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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 10 mars 2022, n° 13/18511

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Rohart, Mme Coricon

T. com. Bobigny, du 16 juill. 2013, n° 2…

16 juillet 2013

La SOCIETE DES TUBES DE MONTREUIL (ci-après la société STM), est une société familiale qui a été créée le 29 mars 1947 par Monsieur Benedetto B., qui avait trois fils, Dominique, Louis et César B. . Elle avait à l'origine une activité de fabrication et de vente de tubes métalliques.

En 1960 elle a acquis de la société EIFFEL un ensemble immobilier sis [...] (Seine Saint Denis).

La société STM est en outre propriétaire, d'une part, d'ateliers et d'entrepôts au BOURGET ( [...] et [...] ), d'autre part, d'actifs immobiliers hors exploitation :

- la villa Fontanelloto dite "la Nartelle" sis à Sainte Maxime (Var) sur un terrain de 9062 m2

- une maison de caractère assortie d'une maison récente sise à Bazoches sur Guyonne (Yvelines)

- le domaine d'Autroche sis à Saint Viatre /Neung sur Beuvron (Loir et Cher) comprenant un château Louis XIII, des dépendances, des bois et terres d'une superficie d'environ 2100 hectares

- le domaine de Champ Guilbert, des bois et terres étangs sis à Sennely (Loiret) .

L'activité industrielle du site a cessé en octobre 2001 en raison, d'une part, de l'arrêt d'activité du principal fournisseur de la société et, d'autre part, de l'arrêt de la production des machines nécessaires à la fabrication des tubes en acier.

Par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 15 avril 2002, la société STM a modifié son activité en gestion de son parc immobilier, l'objet social devenant "toutes opérations se rapportant à la location d'immeubles essentiellement à vocation commerciale ou industrielle, la création, l'acquisition , la prise à bail, l'installation, l'exploitation de tous établissement s'y rapportant, la participation directe ou indirecte de la société en toutes opérations ou entreprises pouvant se rattacher à l'objet social".

La société était dirigée par Monsieur Dominique B. et par deux directeurs généraux, Monsieur Louis B. et Monsieur César B..

A la suite du décès de César B., le 18 juin 2002, son épouse, Madame Martine Z. s'est vu attribuer 6.318 actions de la société STM, d'un montant nominal de 15,25€, soit 21 % du capital social.

Madame Martine B., occupant un emploi de direction depuis le 1er septembre 2000, a été licenciée pour motif économique le 4 avril 2003.

Le 13 juin 2005, Madame Martine Z. veuve B., a, en qualité d'actionnaire minoritaire, de la société STM interrogé le Président du conseil d'administration sur un certain nombre de décisions qui lui paraissaient peu conformes à l'intérêt social, notamment, sur la nécessité de conserver 5 emplois au sein de la société, outre les fonctions et niveaux de rémunérations desdits salariés, sur l'opportunité de continuer à occuper l'intégralité du bâtiment administratif, sur l'importance des réserves mises en distribution, et sur les charges non déductibles de l'entreprise, sans obtenir, selon elle, de réponses satisfaisantes .

Par décision du 5 mai 2006, le conseil d'administration de STM a décidé la dissociation des fonctions de Président et Directeur Général :

- en confirmant Monsieur Dominique B. dans ses fonctions de Président ;

- en confirmant Monsieur Louis B. dans ses fonctions de Directeur Général Délégué ;

- en désignant Monsieur Christian B. en qualité de Directeur Général ;

- en désignant Monsieur Daniel B. en qualité de Directeur Général Délégué.

En conséquence, les contrats de travail de Messieurs Christian et Daniel B. ont été suspendus, leur rémunération demeurant identique.

Madame Z.-B. a été nommée administrateur de la société STM pour une durée de 6 ans expirant le 31 décembre 2011, par l'assemblée générale du 27 juin 2006.

Lors de la réunion du conseil d'administration du 4 octobre 2006, Madame Z.-B. a réitéré ses interrogations concernant le mode de gestion de la société.

Invoquant une insuffisance d'informations, Madame Martine Z.-B. a assigné, par acte extrajudiciaire en date du 5 juin 2007, la société STM devant le Président du tribunal de commerce de Bobigny, au visa de l'article L225-231 du code de commerce pour obtenir une expertise de gestion.

