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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 17 janvier 2019, n° 17/01969

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

O Ubi Campi Picardie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

M. Maimone, Mme Piedagnel

TI Soissons, du 10 févr. 2017

10 février 2017

DECISION :

M. Nicolas H. et son épouse Mme Julie M. ont fait appel à la SARL O Ubi Campi Picardie (O Ubi Campi) pour la réalisation de travaux dans leur jardin.

Mécontents de la prestation de l'entreprise, par acte d'huissier en date du 8 avril 2015, les époux ont assigné O Ubi Campi devant le tribunal d'instance de Soissons aux fins de condamnation à leur régler la somme de 4.329,94 euros au titre de l'inexécution contractuelle et 1.500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, outre une indemnité procédurale de 800 euros.

O Ubi Campi a soulevé l'irrecevabilité des demandes pour prescription annale ou biennale, subsidiairement conclut au débouté de prétentions des époux H. et sollicité une somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.

C'est dans ces conditions que le tribunal d'instance de Soissons, par jugement rendu le 10 février 2017, a débouté les époux H. de toutes leurs prétentions et condamné ces derniers in solidum aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 12 mai 2017, les époux H. ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2017, les époux H. demandent à la Cour, au visa de des articles 1134 et 1147 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- écarter l'exception de prescription soulevée par O Ubi Campi

- condamné l'intimée au paiement de la somme totale de 4.329,94 euros TTC au titre de l'inexécution contractuelle :

. 1.216,41 euros TTC pour la haie

. 33,71 euros TTC pour le bambou

. 50,00 euros TTC pour la porte de l'abri à poubelle

. 1.000,00 euros TTC pour le géotextile du parking

. 2.029,82 euros TTC pour le système de drainage

- condamner O Ubi Campi au paiement d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et d'agrément

- condamner O Ubi Campi au paiement d'une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de tous les dépens et frais de première instance et d'appel.

Les époux H. soutiennent en substance que :

Sur l'irrecevabilité :

- O Ubi Campi a pour activité l'aménagement de terrain/jardin ainsi que la réalisation de constructions légères ; les travaux sont extérieurs à un bâtiment existant et, à l'exception peut-être de l'installation du garage carport qui ne semble pas être fondé au sol, ces travaux sont insusceptibles d'être qualités d'ouvrages ; les désordres dénoncés n'affectent pas le garage mais les plantations, la porte de l'abri à poubelle, le géotextile sous le parking et le système de drainage

- l'assignation ne visait que les articles 1147 et 1134 du code civil

- seule la prescription quinquennale en matière de responsabilité contractuelle peut s'appliquer

- sur l'application de la prescription biennale de l'article 1792-3 du code civil, O Ubi Campi ne démontre pas que l'absence de conformité des végétaux, les difficultés de fonctionnement de la porte de l'abri à poubelle et l'absence de fixation du géotextile, outre le défaut de fonctionnement du système de drainage relèveraient des autres éléments d'équipements de l'ouvrage

- O Ubi Campi est intervenue à plusieurs reprises pour réparer les désordres, notamment pour la réfection de la couverture de l'abri de bois défectueuse comme l'a relevé l'expert ; dans ces conditions O Ubi Campi ne peut se prévaloir de l'écoulement du délai de prescription puisqu'elle a accepté d'y renoncer

Sur la responsabilité de O Ubi Campi :

- les époux H. rapportent la preuve des manquements de O Ubi Campi Picardie en versant aux débats deux rapports d'expert amiable missionné par leur compagnie d'assurance de protection juridique ; les constatations ayant été opérées en présence de O Ubi Campi, ce rapport est donc parfaitement contradictoire

- l'expert a relevé que la haie en pyracantha et berberis n'était pas conforme, le bambou n'a pas été remplacé, la porte de l'abri à poubelle ne fonctionne toujours pas correctement, le géotextile sous les graviers du parking n'a pas été agrafé, le système de drainage ne fonctionne pas ayant abouti à trois inondations.

