CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 novembre 2022, n° 20/17314
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Des Amers De Creze (SAC)
Défendeur :
Icare Assurance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignieres
Avocats :
Me Grappotte-Benetreau , Me Grignon Dumoulin, Me Ghueldre
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 14 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- débouté la Société des Amers de Creze - S.A.C. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la Société des Amers de Creze - S.A.C. à verser à la société Icare assurance la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la Société des Amers de Creze - S.A.C. aux dépens,
Vu l'appel relevé par la Société des Amers de Creze - S.A.C. et ses dernières conclusions par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article R 511-2 4° du code des assurances, des articles 1984 et 2004 du 'code de procédure civile' ainsi que de l'article L 442-6 du code de commerce, de la recevoir en son appel et le dire bien fondé, en conséquence, infirmer le jugement et statuant à nouveau :
1) dire et juger :
- que le contrat liant les parties est un mandat d'intérêt commun qui ne peut être révoqué que par consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice ou suivant les clauses et conditions spécifiées au contrat,
- que la rupture du contrat par la société Icare assurance ouvre droit à indemnité à son profit,
- que la rupture du contrat a revêtu un caractère brutal au sens de l'article L 442-6 du code de commerce, engageant la responsabilité de la société Icare assurance et l'obligeant à réparer le préjudice en résultant,
2) en conséquence, condamner la société Icare assurance à lui payer les sommes de :
- 229 465 €, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des mandats d'intérêt commun,
- 86 042,49 € au titre du préjudice subi du fait du caractère brutal de la rupture des relations établies,
- 32 818 € au titre de la prime de qualité sur l'année 2017, augmentée de la TVA, sauf à parfaire,
- ordonner à la société Icare assurance de fournir les éléments chiffrés permettant de calculer le montant de la prime de qualité sur l'année 2017, conformément aux stipulations contractuelles,
3) dire et juger que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la rupture des contrats, soit le 6 janvier 2018, avec anatocisme dès que les conditions légales sont réunies,
4) en tout état de cause :
- débouter la société Icare assurance de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Icare assurance à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la scp Grapotte Benetreau;
Vu les dernières conclusions du 18 mai 2021 de la société Icare assurance qui demande à la cour, au visa des articles 1984 et 2004 du code civil, de l'article R 511-2 3° du code des assurances et de l'article L 442-6 du code de commerce, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, en tout état de cause :
1) à titre liminaire, de :
- juger que la société SAC était liée à elle uniquement par un contrat de mandataire d'assurance,
- en conséquence, juger que seules les règles relatives au statut du mandataire d'assurance peuvent être appliquées en l'espèce et que seules peuvent être retenues les pièces versées aux débats par la société SAC concernant l'activité de mandataire d'assurance de cette dernière,
2) à titre principal, de :
- juger que la société SAC n'a aucun droit à indemnité de fin de contrat au titre de la rupture de son contrat de mandataire d'assurance,
- juger que le prétendu mandat d'intérêt commun entre elle et la société SAC a été résilié conformément aux stipulations du contrat de mandataire d'assurance qui les liait,
- juger que le prétendu mandat d'intérêt commun entre elles a été résilié pour une cause légitime,
- juger que la relation établie entre elles n'a pas été rompue de manière brutale,
- juger que la « prime de qualité 2017 » prévue par le contrat de mandataire d'assurance n'est pas due à la société SAC en l'espèce, compte tenu de ses résultats au titre de l'année 2017,
- en conséquence, confirmer le jugement et rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la société SAC à son encontre,
3) à titre subsidiaire, de :
- juger que le préjudice allégué par la société SAC du fait de la prétendue rupture fautive du mandat d'intérêt commun n'existe pas et, en conséquence, rejeter sa demande indemnitaire concernant cette prétendue rupture fautive,
- à défaut, dans l'hypothèse où la cour estimerait que ce préjudice existe, juger que la demande formulée par la société SAC concernant la prétendue rupture fautive du mandat d'intérêt commun est disproportionnée et, en conséquence, la réduire à de justes proportions,
- juger que la demande formulée par la société SAC relative à la prétendue rupture brutale de la relation établie est disproportionnée et, en conséquence, la réduire à de justes proportions,
4) en toute hypothèse, de condamner la société SAC aux dépens et à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIVATION
La Société des Amers de Creze, ci-après S.A.C., a pour activité le conseil et la réalisation d'intermédiations financières et les opérations de vente et d'achat liées à ces intermédiations ; elle exerce son activité dans le secteur automobiles et poids lourds.
