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Décisions

Cass. 1re civ., 15 novembre 1989, n° 88-13.441

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jouhaud

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Goutet

Paris, du 20 janv. 1988

20 janvier 1988

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société "Les vêtements Z..." a commandé à M. A..., architecte, les plans d'un mobilier de présentation de vêtements et d'une façade type destinés aux magasins exploitant en franchise l'enseigne "M. de Y...", et qu'elle lui a règlé une note d'honoraires concernant "l'étude et la conception" de ces installations ; que pour réaliser celles-ci elle a ensuite, à plusieurs reprises, fait appel à M. A... ; que contestant ses factures, puis ses droits de propriété artistique sur ses plans, elle a décidé de les faire désormais exécuter sans le concours de M. A... et l'a assigné en règlement de leurs comptes, tandis que lui-même l'assignait en contrefaçon ; que la société Z... a ensuite réclamé des dommages-intérêts à M. A... pour avoir manqué à l'obligation de lui"communiquer avant tout engagement les modalités de sa rémunération", obligation mise à sa charge par l'article 46 dernier alinéa du décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes ; que la cour d'appel a déclaré la société Z... coupable de contrefaçon et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ; Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Z... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que M. B... ne lui avait pas cédé son droit de reproduction sur les oeuvres litigieuses, alors, selon le moyen, d'une part, que le choix, par l'architecte qui a réalisé un projet type d'une rémunération sous forme d'honoraires et non de droits d'auteur, implique une cession de son droit de reproduction, et, d'autre part, que ses plans étant destinés à une reproduction à l'identique il ne peut

alléguer qu'il n'a pas cedé le droit d'y procéder ; alors encore que cette cession n'est pas contredite par le fait qu'il a dirigé lui-même et moyennant honoraires la réalisation de certaines installations ; alors enfin que la cour d'appel a violé l'article 1347 du Code civil en ne reconnaissant pas le caractère de commencement de preuve par écrit aux termes de la lettre de M. A... selon lesquels il avait perçu des honoraires "pour l'étude et la conception" du mobilier et de la façade type ; Mais attendu que même si un plan ou projet type d'architecture a été élaboré en vue d'une exécution répétée, une telle reproduction suppose néanmoins la conclusion d'une convention de cession des droits d'auteur conforme aux conditions édictées par les articles 31 et 35 de la loi du 11 mars 1957, convention dont la preuve incombe au cessionnaire prétendu ; qu'ayant souverainement retenu que les premiers honoraires versés à M. A... couvraient uniquement l'étude et la conception des plans, et que la société Z... ne démontrait pas avoir en vue de leur exécution, obtenu de leur auteur une cession expresse de son droit de reproduction, la cour d'appel en a justement déduit que toute réalisation du projet de M. A... confié à des tiers sans l'autorisation de celui-ci constituait une contrefaçon ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; le rejette ; Mais sur le second moyen ; Vu l'article 1315 alinéa 2 du Code civil ; Attendu que, s'agissant en l'espèce de l'exploitation d'un modèle type, l'article 46 du décret du 20 mars 1980 mettait à la charge de M. A... l'obligation de prévenir la société Z... qu'elle lui serait redevable de droits d'auteur ; qu'en retenant que la société Z... ne démontrait pas que M. A... "ne lui aurait pas communiqué ces renseignements" la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société "les Vêtements Z..." de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 janvier 1988, entre les parties, par la cour d'appel de

Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne M. A..., envers la société anonyme les Vêtements M. Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze novembre mil neuf cent quatre vingt neuf.