Dans ses dernières conclusions en défense transmises par voie électronique le 18 septembre 2018, O Ubi Campi demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de :

- déclarer les époux H. mal fondés en leur appel, les en débouter

- accueillir O Ubi Campi en ses demandes et observations, l'y déclarer bien fondée

- au principal, déclarer les époux H. irrecevables en l'ensemble de leurs demandes pour cause de prescription au visa des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil

- à titre subsidiaire, déclarer les époux H. non fondés en leurs demandes, les en débouter

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel

- condamner les époux H. solidairement à payer à O Ubi Campi une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles exposés devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens d'appel conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

O Ubi Campi soutient en substance que :

Sur l'irrecevabilité

- le contrat conclu entre les époux H. et O Ubi Campi Picardie est un contrat de louage d'ouvrage au sens des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ; ce contrat est régi par les dispositions de la Loi Spinetta

- la facture a été intégralement réglée sans aucune réserve ; le paiement intégral de la facture sans réserve équivaut à une réception tacite des travaux réalisés par la société concluante ; la réception tacite marque le point de départ des délais de garantie

- les difficultés dont se plaignent les époux H. relèvent de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie biennale ; accessoirement, les problèmes évoqués par les époux H. étaient parfaitement visibles au moment de la réception

- il appartenait donc aux époux H., s'ils l'estimaient nécessaire, d'engage une procédure au plus tard dans les deux années suivant le règlement de la facture marquant la réception tacite des travaux, or, la procédure n'a été engagée que par exploit du 8 avril 2015 soit quasiment quatre ans après la réception des travaux

- l'essentiel des travaux prévus au devis, réalisés puis facturés sont des travaux de drainage dont la jurisprudence depuis longtemps a considéré qu'il s'agissait d'un ouvrage et de travaux de construction d'un garage avec dalle de béton de sorte que la qualification d'ouvrage doit nécessairement être retenue puisque la construction est ancrée dans le sol

Subsidiairement, sur le fond

- concernant la haie et le bambou : l'entreprise a respecté les dimensions des arbustes contractuellement prévues, à savoir une hauteur comprise entre 60 et 80 cm ; les époux H. ne se plaignent pas de ce que certains arbustes seraient morts mais simplement de ce que certains poussent moins vite que les autres, or, une garantie de reprise de 12 mois est offerte lorsque les végétaux viennent à dépérir ; en l'espèce, tel n'est pas le cas et le délai d'un an est largement expiré ; aujourd'hui près de cinq ans plus tard, on peut légitimement s'interroger sur les conditions dans lesquelles les arbustes ont été entretenus, arrosé ; les époux H. ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils affirment et se gardent bien de rapporter la preuve de l'état de cette haie cinq ans après sa plantation ; il en va de même de la pousse de bambou

- la porte de l'abri poubelle : il a été contractuellement prévu un abri poubelle constitué de deux panneaux simples en bois fixés sur poteau ; aucun portillon n'était prévu au devis ; les époux H. ont voulu mettre un portillon et devant leur insistance, O Ubi Campi en a gracieusement posé un ; il n'est pas sérieux cinq ans après la pose gracieuse de ce portillon de venir réclamer le coût d'un réglage que M. H. peut d'ailleurs sans doute faire lui-même

- géotextile : les époux H. ont insisté pour poser un géotextile entre le fond de forme et la couche de graviers ; compte tenu de la configuration des lieux (pente), du passage répété de véhicules, le déplacement des graviers est inévitable ; le problème évoqué par les époux H. relève d'une opération d'entretien qui leur incombe : il faut régulièrement passer un râteau pour égaliser les graviers afin d'éviter la dispersion de ces derniers, dispersion qui provoque l'apparition de trous et du géotextile ; contrairement à ce qu'affirme l'expert mandaté par les époux H., même en étant agrafé, le géotextile s'assouplit dans le temps et le phénomène est inévitable : seul l'entretien régulier ainsi que le découpage des parties de géotextile qui peuvent dépasser permet de remédier à cette difficulté ; le géotextile était parfaitement en place au moment du second passage de l'expert ; les époux H. n'entretiennent pas correctement l'allée puisque la charge des cailloux était inégale lors de ce second passage

- système de drainage : les époux H. se contentent d'affirmer que celui-ci ne fonctionne pas ; cette pure affirmation n'est étayée par aucun élément probant

- préjudice de jouissance : dans la mesure où la responsabilité de O Ubi Campi Picardie n'est pas démontrée, les époux H. ne peuvent sérieusement solliciter la condamnation de O Ubi Campi Picardie au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre d'un préjudice de puissance qui n'est pas établi.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2018 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 26 octobre 2018. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 17 janvier 2019.

