Décisions
CE, 3e ch. réunies, 12 mars 2021, n° 442284
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Bosredon
Rapporteur public :
M. Victor
Avocat :
SCP Piwnica, molinie
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 29 juillet 2020 et le 17 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'instruction du 6 février 2020 de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l'action et des comptes publics, relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une instruction du 6 février 2020 relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce, la garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre de l'action et des comptes publics, après avoir énoncé que toute occupation des locaux judiciaires appartenant à l'Etat ou mis à sa disposition donne lieu à la délivrance d'un titre d'occupation et au paiement d'une redevance domaniale, ont adressé aux services trois documents annexes en vue de leur permettre " de régulariser la situation des greffiers des tribunaux de commerce au regard de leur occupation des locaux au sein des palais de justice, situés sur le domaine public de l'Etat ou mis à sa disposition " par l'établissement de titres d'occupation assortis de redevances. La première annexe est une fiche consacrée au rappel des règles et principes relatifs à l'occupation des dépendances du domaine public. La deuxième comporte un modèle d'autorisation temporaire du domaine public auquel les services gestionnaires sont invités à se conformer pour la délivrance de titres d'occupation aux greffiers des tribunaux de commerce. La troisième comporte une typologie des locaux des tribunaux de commerce occupés par les greffes susceptibles de donner lieu au paiement d'une redevance. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce forme un recours pour excès de pouvoir contre cette instruction.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article R. 312-3-1 du même code : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont, sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel " (...) ". L'article R. 312-8 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation ". Le second alinéa de l'article R. 312-7 du même code prévoit que, " à défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature ", les instructions et circulaires " sont réputées abrogées ".
3. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ", la période en cause étant, en vertu de l'article 1er de la même ordonnance, celle courant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
4. Il ressort des pièces du dossier que si l'instruction du 6 février 2020 en litige a fait l'objet d'une publication le 21 août 2020 au Bulletin officiel du ministère de la justice, elle n'a pas fait l'objet, dans le délai de quatre mois prévu par le second alinéa de l'article R. 312-7 du code des relations entre le public et l'administration, tel que prolongé par l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 cité au point 3, d'une publication sur le site internet relevant du Premier ministre mentionné à l'article R. 312-8 du même code. Elle doit ainsi être tenue pour abrogée à compter du 24 août 2020. Cette abrogation étant cependant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que celle-ci serait irrecevable pour avoir été, dès l'origine, privée d'objet, la circonstance que chacun des ministres auteurs de l'instruction aurait donné à ses services, au cours du mois d'août 2020, consigne d'en suspendre l'application étant dépourvue d'incidence à cet égard.
5. En second lieu, les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Eu égard aux effets que l'instruction attaquée est susceptible d'avoir sur la situation des greffiers des tribunaux de commerce, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir qu'elle ne serait pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la requête par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doivent être écartées.
Sur la légalité de l'instruction attaquée :
7. En premier lieu, si l'instruction attaquée précise aux services du ministère de la justice et du ministère de l'économie, des finances et de la relance l'interprétation qu'ils convient de retenir des règles du code général de la propriété des personnes publiques pour ce qui concerne les conditions auxquelles est soumise l'occupation par les greffiers de tribunaux de commerce de locaux affectés au service public de la justice et relevant du régime de la domanialité publique, elle n'a ni pour objet, ni pour effet de réglementer l'exercice de leur profession par ces greffiers. Le moyen tiré de ce que l'instruction serait, pour ce motif, entachée d'incompétence ne peut, par suite, qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, en vertu de l'article 2 du décret du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, le secrétaire général est notamment responsable de la politique immobilière du ministère. Il en résulte qu'il entrait dans les attributions de la secrétaire générale du ministère de la justice de préciser, à l'intention des chefs de juridictions qui sont les services gestionnaires des dépendances domaniales affectées au service public judiciaire, les conditions dans lesquelles ils sont habilités à consentir des titres d'occupation aux occupants de ces dépendances. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est ainsi pas fondé à soutenir que la secrétaire générale du ministère de la justice aurait été incompétente pour signer l'instruction interministérielle attaquée au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice.
9. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 2121-1 du même code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 712-1 du code de commerce : " Les tribunaux de commerce sont des juridictions du premier degré, composées de juges élus et d'un greffier. Leur compétence est déterminée par le présent code et les codes et lois particuliers. Les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l'organisation judiciaire ". Aux terme de l'article L. 741-1 du même code : " Les greffiers des tribunaux de commerce sont des officiers publics et ministériels (...) ".
11. Aux termes de l'article R. 741-1 du même code : " Le greffier assiste les juges du tribunal de commerce à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi. Il assiste le président du tribunal de commerce dans l'ensemble des tâches administratives qui lui sont propres. Il assure son secrétariat. Il l'assiste dans l'établissement et l'application du règlement intérieur de la juridiction, dans l'organisation des rôles d'audiences et la répartition des juges, dans la préparation du budget et la gestion des crédits alloués à la juridiction. Il procède au classement des archives du président (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Le greffier dirige, sous l'autorité du président du tribunal et sous la surveillance du ministère public, l'ensemble des services du greffe. Il assure la tenue des différents registres prévus par les textes en vigueur et tient à jour les dossiers du tribunal. Il met en forme les décisions prises et motivées par les juges. Il est dépositaire des minutes et archives dont il assure la conservation. Il délivre les expéditions et copies et a la garde des scellés et de toutes sommes déposées au greffe. Il dresse les actes de greffe et procède aux formalités pour lesquelles compétence lui est attribuée. Il prépare les réunions du tribunal, dont il rédige et archive les procès-verbaux. Il tient à jour la documentation générale du tribunal. Il assure l'accueil du public ". Aux termes de l'article R. 741-3 du même code : " Le greffier assure la tenue du répertoire général des affaires de la juridiction. Il applique les instructions de tenue du répertoire général élaborées par le ministère de la justice. Il transmet les informations statistiques demandées par le ministre de la justice selon les modalités déterminées par celui-ci ". Aux termes de l'article R. 741-4 du même code : " Lorsqu'un centre de formalités des entreprises a été créé par une chambre de commerce et d'industrie territoriale ou une chambre de métiers et de l'artisanat de région, le greffier peut, à la demande de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre de métiers et de l'artisanat de région, être autorisé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, à exercer tout ou partie des activités dévolues aux centres de formalités des entreprises par les articles R. 123-1 et suivants lorsque, dans l'intérêt des usagers, l'ouverture d'une annexe de ces centres apparaît nécessaire dans la ville où la juridiction commerciale a son siège (...) ".
12. Si les greffiers des tribunaux de commerce participent, à raison de l'exercice des missions non détachables de l'activité juridictionnelle qui leur sont confiées, notamment par l'article R. 741-1 et, pour partie, l'article R. 741-2 du code de commerce, à la mise en oeuvre du service public de la justice commerciale auquel sont affectés les locaux des tribunaux de commerce et ne sauraient, par suite et dans cette mesure, être regardés comme en faisant une utilisation ou une occupation privative, il en va différemment des locaux occupés par ces greffiers pour l'exercice des missions distinctes, de nature non juridictionnelle, qui leur sont par ailleurs confiées par les lois et règlements, telles que la tenue du registre du commerce et des sociétés ou celles relevant des centres des formalités des entreprises. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est ainsi pas fondé à soutenir que les greffiers des tribunaux de commerce ne sauraient être regardés, lorsqu'ils exercent de telles activités dans les locaux des tribunaux de commerce, comme se livrant à une occupation ou une utilisation privative du domaine public.