Par ordonnance en date du 24 octobre 2007, Me B. a été désigné pour étudier, donner son avis et dresser rapport sur la nature des fonctions exercées par les salariés, le coût total des rémunérations directes et indirectes qui leur sont versées, l'opportunité de continuer à occuper l'intégralité du bâtiment administratif, l'importance des réserves mises en distribution, les charges non déductibles de l'entreprise.

Sur assignation en référé du 15 mai 2009 délivrée à la requête de Madame Martine Z.-B. , le Président du tribunal de commerce de Bobigny a, par ordonnance en date du 11 juin 2009, étendu la mission de l'expertise judiciaire confiée à Me B. afin qu'il donne son avis sur sur le montant des rémunérations directes et indirectes versées par la société à Messieurs Christian, Dominique et Daniel B. en ce compris les frais de transport, de représentation, de mission, et réception et avantage en nature ( usage de propriété et paiement des charges afférentes pour les exercices 2006,2007 et 2008), vérifier l'existence et chiffrer les comptes courants d'actionnaires débiteurs de la société pour les exercices 2006, 2007 et 2008, vérifier l'existence des documents établissant la construction du ou des bassins de rétention d'eau dans l'immeuble situé 5 rue du parc au Blan Mesnil, donner son avis sur la gestion des baux du parc imobilier de la société STM 2008, et autorisé l'expert à s'adjoindre l'expert de son choix au regard du 4ème chef de mission .

Après accord des parties, l'expert a désigné Monsieur François R. 

Par ordonnance en date du 2 décembre 2009, le juge chargé du contrôle des expertises a prorogé le délai de dépôt du rapport au 31 mars 2010 et dit que les investigations de l'expert relatives aux documents comptables portaient sur les exercices 2006, 2007 et 2008.

Le rapport final a été déposé le 30 octobre 2012.

Par acte d'huissier de justice en date du 12 octobre 2009, Madame Annie B., épouse B., fille de Monsieur César B., issue d'un premier mariage, et son mari, Monsieur Michel B., qui détenaient 5% du capital, ont assigné Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B., Madame Z. ainsi que la société STM devant le tribunal de commerce de Bobigny afin que soit reconnue leur responsabilité au titre de diverses fautes de gestion et obtenir leur condamnation solidaire à payer une somme d'environ 15,7 millions au titre du préjudice social de la société STM et une somme de 785.000€ au titre de leur préjudice personnel. Par jugement en date du 9 novembre 2010, le tribunal les a déboutés de leurs demandes. Les époux B. ont interjeté appel de cette décision puis se sont désistés de leur appel après avoir signé une transaction avec Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B. qui ont accepté de payer la somme de 200.000€.

Par acte extrajudiciaire en date du 5 novembre 2009, Madame Z.-B. a assigné, Monsieur Dominique B., PDG de la société STM pendant plus de 30 ans, ayant démissionné le 6 octobre 2005, actuel administrateur et président du Conseil d'administration, occupant la propriété de BAZOCHES et censé occuper le domaine de La Nartelle, Monsieur Christian B., fils de Dominique et administrateur de la société, ayant occupé à compter du 5 mai 2006 le poste de directeur général, Monsieur Louis B., administrateur et directeur général délégué, et Daniel B., administrateur, ayant occupé à compter du 5 mai 2006 le poste de directeur général, et fils de Louis, ainsi que la société STM devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de les voir condamnés pour de nombreuses décisions de gestion considérées comme fautives, et notamment l'utilisation des biens immobiliers hors exploitation de la société, l'utilisation du bâtiment administratif, siège social de STM, la gestion du parc immobilier de la société, les rémunérations directes et indirectes des dirigeants, l'utilisation des comptes courants d'actionnaires par ces derniers, l'absence de construction d'un bassin de rétention d'un immeuble appartenant à la société STM, au paiement d'un préjudice subi par la société STM évalué à la somme de 15.739.162 euros.

Elle a sollicité aussi la condamnation des mêmes parties à lui régler la somme de 142.715,33 euros en réparation de son préjudice personnel, et demandé la révocation de l'équipe dirigeante.

Dans le cadre de cette instance, Madame Z.-B. a obtenu communication du protocole transactionnel conclu en dehors d'elle.

