisé un atelier « workshop » intitulé : « CorA France Domestic Synergies with CorA Intl » qui a donné lieu également à un rapport.
Un autre document intitulé : Core Affluent Paris, Genève 9/11/2006 » comporte la présentation des équipes CorAffluent de France. Il y est mentionné que : « la chasse (ou organisation d'events est réalisée par des CA sans concernation avec le Desk du territoire concerné ». Il est recommandé de créer des binômes entre Desk France et
International et il est regretté que : « les succès (de synergies) dépendent des individus seuls et non de la structure ».
UBS AG a également mis en place des incitations pécuniaires récompensant les chargés d'affaire suisses qui développent les opérations transfrontalières en calculant leur bonus sur l'argent frais (NNM) off-shore. La même incitation financière a été prévue pour les chargés d'affaires français en intégrant dans le calcul de leur bonus le NNM qu'ils permettent à leurs collègues suisses de réaliser.
3- Les « Country papers » et instructions internes
Les instructions internes sont apparues en 2003 et ont fait l'objet d'actualisation : « country papers » de novembre 2003, de décembre 2005, « cross border business activities France » de décembre 2008 entré en vigueur en février 2009, instruction supplémentaire France du 03 avril 2013.
Ces documents ont été analysés et il a été relevé des termes qui interrogent quant à la conformité de ces règles à la législation française, en particulier dans le « country paper » de 2005.
Il est noté la phrase : « UBS may answer to unsolicited prospect requests » et « UBS may answer to unsolicited client requests » traduit pas UBS par : « UBS (suisse) peut donner suite aux requêtes non sollicitées des prospects ». Il n'est pas exposé les conditions supplémentaires tenant au lieu de la rencontre ou à la notion d'opérations habituelles.
Le « country paper » de 2005 atténue la portée de l'interdiction de signature de documents contractuels ou pré-contractuels en France en ajoutant les mots : « to all extent », traduit pas UBS AG dans les documents français par : « dans la mesure du possible » (D1187/4). Cela revient à autoriser la signature en France de documents contractuels en ajoutant la précaution selon laquelle les chargés d'affaires en voyage ne doivent pas avoir sur eux les documents d'ouverture de comptes lesquels doivent être envoyés « directement » en Suisse.
Ces mentions n'apparaissent plus sur le « country paper » de 2009.
Jusqu'à la Loi du 26/07/2013, la diffusion d'une information publicitaire pouvait
Caractériser un acte de démarchage puisque cette loi l'a expressément exclue des actes de démarchage.
Tous les « country papers » font la distinction entre la publicité générique appelée également communication institutionnelle sur la marque UBS qui ne relève pas d'un acte de démarchage et la publicité sur les produits qui pourrait relever d'un acte de démarchage.
Néanmoins, une ambiguïté réside sur la diffusion des publicités sur les produits financiers d'UBS AG puisqu'elle est autorisée à la seule condition que cette diffusion soit « revue et approuvée » par UBS France et faite « au nom d'UBS France ».
Cette présentation s'inscrit dans la stratégie consistante, comme pour les « events » à faire, au nom d'UBS France, des actes interdits à UBS AG.
La question se pose également de l'effectivité de la mise en oeuvre de ces instructions internes puisqu'il ne ressort pas de la description des contrôles internes mis en place pour mesurer le respect de ces règles et qu'il n'est pas prévu de sanction disciplinaire en cas de violation des règles sur le démarchage. UBS AG a déclaré n'avoir conservé aucune trace de la diffusion de ces règles auprès des chargés d'affaires.
L'argument selon lequel UBS AG aurait institué des règles et des procédures internes afin que ses chargés d'affaires respectent les règles de la législation locale et notamment la prohibition du démarchage bancaire sur le territoire ne saurait emporter la conviction.
Comme l'ont expliqué les témoins Bradley B… ou le témoin n°119, la diffusion de « country papers » témoigne de la volonté de créer une apparence de conformité à la législation locale de chaque pays.
A propos de la signature des « country papers », policy ou code de déontologie, plusieurs témoins affectés à des services différents du groupe UBS parlent de l'hypocrisie de la direction d'UBS AG qui, par ce moyen, se déchargeait de sa responsabilité sur ses collaborateurs, les commerciaux, ou bien sur le client français qui avait l'obligation de déclarer ses revenus et son patrimoine et de payer ses impôts.
Les restrictions édictées dans les « country papers » apparaissent donc en contradiction avec les objectifs assignés aux commerciaux ou chargés d'affaires d'UBS AG lorsqu'ils se déplaçaient sur le territoire national.
Cette volonté de conformité est par ailleurs démentie par la mise à disposition des chargés d'affaires d'UBS AG, les « chasseurs », de moyens leur permettant d'échapper aux contrôles des autorités françaises, à savoir, le guide méthodologique, notamment celui de 2005, intitulé « cross-border banking and financiel services activities country paper France » ou bien les recommandations du « security risk governance », les cartes de visite sans logo UBS, les ordinateurs portables emportés lors des missions en France, l'utilisation d'une plate-forme virtuelle pour préparer les documents contractuels. .
Ce fonctionnement est décrit par certains témoins comme « des méthodes dignes de James Bond ».
Cette volonté de conformité apparaît enfin en totale contradiction avec la politique générale du groupe consistant à collecter un maximum de NNM hors de Suisse et à fixer aux chargés d'affaires suisses des objectifs élevés à remplir lors de leurs déplacements en France avec l'aide de leurs collègues français.
Ce n'est qu'en 2009 qu'a été mentionnée l'existence d'une « certification » pour les nouveaux chargés d'affaires de France International incluant une formation aux règles applicables au démarchage transfrontalier.
4- Les ATA et les « carnets du lait ».
La reconnaissance d'affaires est un acte par lequel un chargé d'affaires « receveur » reconnaît à un chargé d'affaires « référent », du même Etat (reconnaissance domestique ou ATA DOM) ou d'un autre Etat (reconnaissance transfrontalière ou « cross-border ou ATA INT) tout ou partie des avoirs qu'il collecte d'un client ou d'un prospect. Cette reconnaissance porte sur un montant d'avoir collectés par ce chargé d'affaires « receveur » et sur un taux de reconnaissance. Ces avoirs sont appelés net new money ou NNM et sont pris en compte dans le calcul du bonus du chargé d'affaires d'origine.
La reconnaissance d'affaires permet de favoriser les coopérations entre chargés d'affaires, en particulier les recommandations ou « referal » consistant pour un chargé d'affaires à recommander un client à un autre chargé d'affaires, ou à le « référer ».
Les « carnets du lait » sont un support matériel de comptabilisation de reconnaissance d'affaires soit papier soit numérique sous forme excel utilisé au sein d'UBS France en dehors de tout cadre procédural interne.
En revanche, les ATA, qui avaient le même objet, à savoir, la reconnaissance d'affaires entre deux commerciaux qui autorise à réaliser des corrections comptables d'affectation de NNM, obéissaient à des instructions internes. Ces ATA étaient intégrés dans un
« Applicatif » ou outils informatique appelé « PMM Adjustment tool ».
Les ATA ainsi enregistrés étaient souvent des reconnaisances d'affaires compensées ou « nettées » en une reconnaisssance d'affaires unique et synthétique. Le détail des reconnaissances d'affaires relatif au nom du client, au montant et à la date de la transaction disparaissait dans les ATA. Il en était de même pour le taux de reconnaissance.
Jusqu'en 2009, il n'existait aucune procédure de contrôle ce qui est attesté par le rapport intitulé : « Asset Transfer Adjustment », diffusé en décembre 2008 (D897/2) :
« Néanmoins, il apparait que des dossiers spécifiques à la justification des ATA internationaux ne sont pas formalisés / constitués pour chaque opération ce qui va à l'encontre des instructions du Head of Legal, Risk & Compliance.
De même, il n'existe pas de procédure formalisée (autre que l'instruction émise) rappelant le cadre réglementaire dans lequel nous sommes autorisés à réaliser des ATA internationaux, le process de documentation et de validation ainsi que les contrôles applicables. Notons que dans le cadre de ces demandes de justification d'ATA, Risk &
Compliance a rappelé par mail aux Client Advisors concernés la nécessité de documenter tout dossier de demande d'ATA international, et/ou à leur Desk Head, l'obligation de vérifier la complétude des éléments fournis par leurs Client Advisors à l'occasion d'une demande d'ATA et de veiller à ce que ces éléments soient dûment conservés pendant 5 ans ».
Dans un mail en date du 13 novembre 2007, le directeur juridique, François V… demande que les demandes d'ATA soient documentées et conservées sans prévoir explicitement de validation par la hiérarchie ni instituer une procédure de contrôle.
Ces demandes n'ont pas été suivies d'effet comme en témoignent les efforts de reconstitution déployés par UBS France pendant deux ans dans le cadre de la procédure d'instruction.
Cette absence de procédures claires et de contrôle des ATA qui a perduré de nombreuses années démontre une volonté de dissimulation d'opérations illégales, notamment de démarchage illégal, du moins jusqu'en 2011.
Ce mode de fonctionnement a entraîné chez les chargés d'affaires d'UBS France une confusion et une difficulté de compréhension du système des reconnaissances transfrontalières.
Ceux-ci étaient fortement incités à coopérer avec leurs homologues suisses afin de respecter voire augmenter leurs objectifs en termes de collecte de NNM, dont dépendait leurs bonus.
Il convient de souligner que les opérations transfrontalières ou « cross-border » constituent un risque tant en matière de démarchage illégal qu'en matière d'évasion fiscale.
Dès lors, les reconnaissances d'affaires de la Suisse à la France engagent la responsabilité d'UBS France si, à l'occasion de ces affaires reconnues à la France, UBS AG commet des infractions telles que le démarchage illégal ou le blanchiment de fraude fiscale.
UBS France a décidé de formaliser les procédures d'ATA seulement à partir de l'instruction de février 2009. Il doit désormais être mentionné : le nom du chargé d'affaires référent, le nom du chargé d'affaires receveur, le nom du client et les autres informations sur le client, le montant de la transaction, la date de la transaction, la raison et le taux de reconnaissance (à partir de mars 2011).
La direction des risques et de la conformité a également imposé aux chargés d'affaires de documenter et de conserver leurs demandes d'ATA et à la direction commerciale de les valider. Il a même été créé en juin 2012 un comité trimestriel de validation des ATA internationaux.
D - LE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER ILLICITE : LES PRISES
DE CONTACT
Il est démontré la présence, depuis 2000 jusqu'en 2011, de chargés d'affaires suisses pour des visites à l'occasion d'évènements (« events ») culturels, sportifs ou mondains organisés par UBS France ou pour des rendez-vous avec des clients/prospects dans des agences d'UBS France, hors de tout établissement bancaire ou au domicile, en vue de démarchage bancaire ou financier de prospects ou de clients.