13. Il en résulte que, conformément aux règles qui découlent des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l'occupation, par les greffiers des tribunaux de commerce, des locaux des tribunaux de commerce qu'ils consacrent à l'exercices de celles de leurs missions qui revêtent un caractère détachable de l'activité juridictionnelle de ces tribunaux, est subordonnée à la condition qu'ils disposent d'un titre d'occupation et s'acquittent d'une redevance. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est pas fondé à se prévaloir, au soutien de sa contestation de l'interprétation des textes donnée par l'instruction attaquée, de ce que le caractère précaire et révocable des occupations privatives du domaine public, d'une part, et les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques en cas d'occupation ou d'utilisation du domaine public en vue d'une exploitation économique, d'autre part, seraient incompatibles avec l'exercice de leurs missions par les greffiers des tribunaux de commerce, dès lors que ne sont en cause que les missions qui, ne se rattachant pas à l'activité juridictionnelle des tribunaux de commerce, n'ont pas nécessairement vocation à être exercées au sein des locaux de ces tribunaux.
14. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les gestionnaires du domaine public ne sauraient, en vertu des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, soumettre à autorisation et au paiement d'une redevance l'occupation ou l'utilisation des locaux des tribunaux de commerce pour l'exercice, par les greffiers de ces tribunaux, de celles de leurs missions qui ne sont pas détachables de l'activité juridictionnelle, quand bien même les locaux en cause ne seraient pas exclusivement consacrés à ces activités. Il en résulte que le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est fondé à demander l'annulation des cinquième et sixième alinéas du paragraphe 2.2 de l'annexe 1 de l'instruction, de la seconde phrase du premier alinéa du paragraphe 2.3 de la même annexe et des lignes de l'annexe 3 de cette instruction qui mentionnent l'application d'un abattement de 50 %.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les cinquième et sixième alinéas du paragraphe 2.2 de l'annexe 1 de l'instruction du 6 février 2020 de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l'action et des comptes publics, relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce, la seconde phrase du premier alinéa du paragraphe 2.3 de la même annexe et les lignes de l'annexe 3 de cette instruction, lorsqu'elles mentionnent l'application d'un abattement de 50 %, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 29 juillet 2020 et le 17 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'instruction du 6 février 2020 de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l'action et des comptes publics, relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une instruction du 6 février 2020 relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce, la garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre de l'action et des comptes publics, après avoir énoncé que toute occupation des locaux judiciaires appartenant à l'Etat ou mis à sa disposition donne lieu à la délivrance d'un titre d'occupation et au paiement d'une redevance domaniale, ont adressé aux services trois documents annexes en vue de leur permettre " de régulariser la situation des greffiers des tribunaux de commerce au regard de leur occupation des locaux au sein des palais de justice, situés sur le domaine public de l'Etat ou mis à sa disposition " par l'établissement de titres d'occupation assortis de redevances. La première annexe est une fiche consacrée au rappel des règles et principes relatifs à l'occupation des dépendances du domaine public. La deuxième comporte un modèle d'autorisation temporaire du domaine public auquel les services gestionnaires sont invités à se conformer pour la délivrance de titres d'occupation aux greffiers des tribunaux de commerce. La troisième comporte une typologie des locaux des tribunaux de commerce occupés par les greffes susceptibles de donner lieu au paiement d'une redevance. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce forme un recours pour excès de pouvoir contre cette instruction.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article R. 312-3-1 du même code : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont, sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel " (...) ". L'article R. 312-8 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation ". Le second alinéa de l'article R. 312-7 du même code prévoit que, " à défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature ", les instructions et circulaires " sont réputées abrogées ".
3. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ", la période en cause étant, en vertu de l'article 1er de la même ordonnance, celle courant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
4. Il ressort des pièces du dossier que si l'instruction du 6 février 2020 en litige a fait l'objet d'une publication le 21 août 2020 au Bulletin officiel du ministère de la justice, elle n'a pas fait l'objet, dans le délai de quatre mois prévu par le second alinéa de l'article R. 312-7 du code des relations entre le public et l'administration, tel que prolongé par l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 cité au point 3, d'une publication sur le site internet relevant du Premier ministre mentionné à l'article R. 312-8 du même code. Elle doit ainsi être tenue pour abrogée à compter du 24 août 2020. Cette abrogation étant cependant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que celle-ci serait irrecevable pour avoir été, dès l'origine, privée d'objet, la circonstance que chacun des ministres auteurs de l'instruction aurait donné à ses services, au cours du mois d'août 2020, consigne d'en suspendre l'application étant dépourvue d'incidence à cet égard.
5. En second lieu, les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Eu égard aux effets que l'instruction attaquée est susceptible d'avoir sur la situation des greffiers des tribunaux de commerce, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir qu'elle ne serait pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la requête par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doivent être écartées.
Sur la légalité de l'instruction attaquée :
7. En premier lieu, si l'instruction attaquée précise aux services du ministère de la justice et du ministère de l'économie, des finances et de la relance l'interprétation qu'ils convient de retenir des règles du code général de la propriété des personnes publiques pour ce qui concerne les conditions auxquelles est soumise l'occupation par les greffiers de tribunaux de commerce de locaux affectés au service public de la justice et relevant du régime de la domanialité publique, elle n'a ni pour objet, ni pour effet de réglementer l'exercice de leur profession par ces greffiers. Le moyen tiré de ce que l'instruction serait, pour ce motif, entachée d'incompétence ne peut, par suite, qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, en vertu de l'article 2 du décret du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, le secrétaire général est notamment responsable de la politique immobilière du ministère. Il en résulte qu'il entrait dans les attributions de la secrétaire générale du ministère de la justice de préciser, à l'intention des chefs de juridictions qui sont les services gestionnaires des dépendances domaniales affectées au service public judiciaire, les conditions dans lesquelles ils sont habilités à consentir des titres d'occupation aux occupants de ces dépendances. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est ainsi pas fondé à soutenir que la secrétaire générale du ministère de la justice aurait été incompétente pour signer l'instruction interministérielle attaquée au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice.
9. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 2121-1 du même code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 712-1 du code de commerce : " Les tribunaux de commerce sont des juridictions du premier degré, composées de juges élus et d'un greffier. Leur compétence est déterminée par le présent code et les codes et lois particuliers. Les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l'organisation judiciaire ". Aux terme de l'article L. 741-1 du même code : " Les greffiers des tribunaux de commerce sont des officiers publics et ministériels (...) ".
11. Aux termes de l'article R. 741-1 du même code : " Le greffier assiste les juges du tribunal de commerce à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi. Il assiste le président du tribunal de commerce dans l'ensemble des tâches administratives qui lui sont propres. Il assure son secrétariat. Il l'assiste dans l'établissement et l'application du règlement intérieur de la juridiction, dans l'organisation des rôles d'audiences et la répartition des juges, dans la préparation du budget et la gestion des crédits alloués à la juridiction. Il procède au classement des archives du président (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Le greffier dirige, sous l'autorité du président du tribunal et sous la surveillance du ministère public, l'ensemble des services du greffe. Il assure la tenue des différents registres prévus par les textes en vigueur et tient à jour les dossiers du tribunal. Il met en forme les décisions prises et motivées par les juges. Il est dépositaire des minutes et archives dont il assure la conservation. Il délivre les expéditions et copies et a la garde des scellés et de toutes sommes déposées au greffe. Il dresse les actes de greffe et procède aux formalités pour lesquelles compétence lui est attribuée. Il prépare les réunions du tribunal, dont il rédige et archive les procès-verbaux. Il tient à jour la documentation générale du tribunal. Il assure l'accueil du public ". Aux termes de l'article R. 741-3 du même code : " Le greffier assure la tenue du répertoire général des affaires de la juridiction. Il applique les instructions de tenue du répertoire général élaborées par le ministère de la justice. Il transmet les informations statistiques demandées par le ministre de la justice selon les modalités déterminées par celui-ci ". Aux termes de l'article R. 741-4 du même code : " Lorsqu'un centre de formalités des entreprises a été créé par une chambre de commerce et d'industrie territoriale ou une chambre de métiers et de l'artisanat de région, le greffier peut, à la demande de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre de métiers et de l'artisanat de région, être autorisé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, à exercer tout ou partie des activités dévolues aux centres de formalités des entreprises par les articles R. 123-1 et suivants lorsque, dans l'intérêt des usagers, l'ouverture d'une annexe de ces centres apparaît nécessaire dans la ville où la juridiction commerciale a son siège (...) ".