C'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenue la décision déférée, le tribunal jugeant

- qu'en l'état des conclusions expertales, les fautes susceptibles d'être retenues à la charge des dirigeants concernaient la gestion de La Nartelle, la gestion des immeubles industriels et celle des baux locatifs, la charge comptable salariale inappropriée à l'activité, l'inadéquation du siège social à la réelle activité, les avantages en nature et l'utilisation à des fins personnelles des comptes courants d'associés, étant précisé qu'elles ne peuvent constituer des abus de majorité, tous les associés en supportant les conséquences sans distorsion de traitement des associés minoritaires,

- que les défendeurs devaient être condamnés in solidum à réparer les préjudices de la société STM et de Madame Z., à l'exception de ce qui concerne la gestion du parc immobilier et celle des baux incombant à Monsieur Christian B. et de ce qui concerne l'utilisation à des fins personnelles des comptes courants par leurs titulaires Messieurs Louis et Dominique B.,

- que Madame Z. devait être déboutée de sa demande de révocation judiciaire des dirigeants et de sa demande d'être nommée administrateur provisoire de la société STM pour convoquer un nouveau conseil d'administration pour élire un nouveau président et un nouveau directeur général de la société STM,

- que le préjudice ne pouvait être calculé sur les exercices 2003 à 2011, compte tenu de la prescription triennale de l'article L225-254 du code de commerce et que seuls devaient être retenus les préjudices courant à compter du 5 novembre 2006,

- que sur le préjudice personnel de Madame Z., seuls devaient être pris en considération les frais directement liés à l'expertise, soit la consignation de frais d'expertise, les honoraires du second expert, le solde des honoraires de Me B., 60% des honoraires d'avocat au titre du suivi d'expertise, les factures de 2010, de DMP, société d'expertise comptable qui a procédé à l'évaluation des préjudices.

Madame Z.-B. a interjeté appel de cette décision, estimant que toutes les fautes dénoncées n'avaient pas été retenues et que le préjudice subi par la société avait été sous-évalué.

Une médiation a été ordonnée. Dans le cadre des négociations entreprises, Madame Z.-B. a envisagé d'acquérir les titres de la société, ce qui a donné lieu à la régularisation d'une promesse de vente le 2 juillet 2015 puis d'une autre après intervention d'arrêtés préfectoraux, le prix passant de 19.101.650€ à16.588.275 €. Cette période a été émaillée d'incidents et n'a pas abouti à un accord.

Par assignation du 24 mars 2017, Madame Z.-B. a engagé une action devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir l'exécution forcée de la promesse de vente à son profit.

Le 11 mai 2017, les consorts B. ont conclu une promesse synallagmatique de vente de leurs titres avec la société EURASIA GROUPE. Madame Z.-B. a engagé une procédure de référé suspension d'exécution de cette vente. Par ordonnance du 19 septembre 2017, confirmée par arrêt du 19 septembre 2018, la demande de Madame Z.-B. a été rejetée.

La procédure née de l'appel du jugement du 16 juillet 2013 a été rétablie et par arrêt en date du 13 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a sursis à statuer dans l'attente de la décision à venir du tribunal de commerce de Paris saisi par Madame Z. le 24 mars 2017.

Le 29 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de Madame Z..

La cause du sursis ayant disparu, la procédure a été reprise devant la cour.

Vu le jugement rendu le 16 juillet 2013 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a dit Mme Z.-B. partiellement fondée en ses demandes, et y a fait partiellement droit, a constaté l'absence d'abus de majorité de Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B., condamné in solidum Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B. à payer à la Société des Tubes de Montreuil la somme de 566.500 €, condamné in solidum Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B. à payer à la Société des Tubes de Montreuil la somme de 15.500 €, condamné M. Christian B. à payer à la Société des Tubes de Montreuil la somme de 258.000 €, condamné in solidum Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B. à payer à Madame Z.-B. la somme de 71.500 € à parfaire du solde des honoraires de l'expert de Me B., débouté Mme Z.-B. de sa demande de révocation judiciaire des dirigeants et de sa demande d'être nommée administrateur provisoire de la Société des Tubes de Montreuil, condamné in solidum Messieurs Dominique, Louis, Christian et Daniel B. à payer à Madame Z.-B. la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par Madame Z. -B. à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées par RPVA le 02/12/2021 par Madame Z. -B. qui demande à la cour, vu les articles 1240 du code civil et L. 225-254 du code de commerce, de la dire recevable en son appel, d'infirmer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de fixer le préjudice global de STM à la somme de :