Le 15 octobre 2014, elle a signé avec la société Icare assurance un contrat de mandataire d'assurance qui a été suivi d'un avenant du 29 juillet 2015 ajoutant d'autres produits d'assurance. Il est précisé en préambule du contrat que le mandant, la société Icare assurance, est spécialisée dans les solutions d'assurance destinées aux professionnels de l'automobile permettant d'enrichir leurs relations avec leurs clients et qu'elle propose entre autre des solutions de garantie et d'assistance.
Il est stipulé dans ce contrat, notamment :
- à l'article 1, que le mandant donne mandat contre rémunération au mandataire d'assurance pour présenter, proposer ou aider à la conclusion de produits d'assurance,
- à l'article 5, que le contrat est conclu pour une durée indéterminée sauf à être dénoncé par l'une des parties dans les conditions suivantes :
par le mandataire, à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant le préavis prévu à l'article 13,
par le mandant, à tout moment sans préavis ni indemnité en cas de faute grave du mandataire ou survenance d'un cas de force majeure et à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis de trois mois au cas où le mandataire n'aurait pas produit de nouveaux contrats pendant trois mois,
- à l'article 12, que le mandataire s'interdit pendant toute la durée du contrat et pendant 2 ans suivant sa cessation de commercialiser dans le secteur géographique attribué des produits d'assurance similaires à ceux proposés par le mandant, ni d'accepter un mandat d'une entreprise concurrente,
- à l'article 13, relatif aux modalités de résiliation du contrat, que :
En cas d'inexécution par l'une des parties d'une seule de ses obligations, la résiliation est encourue de plein droit dix jours après une mise en demeure restée sans effet,
En dehors de ce cas, la partie qui entend mettre fin au contrat doit en informer son cocontractant par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée et de trois mois pour la troisième année commencée et les suivantes,
En cas de faute grave ou de survenance d'un cas de force majeure, le contrat pourra être résilié par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, sans préavis ni indemnité.
Par lettre recommandée du 6 octobre 2017 avec avis de réception, la société Icare assurance a notifié à la société S.A.C. la résiliation du contrat de mandataire d'assurance par application des articles 5 et 13, la résiliation prenant effet le 6 janvier 2018.
La société S.A.C, après avoir vainement réclamé des indemnités à la société Icare assurance, l'a faite assigner le 9 novembre 2018 devant le tribunal de commerce de Paris pour voir juger que la rupture du mandat d'intérêt commun lui ouvrait droit à indemnité et obtenir paiement de diverses sommes.
Le 11 mars 2019, la société Icare assurance a informé la société S.A.C. qu'elle la libérait de la clause de non concurrence stipulée au contrat.
Le tribunal, par le jugement déféré rendu le 14 septembre 2020, a débouté la société S.A.C. de toutes ses demandes.
Sur la demande relative à l'indemnité de rupture du contrat de mandat :
La société S.A.C. appelante, expose en fait :
-que le 27 mars 2013, elle avait conclu avec la société Icare un contrat d'agent commercial/indicateur,
-que suite au rachat de la société Icare par BNP Paribas Cardif, ce contrat initial a été subdivisé en deux nouveaux contrats, d'une part un contrat d'agent commercial signé le 15 octobre 2014 avec la société Icare, d'autre part un contrat de mandataire d'assurance également signé le 15 octobre 2014 avec la société Icare assurance, et que cette dernière, qui comptait sur l'expérience et le relationnel de la société S.A.C. lui a alors demandé d'étoffer son équipe commerciale pour couvrir les 29 départements et développer une nouvelle activité de produits de garantie pour les poids lourds,
- que le 6 octobre 2017, la rupture du contrat d'agent commercial lui a également été notifié, à effet au 6 janvier 2018.
La société Icare assurance objecte à juste raison :
- que la société S.A.C. était liée par un contrat d'agent commercial, non avec elle, mais avec la société Icare SA qui n'est pas en la cause,
- que le présent litige ne porte que sur la qualité de mandataire d'assurance de la société S.A.C. et que le régime relatif aux agents commerciaux n'est pas applicable aux mandataires d'assurance, l'activité d'intermédiation en matière d'assurance ou réassurance étant soumise notamment aux dispositions de l'article R 511-2 du code des assurances.
- que seules peuvent être retenues les pièces versées aux débats par la société S.A.C. concernant son activité de mandataire d'assurances.