1- Lors des « events »
Une liste des « events » organisés sur le territoire national a été dressée (D1075).
Ces « events » peuvent être classées en trois catégories :
– ceux organisés et financés par UBS France auxquels UBS AG pouvait obtenir des places pour ses propres clients ou prospets (Verbier Festival youth Orchestra ou Golf Trophy)
– ceux organisés et financés par UBS AG : chasse de la Planquette dans le Nord, régates du Club de la Pelle à Marseille, tournois de Golf à Langon, ces « events » étaient financés directement, en tout ou partie par UBS AG et des chargés d'affaires suisses y invitaient et y rencontraient des prospects ou clients, avec ou sans ceux d'UBS France.
– Ceux organisés par un tiers, auxquels UBS France et UBS AG pouvaient acheter des places pour leurs clients ou prospects, type Roland Garros ou tournoi international de rugby). La présence de chargés d'affaires suisses aux « events » a été dénoncée par Nicolas F…. Ce dernier a confirmé lors de ses auditions l'alerte (« whistleblowing ») qu'il a lancée en décembre 2008 alors qu'il était chef de l'audit UBS France.
Les éléments de cette alerte ont été confirmés par les conclusions de l'audit d'UBS France diligenté par le département Risk & Compliance d'UBS AG, le GIA (Global Internal Audit) en juin 2009.
Le GIA relève que la réorganisation de GWM (Global Wealth Management) en 2009 a institué une séparation claire, en Suisse, entre les unités domestiques et internationales de GWM, et la procédure France a été révisée et améliorée depuis 2009. Le GIA considère que cette réorganisation résoudra le problème des activités transfrontalières, notamment, les chargés d'affaires d'UBS AG ne pourront rencontrer leurs clients que dans les locaux d'UBS France à leur demande explicite et avec l'approbation d'UBS France, et l'échange de données nominatives sur les clients entre les employés d'UBS AG et UBS France est interdit (D913/10).
Il peut en être déduit à contrario que des pratiques constitutives de démarchage bancaire ou financier illégal existaient jusqu'en 2009.
Sur le « country paper » de 2005, UBS AG indique, au sujet des « events » organisés sur le territoire français, que des « des représentants d'UBS autres qu'UBS France » peuvent y assister mais que comme ces « events » n'ont pas pour objet la communication institutionnelle, ils ne doivent pas être organisés au nom d'UBS suisse mais au nom d'UBS France.
En fait, ces « events » sont organisés conjointement par les sociétés UBS AG et UBS France et largement financés par la maison mère.
Serge H…, Stéphanie Gibaud, Véronique ZAMORA (ex-assistante de direction chez UBS France, agence de Bordeaux), Jean-Michel B…, Anne L…, Hervé D… et Jean-Louis M…, ont confirmé la présence envahissante des chargés d'affaires suisses sur le territoire national lors des « events ».
Stéphanie Gibaud a déclaré qu'elle collaborait au quotidien avec son homologue basé à Genève.
Les équipes marketing de France International et UBS France croisaient leurs listes d'invités pour éviter que le même client ou prospect ou intermédiaire financier (prescripteur) ne soit invité deux fois par un chargé d'affaires français et un chargé d'affaires suisse au même « event ».
Nicolas F… a précisé que lors de leur venue en France, les chargés d'affaires suissesavaient accès aux bases de données pour consulter les fiches clients (I avenue, IRMA).
Il est exact qu'aucun des clients entendus au cours de l'enquête n'a déclaré avoir été démarché en France par un chargé d'affaires suisse, ni même avoir rencontré un chargé d'affaires suisses sur le territoire national à l'exception de Monsieur Guy A… qui précise avoir eu un contact avec Joanny D…, chargé d'affaires suisse, lors de déjeuners à Paris.
Cette position peut facilement se concevoir dans la situation où un résident fiscal français est démarché et qu'on lui propose de transférer des avoirs non déclarés chez UBS AG.
Les personnes qui ont été au contact de chargés d'affaires suisses sur le territoire national, en dehors des agences UBS France, à l'occasion d'évènements culturels ou sportifs, ont été identifiées à partir des listes d'invités communiquées par Stéphanie Gibaud, assistante marketing chez UBS France, en charge de l'organisation des « events », des listes d'invités saisies lors de la perquisition du bureau d'Hervé D… et relative à des chasses organisées par le bureau régional UBS de Lille et de la filature opérée d'un chargé d'affaires suisse à Roland Garros en 2011.
Ces personnes ont été listées (D1100) comme ayant participé à différents « events » comme le Verbier Festival Youth Orchestra à Lyon, compétions de golf à Bouffémont, Cély ou aux chasses de la Planquette dans le Nord.
L'enquête n'a pas permis d'obtenir les rapports de visite que les chargés d'affaires suisses devaient obligatoirement rédiger à leur retour en Suisse.
Cependant, il doit être rappelé que ces visites s'inscrivaient dans un contexte de volonté de croissance d'UBS AG dans sa ligne de métier banque privée (private wealth) y compris sur les marchés dits « matures » comme celui de France International.
Il est peu crédible d'imaginer, au vu des frais engagés et des efforts déployés, que l'objectif du « retain » (retenir le client) primait sur les objectifs d'augmenter la part d'UBS AG dans le portefeuille du client ou de convaincre un prospect de contracter. Le but était bien d'augmenter la « share of wallet » c'est-à-dire la part de marché d'UBS AG.
Par ailleurs, les chargés d'affaires étaient notés au regard de l'argent frais (NNM) qu’ils rapportaient de clients établis en France.
Les termes utilisés en disent long sur les stratégies adoptées : « hunters » (chasseurs).
Dans un document diffusé lors d'un atelier intitulé « CorA France Domestic. Synergies avec CorA intl » (Core Affluent France Domestique, synergies avec Core Affluent
International), il est décrit : « la chasse (ou organisation d'events) est réalisée par des CA sans concertation avec le desk du territoire concerné » (D640/201).
Les voyages en France avaient bien pour but d'obtenir un accord d'un client ou prospect sur la réalisation d'opérations bancaires, peu importe que cet accord soit signé juste après « l'event » ou postérieurement.
L'adage en vogue chez UBS AG était d'ailleurs : « Il n'y a pas de client, il n'y a que des prospects ».
S'agissant des opérations bancaires réalisées, elles sont différenciées par la Loi et le règlement entre opérations habituelles et non-habituelles selon les critères suivants : caractéristiques de l'opération, risque et montant.
Dans les instructions internes dites : « country papers », cette distinction apparaît en 2003 avec la consigne de documenter cette situation d'exception dans le dossier du client, elle disparaît en décembre 2005 puis réapparaît dans le « country paper » de février 2009 où il est demandé de dûment documenter (duly documented ») le fait que c'est à la demande du client français qu'on donne des informations sur les produits financiers (D2226/9).
2- Dans les locaux d'UBS France ou à proximité du siège parisien
Il ressort des témoignages que des chargés d'affaires français réservaient, à leur nom, des salons au siège parisien d'UBS à la demande de chargés d'affaires suisses qui voulaient y rencontrer des clients ou prospects d'UBS AG.
Patrick F… a décidé de diffuser une instruction intitulée : « sécurité et accès aux locaux » datée du 03/03/2009.
Dans sa version du 1er décembre 2010, l'instruction exige l'accord préalable du département de la conformité d'UBS France et du CEO ou de son adjoint pour recevoir dans les locaux parisiens un chargé d'affaires suisse en présence d'un client ou d'un prospect. L'instruction n'interdit pas les rencontres mais les soumet à autorisation préalable.
Anne L… a décrit la présence des chargés d'affaires, Frédéric P… et Christophe M… à l'hôtel Bedford situé à proximité du siège de la banque. Jean-Michel B… évoque la présence du chargé d'affaires suisse, Juan M… à Bordeaux.
3- Au domicile de prospects
Sylvie J…, salariée UBS AG, a admis qu'elle s'est rendue au domicile de prospects français. Elle a indiqué que les chargés d'affaires du desk France avaient vocation à aller voir des clients en France. Elle-même rencontrait 80% de ses clients en Suisse et 20% en France lors de visites à domicile ou dans les salons d'UBS France sans la présence d'un chargé d'affaires français. L'objectif de ces visites était la souscription d'un prêt immobilier ou d'un mandat de gestion, ce qui constitue une de banque au sens de l'article 311-1 du code monétaire et financier entrant dans le champ du démarchage bancaire ou financier illégal.
Il résulte clairement de nombreux témoignages que l'omniprésence des chargés d'affaires suisses et leurs agissements sur le territoire français étaient parfaitement connus des chargés d'affaires d'UBS France et de la direction et provoquaient des tensions entre collaborateurs suisses, salariés d'UBS AG, et collaborateurs français, salariés d'UBS France.
Cette concurrence déloyale a été clairement dénoncée.
Par ailleurs, le seul fait, pour les chargés d'affaires suisses, d'être présents aux « events » en vue de proposer la réalisation d'une opération ou la fourniture d'un service financier suffit pour qualifier cette situation de démarchage, leur présence physique constituant déjà une forme de pression potentielle sur le client.
Les actes de démarchages bancaire ou financiers illégal sont parfaitement établis à l'encontre de la société de droit suisse UBS AG et de la société UBS France comme complice.
II- SUR LE BLANCHIMENT AGGRAVE DE FRAUDE FISCALE
A - L'INFRACTION DE BLANCHIMENT
Selon les dispositions de l'article 324-1 2° du code pénal, « le blanchiment est le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ».
Le blanchiment est une infraction de conséquence, ce qui implique de rapporter la preuve que les biens ou les fonds considérés proviennent d'un crime ou d'un délit sous-jacent, en l'espèce le délit de fraude fiscale.
En pratique, si cette preuve demeure la difficulté principale, la jurisprudence de la Cour de cassation en a progressivement précisé le périmètre.
Ainsi, il est admis que les juges du fond peuvent qualifier l'infraction d'origine à partir de certains éléments de fait, sans que les circonstances de commission de cette infraction soient établies (date, lieu, ...).
Le blanchiment est également une infraction intentionnelle, ce qui implique qu'une fois l'origine illicite des fonds employés établie, il est nécessaire de démontrer que le blanchisseur avait connaissance, au moment où il est intervenu, que le bien placé, dissimulé ou converti provenait d'un crime ou d'un délit.