SUR CE, LA COUR

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon les articles 122 et suivants du code procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en matière de construction, c'est l'acte de réception qui constitue la clef de voûte du système de responsabilité du constructeur en ce qu'il marque le point de départ des garanties légales et qu'en l'absence de réception, c'est la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres qui est seule engagée.

Il existe trois régimes de garantie : la garantie décennale des articles 1792 et 1792-2 du code civil, la garantie biennale de l'article 1792-3 du code civil et la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du code civil.

Les points communs de toutes ses garanties légales sont l'existence d'un ouvrage relevant de la construction et ayant fait l'objet d'une réception.

La réception qui constitue le point de départ du délai des garanties légales est définie par l'article 1792-6 alinéa 1 du Code civil comme un acte juridique unilatéral par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserve. Elle prend généralement la forme d'un procès-verbal signé par l'ensemble des acteurs de la construction. Elle doit être contradictoire.

En l'absence de réception expresse, les tribunaux peuvent constater une réception tacite, constituée par la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage en l'état. Cette volonté est matérialisée par la prise de possession du bien et le paiement de la totalité ou de la quasi-totalité du prix des travaux. Cependant, le paiement du prix des factures sans retenue ni réserve ne suffit pas à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux. En cas d'impossibilité de procéder à une réception amiable, la partie la plus diligente peut solliciter une réception judiciaire.

A côté des garanties légales, la responsabilité de droit commun subsiste. Elle sanctionne une obligation de faire dans les délais ce qui était prévu au contrat mais aussi une obligation de bien faire, c'est à dire de conduire les travaux conformément aux règles de l'art.

En l'espèce, O Ubi Campi Picardie prétend que les demandes des époux H. sont irrecevables car prescrites pour relever de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie biennale et fait état d'une réception tacite des ouvrages tandis que les époux H. fondent leurs demandes sur la responsabilité contractuelle.

Il résulte des pièces du dossier que les époux H. ont confié à la société O Ubi Campi Picardie établissements Bellet Paysage 'Jardins de créateurs' divers travaux d'aménagement d'une allée vers le garage, de construction d'un garage et de plantations et nettoyage de ru.

Un devis n°2011 10021 a été établi à cet effet le 21 mars 2011 pour un montant total de travaux s'élevant à 15.694,75 euros TTC comprenant les postes de travaux suivants :

[...] pour 3.619,50 € HT : préparation du fond de forme et mise en place de voliges Ecolat et de gravillons fins roules avec remise en état des abords

GARAGE pour 6.442,00 € HT : préparation du fond de forme, mise en oeuvre d'une dalle en béton porteuse fibrée, fourniture et construction du garage (carport à toit plat et fermeture du carport sur 3 côtés par panneaux massifs

DRAINAGE VERS LE RU pour 748,00 € HT: fourniture et mise en oeuvre de drain agricole annelé entouré de géotextile et de cailloux

PLANTATIONS pour 2.303,00 € HT: plantations d'arbustes de type Pyracantha, Berberis sur la longueur de la clôture (dim : 60/80), plantation d'arbustes caducs et persistants (formant du relief et de la couleur à la haie Pycantha/berberis : 14 sujets et plantation d'une haie de bambou le long du ru

ABRI DIVERS pour 750,00 € HT : abris bois pour stockage de 10 stères de bois : dimension 1,8m x 7m x 0,7 : construction en bois du même bois que le carport, toiture en shingle et abri poubelle (pour ranger et abriter 2 poubelles et les manoeuvrer facilement) : 2 panneaux simples en bois fixés sur poteaux

DRAINAGE ET COLLECTEUR pour 1.176,00 € HT : mise en place de 3 regards 30 x 30 collecteur d'eaux pluviales, raccordement tuyau diamètre 100 et raccordement pour évacuation vers le ru (longueur totale 45m), mise en place d'un filet avertisseur, drainage dans la partie basse du jardin et collecte des eaux pour évacuation vers le ru

