Cass. 2e civ., 6 septembre 2018, n° 17-18.953
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Sur le troisième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), que la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait pratiquer, le 16 décembre 1991, quatre saisies-arrêts entre les mains de l'Association de sécurité et d'assistance collective (Asac) afin d'appréhender des primes versées par MM. Jean-François et Christian Y... et Mmes Catherine et Elisabeth Y... puis a signifié, le 11 décembre 2006, une saisie-attribution entre les mains de ce même tiers ; que la société Girardet a par la suite assigné l'Asac et la société Allianz vie pour les voir condamnées au paiement des sommes objet des saisies-arrêts et de la saisie-attribution sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que la société Girardet fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes dirigées contre Allianz vie et l'Asac, à raison de la saisie-attribution du 11 décembre 2006, alors selon le moyen :
1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre, à l'encontre dudit tiers, l'exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l'encontre du débiteur saisi ; qu'il en résulte qu'une telle demande ressortit au régime de l'exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu'au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie à fin de voir celles-ci condamnées à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts Y..., la cour d'appel relève qu'une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu'en statuant ainsi, cependant que la demande de la société Girardet consistait à poursuivre contre l'Asac et Allianz vie l'exécution d'une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d'appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas appliqué le régime de prescription qui s'imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de la société Girardet à cet égard, a violé l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées irrévocablement en justice, de sorte que l'irrévocabilité du titre exécutoire judiciaire, qui constate lesdites causes, est nécessaire à l'action du créancier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie, en paiement des causes de la saisie, au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet, n'a finalement pas tenu compte de la date de fixation irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par lui contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action indemnitaire contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°/ qu'enfin, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que la réalité et la gravité du dommage et de la faute soient établies ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que la nature insaisissable des fonds saisis, du fait qu'ils auraient été versés à Allianz vie par l'Asac pour le compte des consorts Y... dans le cadre d'une assurance-vie collective, n'avait été révélée par les défendeurs qu'incidemment, dans leurs conclusions de 2014, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date où la connaissance effective de la gravité du dommage et de la faute commise par l'Asac et Allianz vie avait été rendue possible, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu, d'une part, que le créancier qui agit à l'encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie-attribution des créances a été pratiquée n'exécute à l'égard de ce tiers saisi aucun titre exécutoire ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'était pas applicable à cette action ;
Et attendu, d'autre part, que cette action qui n'est pas soumise à la démonstration d'un dommage pouvant être introduite dès que le créancier a connaissance de l'absence de déclaration "sur le champ", par le tiers saisi, des renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de signification du procès-verbal de saisie-attribution ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.