B - LE DELIT PRINCIPAL DE FRAUDE FISCALE
Selon l'article 1741 du code général des impôt : « commet le délit de fraude fiscale quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel d'un impôt ». Cette infraction est constituée dès lors que sont réunis des faits matériels tendant à permettre au contribuable de se soustraire totalement ou partiellement à l'établissement ou au paiement de l'impôt et une intention délibérée de fraude.
Ce délit peut revêtir différentes formes : omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt, organisation d'insolvabilité et autres manoeuvres tendant à mettre obstacle au recouvrement de l'impôt, tout autre agissement frauduleux.
En l'espèce, le délit principal ou sous-jacent est commis par les milliers de contribuables, résidents fiscaux français, qui ont sciemment omis de déclarer leurs avoirs placés à l'étranger à l'administration fiscale.
Il est démontré l'existence de plus de 2000 dossiers de fraudeurs fiscaux par omission déclarative, titulaires directement ou indirectement de comptes dans les livres de la banque UBS AG qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite pénale dans la mesure où ces dossiers ont été fiscalement traités par les différentes cellules de régularisation instaurées par l'administration fiscale française.
Les investigations auprès de la DNVSF ont permis d'obtenir le montant des sommes non déclarées, objet de la fraude fiscale.
Madame Béatrice Brethomme, responsable du STDR, a parfaitement expliqué le contenu des dossiers de régularisation et a corroboré les éléments de preuve du blanchiment recueillis par ailleurs.
Des tableaux (D2025 à D2028) présentent une analyse descriptive complète, à savoir, numéro de dossier, état-civil des contribuables, montant total des avoirs dissimulés, avoirs placés chez UBS AG, profil dit actif ou passif du contribuable, existence ou pas d'une structure interposée.
A titre d'exemple, deux dossiers de régularisation ont été versés (D2018).
Ces éléments démontrent qu'il s'agit incontestablement d'avoir non déclarés à l'administration fiscale française sur lesquels portent les opérations de blanchiment aggravé relevant de la responsabilité de la société UBS AG et, essentiellement commis par les dirigeants, cadres et chargés d'affaires, notamment de son service France International, agissant sous l'autorité des organes et représentants de la personne morale.
Ces derniers sont parfaitement identifiés.
Il convient de préciser que l'ouverture d'un compte bancaire dans les livres de la banque suisse UBS AG et donc les opérations de placement subséquentes ne sont pas en elles-mêmes des opérations illicites à condition que ces ouvertures de compte soient déclarées à l'administration fiscale par les contribuables concernés.
Le contribuable doit, avant d'entrer dans le détail de sa déclaration, cocher la case UU de la déclaration 2042.
Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts « (…) les personnes physiques (…), domiciliées (…) en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (…), les référence des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (…) Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ».
Selon les dispositions de l'article 755 du code général des impôts, l'ensemble des avoirs détenus sur les comptes bancaires et contrats d'assurance vie détenus à l'étranger et non déclarés sont réputés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit, qui a pour conséquence une taxation au taux le plus élevé existant pour les droits de mutation, soit 60% (le taux applicable entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non parentes).
L'application de ce taux correspond à une présomption d'origine inconnue des fonds en cause, donc hors lignée familiale. Le contribuable concerné conserve toutefois la possibilité d'apporter la preuve contraire devant le juge de l'impôt, en établissant l'origine de ces fonds.
Au terme d'actualisations successives la DNVSF a établi qu'au 30 octobre 2015, 3 983 contribuables avaient déposé des déclarations rectificatives pour un montant total d'avoir chez UBS AG de 3 773 008 769 € (D2384) ayant entraîné des redressements de droits pour un montant de 620 480 477 € et des amendes et pénalités pour un montant de 342 183 588 €.
L'existence du délit de fraude fiscale est donc établie pour cette assiette de 3 773 008 769 €.
Ce montant global est détaillé contribuable par contribuable, dans des tableaux indiquant notamment l'état-civil dudit contribuable et son adresse, ce détail apparaissait déjà dans les tableaux arrêtés au 31 décembre 2014 (imprimés notamment en D2025 pour la cellule de dégrisement dite Woerth), il apparaît également dans les tableaux arrêtés au 30 septembre 2015 pour les cellules de dégrisement dite intermédiaire et dite STDR (sur CD ROM en D2383).
Cependant, il doit être retenu que ce montant de 3 773 008 769 € représente la seule part régularisée du « Montant concerné » non déclaré.
C - LE BLANCHIMENT AGGRAVE DE FRAUDE FISCALE
Il s'avère que le blanchiment aggravé de la fraude fiscale imputable à la banque UBS AG résulte de la mise en place d'une politique systématique instaurée dans différents pays qui a donné lieu à des poursuites pénales exercées par les autorités judiciaires de plusieurs États.
En 2009, UBS AG a fait l'objet de poursuites pénales pour des faits de « conspiracy w commettre une fraude fiscale) de 2000 à 2007. La banque suisse a accepté de conclure un « deferred prosecution agreement » (DPA) ou accord de suspension des poursuites, équivalent mutatis mutandis d'un classement sous condition de payer une amende très substantielle.
Les agissements imputés à UBS sont très précisément décrits dans l'accord qu'elle a signé avec les autorités de poursuite américaines.
Il est notamment indiqué que : « A partir de 2000 et jusqu'en 2007, UBS, par l'intermédiaire de certains banquiers privés et managers de l'activité transfrontalière aux Etats-Unis, a participé à un stratagème visant à commettre une fraude au préjudice des Etats-Unis et de son administration fiscale, l'IRS, en aidant activement ou en assistant de toute autre manière un certain nombre de contribuables américains personnes physiques à ouvrir des comptes auprès d'UBS de manière à dissimuler leurs droits de propriété ou bénéficiaires (ownership or beneficial interest) sur lesdits comptes. A cet égard, lesdits banquiers privés et managers ont fourni leur assistance pour la création de comptes au nom de sociétés offshore, permettant ainsi à des contribuables américains de se soustraire à leurs obligations déclaratives et d'effectuer des opérations sur des valeurs mobilières, ainsi que d'autres transactions financières (y compris l'octroi de prêts au profit desdits contribuables américains ou la réalisation d'autres transferts d'actifs sur leurs instructions, et l'utilisation de cartes de crédit ou de débit liées aux comptes des sociétés offshore) ».
Ils présentent de grandes similitudes avec les infractions pénales qui font l'objet de la présente procédure.
1 - Les agissements d'UBS AG
Il résulte non seulement des pièces du dossier mais aussi de multiples témoignages que la banque UBS AG distinguait clairement les fonds relevant du « simple money » (fonds non déclarés) de ceux relevant du « complex money » (fonds déclarés).
Il est démontré en l'espèce l'existence d'une politique ou d'un système global de blanchiment de fraude fiscale consistant notamment à recevoir les fonds, le cas échéant, à les placer, tout en offrant, en sa qualité de banquier, ligne de métier banque privée, une gamme de services permettant de garantir le secret au déposant et même à renforcer l'opacité en vue de dissimuler ses avoirs ou, à tout le moins, d'éviter que son identité ne soit révélée à l'administration fiscale française, notamment après l'entrée en vigueur de la directive Epargne.
Cette activité était manifestement très lucrative pour la banque, les marges sur les comptes non déclarés étant bien supérieures à celles sur les comptes déclarés (« Complex Money »). Ayant la garantie que leurs avoirs resteraient dissimulés, les clients d'UBS AG étaient disposés à payer des frais bancaires importants.
UBS AG fournissait également à ses clients français les moyens et techniques permettant de rapatrier clandestinement des fonds (prêt lombard, système de compensation) ou leur fournissait des moyens de paiement anonymes.
C'est seulement en 2013 qu'UBS AG a modifié sa politique à l'égard de ses clients étrangers, notamment en les incitant fortement à régulariser leur situation et en leur permettant de remplir les IFU.
Le principal service fourni par UBS AG à ses prospects et clients résidents fiscaux français, et donc clients du département France International, a été la possibilité de bénéficier du secret fiscal et de proposer des services permettant de mettre hors d'atteinte des avoirs non déclarés à l’administration fiscale.
Ce rôle s'est encore accentué après l'entrée en vigueur de l'accord conclu avec l'Union européenne pour l'application de la directive Epargne.
La directive Epargne du 3 juin 2003 sur l'imposition des revenus de l'épargne s'applique à la Suisse depuis le 1er juillet 2005 en vertu d'un accord entre la Communauté Européenne et la Confédération suisse. Par défaut, les épargnants se voient prélever une retenue d'impôt de 15% (aujourd'hui de 35%) des intérêts générés par leurs avoirs. Ce prélèvement est effectué par l'Administration Fédérale des Contributions (AFC) qui transmet au fisc de l'État d'origine 75% de la somme retenue. Sur option de l'épargnant, la banque transmet son identité à 1'AFC qui l'adresse à son tour à l'administration fiscale de son État d'origine.
Seulement 1% à 8% des clients d'UBS Suisse ont opté pour la transmission de leurs identités aux autorités des États dont ils étaient ressortissants, les autres clients optant pour le prélèvement à la source, cette statistique ne s'appliquant qu'aux comptes bancaires ouverts au nom d'une personne physique, et non aux comptes ouverts au nom d'une entité (personne morale, société, fondation ou trust) ou d'une police d'assurance-vie.
Le dispositif prévu par la directive Epargne n'étant pas applicable aux personnes morales, il était extrêmement aisé de faire obstacle au prélèvement sur les produits de l'épargne en interposant soit une société offshore, soit un trust ou toute autre entité dont le contribuable fraudeur était le bénéficiaire économique.
A-Service banque restante
Le service de « banque restante » ou « retaines mail » est un service payant par lequel le client demande à la banque de ne pas lui envoyer son courrier à son domicile mais de le garder en banque. D'après UBS AG, 47% des clients avaient opté pour ce service.
Raoul W… a précisé que le client qui ne choisit pas la banque restante peut aussi donner des instructions pour faire suivre son courrier chez un fiduciaire ou un comptable local et éviter ainsi l'envoi à son domicile.
Lorsque le compte est ouvert au nom d'une entité telle qu'une société offshore, l'adresse d'envoi du courrier peut être le fiduciaire ayant fourni la société. Pour le trust, il s'agit du trustee, pour une fondation, c'est le gestionnaire de la fondation. Dans le cas d'une assurance-vie, c'est l'adresse de la compagnie d'assurance.
UBS AG prétend que ce service n'était pas destiné à aider le client à frauder son administration fiscale mais seulement à garantir une confidentialité.
Cependant, le formulaire du contrat relatif au courrier banque restante édité pour les années 2013 et 2014 contient une mention qui indique clairement qu'UBS associait ce service à un risque de fraude fiscale (cf. D1869/1).