DIVERS pour 400,00 € HT : mise en place de pas japonais depuis la terrasse vers la grange (former un passage légèrement en courbe et harmonieux) (décaissement, nivellement, pose de géotextile, pose d'un fond de forme et des pas japonais)

TOTAL GÉNÉRAL (HT) 15.438,50 €

TVA (5,5%) 849,12 €

TOTAL (TTC) 16.287,62 €

REMISE EXCEPTIONNELLE SUR L'ENSEMBLE DES TRAVAUX (3,64%) 592,87 €

TOTAL (TTC) 15.694,75 €

Le paragraphe 'Règlement' est ainsi rédigé : '30% d'acompte à la commande et solde à la réception de chacun des lots indépendamment de l'avancement des autres lots. Chaque lot peut être réalisé de façon indépendante - mais i y a un ordre idéal à définir dans l'enchaînement des travaux (nous consulter). En cas d'acception du présent devis, ou d'une partie des lots qui'l contient, nous vous remercions de nous retourner un exemplaire signé avec un chèque d'acompte.'

Une première facture n° 2011 0021 a été émise le 21 mars 2011 pour le montant total TTC de 15.694,75 € puis plusieurs factures ont été éditées au fur et à mesure des acomptes prévus en distinguant les plantations du reste des travaux.

Il n'est pas contesté que les époux H. ont payé l'intégralité des travaux commandés mais il est bien difficile de savoir à quelle date tous ces règlements ont été effectués. En tout état de cause, aucun procès-verbal de réception n'est produit.

Les époux H. versent aux débats des courriels de MM. Etienne B. (directeur) et Pascal P. (jardinier paysagiste) (pour O Ubi Campi) qui démontrent qu'un dialogue s'est instauré dans un premier temps entre l'entreprise et les époux H., ces derniers se plaignant d'un certain nombre de malfaçons ou non-façons et l'entreprise y répondant point par point en faisant parfois certaines propositions (courriels des 15 et 20 juillet 2011).

En l'absence d'accord, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 août 2011, M. H. a mis en demeure O Ubi Campi de terminer les travaux conformément aux devis. Dans ce courrier, M. H. se plaint de ce que les travaux qui devaient être terminés fin juin ne sont toujours pas finis, que certains arbustes qui devaient faire 60 à 80 cm de hauteur ne font que 30 à 40cm de hauteur, que l'abri poubelle n'a pas été commencé, que l'allée de gravier blanc commandée ne correspond pas à la réalisation : le fond de forme noir remonte à la surface et vient se mélanger avec le gravier blanc et prétend qu'il manque 5 arbustes d'ornement persistant sur les 14 sujets prévus. M. H. demande à l'entreprise de reprendre les arbustes de type pyracantha et berberis qui ne feraient pas 80cm, d'effectuer la reprise complète de l'allée et le parking 'qui doivent correspondre au devis c'est à dire dans que le fond de forme noir soit visible' et l'achèvement de l'abri poubelle ainsi que la pose es 5 arbustes d'ornement qui manquent et ce, sous dix jours.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 12 septembre 2012, les époux H. ont de nouveau mis en demeure O Ubi Campi de faire les réparations suite aux malfaçons sous 15 jours, indiquant que malgré le mail du 12 juillet 2011 et la visite dans les locaux le 7 août 2011, ils étaient sans nouvelle de l'entreprise. Le courrier décrit les malfaçons suivantes :

'- des arbustes de type Pycantha et berberis dont la dimension plus d'un an après la plantation n'est toujours pas conforme à la facture

- un bambou mort le long du ru

- des arbustes formant relief dont deux sont morts justes après la plantation (les deux orangers du Mexique)

- de l'abri bois où sont apparues plusieurs fuites sur le toit

- de l'abri poubelle qui ne permet pas 'd'abriter 2 poubelles' comme le mentionne la facture dès lors qu'aucun toit n'a été posé sur cet abri. Par ailleurs la porte de l'abri poubelle ne ferme pas correctement