Sur la qualification du contrat :
La société S.A.C. fait valoir que le contrat s'analyse en un mandat d'intérêt commun, chacune des parties ayant intérêt à l'essor de l'entreprise par la création et le développement de la clientèle ; elle en veut pour preuve qu'il prévoit :
- la représentation de la société Icare assurance par elle auprès de la clientèle,
- sa rémunération par une commission calculée sur le chiffre d'affaires qu'elle réalise auprès de la clientèle confiée en exclusivité,
- l'exclusivité de représentation sur un secteur déterminé,
- la possibilité de cession du contrat sous réserve de l'agrément de la société Icare assurance,
- l'engagement de non concurrence pendant la durée du contrat et deux années après sa fin.
Elle ajoute que la cour de cassation a admis l'application de mandat d'intérêt commun aux mandataires d'assurance.
La société Icare assurance soutient que ses relations avec la société S.A.C. sont régies par les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil et que les parties au contrat de mandat, révocable ad nutum, sont libres de prévoir ou non un préavis de cessation de fonctions, une clause de non concurrence, une clause d'exclusivité ou une indemnité de fin de contrat. Elle souligne que, en l'absence d'une stipulation contractuelle expresse prévoyant une indemnité de fin de contrat en faveur du mandataire d'assurance, la société S.A.C. n'y a pas droit et que l'existence d'une clause de non-concurrence dans un contrat de mandataire d'assurance n'est pas subordonnée à l'octroi d'une contrepartie financière.
Cela étant exposé, il ressort de la lecture de l'article 3.1, relatif aux modalités d'exécution du contrat de mandataire d'assurance, que le mandataire s'était engagé à 'promouvoir une action commerciale toujours dynamique à l'égard de la clientèle afin d'assurer dans l'intérêt réciproque des parties une promotion efficace des ventes de produits d'assurance dont la présentation, la proposition ou l'aide à la conclusion des contrats d'assurance lui était confiées'.
La société S.A.C., qui percevait des commissions en fonction du chiffre d'affaires réalisé avec la clientèle prospectée avec succès, avait tout intérêt à son développement, ce qui n'est pas contesté par la société Icare assurance.
En conséquence, les deux parties ayant un intérêt commun dans la création et le développement d'une clientèle commune, le mandat est un mandat d'intérêt commun.
Sur la révocation du mandat d'intérêt commun :
Donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire, un tel mandat ne peut être révoqué que de leur consentement mutuel (inexistant en l'espèce) ou pour une cause légitime reconnue en justice ou suivant les clauses et conditions spécifiées au contrat.
La société S.A.C. allègue qu'aucune clause du contrat n'exclut le droit à indemnité en cas de révocation du mandat et qu'une clause de renonciation doit être rédigée de façon claire et non équivoque. Elle ajoute que l'article 10.3 du contrat fait explicitement référence à une indemnisation du mandataire et précise que cet article prévoit que la cession du contrat, malgré un refus d'agrément du mandant ou à défaut d'information préalable de ce dernier, constituerait une faute grave du mandataire d'assurance susceptible d'entraîner la rupture anticipée du contrat sans droit à indemnisation du mandataire et elle en déduit, a contrario, un droit à indemnisation au profit du mandataire, lequel découlerait du droit qui lui est reconnu de céder le contrat à un tiers.
La société Icare assurance réplique justement que les stipulations de l'article 10.3 ont trait à la cession du contrat et non à sa révocation. Elle fait exactement valoir que le contrat ne renferme aucune clause prévoyant une indemnité de fin de contrat pour le mandataire d'assurance en cas de rupture de leur relation contractuelle et que la clause stipulée à l'article 13, qui a pour objet seulement de fixer la forme et la durée du préavis, ne dispense pas de rechercher si le mandant justifiait d'une cause légitime de résiliation.
Pour contester l'existence d'une cause légitime de révocation, la société S.A.C. soutient que la simple réorganisation d'une société ne constitue pas en soi un juste motif, que cette réorganisation doit être dictée par la nécessité, ne pas exprimer que l'intérêt unilatéral du mandant et ne pas avoir pour seul but l'élimination du mandataire. Elle allègue que le motif de la rupture faisant défaut dans la lettre de résiliation, celle-ci est dépourvue de cause légitime et souligne :
- que la société Icare assurance ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'accréditer son argumentation selon laquelle les contrats de garantie enregistraient des pertes ou ne seraient pas rentables,
- qu'au contraire, des primes lui ont été allouées en 2016, calculées de manière inversement proportionnelle au taux de sinistralité, et qu'une prime sur l'année 2017 devait lui être allouée mais n'a pas pu être facturée faute par la société Icare assurance de fournir les éléments permettant de la calculer,
- que le tableau de chiffres inséré dans les écritures adverses, censé illustrer les pertes de la société Icare assurance sur les années 2014 à 2017, vise des produits Icare GVO forfait et Icare GVO moto qu'elle-même n'a jamais été chargée de commercialiser.