Monsieur Hervé M… a lui-même déclaré que : « l'information selon laquelle un client ne souhaite pas recevoir de reporting à son domicile est pour le directeur de la conformité un indice inquiétant ». Cela ressort également d'un mail de François V… en date du 27/02/2007 (D2104/1).
Selon Eric L…, ancien Financial InterMediary : « La banque restante, c'était même la consigne pour éviter que ça se sache, pour que le compte reste, qu'il n'y ait pas l'information côté français. C'est la banque qui le recommandait. Ils recommandaient de ne pas appeler la banque par téléphone et le courrier que la banque envoyait était stocké moyennant finance ».
B-Comptes numérotés ou comptes CQUE
Plusieurs témoins ont évoqué l'existence de comptes dits numérotés et l'usage de pseudonymes par les clients ainsi que l'existence de fiches bristol dans des boites de marque Cardex dans les bureaux des chargés d'affaires de France International faisant le lien entre le pseudonyme et le véritable nom du client.
UBS AG offrait aux clients, pour 300 CHF par an, la possibilité d'avoir un compte dit CQUE, habituellement appelé compte numéroté, de choisir un nom conventionnel (ou pseudonyme ou nom fantaisiste) ou un numéro dit CQUE, et de les utiliser pour sa correspondance ou le retrait d'espèces (D 1871/5).
En octobre 2010, à la suite d’une instruction interne, UBS AG a décidé de ne plus permettre à ses clients de signer sous un pseudonyme ou un numéro, sauf pour ceux bénéficiant déjà de ce service, sans pour autant supprimer ledit service (DI 872/5).
Les instructions internes relatives à ce service soulignent qu'il n'a pas d'autre objet que d'assurer le secret bancaire en interne. Tel paraît être le cas des dispositions assurant que dans les systèmes informatiques de la banque, le lien entre le numéro du compte et le nom du client ne peut être connu que d'un nombre très restreint de personnes.
Mais le fait d'autoriser le client à signer sous un pseudonyme ou avec une série de chiffre choisie par lui ne paraît pas répondre à ce seul objectif.
C-Imprimé fiscal unique (IFU)
L'information a par ailleurs établi que jusqu'en 2007, UBS AG n'éditait pas d'imprimé fiscal unique (IFU), même à la demande du client. De 2007 à 2013, pratiquement aucun client français, hormis les clients frontaliers, ne demandait à UBS AG d'éditer en fin d'année son IFU. (cf les auditions de Mme L…, M. G… et le témoin n° 1119).
La société UBS AG n'a pas pu ou pas voulu donner la proportion de clients de France International demandant un tel IFU.
D-Les montages via des sociétés offshore et autres entités ou contrats
Les Sociétés off-shore sont appelées « société de domicile » ou « domiliary company » dans la documentation interne d'UBS AG.
Elles font partie de ces entités que l'industrie bancaire suisse, et en tous cas UBS AG par exemple dans son instruction sur la déclaration fiscale des clients domiciliés dans l'Espace économique européen (D1285) définit comme des sociétés non opérationnelles (« do not run any business »).
Ces sociétés sont immatriculées dans des « juridictions » dites « non coopératives », comme les BVI ou les Îles Caïman.
Dans l'instruction précitée, elles sont associées aux trusts et aux fondations, ainsi qu'aux « Compagnies d'assurance-vie », comme possibles détenteurs de fonds appartenant à un client final, ou bénéficiaire économique.
Vers 2003, l'industrie bancaire suisse a édicté, pour les besoins des obligations liées à la connaissance du client, un « formulaire A », devant figurer dans la documentation bancaire, et par lequel le chargé d'affaires devait identifier le bénéficiaire économique ultime du compte ouvert au nom d'entités telles que société de domicile, trust ou fondation.
Une obligation similaire a été progressivement mise en place pour les avoirs au nom de compagnies d'assurance vie au moyen d'un formulaire dit I à compter de 2008 ou en tous cas à compter de 2014 (DI 906/8).
L'analyse des régularisations a permis de considérer que 30% des fonds dégrisés étaient détenus par des entités (D2024). Mais cette statistique est incomplète en ce qu'elle ne porte que sur les seuls fonds régularisés au 31/12/2014. Les enquêteurs de la BNRDF ont relevé dans leurs constatations les mécanismes et montages utilisés dans deux dossiers décrits à titre d'exemples.
UBS AG n'a pas contesté qu'elle fournissait ce type de services tout en prétendant qu'elle n'incitait pas ses clients à recourir à ce type de mécanisme. Elle fait valoir qu'il n'y avait aucune dissimulation, pour un client, à inscrire ses avoirs au nom d'une entité, puisque son nom devait figurer au formulaire A et pouvait donc être connu des autorités publiques suisses ou étrangères, sur demande d'entraide judiciaire ou administrative.
Elle soutient également qu'à supposer qu'il y ait eu dissimulation, la décision relevait du seul client et non de la banque.
Cependant, il ressort de divers documents qu'UBS AG proposait à ses clients la constitution de trusts et de fondations, y compris après avril 2013 :
– un document intitulé « Note au Wealth Planning ... » (D1875), daté de septembre 2011
– une instruction interne ultérieure d'UBS AG du 17 avril 2013 (D1285).
Dans le document de septembre 2011, il est indiqué que les chargés d'affaires d'UBS AG ne peuvent proposer à leurs clients la constitution de trust et de fondation qu'après avoir vérifié la condition d'utilisation à des fins légitimes de ces entités, une fin illégitime pouvant résulter de la « violation des obligations fiscales », soit la fraude fiscale « simple » ou évasion fiscale.
A contrario, on peut en déduire que jusqu'en septembre 2011 il n'était pas demandé de faire une telle vérification.
Ce qui corrobore les déclarations du témoin n°119 selon lequel l'évasion fiscale n'était pas un problème pour UBS AG ni pour aucune autre banque suisse à l'époque. Il était dit au client qu'il s'agissait juste d'argent non déclaré et qu'en Suisse, l'évasion fiscale ce n'est pas de la fraude fiscale, donc « vous êtes à l'abri ».
Les témoins, notamment Bradley B…, ont également expliqué qu'en fournissant des services comme la constitution d'une structure interposée, UBS AG créait avec son client fraudeur un lien quasi-définitif. Dans le cas de figure où un trust était interposé, c'est une filiale d'UBS qui devenait le trustee, de sorte qu’il ne devenait pas la suite particulièrement difficile pour le client de rompre la relation avec UBS et de changer de banque. UBS AG banque privée et ses clients fraudeurs fiscaux vivaient donc en parfaite symbiose.
2- La connaissance de la situation fiscale des clients
La mise en place d'un programme de mise en conformité à compter d'avril 2013 démontre qu'UBS AG savait que ses clients ne déclaraient pas leurs revenus à l'administration fiscale française. A partir de cette époque, UBS AG a demandé à ses clients de prouver leur conformité fiscale, ou de quitter la banque.
Dans ses instructions internes d'avril 2013, UBS AG considère comme preuve suffisante (et même comme la « meilleure preuve ») que le client est en règle vis-à-vis de son fisc le fait qu'il opte pour la transmission de l'information dans le cadre de l'application de la Directive Epargne.
Dans le même programme de mise en conformité fiscale, la banque considère en 2013 comme un indice de non-conformité le choix de la banque restante et demande alors au client une preuve de sa conformité autre qu'une simple attestation de sa part.
Enfin, le fait qu'aucun imprimé fiscal unique (IFU) n'était délivré aux clients jusqu'en 2007 et qu'ensuite aucun client apparemment n'en demandait permet aussi de déduire la non-conformité du client.
Le recours au service de banque restante, l'absence de délivrance d'IFU, le recours massif à des comptes numérotés, à des sociétés offshore ou à des entités de type trusts ou fondation, à des contrats d'assurance-vie, le fait que l'immense majorité des clients de France International ait opté pour la non-transmission des informations au titre de la directive Epargne, démontrent que la direction et les représentants de la société UBS AG, avaient parfaitement conscience que la grande majorité de ses clients (environ 80%), dont les comptes étaient gérés par le département France International, omettait sciemment de déclarer leurs avoirs à l'administration fiscale française.
La banque a donc volontairement apporté son concours à des opérations de placement, dissimulation, conversion de sommes non déclarées à l'administration fiscale.
Le caractère intentionnel du blanchiment de la fraude fiscale des clients de France International se déduit du caractère constant et réitéré des agissements de la banque UBS AG, de l'importance des sommes concernées, et du recours organisé et systématique à des pratiques de démarchage illicite sur le territoire national, en s'appuyant sur sa filiale française et enfin de la mise à disposition de ses clients d'une série de services constituant autant de procédés permettant la gestion, le placement et la dissimulation de leurs avoirs non déclarés en partie collectés sur le territoire national.
La mise en oeuvre systématique d'une politique de placement et de dissimulation des avoirs non déclarés de contribuables français a nécessairement causé un préjudice direct de grande ampleur à l'Administration fiscale (DGFIP).
En effet, le préjudice ne porte pas seulement sur le revenu généré par les sommes dissimulées ou sur l'ensemble des actifs en capital échappant ainsi à l'assiette de l'impôt sur la fortune. La dissimulation des biens et des droits éludés a en outre entraîné des dommages financiers importants, compte tenu de l'ancienneté et de l'ampleur exceptionnelle des fraudes, nécessitant pour l'Etat la mise en oeuvre de procédures destinées à faire valoir ses droits.
3- Les circonstances aggravantes de concours habituel et d'utilisation des facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire
La qualité d'établissement financier d'UBS AG et l'ancienneté et la récurrence des faits qui se sont poursuivis sur une longue période, entre 2004 et 2012, permettent de retenir les circonstances aggravantes du blanchiment, à savoir utilisation des facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire et avoir apporté son concours de manière habituelle.
Les organes ou représentants au sens de l'article 121-2 du code pénal
Selon l'article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou leur représentant.
En l'espèce, les délits de démarchage bancaire ou financier illégal et de blanchiment de fraude fiscale ont été commis à chaque échelon hiérarchique de la ligne de métier banque privée d'UBS AG menant de bas en haut, des responsables de France International (Philippe I…, Olivier B…) au responsable Europe de l'Ouest, Dieter K….
Ces personnes physiques étaient représentantes d'UBS AG au sens de l'article 121-2.