- l'allée et le parking où le géotextile remonte à la surface à plusieurs endroits

- les drainages vers le ru ne drainent pas l'eau. Nous avons laissé passer l'hiver comme vous nous l'aviez indiqué et rien n'a changé' et poursuit en ces termes :

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 24 septembre 2012, l'entreprise a répondu aux époux H. point par point :

- les végétaux : la garantie de reprise de 12 mois est dépassée

- l'abri bois : le toit en schingle a été remplacé à leur demande par un toit en tôle ; il leur appartient de pratiquer des entretiens réguliers sur un toit en tôle en appliquant régulièrement un filme de silicone ou de colle spéciale au point de jonction entre les tôles pour assurer l'étanchéité'

- l'abri poubelle : le toit n'a pas été prévu dans le devis d'origine et rendait difficile l'utilisation ce dont ils avaient convenu à l'époque

- allée et parking : il leur appartient de procéder à l'entretien de cet espace avec un râteau en égalisant la répartition des graviers afin d'éviter la dispersion des graviers et ainsi provoquer l'apparition de trous sans gravier ; si du géotextile devient apparent sous l'effet des circulations de véhicules, ils doivent le tendre et découper avec une paire de ciseau les tronçons qui dépasseraient sur les côtés sous l'effet du jeu naturel du textile ; une fixation avec des attaches métalliques simple peut au besoin leur permettre de raffermir la tension du géotextile qui s'assouplit dans le temps

- le drainage : les invite à les contacter lorsqu'un phénomène se produira.

Finalement, les époux H. ont fait appel à leur assureur protection juridique, Pacifica, qui a missionné Polyexpert. Un rapport d'expertise a été établi suite à la réunion qui s'est tenue le 12 décembre 2012 en présence des époux H. et de M. B., directeur de la société O Ubi Campi.

L'expert a conclut à la responsabilité de l'entreprise au moins partielle, convenu d'une seconde réunion d'expertise début octobre 2013 et évoqué les points litigieux défaillants suivants : toiture de l'abri bois, remise en place du géotextile sous les cailloux, la mise en jeu de la porte abri-poubelle.

L'expert s'est de nouveau rendu sur place le 4 septembre 2013 de façon unilatérale et a fait les constats suivants dans un mail :

'1- La haie végétale en pyracantha et berberis ne donne pas satisfaction ; certains pieds végètent et la croissance est médiocre

2- Les orangers du Mexique ont été remplacés, pas le bambou

3- l'abri bois a été refait, la couverture a été remplacée

4- La porte du local poubelle n'est pas réglée

5- Le géotextile sur la zone parking a été enfouit comme initialement mais non fixé, il est à craindre que des déformations se reproduisent ultérieurement. Par ailleurs, la charge des cailloux est inégale sur la zone de stationnement

6- Selon votre sociétaire, le drainage mis en place pose problème car depuis décembre 2012 son terrain aurait été inondé 3 fois.

En conclusion, l'entreprise est ré-intervenue mais il subsiste de nombreux problèmes non résolus. A mon sens, il serait délicat de négocier l'intervention du professionnel pour la reprise du drainage, de la plate-forme de stationnement et des végétaux, soit la totalité de sa prestation...

En accord avec M. H., je pense qu'une action judiciaire est à envisager.'

L'entreprise verse aux débats, notamment, une attestation d'un de ces employés (M. Guillaume D.) faisant état du mauvais comportement de M. H. à son égard.

En l'état, il y a lieu de relever l'absence de réception dans la mesure où, en dépit du paiement du prix, il ressort clairement des éléments du dossier que les époux H. n'ont eu de cesse de se plaindre des prestations de l'entreprise, ce qui fait obstacle à la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux et donc à une réception tacite.

Dans ces conditions, seule la responsabilité contractuelle de l'entreprise peut être engagée

Aux termes de l'article 2224 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

En l'espèce, les époux H. se sont plaints de malfaçons et non-façons dès le 15 juillet 2011, ont mis en demeure O Ubi Campi par lettre recommandée datée du 22 août 2011 et 12 septembre 2011, ont fait appel à leur assurance protection juridique qui a mandaté un expert qui a rendu un rapport le 12 décembre 2013 et ont assigné O Ubi Campi par exploit d'huissier en date du 8 avril 2015.