La société Icare assurance répond que la rupture du mandat est intervenue pour cause légitime, sa situation commandant une réorganisation de son réseau de distribution pour faire face à la fois aux évolutions du marché et à son développement interne à la suite de son rachat par la société BNP Paribas Cardif; elle explique :
- que dans un premier temps, pour améliorer la rentabilité de son réseau, elle a cessé la commercialisation de ses produits d'assurance de la gamme Icare Trucks,
- qu'elle a continué à constater une rentabilité insuffisante des produits d'assurance distribués par l'intermédiaire de ses mandataires d'assurance auprès du réseau automobile secondaire depuis 2014,
- que par exemple le taux de sinistralité des contrats d'assurance distribués par la société S.A.C. était de 90 % pour l'année 2017,
- qu'elle a dû faire des choix stratégiques, d'autant qu'avant la transposition de la directive sur la distribution d'assurance en droit français, il n'existait aucune exigence concernant la formation des intermédiaires d'assurance, l'article L 511-12 du code des assurances imposant désormais que ces derniers respectent des exigences en matière de formation et de développement professionnels continus, d'une durée annuelle minimale de 15 heures prévue à l'article L 512-13 de ce code,
- que si elle n'avait pas résilié les contrats qui la liait à ses mandataires d'assurance, elle aurait dû supporter le coût de leur formation, ce qu'elle ne pouvait faire alors que son réseau de distribution était déficitaire,
- qu'elle a été contrainte d'abandonner ses anciennes méthodes de distribution de ses contrats d'assurance via ses mandataires d'assurance pour se tourner vers l'assurance affinitaire de type « grands comptes » plus rentable, ce qui lui a permis de retrouver une véritable rentabilité,
- que lorsque le mandant connaît d'importantes pertes sur les produits distribués par son mandataire, il est contraint de se réorganiser,
- qu'elle a résilié l'ensemble des contrats la liant à ses mandataires d'assurance ainsi que tous les contrats d'assurance qui avaient été distribués par ces derniers dès lors qu'ils présentaient un très mauvais taux de sinistralité.
Mais il convient de rappeler que c'est à la société Icare assurance de rapporter la preuve que la rupture est justifiée par un motif légitime ; or elle se borne à reproduire dans ses écritures un tableau établi par ses soins faisant état de pertes s'agissant des produits distribués par ses mandataires d'assurance et à verser aux débats, comme seules pièces :
- un tableau relatif au taux de sinistralité des contrats d'assurance distribués par la société S.A.C. en 2017,
- une plaquette de présentation de son nouveau réseau de distribution,
- une seule lettre de résiliation adressée à un assuré ayant souscrit un contrat d'assurance par l'intermédiaire de mandataires d'assurance résiliés,
- sa lettre notifiant la levée de la clause de non concurrence.
En cet état, elle ne justifie pas de l'existence d'une cause légitime de résiliation du mandat d'intérêt commun sans indemnisation du mandataire.
En conséquence, la société S.A.C. est bien fondée à obtenir réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat de mandat d'intérêt commun.
Elle fait valoir que son préjudice est constitué de l'avantage perdu du pouvoir de représentation du mandataire auprès de la clientèle, de la part du marché qu'elle a constitué et qui revient au mandant ainsi que du potentiel généré par son activité. Elle réclame la somme de 229.465 € correspondant à deux années de commissions calculées sur l'ensemble de ses rémunérations perçues en 2016 et 2017 en demandant qu'il soit tenu compte :
- des investissements qu'elle a réalisés,
- de la clause de non concurrence post contractuelle de deux années,
- de sa dépendance économique,
- de la possibilité de céder son portefeuille qui a une valeur patrimoniale.
La société Icare assurance s'oppose à la demande en soutenant :
- que rien n'empêchait la société S.A.C. de poursuivre les relations commerciales avec la clientèle qu'elle a contribué à développer, la clause de non concurrence ayant été levée,
-qu'elle ne peut prétendre à aucune indemnité de clientèle,
-qu'elle a déjà été rémunérée pour la part de marché apportée par le paiement des commissions et qu'une fois le contrat résilié elle ne peut plus prétendre à commission.
Par ailleurs, la société Icare assurance conteste le montant réclamé aux motifs que depuis la cessation de la distribution des produits Icare Trucks, les commissions perçues par la société S.A.C. étaient en nette baisse et que le montant des primes doit être soustrait, rien n'indiquant avec certitude que la société S.A.C. aurait perçu de telles primes après résiliation du contrat.