La société de droit suisse UBS AG doit être déclarée pénalement responsable des chefs de démarchage bancaire illégal sur la période de 2004 à 2011 et de blanchiment aggravé de fraude fiscale sur la période de 2004 à 2012
III- SUR LA RESPONSABILITE D'UBS France EN SA QUALITE DE
COMPLICE DE DEMARCHAGE BANCAIRE ILLICITE ET BLANCHIMENT
AGGRAVE DE FRAUDE FISCALE
De 2004 à 2008, les dirigeants de la SA UBS France ont sciemment aidé et assisté la société UBS AG dans ses activités de collecte, notamment au moyen de démarchage illicite des avoirs de clients ou prospects français, puis de blanchiment de la fraude fiscale.
La participation d'UBS France aux agissements illicites commis par UBS AG s'est développée de manière systématique dans le cadre de synergies ou de politiques communes aux deux banques présentées comme des « synergies commerciales » tel que développé plus haut.
UBS France a coopéré à l'initiative « Core Affluent » non seulement en « on shore » ou « domestique » mais aussi en coopération avec France International caractérisant un acte de complicité.
Dans le cadre des synergies mises en place entre UBS AG et sa filiale française, il était demandé aux commerciaux de repérer les clients ou prospects français susceptibles d'avoir besoin de recourir à l'activité offshore d'UBS et de les orienter vers des chargés d'affaires d'UBS AG fréquemment présents sur le territoire national.
Ces synergies ne sont donc pas le fait de chargés d'affaires qui dérapent mais découlent d'une véritable stratégie qui engage la responsabilité d'UBS France.
La banque suisse et sa filiale française ont également jusqu'en 2008 conjointement organisé des « events » sur le territoire national.
L'enquête n'a pas établi la présence de chargés d'affaires suisses sur le territoire national postérieurement au tournoi de Roland Garros de juin 2011. Il apparaît que le CA suisse, Karel Brice Gaultier avait invité à ce tournoi des résidents français sans se coordonner avec UBS France.
Stéphanie Gibaud a déclaré qu'elle n'avait plus constaté la présence de chargés d'affaires suisses à compter de 2008. Elle a précisé qu'en octobre 2008, elle a supervisé l'organisation d'un événement au Château du Tertre à Bordeaux organisée par l'agence UBS Lausanne. Elle s'est occupée des invitations aux clients en lien avec Véronique ZAMORA, secrétaire du bureau de Bordeaux et sa correspondante sur place. Elle a expliqué que Patrick F… n'était pas content car, selon lui, elle n'aurait pas dû valider l'évènement. Elle a estimé qu'elle n'avait pas à donner son accord. Finalement, Anne Login, n+2 du marketing a approuvé les factures payées par UBS France pour cet événement organisé par UBS Lausanne.
En dehors de quelques courriels émanant de François V… versés au dossier, la direction d'UBS France n'a effectué aucune démarche officielle auprès de la société mère, UBS AG, pour protester contre la présence fréquente des CA suisses et les actes de démarchage illicite effectués sur le territoire national. A fortiori, elle n'en a pas saisi l'ACP, autorité de régulation.
A la suite de son contrôle en 2011 chez UBS France portant sur le dispositif de lutte contre le blanchiment du capital et sur le dispositif de contrôle interne, la mission de contrôle de l'ACP a relevé dans son rapport d'inspection du 21 décembre 2011 que :
« UBS France s'est trouvée confrontée aux accusations de quatre anciens salariés -dont le responsable de l'audit interne dans le cadre d'un whistleblowing- visant à dénoncer un système organisé d'aide à l'évasion fiscale encadré par une comptabilité parallèle dite des « "carnets du lait" », ainsi que des actes de démarchage illicites pratiqués sur le sol français par des chargés d'affaires suisses (…); ont été constatés des contacts en
France [en juillet et octobre 2010] de deux collaborateurs d'UBS AG, établissement qui n'est pas agréé pour exercer une activité de démarchage bancaire ou financier sur le territoire français- avec des clients ou prospects d'UBSF dans le cadre de visites préparées par la Ligne métier de la banque ; ces contacts sont susceptibles d'être analysés au regard des dispositions du CMF sur le démarchage financier français. Au total, le risque de non-conformité attaché à l'activité transfrontalière est insuffisamment maîtrisé ».
Le lien entre démarchage illicite et blanchiment de la fraude fiscale était absolument clair dans l'esprit non seulement des organes et représentants d'UBS France mais également des commerciaux et autres salariés de la banque.
La mise en place du système des « "carnets du lait" », se superposant au système informatique des ATA transfrontaliers démontre également la responsabilité d'UBS France et de sa direction, en qualité de complices, dans la commission des faits reprochés à UBS AG.
Aucune explication précise et cohérente de la fonction des "carnets du lait" n'a été donnée par UBS France et ses représentants ou collaborateurs, ni à I'ACP, ni aux magistrats instructeurs ni lors de l'audience.
Le fonctionnement des ATA démontre et matérialise l'aide et l'assistance des chargés d'affaires d'UBS France à des opérations transfrontalières exécutées par UBS AG et ses chargés d'affaires en mission sur le territoire national. L'enregistrement des ATA destiné à compléter sous forme de bonus la rémunération des chargés d'affaires d'UBS France était effectué en commun accord par les représentants de la société mère et ceux de la filiale française.
La plupart des contribuables français effectuant des placements et donc ouvrant des comptes dans les livres d'UBS AG agissaient non pas dans un but de « délocalisation » mais dans celui de dissimuler leurs avoirs à l'administration fiscale française.
L'organisation matricielle interdit à UBS France et à ses responsables de prétendre ignorer ce qui se passait au sein d'UBS AG en particulier sur les services et produits proposés aux clients résidents fiscaux français.
A l'exception de Gabriel CASTELLO et Thierry de Chambure, les responsables d'UBS France, étaient tous des cadres supérieurs d'UBS AG : Dieter K…, président du Conseil de surveillance de 2004 à 2008 et par ailleurs responsable de la zone Europe de l'Ouest chez UBS AG, Nicolas P…, président du conseil de surveillance de 2009 à 2011 qui avait été responsable du marketing chez UBS AG, Pierre P…, président du directoire de septembre 2004 jusqu'au 30/11/2007, détaché et payé par UBS AG.
Cette organisation « matricielle » ou double tutelle peut faire douter de l'étanchéité entre la France et la Suisse des données relatives aux clients et aux prospects.
Monsieur L…, actuel président du directoire d'UBS France a expliqué qu'il n'avait pas voulu, à sa nomination en mars 2012, être également le patron de l'équipe France International.
En servant d'intermédiaire ou de relais avec sa maison mère, en recommandant à celle-ci des clients désirant placer des avoirs non déclarés à l'administration fiscale, en organisant avec elle des événements promotionnels, en mettant des moyens logistiques au service de sa maison mère, UBS France a sciemment aidé ou assisté la société UBS AG à commettre les délits consistant à effectuer des opérations de démarchage illicite donnant lieu ensuite à des opérations de blanchiment aggravé de fraude fiscale.
Les organes ou représentants au sens de l'article 121-2 du code pénal
Les délits de complicité de démarchage bancaire ou financier illégal et de blanchiment de fraude fiscale ont été commis à chaque échelon hiérarchique d'UBS France conduisant de bas en haut, aux chefs de bureaux tels qu'Hervé D… jusqu'à Patrick F… et Dieter K….
Patrick F… est devenu directeur commercial (« head of front ») et membre du directoire d'UBS France début 2004. Il ressort des rapports de gestion qu'il était l'un des deux dirigeants responsables au sens de l'article L 511-13 du code monétaire et financier, au moins à compter de 2006, aux côtés des présidents successifs du directoire d'UBS France. Dieter K… a été président du conseil de surveillance d'UBS France, de 2004 jusqu'au 30/06/2008.
Ainsi, Patrick F… et Dieter K… étaient représentants d'UBS France au sens de l'article 121-2 du code pénal mais également « organes » d'UBS France au sens du même article.
La société de droit français UBS France doit être déclarée pénalement responsable du chef de complicité de démarchage bancaire illégal sur la période de 2004 jusqu’en 2009 et du chef de complicité de blanchiment de fraude fiscale sur la période de 2004 jusqu’en 2008
IV- SUR LES RESPONSABILITES DES PERSONNES PHYSIQUES
1)-Hervé D…
Sur la complicité du délit de démarchage bancaire ou financier illégal
En décembre 2002, Hervé D… a rejoint le bureau d'UBS à Lille comme chargé d'affaires senior, en décembre 2004-début 2005, son chef à Lille, Bernard Lafanechere, a quitté UBS et Hugues Renard a été nommé chef par intérim. Le 24/10/2005, Hervé D… a été nommé chef du bureau de Lille et le 15/09/2008, chargé d'affaires au bureau des Key Clients à Paris.
Il lui est reproché notamment l'organisation conjointe d’« events » avec UBS AG, en particulier les chasses de la Planquette du 2 décembre 2004 et du 29 septembre 2005. Ces « events » ont été financés par UBS AG. L'organisateur de la chasse a adressé les factures à la banque suisse. Les participants étaient pour la plupart des invités des chargés d'affaires suisses et plus particulièrement de Joanny D….
Hervé D… a précisé que Joanny D… lui avait demandé de ne pas mettre le logo UBS pour ses invités afin que l'invitation n'apparaisse pas comme venant d'UBS AG à cause du démarchage. Par contre, il a signalé que pour les invités d'UBS Lille, le logo UBS était mentionné.
Hervé D… prétend qu'il n'avait pas conscience que ces faits pouvaient caractériser une complicité de démarchage bancaire ou financier illégal alors qu'il a déclaré lui-même, lors de ses auditions, que Joanny D… ne devait pas « prendre » des clients en France.
Au-delà des chasses de la Planquette, Hervé D… a reconnu, en les minimisant, avoir, en tant que Desk Head, noué des relations d'affaires avec des chargés d'affaires suisses pour développer des synergies commerciales entre les deux pays.
Par ailleurs, il était parfaitement informé du fonctionnement des "carnets du lait".
Le 24/11/2006, il a reçu un mail de Béatrice P…, l'assistante de Patrick F…, qui lui demande d'apporter son "carnet du lait" le jeudi suivant (D4/11).
Il était en lien direct avec Patrick F…, son supérieur hiérarchique, à qui il transmettait régulièrement les « "carnets du lait" ».
Il était ainsi un maillon essentiel du système frauduleux à l'échelle régionale.
Hervé D… doit être déclaré coupable du chef de complicité de démarchage bancaire illégal sur la période de 2004 au 15 septembre 2008.
Il doit être relaxé pour le surplus de la période de prévention, septembre 2008 à 2009.
Sur le recel de démarchage bancaire ou financier illégal
La preuve n'est pas suffisamment rapportée que les actes de démarchage bancaire ou financier illégal dans le cadre des « events » Chasses de la Planquette ont donné lieu à des opérations de collectes onshore ou offshore.