En tout état de cause et même en prenant la date la plus éloignée et donc la plus défavorable aux époux H., force est de constater que l'action de ces derniers n'est pas prescrite car antérieure au 15 juillet 2016.

Dans ces conditions, la fin de recevoir soulevée par O Ubi Campi ne pourra qu'être rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle

Il résulte de dispositions de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige que 'Le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'ait aucune mauvaise fois de sa part.'

Les conditions de fond de la responsabilité contractuelle sont : une défaillance contractuelle, un dommage prévisible et un lien de causalité entre les deux. Les causes exonératoires de responsabilité, outre l'absence de faute et/ou de dommage et/ou de lien de causalité entre la faute et le dommage, sont la force majeure, la faute de la victime ou le fait d'un tiers.

Par ailleurs, d'une part, si le juge ne peut se foncer exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, celles-ci peuvent néanmoins s'en prévaloir si elle est corroborée d'autres éléments et, d'autre part, une expertise, certes amiable, mais à laquelle des parties ont assisté, est contradictoire à l'égard desdites parties dans la mesure où le rapport a été soumis au débat contradictoire dans le cadre de l'instance.

Il résulte des éléments du dossier (échange de courriels, rapport d'expertise amiable auquel les parties ont assisté) qu'il y a lieu de retenir un certain nombre de malfaçon ou non-façons susceptibles d'engager la responsabilité de O Ubi Campi, à savoir l'absence de remplacement du bambou pour 33,71 euros, le dysfonctionnement de la porte du local poubelle évalué à 50,00 euros et la pose du géotextile sur la zone parking estimé à 1.000,00 euros par Polyexpert. S'agissant de la haie végétale en pyracantha et berberis, seuls 'certains' pieds végètent et ont une croissance médiocre en 2013, or, d'une part, on ignore l'état actuel de cette haie : y-a-t-il toujours des pieds en souffrance, si oui, combien et d'autre part, rien ne justifie le remplacement total de la haie. Concernant le drainage, aucun élément du dossier ne permet d'établir que celui-ci est défectueux, l'expert faisant référence aux dires de l'assuré sans jamais faire état de ses propres constatations, les époux H. ne produisant par ailleurs aucune photographie, procès-verbal de constat, témoignage ou autre en ce sens.

Ainsi, ces malfaçons ou non-facons proviennent d'une défaillance contractuelle qui a indubitablement causé un préjudice aux époux H., étant remarqué que O Ubi Campi ne justifie d'aucune cause exonératoires de responsabilité susceptible d'être retenue, telles la force majeure, le fait d'un tiers ou encore la faute de la victime, le défaut d'entretien des époux H. n'étant pas établi.

Sur le préjudice de jouissance sollicité par les époux H., ceux-ci ne pourront qu'en être débouté faute de produire le moindre élément en ce sens.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté les époux H. de toutes leurs prétentions.

Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, de déclarer O Ubi Campi responsable des dommages subis par les époux H. en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et, en conséquence, de condamner O Ubi Campi à payer à ces derniers la somme globale de 1.083,71 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera réformé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance ainsi qu'aux frais irrépétibles, en ce que les époux H. ont été condamnés à assumer les entiers dépens et condamné à verser à O Ubi Campi la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

O Ubi Campi qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel.

Il sera alloué une indemnité procédurale aux époux H. mise à la charge de O Ubi Campi à hauteur de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 10 février 2017 par le tribunal d'instance de Soissons en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société O Ubi Campi Picardie ;

DÉCLARE les époux H. recevable en leurs demandes ;

DÉCLARE la société O Ubi Campi Picardie responsable des dommages subis par les époux H. en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

En conséquence

CONDAMNE la société O Ubi Campi Picardie à verser aux époux H. la somme de 1.083,71 euros

DÉBOUTE les époux H. de leurs demandes relatives à la haie, au système de drainage et au préjudice de jouissance

Y ajoutant

CONDAMNE la société O Ubi Campi Picardie à payer aux époux H. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

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