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Décisions

Cass. 3e civ., 13 décembre 2013, n° 11-26.878

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

Me Georges, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 22 sept. 2011

22 septembre 2011

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 3 février 2011 et 22 septembre 2011), que par acte du 24 novembre 2000, Mme X... veuve Y..., représentée par sa fille, Mme Y..., a vendu un appartement à M. Z... et son épouse Mme A... ; que Mme X... est décédée le 13 décembre 2000 laissant pour lui succéder, sa fille, Mme Y... ; que par acte du 1er juin 2005, publié le 16 septembre 2005, celle-ci a assigné les époux Z... en requalification de l'acte en donation déguisée, subsidiairement en annulation de la vente ; que par acte du 8 septembre 2005 les époux Z... ont vendu l'immeuble à la société civile immobilière Labat (la SCI) ; que Mme Y... a assigné les époux Z... et la SCI en annulation de la vente du 8 septembre 2005 ;

Sur le second moyen du pourvoi de la SCI, de Mme A... et de M. Z... (n° T 11-26. 878), pris en ses deux premières branches, ci après annexé :

Attendu qu'ayant retenu qu'au 8 septembre 2005, date de la vente du bien litigieux par M. Z... et Mme A... à la société Labat, les vendeurs n'ignoraient pas que la vente du 24 novembre 2000 était susceptible d'être annulée à la suite de l'assignation qui leur avait été délivrée à cette fin par Mme Y... le 1er juin 2005, que l'acquéreur n'ignorait pas non plus le principe du droit de restitution de Mme Y... et que les parties à l'acte avaient connaissance du préjudice causé à Mme Y... par la vente qui rendait impossible le retour du bien dans son patrimoine, la cour d'appel en a exactement déduit que cette vente passée en fraude des droits de Mme Y... devait lui être déclarée inopposable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la première branche du premier moyen du pourvoi de Mme Y... (n° B 11-27. 070) :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande de restitution de l'immeuble, l'arrêt retient, après avoir annulé la vente du 24 novembre 2000 pour vileté du prix, que l'assignation des époux Z... par Mme Y... le 1er juin 2005 en annulation de la vente précitée n'a été publiée que le 16 septembre 2005, que dès lors, l'annulation de la vente n'est pas opposable à la SCI qui a acquis le bien des époux Z... par acte du 8 septembre 2005 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a également retenu que la SCI avait été constituée pour l'acquisition du bien litigieux, qu'elle était une émanation de M. Z... et qu'en conséquence, l'acquéreur du bien lors de la vente du 8 septembre 2005 n'ignorait pas le principe du droit de restitution de Mme Y..., la cour d ‘ appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi de Mme Y... (n° B 11-27. 070) et la troisième branche du second moyen du pourvoi de la SCI de Mme A... et de M. Z... (n° T 11-26. 878), réunies :

Vu l'article 1167 du code civil ;

Attendu que pour dire que l'immeuble était retourné dans le patrimoine de M. Z... et de Mme A... où Mme Y... pourra éventuellement le saisir, l'arrêt retient que l'admission de la fraude paulienne n'a pour effet que d'entraîner le retour du bien dans le patrimoine du débiteur où le créancier demandeur pourra seul éventuellement le saisir ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inopposabilité sanctionnant la fraude paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers, la cour d ‘ appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi de Mme Y... (n° B 11-27. 070) :

Vu les articles 549 et 550 du code civil ;

Attendu que le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi ; que dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; que le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété, dont il ignore les vices ;

Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande de restitution des loyers perçus par M. Z..., Mme A... et la SCI depuis le 24 novembre 2000, l'arrêt retient que l'annulation de la vente du 24 novembre 2000 n'est pas opposable à la SCI et que l'admission de la fraude paulienne n'a pour effet que d'entraîner le retour du bien dans le patrimoine du débiteur où le créancier pourra seul éventuellement le saisir ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que l'assignation en annulation de la vente du 24 novembre 2000 datait du 1er juin 2005 et, d'autre part, que les parties à l'acte du 8 septembre 2005 avaient connaissance du préjudice causé à Mme Y... par la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi de la SCI, de M. Z... et de Mme A... (n° T 11-26. 878) qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et attendu qu'aucun moyen n'étant dirigé contre l'arrêt du 3 février 2011, le pourvoi n° T 11-26. 878 doit être rejeté de ce fait ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi n° T 11-26. 878 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit rendu par la cour d'appel de Paris entre les parties le 3 février 2011 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule la vente du 24 novembre 2000, et en ce qu'il dit que la vente du 8 septembre 2005 ayant eu lieu en fraude des droits de Mme Marie-Hélène Y..., elle lui est inopposable, l'arrêt rendu le 22 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.