L'infraction de recel de démarchage bancaire ou financier illégal n'est pas caractérisée.
En conséquence, Hervé D… doit être relaxé de ce chef de prévention.
2)-Patrick F…
Sur la complicité du délit de démarchage bancaire ou financier illégal Patrick F… a exercé les fonctions de directeur commercial (Head of front) d'UBS France, de 2004 à 2010. il était membre du directoire et dirigeant numéro 2 après le président du directoire. Il a donc eu parfaitement connaissance du fonctionnement et des méthodes d'UBS AG et de sa filiale française. Il avait en charge la supervision et l'encadrement hiérarchique des différentes agences régionales. A ce titre, il recevait les comptes rendus des différents chefs d'agence régionale.
II n'a pas contesté avoir institué et mis en oeuvre le système des "carnets du lait". Il faisait fonctionner ce système en relation constante avec ses homologues suisses, Philippe I… et Olivier B… et sous l'autorité de Dieter K…. Il centralisait les informations et les envoyait à la maison-mère.
Il constituait ainsi un rouage indispensable du système frauduleux.
Patrick F… doit être déclaré coupable du chef de complicité de démarchage bancaire illégal sur la période de 2004 jusqu’en 2009.
Sur le délit de blanchiment de démarchage bancaire ou financier illégal la preuve n'est pas suffisamment rapportée que les actes de démarchage bancaire ou financier illégal ont donné lieu, de la part de Patrick F…, à des opérations de blanchiment.
L'infraction de blanchiment du délit de démarchage bancaire ou financier illégal n'est pas caractérisée.
Patrick F… doit être relaxé de ce chef de prévention.
3)-Raoul W…
Raoul W… a été responsable de la banque privée internationale (« Head of Wealth Management International ») depuis 2002 jusqu'en octobre 2007, puis responsable de la banque privée (« WM CEO ») jusqu'à son licenciement en mars/avril 2009, après avoir été mis à pied en novembre 2008.
Par ailleurs, il faisait partie du « Group managing board » dès 2000 et du « Group executive board » dès mi-2005.
En raison de ces éminentes fonctions, qui couvraient l'activité mondiale de la banque privée, Raoul W… soutient qu'il n'était pas informé précisément sur ce qui se passait sur le marché français, qui était un marché peu significatif au regard de son périmètre mondial.
Implicitement, il fait valoir des délégations de pouvoirs au bénéfice de la ligne hiérarchique inférieure, à commencer par Dieter K….
Il est constant que Raoul W… supervisait l'activité internationale d'UBS AG, dans la ligne de métier banque privée et qu'il a été amené, à ce titre, notamment, à prononcer le discours d'ouverture et de clôture de la convention Groupe « Core Affluent » de 2006.
Il apparaît également qu'en mars 2007, il était prévu qu'il participe à des réunions en France avec les employés d'UBS France tel que cela résulte du procès-verbal des délibérations du directoire d'UBS France.
Toutefois, si sa position hiérarchique l'amenait à fixer les objectifs de la banque UBS au niveau mondial, il n'est pas rapporté la preuve de son implication directe dans la mise en oeuvre de ces objectifs.
Raoul W… doit être relaxé des chefs de démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale.
4)-Dieter K…
Dieter K… avait à la fois des responsabilités au sein d'UBS AG et au sein d'UBS France.
Il était en effet responsable de la division Europe de l'Ouest (CEO Wealth Management Western Europe) d'UBS AG de 2006 jusqu'en novembre 2007, et avait, à ce titre, sous sa responsabilité l'activité de France International.
Il était par ailleurs président du conseil de surveillance d'UBS France jusqu'en juin 2008, ainsi que président de son comité d'audit jusqu’à la même date.
Du fait de cette dernière fonction, il était destinataire des rapports d'audit interne de Nicolas F…, par exemple du rapport sur le département dit « Controlling » d'UBS France en juin 2007.
Il est mis en cause par de nombreux témoignages, Serge H…, Nicolas F…, Stéphanie Gibaud, Hervé D…, Jean-Louis M…, Patrick F… et Etienne T…. Il a donc eu un rôle majeur de direction au coeur même du schéma frauduleux. Dieter K… doit être déclaré coupable des chefs de démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale sur la période de 2004 au 30/06/2008.
Il doit être relaxé pour le surplus de la période de prévention, juillet à septembre 2008.
5)-Olivier B…
A compter d'octobre 2007 et jusqu'en mars 2009, Olivier B… succède comme patron de France International à la fois à Philippe I…, segments UHNW et HNW et à Daniel L…, segment Core Affluent, et rapporte désormais directement à Dieter K….
Il est remplacé ensuite par Joëlle P….
Il convient de signaler qu'auparavant, il a été responsable, à compter de 2003, et sous la direction de Philippe I…, patron de France International, de la division « market development et support », qui comprenait le bureau des Key clients et le bureau du marketing dirigé par Katia Crisci, laquelle avait notamment comme correspondante Stéphanie G… pour l'organisation des events en France. D'après Caroline D…, il était aussi « contrôleur financier de (...) tout le desk international ». En 2005 et 2006, il a été responsable des clients HNW et dirigeait ainsi les équipes dédiées à ce segment de Genève, Bâle, Zurich et Lausanne, incluant en 2006 le bureau du développement dirigé par Juan M….
Il ressort des éléments du dossier qu'avant de devenir patron de France International en octobre 2007, Olivier B… était souvent présent sur le territoire national, en position de démarcher directement des clients. Il assistait à la plupart des « events ».
Par ailleurs, en tant que responsable du « contrôle financier » dès 2004 puis patron de France International, il a participé à la gestion des "carnets du lait", au netting des reconnaissances d'affaires dans les ATA et à la politique des reconnaissances d'affaires.
En sa qualité de cadre d'UBS AG, il était parfaitement informé des produits et services offerts aux clients résidents fiscaux français dont les comptes n'étaient pas déclarés à l'administration fiscale française.
Il est mis en cause par Nicolas F…, Stéphanie Gibaud, Etienne T…, Pierre Gerbier Condamin, Anne Longin Guyot, Patrick F….
Il avait ainsi un rôle essentiel de coordination et une implication directe dans la mise en oeuvre du système frauduleux.
Olivier B… doit être déclaré coupable des chefs de démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale sur la période d’octobre 2007 à mars 2009.
6)-Philippe I…
Philippe I… a été responsable du département France International de la ligne de métier banque privée d'UBS AG de 2004 jusqu'au 31/03/2007.
Il est mis en cause par Nicolas F… dans sa note adressée à l'ACP le 27/09/2010 et à l'inspection du travail le 13/01/2011 et par Miguel Azevedo.
Dès 2004, le fonctionnement du département commercial Sport and Entertainment Group dit SEG a attiré l'attention du contrôle interne d'UBS France et conduit ce dernier à diligenter un audit interne montrant que les membres de ce département, dirigé par Caroline D…, étaient rattachés hiérarchiquement et fonctionnellement directement à Philippe I…. Caroline D…, en 2004, était notée par Philippe I…, son « line manager ».
Patrick F… a confirmé que Caroline D… rapportait directement à Philippe I… lequel prenait en charge ses frais et que ce système a duré jusqu'en 2005.
Par la suite, la banque UBS a rectifié et changé cette organisation génératrice de conflits d'intérêts.
S'agissant des "carnets du lait", Philippe I… est mis en cause par Patrick F…, Alain Berthaut et Stéphanie Gibaud. Il est décrit tout comme Olivier B… comme étant au coeur des reconnaissances d'affaires.
Par ailleurs, Philippe I… était très impliqué dans l'organisation des « events » et était présent à la plupart d'entre eux comme le soulignent Jean-Louis M…, Stéphanie Gibaud et Etienne T….
Il est destinataire d'un mail de novembre 2007 (D75/5) dans lequel Tania BiCHFel, homologue suisse de Stéphanie Gibaud, indique aux responsables de France International la venue de l'UBS Verbier Festival Orchestra à l'opéra de Lyon et leur propose « de nombreuses places à 200 CHF, pour eux et leurs invités ».
Philippe I…, du fait de son autorité hiérarchique sur le SEG et le département France International, occupait une fonction stratégique au sein du système frauduleux mis en place.
Philippe I… doit être déclaré coupable des chefs de démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale sur la période de 2004 au 31/03/2007.
Il doit être relaxé pour le surplus de la période de prévention (avril à septembre 2007).
LES PEINES
1)- UBS AG
Les infractions de démarchage bancaire illégal et de blanchiment aggravé de fraude fiscale trouvent leur source dans une organisation structurée verticalement, systémique et ancienne, tendant à contourner à la fois les règles européennes édictées par la directive 2000/48 CE et par la directive 2004/39 CE concernant la détention obligatoire d'un passeport européen afin, pour une banque étrangère de prospecter ou démarcher en France et les règles fiscales et pénales, prérogatives de l'Etat français et reflets des trois principes d'égalité devant l'impôt, de lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
Dans un contexte de renforcement de la coopération internationale, ces faits ont été commis sous couvert d'une opacité avérée dans les systèmes mis en place de prospection de résidents fiscaux français peu scrupuleux, en sécurisant les transferts d'avoir et la gestion de ceux-ci.
La notoriété mondiale de la structure bancaire utilisée, et son savoir-faire éprouvé lui ont permis de mettre à mal la confiance qui doit régir tous les rapports de concurrence internationaux. A ce titre, le tribunal ne peut que constater que cette structure a fait constamment prévaloir ses intérêts financiers propres sur les prérogatives régaliennes de l'Etat français. Ce faisant, les fautes pénales relevées sont d'une exceptionnelle gravité.
L'article 324-3 du code pénal prévoit que : « Les peines d'amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent âtres élevés jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment ».
L'article 131-38 du code pénal dispose que : « Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par loi qui réprime l'infraction ».
Le législateur offre donc la possibilité aux juridictions répressives de choisir entre une amende dont le montant maximal est fixe ou un pourcentage adossé à la valeur des biens ou des fonds objets du blanchiment.
En matière de blanchiment de fraude fiscale, le profit ne se traduit généralement pas par une recette mais plutôt par une économie : l'impôt légalement dû n'a pas été acquitté, et c'est ce montant conservé qui est le produit de la fraude fiscale susceptible de blanchiment. Le patrimoine officiel du fraudeur s'accroît en proportion du montant de l'économie réalisée au titre de la fraude.
Peu importe que le patrimoine soit le fruit d'une activité économique légitime ou d'un héritage ancien, dès lors que les actifs de ce patrimoine se sont modifiés dans le temps du simple fait de la gestion normale de ce patrimoine (par exemple bancaire), l'élément matériel du blanchiment est caractérisé.