Mais il ressort des attestations établies les 18 septembre 2018 et 31 octobre 2018 par l'expert-comptable de la société S.A.C. que cette dernière a réalisé avec la société Icare, sans plus ample précision (à savoir Icare assurance ou Icare SA), un chiffre d'affaires HT de 114.202,86 € en 2016 et de 115 262,25 € en 2017, ce qui correspondait pour cette dernière année à 98,88 % de son chiffre d'affaires global. La société S.A.C. justifie avoir procédé à des investissements en recrutant des sous-agents entre octobre 2015 et février 201. Elle était en outre tenue par une clause de non concurrence pendant l'exécution du contrat et la clause post contractuelle n'a été levée que le 13 mars 2019, soit plus d'un an après le 8 janvier 2018, date de prise d'effet de la résiliation.
Dès lors c'est en vain que la société Icare assurance prétend que la rupture du mandat d'intérêt commun n'a causé aucun préjudice, alors que la société S.A.C. avait procédé à des investissements pour satisfaire à sa demande et qu'elle n'a pu en retirer profit.
Au regard des éléments d'appréciation soumis à la cour, le préjudice de la société S.A.C. pour rupture du mandat d'intérêt commun sera fixée à la somme de 75 000 €.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société S. A.C de sa demande au titre de la rupture du contrat de mandat, et la société Icare assurance sera condamnée à payer à la société S.A.C la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts qui produira intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur la demande au titre de la brutalité de la rupture de la relation commerciale :
Afin de démontrer que le préavis de 3 mois était insuffisant et caractériser une rupture brutale de la relation commerciale établie, la société S.A.C. rappelle :
- qu'elle réalisait la quasi intégralité de son chiffre d'affaires avec la société Icare assurance,
- que la clause de non concurrence post contractuelle lui interdisait de se rétablir auprès de la clientèle,
- qu'à la demande de la société Icare assurance, elle a engagé une force commerciale pour l'activité Trucks au cours du 2ème trimestres 2016, force qui est devenue inutile après l'arrêt brutal de l'activité Trucks en janvier 2017 puis de la totalité de l'activité à la fin de l'année.
L'appelante demande la somme de 86 049,42 € correspondant à 9 mois de marge brute.
Mais la société Icare assurance réplique à juste raison :
-que la relation commerciale n'a duré que 3 ans et 2 mois,
-que la clause de non concurrence n'avait qu'un périmètre restreint, qu'elle concernait la commercialisation des produits d'assurance similaires à ceux proposés par le mandant, à savoir ceux portant sur des garanties poids lourds et des extensions de garantie pour des véhicules d'occasion, que rien n'empêchait la société S.A.C. de distribuer des produits d'assurance portant sur des garanties moto ou véhicules neufs par exemple,
- que la société S.A.C. qui pouvait développer une relation commerciale équivalente avec d'autres compagnies d'assurance ne peut valablement invoquer une dépendance économique à son égard.
En conséquence, le préavis de 3 mois s'avérant suffisant pour permettre à la société S.A.C. de réorganiser son activité, sa demande d'indemnisation pour rupture brutale de la relation commerciale sera rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de la société S.A.C. pour prime de qualité sur l'année 2017 :
Les modalités de la prime de qualité sont définies à l'annexe 1 du contrat de mandataire d'assurance ; il y est prévu qu'aucune prime de qualité n'est due au mandataire d'assurance si le taux de sinistralité des contrats qu'il a distribués est supérieur à 70 % .
Le taux de sinistralité des contrats d'assurance distribués par la société S.A.C. en 2017 étant de 89,63 %, cette société est mal fondée en sa demande. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société S.A.C aux dépens de première instance et à payer à la société Icare assurance une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Icare assurance qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Icare assure sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société S.A.C la somme de 10 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société des Amers de Creze de ses demandes au titre d'une rupture brutale des relations et de la prime de qualité 2017,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le contrat du 15 octobre 2014 liant la société Icare assurance et la Société des Amers de Creze est un mandat d'intérêt commun et que sa rupture ouvre droit à indemnisation au profit de la Société des Amers de Creze,
Condamne la société Icare assurance à payer à la Société des Amers de Creze la somme de 75 000 €, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice résultant de la rupture du mandat d'intérêt commun,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
Condamne la société Icare assurance à payer la somme de 10 000 € à la Société des Amers de Creze par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Icare assurance aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.