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Décisions

Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-18.666

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocats :

SCP Jean-Philippe Caston, SCP Waquet, Farge et Hazan

Grenoble, du 30 janv. 2020

30 janvier 2020

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre l'arrêt du 14 novembre 2019, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 janvier 2020), M. [J] (le cédant) a, par un acte du 24 février 2012, cédé à M. [Z] (le cessionnaire) les parts sociales qu'il détenait dans le capital de la société Artisanale des bâtiments aspriens (la société), pour un prix de 40 000 euros, payable en cinquante-six mensualités.

5. L'acte de cession stipulait notamment que le cédant « prend l'engagement de levée de tout nantissement dont les parts ci-dessus pourrai[en]t faire l'objet afin que le cessionnaire ne puisse jamais être recherché sur ce sujet », et que « [e]n sa qualité de gérant de la société Artisanale des bâtiments aspriens, M. [N] [Z] s'engage à faire prendre en charge par ladite société les cotisations sociales personnelles et obligatoires échues et exigibles de M. [J] jusqu'à la date du 31 janvier 2012. »

6. Le cessionnaire n'a payé que sept des cinquante-six mensualités du prix de cession.

7. Le cédant a assigné le cessionnaire en paiement du solde du prix de cession des parts sociales et du solde de cotisations sociales exigibles pour l'année 2011. Le cessionnaire a notamment opposé l'exception d'inexécution de ses propres obligations par le cédant.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, dont l'un est irrecevable et l'autre n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le cessionnaire fait grief à l'arrêt de déclarer le cédant recevable et pour partie fondé en sa réclamation et de le condamner à payer la somme restant due de 34 510,53 euros relative à la cession de parts sociales, alors « que l'obligation pour l'acheteur de payer le prix de la vente résulte de l'exécution complète par le vendeur de son obligation de délivrance ; qu'en l'espèce, en retenant, pour rejeter l'exception d'inexécution soulevée par le cessionnaire et le condamner à payer au cédant le solde du prix de vente, que l'engagement de ce dernier de lever tout nantissement dont les parts sociales pourraient faire l'objet ne constitue pas une condition suspensive de la vente, sans rechercher comme il le lui était demandé si en ne procédant pas à la levée du nantissement dont font l'objet les parts sociales cédées, bien qu'il s'y soit engagé sans condition ni réserve, le vendeur n'avait pas manqué à exécuter complètement son obligation de délivrance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1604 et 1650 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. En application des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, une partie ne peut refuser d'exécuter son obligation au cas ou l'autre partie manquerait à la sienne que si ce manquement est d'une gravité suffisante.

11. L'arrêt retient que le cessionnaire n'établit la réalité d'aucun préjudice concret qui découlerait d'un non-respect, par le cédant, de la clause stipulant que ce dernier « prend l'engagement de levée de tout nantissement dont les parts ci-dessus pourrai[en]t faire l'objet afin que le cessionnaire ne puisse jamais être recherché sur ce sujet. »

12. Par cette appréciation souveraine, la cour d'appel, qui, se livrant à la recherche prétendument omise, a fait ressortir que le manquement du cédant à son obligation de lever le nantissement dont pourraient être affectées les parts sociales n'était pas suffisamment grave pour justifier l'exception d'inexécution invoquée, a légalement justifié sa décision.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. Le cessionnaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au cédant la somme de 18 368 euros au titre du solde de cotisations sociales exigibles pour l'année 2011, alors « que la promesse de porte-fort est un engagement personnel autonome d'une personne qui promet à son cocontractant d'obtenir l'engagement d'un tiers à son égard ; que s'agissant d'une obligation de faire, l'inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, en retenant que la clause du contrat, par laquelle le cessionnaire, en sa qualité de gérant de la société, s'est engagé à faire prendre en charge par ladite société les cotisations sociales du cédant jusqu'à la date du 31 janvier 2012, constitue une promesse de porte-fort pour en déduire qu'il s'est engagé personnellement à la prise en charge des cotisations à défaut de prise en charge par la société, et le condamner à payer le montant de ces cotisations au cédant, la cour d'appel a violé l'article 1120 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1120 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

15. Il résulte de ce texte que l'inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts.

16. Pour condamner le cessionnaire au paiement du solde impayé des cotisations sociales dues par le cédant pour l'année 2011, l'arrêt, après avoir relevé que la clause du contrat aux termes de laquelle « [e]n sa qualité de gérant de la société Artisanale des bâtiments aspriens, M. [N] [Z] s'engage à faire prendre en charge par ladite société les cotisations sociales personnelles et obligatoires échues et exigibles de M. [J] jusqu'à la date du 31 janvier 2012 », s'analyse en une promesse de porte-fort de la part du cessionnaire, retient que ce dernier s'est personnellement engagé à la prise en charge des cotisations à défaut de prise en charge par la société.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 14 novembre 2019 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne M. [Z] à payer à M. [J] la somme de 18 368 euros au titre du solde de cotisations sociales exigibles pour l'année 2011, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.