16 730 162, 05 € se décomposant de la manière suivante :

- Au titre du préjudice lié à la prise en charge d'un salaire de personnel comptable, la somme de 471 206 €,

- Au titre du préjudice lié à la rémunération injustifiée au profit de Monsieur Daniel B., la somme de 1 569 759 €,

- Au titre du préjudice lié au défaut d'occupation du bâtiment administratif, la somme de 274. 860 €,

- Au titre du préjudice lié à la prise en charge d'un salaire de personnel comptable, la somme de 471 206 €,

- Au titre du préjudice lié au défaut d'utilisation de la propriété dite « La Nartelle », la somme de 819 355 €,

- Au titre du préjudice lié aux comptes courants d'actionnaires débiteurs, la somme de

31 934€,

- Au titre du préjudice lié aux rémunérations indirectes versées aux dirigeants, la somme de 210 787 €,

- Au titre du préjudice lié aux loyers anormalement bas, la somme de 11.005 627 €, et sur ce chef de préjudice, si la Cour estime nécessaire de faire, de désigner tel expert judicaire afin d'établir contradictoirement ce préjudice par voie d'une expertise judiciaire,

- Au titre du préjudice lié à la refacturation des charges locatives irrégulièrement ou non appelées, la somme de 505.552 €,

- Au titre du préjudice lié à la mauvaise gestion des impayés, la somme 931.610 €,

- Au titre du préjudice lié à l'absence de construction des bassins de confinement d'eau d'incendie, la somme de 852.788,05 €

- Au titre du préjudice lié au caractère injustifié du trop versé au titre de la prime "médaille du travail", la somme de 56.684 €,

de condamner en conséquence in solidum Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Monsieur Christian B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B., et Monsieur Daniel B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Louis B., au paiement au profit de la Société des Tubes de Montreuil du préjudice global subi par elle soit la somme de 16.730.162 €,05 €, de fixer son préjudice personnel à la somme de 434.000 €, de condamner en conséquence in solidum Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Monsieur Christian B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B., et Monsieur Daniel B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Louis B., au paiement à son profit de la somme de 434.000 €, de dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts aux taux légaux, de condamner Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Linda B. en qualité d'héritière de Dominique B., Monsieur Christian B., à titre personnel et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B. et Monsieur Daniel B., à titre personnel et en qualité d'héritier de Louis B., à lui verser la somme de 55.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Linda B. en qualité d'héritière de Dominique B., Monsieur Christian B., à titre personnel et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B., et Monsieur Daniel B., à titre personnel et en qualité d'héritier de Louis B., aux entiers dépens, dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts aux taux légaux, qu'en cas d'exécution forcée, le droit prévu par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 relatif au tarif des huissiers de justice demeurera à la charge du débiteur, d'ordonner la capitalisation des intérêts au visa de l'article 1343-2 du code civil, dire que tous paiements effectués s'imputeront par priorité sur les intérêts restant dus, conformément à l'article 1343-1 du code civil;