12. Si les greffiers des tribunaux de commerce participent, à raison de l'exercice des missions non détachables de l'activité juridictionnelle qui leur sont confiées, notamment par l'article R. 741-1 et, pour partie, l'article R. 741-2 du code de commerce, à la mise en oeuvre du service public de la justice commerciale auquel sont affectés les locaux des tribunaux de commerce et ne sauraient, par suite et dans cette mesure, être regardés comme en faisant une utilisation ou une occupation privative, il en va différemment des locaux occupés par ces greffiers pour l'exercice des missions distinctes, de nature non juridictionnelle, qui leur sont par ailleurs confiées par les lois et règlements, telles que la tenue du registre du commerce et des sociétés ou celles relevant des centres des formalités des entreprises. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est ainsi pas fondé à soutenir que les greffiers des tribunaux de commerce ne sauraient être regardés, lorsqu'ils exercent de telles activités dans les locaux des tribunaux de commerce, comme se livrant à une occupation ou une utilisation privative du domaine public.
13. Il en résulte que, conformément aux règles qui découlent des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l'occupation, par les greffiers des tribunaux de commerce, des locaux des tribunaux de commerce qu'ils consacrent à l'exercices de celles de leurs missions qui revêtent un caractère détachable de l'activité juridictionnelle de ces tribunaux, est subordonnée à la condition qu'ils disposent d'un titre d'occupation et s'acquittent d'une redevance. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce n'est pas fondé à se prévaloir, au soutien de sa contestation de l'interprétation des textes donnée par l'instruction attaquée, de ce que le caractère précaire et révocable des occupations privatives du domaine public, d'une part, et les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques en cas d'occupation ou d'utilisation du domaine public en vue d'une exploitation économique, d'autre part, seraient incompatibles avec l'exercice de leurs missions par les greffiers des tribunaux de commerce, dès lors que ne sont en cause que les missions qui, ne se rattachant pas à l'activité juridictionnelle des tribunaux de commerce, n'ont pas nécessairement vocation à être exercées au sein des locaux de ces tribunaux.
14. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les gestionnaires du domaine public ne sauraient, en vertu des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, soumettre à autorisation et au paiement d'une redevance l'occupation ou l'utilisation des locaux des tribunaux de commerce pour l'exercice, par les greffiers de ces tribunaux, de celles de leurs missions qui ne sont pas détachables de l'activité juridictionnelle, quand bien même les locaux en cause ne seraient pas exclusivement consacrés à ces activités. Il en résulte que le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est fondé à demander l'annulation des cinquième et sixième alinéas du paragraphe 2.2 de l'annexe 1 de l'instruction, de la seconde phrase du premier alinéa du paragraphe 2.3 de la même annexe et des lignes de l'annexe 3 de cette instruction qui mentionnent l'application d'un abattement de 50 %.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les cinquième et sixième alinéas du paragraphe 2.2 de l'annexe 1 de l'instruction du 6 février 2020 de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l'action et des comptes publics, relative à l'occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce, la seconde phrase du premier alinéa du paragraphe 2.3 de la même annexe et les lignes de l'annexe 3 de cette instruction, lorsqu'elles mentionnent l'application d'un abattement de 50 %, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.