Le montant des sommes déposées chez UBS AG au 1er janvier de la dernière année régularisée s'élève au minimum, après les retraitements, à un montant total de 3 773 008 769 euros pour 3983 dossiers régularisés au 30/09/2015.
Sur la base de 3 700 000 000 euros et par application combinée des articles 131-38 du code pénal et 324-3 du code pénal, l'amende maximale encourue est portée à 9 250 000 000 euros.
Au vu de l'organisation structurée de la fraude, de sa durée et de son ampleur, il y a lieu de condamner la société de droit suisse UBS AG à une amende de : 3.700.000.000 d’euros
2) - UBS France
Les infractions de complicité de démarchage bancaire illégal et de complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale trouvent leur source dans une organisation structurée cette fois-ci horizontalement, dans des liens de dépendance économique et systémique avec la banque mère suisse, tendant à contourner à la fois les règles européennes édictées par la directive 2000/48 CE et par la directive 2004/39 CE concernant la détention obligatoire d'un passeport européen afin, pour une banque étrangère, de prospecter ou démarcher en France et les règles fiscales et pénales, prérogatives de l'État français et reflets des trois principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt, de lutte contre la fraude fiscale et de lutte contre l'évasion fiscale.
Sous couvert d'une volonté de développement par UBS France de son implantation sur le territoire français, celle-ci a offert à UBS AG ses structures immobilières, salariales, sa connaissance parfaite des systèmes économiques et financiers français, afin de laisser perdurer un savoir-faire ancien de transferts et de gestion d'avoir à l'étranger de résidents fiscaux français peu scrupuleux.
La notoriété de la structure bancaire utilisée et son savoir-faire éprouvé, lui ont permis de mettre à mal la confiance qui doit régir tous les rapports de concurrence internationaux, et la loyauté attendue d'une grande banque disposant d'une licence française et d'un passeport européen.
A ce titre, le tribunal ne peut que constater que cette structure a fait constamment prévaloir ses intérêts financiers propres sur les prérogatives régaliennes de l'Etat français. Ce faisant, les fautes pénales relevées sont d'une exceptionnelle gravité.
Selon la note du 23 mai 2013 déposée par les conseils d'UBS France (D1285), cette banque a connu des pertes chaque année de 1999 à 2011, hormis en 2007 et 2008, avec un résultat à peine supérieur à l'équilibre. En outre, le montant cumulé des augmentations de capital souscrites par UBS AG sur cette période s'est élevé à 269 millions d'euros pour UBS Holding France et à 100 millions d'euros pour UBS France, et le montant des subventions pour le tout s'est élevé à 289 millions d'euros. Il est souligné également des distributions importantes de dividendes en 2007 et 2008. Il est noté que la part d'UBS France dans cette distribution est quasi nulle (7,75 millions d'euros), ce qui démontre que ce sont les deux autres lignes de métiers d'UBS France qui ont pu dégager de tels excédents, et non la banque privée développée par UBS France, qui était déficitaire.
Au vu de ces éléments, par application combinée des articles 131-38 du code pénal qui dispose que le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la Loi qui réprime l’infraction et de l’article 324-3 du code pénal qui prévoit que les peines d’amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment et selon le même raisonnement adopté plus haut, il convient de condamner la société UBS France à une amende de : 15 millions d’euros
3)- Hervé D…
Hervé D… a été l'un des instruments essentiels et indispensables à la commission des faits de démarchage bancaire ou financier illégal.
Par l'organisation active des events de chasse, par une mise à disposition des structures de l'agence de Lille, par le maintien de synergies coupables avec les chargés d'affaires de UBS AG, ce en toute conscience des buts recherchés de démarchage, il a activement participé à ces faits.
Même s'il est plausible de considérer qu'Hervé D… a pu, pour soutenir l'équilibre financier de la structure de Lille, se trouver contraint à mettre en oeuvre avec la banque mère d'UBS des méthodes de travail hasardeuses et risquées, il n'en reste pas moins que, ce faisant, dans un contexte de lutte de l'Etat français contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale, iln'a pas hésité à commettre les faits graves pour lesquels il a été déclaré coupable.
Il convient de condamner Hervé D… à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 50.000 euros.
4)- Patrick F…
En sa qualité de directeur commercial et de membre du directoire d'UBS France, Patrick F… a occupé une place centrale dans la structure formée par UBS France avec sa maison mère UBS-AG.
Ses pouvoirs hiérarchiques et de mise en oeuvre s'inscrivent finalement dans une organisation matricielle qui l'a conduit, dans le cadre de la volonté de démarchage illégal orchestrée par UBS-AG, à institutionnaliser un système d'events à destination des prospects et clients d'UBS AG, et de synergies entre chargés d'affaires des structures suisse et française, finalisées et objectivées par la création des « "carnets du lait" ».
Son implication est complète et éclairée. Elle est d'autant plus préoccupante au regard de sa qualité de dirigeant, membre du directoire d'UBS France, à la tête d'un établissement bancaire installé sur le territoire français, qui doit faire face aujourd'hui à des manquements graves au regard des prérogatives régaliennes de l'Etat français, et aux nécessités de celui-ci de lutter contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
En ce sens, les fautes commises sont extrêmement graves.
Il convient de condamner Patrick F… à la peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 200.000 euros.
5)- Dieter K…
Dieter K… occupe un rôle central au sein de l'organisation matricielle d'UBS, en tant que responsable de la division Europe de l'ouest au sein d'UBS AG, comprenant « France domestique » et « France international », et membre du conseil de surveillance d'UBS France, et président de son conseil d'audit.
Cette place centrale n'est pas sans interroger sur les nécessaires conflits d'intérêts qu'elle a générés, et notamment sur ceux apparus dans le cadre des missions d'audit d'UBS France, alors même que Dieter K… était le responsable final des chargés d'affaires suisses.
Dieter K… a fait le choix d'une fidélité à la ligne de développement fixée par UBS AG, il s'est inscrit au coeur du schéma frauduleux qu'il a, du fait de ses responsabilités, fait fructifier activement.
Ce faisant, il a constamment, et de manière systématique, nié le sens de la coopération internationale naissante avec la Suisse, comme les prérogatives régaliennes de l'Etat français, liées à la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
Les fautes commises sont d'une extrême gravité.
Il convient de condamner Dieter K… à la peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 300.000 euros.
6)- Olivier B…
La responsabilité d'Olivier B… est le miroir de son ascension au sein de UBS AG. En charge des clients HNW, il a commencé par diriger les équipes liées à ce segment en SUISSE, pour ensuite prendre la tête de la division « market development and support », puis de la division « France international » elle-même. Sa responsabilité pénale est le reflet de sa place de tout premier plan dans la chaîne hiérarchique.
Son rôle est cependant assez proche également des réalités de terrain, puisqu'il a lui-même pu démarcher ou participer à des events, pour lui donner une acuité évidente de l'existence du système illégal mis en place. Sa connaissance parfaite du système des reconnaissances d'affaires et des « carnets du lait », permet de plus fort d'objectiver sa participation active et éclairée.
Olivier B… a fait le choix d'une fidélité à la ligne de développement fixée par UBS-AG, il s'est inscrit au coeur du schéma frauduleux qu'il a, de par ses responsabilités, fait fructifier activement.
Ce faisant, il a constamment, et de manière systématique, nié le sens de la coopération internationale naissante avec la Suisse, comme les prérogatives régaliennes de l'Etat français, liées à la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
Les fautes commises sont d'une extrême gravité.
Il convient de condamner Olivier B… à la peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 200.000 euros.
7)- Philippe I…
La responsabilité pénale de Philippe I… est le reflet de sa place de tout premier plan dans la chaîne hiérarchique d'UBS-AG, à la tête du département France international ligne de métier « private bank », lequel gérait les comptes suisses des ressortissants ou résidents fiscaux français.
Son rôle est cependant également assez proche des réalités de terrain, puisqu'il a lui-même pu intervenir directement sur le territoire français et dans les locaux d'UBS France, pour lui donner une acuité évidente de l'existence du système illégal mis en place.
Son autorité en Suisse sur le département commercial « Sport and Entertainment Group » (SEG) de UBS France dirigé par Caroline D…, sous couvert d'un pouvoir hiérarchique évident sur cette dernière, a renforcé quant à lui les liens matriciels dévoyés qui sont le fondement de la culpabilité de la banque mère et de sa filiale.
Philippe I… a fait le choix d'une fidélité à la ligne de développement fixée par UBS AG, il s'est inscrit au coeur du schéma frauduleux qu'il a, de par ses responsabilités, fait fructifier activement.
Ce faisant, il a constamment, et de manière systématique, nié le sens de la coopération internationale naissante avec la Suisse, comme les prérogatives régaliennes de l'Etat français, liées à la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.
Les fautes commises sont d'une extrême gravité.
Il convient de condamner Philippe I… à la peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 200.000 euros.
Il y aura lieu de procéder à la répartition des cautions en vertu des articles 142-2 alinéa 1 et 2 et 142-3 alinéa 2 du code de procédure pénale.
ACTION CIVILE
L'infraction de blanchiment de fraude fiscale et de complicité de blanchiment de fraude fiscale cause un préjudice direct à l'État français.
La dissimulation des biens et des droits éludés a entraîné des dommages financiers exceptionnels, compte tenu de la pérennité, de l'ancienneté et de l'importance de la fraude, entraînant nécessairement pour l'État la mise en oeuvre de procédures pour faire valoir ses droits et recouvrer ses créances, indépendamment du préjudice économique caractérisé par l'absence de rentrées des recettes fiscales qui étaient dues.
Le Tribunal déclare recevable la constitution de partie civile de l’État Français et condamne solidairement UBS France, UBS AG, Dieter K…, Philippe I… et Olivier B… à payer à l’État Français, partie civile, la somme de 800.000.000 d’euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 20.000 euros chacun sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, en matière correctionnelle et contradictoirement à l’égard de UBS AG, UBS FRANCE, W… Raoul, D… Hervé, K… Dieter, I… Philippe, B… Olivier, F… Patrick, prévenus ; l'ETAT FRANCAIS, partie civile.
SUR LA DEMANDE DE RENVOI PRÉSENTÉE PAR MONSIEUR HERVÉ D… :
REJETTE LA DEMANDE DE RENVOI.