Vu les conclusions signifiées le 06/12/2021 par Monsieur Daniel B., pris tant en son nom personnel, qu'en qualité d'héritier de Monsieur Louis B., décédé, Monsieur Christian B., pris tant en son nom personnel, qu'en sa qualité d'héritier de Monsieur Dominique B. décédé, et en son intervention volontaire en sa qualité d'héritier de feue Madame Linda B. décédée, Madame Jeannine B., ès qualités d'ayant-droit de feu Monsieur Louis B., qui demandent à la cour de les recevoir en leurs écritures et de les déclarer bien fondés, vu la réduction de capital, en date du 1er juillet 2019, par rachat d'actions et annulation corrélative des actions de Madame Martine Z. veuve B., vu l'absence de qualité d'actionnaire de la société Tubes de Montreuil de Madame Martine Z. veuve B., vu les articles L 255-252 et suivants du Code de Commerce, de dire Madame Martine Z. veuve B. irrecevable en son action ut singuli, vu la règle "nemo auditur", vu l'acquisition de la prescription des faits antérieurs au 5 novembre 2006, de dire également Madame Martine Z. veuve B. irrecevable en son action, de constater l'absence de faute de gestion de l'équipe dirigeante de la Société DES TUBES DE MONTREUIL en relation de causalité avec le préjudice réclamé par Madame Martine B., de constater à tous le moins, que Madame Z. ne démontre pas les fautes de gestion qu'elle allègue à l'encontre de l'équipe dirigeante de la société Tubes de Montreuil, de constater en tout état de cause, l'absence d'un préjudice subi par la Société Tubes de Montreuil certain, direct et quantifié d'une manière incontestable, de constater l'absence de faute, de lien de causalité et d'un préjudice personnel subi par Madame Z. certain, direct et quantifié d'une manière incontestable, en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions telles que formées par Madame Martine B., réformer ce faisant le jugement déféré en ce qu'il a retenu des fautes de gestion à l'encontre de feu Monsieur Dominique B., feu Monsieur Louis B., Monsieur Christian B. et Monsieur Daniel B., condamné ces derniers au versement de la somme de 663.500,00 € frais irrépétibles compris à la Société des Tubes de Montreuil et condamné Monsieur Christian B. seul à verser la somme de 258.000,00 € au profit de la société des Tubes de Montreuil, de condamner Madame Martine Z. veuve B. au paiement de la somme de 35.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Stéphane B. ;

Vu les conclusions signifiées le 4 mai 2018 par la SOCIETE DES TUBES DE MONTREUIL qui demande à la cour de la recevoir en ses écritures et de les y déclarer bien fondées, de dire et juger qu'elle entend s'en rapporter à justice sur les demandes formées par l'ensemble des parties, et de statuer ce que de droit sur les dépens ;

SUR CE

Les consorts B. opposent à Madame Z.-B., à titre principal, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action ut singuli qu'elle a formée du fait de son absence de qualité d'associé de la société STM.

Ils exposent que Madame Z.-B. a omis de préciser que par décision du 1er juillet 2019 la collectivité des associés a décidé la réduction du capital social de la société STM par voie de rachat de l'ensemble des actions détenues respectivement par elle-même et la société FINANCIERE B. composée d'elle-même et de ses enfants, et qu'en contrepartie de cette réduction de capital réalisée notamment par l'annulation de l'ensemble des actions détenues par les retrayants dont Madame Martine B., il leur a été attribué des biens immobiliers et des sommes d'argent.

Ils prétendent que l'actionnaire qui exerce l'action sociale ne peut agir contre les administrateurs qu'à condition de conserver sa qualité d'actionnaire pendant toute la durée de l'instance, quand bien même l'action sociale a pour objet la réparation d'un préjudice social né lorsqu'elle était actionnaire, ce qu'a, notamment, jugé la cour d'appel de Paris, le 4 février 1994 et le 6 avril 2001, en affirmant dans la dernière décision qu'en transmettant ses actions, l'associé a transféré au cessionnaire le droit d'exercer l'action sociale attachée au titre cédé.

Ils contestent l'analyse de Madame Z.-B. qui soutient que sa qualité à agir doit s'apprécier exclusivement à la date de l'introduction de son action, soit les 5 juin 2007 et 5 novembre 2009, date à laquelle il n'est pas contesté qu'elle était actionnaire de la société STM et s'appuie sur un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 6 décembre 2005 (0410287) .

Ils font valoir que cet arrêt a été rendu dans le cadre de la mise en oeuvre d'une expertise de gestion et non pas d'une action sociale ut singuli, laquelle est attachée au titre et non à la personne, et constitue un mécanisme par lequel un associé représente la société à laquelle il appartient compte tenu de la défaillance des organes sociaux, et qu'en l'occurrence aucune réclamation n'est formée par le cessionnaire des titres.

Aux termes de l'article L225-252 du code de commerce, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, des dommages-intérêts sont alloués.

L'action ut singuli, qui permet à un actionnaire de demander réparation du préjudice subi par la société en raison d'une faute commise par les administrateurs ou le directeur général, les condamnations pouvant être prononcées l'étant au profit, non de l'actionnaire, mais de la société, est une exception au principe selon lequel nul ne plaide par procureur.

Ouverte aux seuls actionnaires et associés, qui ont le pouvoir exceptionnel de représenter la société, l'action ut singuli est une action attitrée.

