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Décisions

Cass. crim., 16 juin 2004, n° 03-87.701

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Rognon

Avocat général :

M. Chemithe

Avocat :

SCP Lesourd

ch. instr. Paris, du 30 oct. 2003

30 octobre 2003

Vu l'article 575, alinéa 2, 2 , du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 434-13, 321-1 à 321-5 et 321-9 à 321-11 du Code pénal, 85, 86, 575 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile déposée le 26 janvier 2001 par la société Groupement Privé de Gestion et par Serge X... ;

"aux motifs que le magistrat instructeur avait estimé qu'il s'agissait de simples allégations et suppositions qui ne se trouvaient étayées par aucun justificatif sérieux et ne portaient que sur des circonstances accessoires n'apparaissant pas de nature à avoir une influence décisive sur la procédure en cours d'instruction, les déclarations litigieuses, même à les supposer fausses, étant insusceptibles de recevoir une qualification pénale ; qu'il résultait des éléments qui précédaient et des termes mêmes de la plainte que les déclarations litigieuses avaient été faites au cours d'une information toujours en cours, également ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la société Groupement Privé de Gestion et de Serge X... ; que ces derniers étaient, dès lors, irrecevables à faire statuer dans le cadre d'une nouvelle plainte sur l'authenticité desdites déclarations qu'il leur appartenait le cas échéant, de contester contradictoirement dans le cadre de l'information initiale ;

"alors, d'une part, que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge compétent ; que le juge d'instruction a l'obligation d'informer, quelles que soient les réquisitions du ministère public, cette obligation ne cessant que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que le délit de faux témoignage est réprimé par l'article 434-13 du Code pénal qui sanctionne d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d'une commission rogatoire ;

qu'en l'espèce, il est incontestable que les déclarations de Daniel Y... à l'officier de police judiciaire quant à la chronologie des événements par lui rapportés qui se sont produits entre le mois de juin 1992 et le mois de juillet 1995 étaient destinées à dissimuler l'escroquerie dont avait été victime le Groupement Privé de Gestion et Serge X... ; que, par conséquent, leur plainte était recevable ;

"alors, d'autre part, que le seul fait que les déclarations contraires à la vérité et faites sous serment par le témoin l'aient été au cours d'une procédure d'information n'est pas de nature à empêcher le délit de témoignage mensonger d'être constitué et, par conséquent, d'être pénalement poursuivi et sanctionné dans une procédure distincte de la procédure dans laquelle les déclarations litigieuses ont été souscrites ; que, dès lors, la décision d'irrecevabilité est illégale ;

"alors enfin que l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales porte que "toute personne dont les droits et libertés reconnus par la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles" ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile du Groupement Privé de Gestion et de Serge X... pour les seuls motifs sus- rappelés, la chambre de l'instruction, qui leur a refusé un recours effectif devant une juridiction nationale, a méconnu tant l'article 6 que l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

Vu les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ;

que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Serge X... et la société Groupement Privé de Gestion (GPG) ont porté plainte et se sont constitués partie civile des chefs de faux témoignage, faux et recel d'escroquerie contre Daniel Y..., cadre d'une société de management financier, exposant que ce témoin, entendu dans le cadre d'une information judiciaire suivie sur leur plainte, pour présentation de comptes infidèles, diffusion d'informations mensongères ou trompeuses en matière boursière, délit d'initié et escroquerie, visant les conditions dans lesquelles la société GPG avait été amenée à accroître ses participations dans la société SCOA, filiale de Paribas, avait donné des indications inexactes sur ses relations avec Serge X... ainsi que sur ses recherches de financements ;

Attendu que, pour dire irrecevable la plainte des parties civiles, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits dénoncés dans la plainte, alors qu'à les supposer établis, les délits poursuivis étaient de nature à causer à la société GPG et à Serge X... un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction , dont la décision d'irrecevabilité équivaut à un refus d'informer, a méconnu les textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 30 octobre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.