SUR LES QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITÉ :
Sur la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les articles 324-1 du code pénal et L228 du Livre des procédures fiscales, qui - selon l'interprétation jurisprudentielle retenue par la cour de cassation dans son arrêt n°07-82.977 du 20 février 2008 – ne subordonnent pas, en matière de blanchiment de fraude fiscale, l'action publique à une plainte préalable de l'administration fiscale, portent-elles atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, à l'indépendance des pouvoirs législatif et exécutif ainsi qu'aux articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789? »
DIT N'Y AVOIR LIEU À TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE
DE CONSTITUTIONNALITÉ À LA COUR DE CASSATION.
Sur la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les dispositions combinées des articles 324-1, alinéa 324-2 et 324-3 du Code pénal, portent-elles atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, qui découle de l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu'elles peuvent être utilisées pour poursuivre sous la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale, prévue et réprimée par les articles 121-6 et 121-7 du Code pénal et 1741 et 1742 du Code général des impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différente de celui du blanchiment aggravé ? »
DIT N'Y AVOIR LIEU À TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE
DE CONSTITUTIONNALITÉ À LA COUR DE CASSATION.
Sur la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Les dispositions combinées des articles 121-6 et 121-7, 324-1 alinéa2, 324-2 et 324-
3 du Code pénal portent-elles atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, qui découle de l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article
6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu'elles peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification de blanchiment aggravé de fraude fiscale des faits relevant de la qualification de complicité de fraude fiscale, prévue et réprimée par les articles 121-6 et 1217-7 du Code pénal et 1741 et 1742 du Code général des impôts ? »
DIT N'Y AVOIR LIEU À TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE
DE CONSTITUTIONNALITÉ À LA COUR DE CASSATION.
SUR LES NULLITES
Sur les nullités soulevées par UBS AG :
DECLARE IRRECEVABLE UBS AG à soulever des nullités devant le tribunal correctionnel.
Sur les nullités soulevées par M. Hervé D… :
REJETTE l'exception de nullité.
Sur les nullités soulevées par M. Philippe I… :
DECLARE IRRECEVABLE M. Philippe I… à soulever des nullités de la procédure devant le tribunal correctionnel.
Sur les nullités soulevées par M. Dieter K… :
DECLARE IRRECEVABLE M. Dieter K… à soulever des nullités de la procédure.
Sur les nullités soulevées par M. Olivier B… :
DECLARE IRRECEVABLE M. Olivier B… à soulever des nullités de la procédure.
Sur les nullités soulevées par UBS FRANCE :
DECLARE IRRECEVABLE UBS FRANCE à soulever des nullités devant le tribunal correctionnel. SUR LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL
REJJETTE l'exception d'incompétence.
SUR LA PRESCRIPTION
REJETTE les exceptions de prescription de l'action publique.
SUR L'ACTION PUBLIQUE :
Déclare Hervé, François, Bernard D… NON COUPABLE et LE RENVOIE DES
FINS DE LA POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ RECEL DE BIEN PROVENANT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE
N'EXCEDANT PAS 5 ANS D'EMPRISONNEMENT
Faits commis de 2004 jusqu'à 2009 dans le Nord.
Déclare Hervé, François, Bernard D… NON COUPABLE ET LE RENVOIE
PARTIELLEMENT DES FINS DE LA POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ COMPLICITE DE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON HABILITEE
Faits commis du 16 septembre 2008 au 31 décembre 2009, dans le Nord et sur le territoire national.
Déclare Hervé, François, Bernard D… COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ COMPLICITE DE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE
PERSONNE NON HABILITEE
Faits commis de 2004 au 15 septembre 2008, dans le Nord et sur le territoire national.
Condamne Hervé, François, Bernard D… à un emprisonnement délictuel de SIX MOIS.
Vu l'article 132-31 al.1 du code pénal :
Dit qu'il sera SURSIS TOTALEMENT à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.
Et aussitôt, la présidente, à la suite de cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné en l’avisant que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Condamne Hervé, François, Bernard D… au paiement d'une amende de CINQUANTE MILLE EUROS (50.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise D… Hervé, François, Bernard que s'il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
Déclare Patrick F… NON COUPABLE ET LE RENVOIE DES FINS DE LA
POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT,
DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT PUNI D'UNE
PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS
Faits commis de 2004 jusqu'en 2009, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, à Paris, en tout cas sur le territoire national.
Déclare Patrick F… COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ COMPLICITE DE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE
PERSONNE NON HABILITEE
Faits commis de 2004 jusqu'en 2009, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, à Paris, en tout cas sur le territoire national.
Condamne Patrick F… à un emprisonnement délictuel de DOUZE MOIS.
Vu l'article 132-31 al.1 du code pénal :
Dit qu'il sera SURSIS TOTALEMENT à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles ;
Et aussitôt, la présidente, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné en l’avisant que si il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Condamne Patrick F… au paiement d'une amende de DEUX CENT MILLE EUROS (200.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise Patrick F… que s'il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
DIT N’Y AVOIR LIEU A REQUALIFICATION en complicité de fraude fiscale.
Identification de l’organe ou représentant de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal et L 511-13 du code monétaire et financier : Patrick F… en sa qualité de Directeur Commercial (Head of Front- pouvoir hiérarchique et de représentation), membre du Directoire UBS FRANCE, directeur général (2008) -organe.
Déclare UBS FRANCE COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ COMPLICITE DE DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE
PERSONNE NON HABILITEE
Faits commis de 2004 jusqu'en 2009, sur le territoire national ;
✔ COMPLICITE DE BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE
PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU PRODUIT D'UN DELIT
PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANS
Faits commis de 2004 à 2008, sur le territoire national.
Application combinée des articles 131-38 du code pénal qui dispose que le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la Loi qui réprime l’infraction et de l’article 324-3 du code pénal qui prévoit que les peines d’amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Condamne UBS FRANCE au paiement d'une amende de QUINZE MILLIONS EUROS (15.000.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise UBS FRANCE que si elle s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressée de demander la restitution des sommes versées.
Déclare Raoul W… NON COUPABLE ET LE RENVOIE DES FINS DE LA
POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis de 2004 à novembre 2008, à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis de 2004 jusqu'à novembre 2008, à Paris et sur le territoire national.
Déclare Dieter K… NON COUPABLE ET LE RENVOIE PARTIELLEMENT
DES FINS DE LA POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis du 1er juillet 2008 au 30 septembre 2008 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis du 1er juillet 2008 au 30 septembre 2008 à Paris et sur le territoire national ;
Déclare Dieter K… COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis du 1er janvier 2004 au 30 juin 2008 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis du 1er janvier 2004 au 30 juin 2008 à Paris et sur le territoire national.
Condamne Dieter K… à un emprisonnement délictuel de DIX-HUIT MOIS.
Vu l'article 132-31 al.1 du code pénal :
Dit qu'il sera SURSIS TOTALEMENT à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.
Et aussitôt, la présidente, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné en l’avisant que si il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu' il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Condamne Dieter K… au paiement d'une amende de TROIS CENTS MILLE EUROS (300.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise Dieter K… que s'il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
Déclare Olivier B… COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON HABILITEE
Faits commis d’octobre 2007 à mars 2009 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis d’octobre 2007 à mars 2009 à Paris et sur le territoire national ;
Condamne B… Olivier à un emprisonnement délictuel de DOUZE MOIS.
Vu l'article 132-31 al.1 du code pénal :
Dit qu'il sera SURSIS TOTALEMENT à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles ;
Et aussitôt, la présidente, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné en l’avisant que si il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu' il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Condamne B… Olivier au paiement d'une amende de DEUX CENT MILLE
EUROS (200.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise Olivier B… que s'il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder
1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
Déclare Philippe I… NON COUPABLE ET LE RENVOIE PARTIELLEMENT
DES FINS DE LA POURSUITE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis du 1er avril 2007 au 31 septembre 2007 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis du 1er avril 2007 au 31 septembre 2007 à Paris et sur le territoire national ;
Déclare Philippe I… COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis de 2004 au 31 mars 2007 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis de 2004 au 31 mars 2007 à Paris et sur le territoire national.
Condamne Philippe I… à un emprisonnement délictuel de DOUZE MOIS.
Vu l'article 132-31 al.1 du code pénal :
Dit qu'il sera SURSIS TOTALEMENT à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.
Et aussitôt, la présidente, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné en l’avisant que si il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.
Condamne Philippe I… au paiement d'une amende de DEUX CENT MILLE
EUROS (200.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise Philippe I… que s'il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
Déclare UBS AG COUPABLE des faits qui lui sont reprochés de :
✔ DEMARCHAGE BANCAIRE OU FINANCIER PAR UNE PERSONNE NON
HABILITEE
Faits commis de 2004 à 2011 à Paris et sur le territoire national ;
✔ BLANCHIMENT AGGRAVE : CONCOURS HABITUEL A UNE
OPERATION DE PLACEMENT, DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D'UN DELIT
Faits commis de 2004 et jusqu'en 2012 à Paris et sur le territoire national, en Suisse ;
Application combinée des articles 131-38 du Code pénal qui dispose que le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la Loi qui réprime l’infraction et de l’article
324-3 du Code pénal qui prévoit que les peines d’amende mentionnées aux articles 324-
1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Condamne UBS AG au paiement d'une amende de TROIS MILLIARDS SEPT
CENT MILLIONS D’EUROS (3.700.000.000 euros).
A l’issue de l’audience, la présidente avise UBS AG que si elle s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressée de demander la restitution des sommes versées.
Il y aura lieu de procéder à la répartition des cautions en vertu des articles 142-2 alinéa
1 et 2 et 142-3 alinéa 2 du code de procédure pénale.
En application de l'article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont sont redevables chacun :
- F… Patrick ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- B… Olivier ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- W… Raoul ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- l'INC UBS AG ;
La condamnée est informée qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où elle a eu connaissance du jugement, elle bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- I… Philippe ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- K… Dieter ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- l'INC UBS FRANCE ;
La condamnée est informée qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où elle a eu connaissance du jugement, elle bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
- D… Hervé ;
Le condamné est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d'une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
SUR L'ACTION CIVILE :
DECLARE RECEVABLE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE L’ETAT FRANÇAIS.
Condamne SOLIDAIREMENT UBS FRANCE, UBS AG, K… Dieter, I…
Philippe, B… Olivier, à payer à l'ETAT FRANCAIS, partie civile, la somme de
HUIT CENTS MILLIONS D’EUROS (800.000.000 euros) au titre de dommages-intérêts.
Condamne CHACUN UBS FRANCE, UBS AG, K… Dieter, I… Philippe, B…
Olivier, à payer à l'ETAT FRANCAIS, partie civile, la somme de VINGT MILLE
EUROS (20.000 euros) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.