En raison du caractère exorbitant du droit, pour un associé, d'agir pour le compte d'une autre personne, la société, alors même qu'il n'a pas été investi par les organes compétents d'un pouvoir de représentation, ce texte doit être appliqué de façon stricte et implique que l'associé conserve sa qualité pendant toute l’instance.

La qualité d'associé est par principe liée à la détention de droits sociaux et disparaît avec leur perte.

En l'espèce, il est constant qu'à la suite de l'entrée, en juillet 2018, de la société EURASIA GROUP au sein de la société STM, le capital social de celle-ci a été porté à 421.680,75€ divisé en 27.663 actions de 15,25€ de nominal chacune, se répartissant entre EURASIA GROUP (20.107 actions représentant 72,69% du capital social), Mme Z. (6313 actions représentant 22,82% ), Monsieur Cesar B. ( 1238 actions représentant 4,47% ) Monsieur Stephane D.-B. (5 actions représentant 0,018%) .

Le 1er juillet 2019,

- la société EURASIA GROUP, Madame Z.-B. et ses enfants, César B. et Stéphane D.- B., seuls associés de la société STM, se sont réunis en assemblée générale extraordinaire au terme de laquelle il a été décidé de procéder à une réduction de 115.229 € par voie du rachat des 7. 556 actions détenues par Mme Z. et ses enfants et attribution à leur profit de biens immobiliers et versement de numéraires entraînant l'annulation de ces actions,

- un protocole transactionnel a été signé entre les parties qui ont convenu de procéder à une réduction de capital de la société, celui-ci étant ramené à 306.631,75€, Madame Z.-B. et ses enfants se voyant attribuer, en contrepartie, la propriété d'AUTROCHE et les terrains valorisés à 2.910.000€, deux immeubles industriels et l'immeuble d'habitation sis [...], valorisés ensemble à 5.516.000€, ainsi qu'une somme d'un montant de 500.000€, Madame Z. se désistant de l'action et de l'instance en annulation de la cession des actions de la société à EURASIA GROUPE.

Il résulte de ce qui précède qu'à compter du 1er juillet 2019, Madame Z. -B. a perdu sa qualité d'associée, puisque l'ensemble des actionnaires a décidé de la réduction du capital social et de l'annulation de ses actions, moyennant un dédommagement substantiel.

Dès lors à compter de cette date, et à la date à laquelle la cour statue, il y a lieu de constater que Madame Z.-B. n'a plus qualité pour représenter la société STM dans le cadre de l'action ut singuli engagée. Il est par ailleurs constant que la société EURASIA GROUP, seul actionnaire de la société STM, et donc seul titulaire du droit attaché aux titres, n'est pas intervenue à l'instance pour la reprendre, la circonstance qu'elle se soit engagée irrévocablement, en contrepartie du désistement et de l'accord de Mme Z. et de ses fils de se retirer de la société dans le cadre de la réduction du capital, à verser à Mme Z.-B. une indemnité correspondant à 27% des sommes auxquelles seraient condamnés les consorts B. au profit de la société dans le cadre des litiges pour fautes de gestion et après déduction de l'impôt sur les sociétés, n'étant pas de nature à régulariser la procédure.

En conséquence, l'action et les demandes formées postérieurement à l'annulation des titres de Madame Z.-B., qui n'a pas conservé sa qualité d'actionnaire, sont irrecevables.

Compte des liens familiaux liant les parties, il convient, en application de l'article 696 du code de procédure civile, de partager les dépens et de dire qu’ils seront supportés par moitié par Madame Z.-B. et par moitié par Madame Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Monsieur Christian B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B., et Monsieur Daniel B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Louis B., ensemble.

L'équité commande de rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que l'action et les demandes formées par Madame Z.-B. , au visa de l'article L225-252 du code de commerce et celles formées à titre personnel, qui en sont les corrollaires, sont devenues irrecevables, compte tenu de la perte de sa qualité d'associé de la SOCIETE DES TUBES DE MONTREUIL,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame Z.-B. à la moitié des dépens et condamne par Madame Jeannine B., en qualité d'héritière de Monsieur Louis B., Monsieur Christian B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Dominique B. et de Linda B., et Monsieur Daniel B., à titre personnel, et en qualité d'héritier de Louis B., ensemble à la moitié des dépens.