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Décisions

Cass. com., 9 juin 2022, n° 19-24.026

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat :

SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 12 sept. 2019

12 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2019), la société Conseil et stratégie a été mise en liquidation judiciaire le 15 février 2012, la société BTSG étant désignée liquidateur. Le liquidateur a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [V], en tant que dirigeant de fait, et de Mme [H], en qualité de dirigeant de droit, et demandé que soient prononcées contre eux des sanctions personnelles.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens soutenus par Mme [H], ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen soutenu par M. [V], pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [V] fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif de la société Conseil et stratégie et de le condamner à payer à ce titre une somme de 827 742 euros, alors « que pour considérer que M. [V] était dirigeant de fait, la cour d'appel a relevé qu'il avait effectué des actes positifs de gestion de la société en signant en son nom une convention de trésorerie avec la société mère et en signant le contrat de location gérance, ces actes étant, selon la cour, à ajouter au fait qu'il disposait d'une maison dont le loyer était payé par la société, avantage en général réservé aux dirigeants sociaux, et au fait qu'il n'avait pas réclamé d'indemnités de licenciement et que la société lui avait octroyé des avances sur salaire ; qu'en statuant ainsi, sans relever de réels actes caractérisant une immixtion dans la gestion de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

4. En application de ce texte, peut être condamné au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, celui qui, accomplissant en toute indépendance une activité positive de gestion et direction de la société débitrice, en est le dirigeant de fait.

5. Pour retenir la responsabilité de M. [V] en qualité de gérant de fait de la société Conseil et stratégie, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que celui-ci a signé le 1er janvier 2005, au nom de cette société et avec les pleins pouvoirs du gérant d'alors, une convention de trésorerie avec la société mère, et qu'il a également signé un contrat de location gérance au nom de la société. Il relève encore que lui étaient accordés des avantages en nature réservés ordinairement aux dirigeants, à savoir la mise à disposition à titre gratuit d'un logement de fonction représentant 45 % de sa rémunération, ainsi que des avances sur salaires importantes, très au-delà de ce qui est admis par la loi, et qu'il n'avait pas contesté l'absence de prise en charge par l'AGS du paiement de ses indemnités de licenciement. Soulignant qu'il avait représenté la société aux audiences de contestations de créances, à l'audience de conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et qu'il était présent aux rendez-vous fixés par l'administrateur judiciaire au cours de la période d'observation, il retient que cette participation active corroborait le fait qu'il dirigeait bien de fait la société Conseil et stratégie.

6. En se déterminant ainsi, sans relever que M. [V] avait agi en toute indépendance et accompli de faits précis de nature à caractériser une immixtion de celui-ci dans la gestion et la direction de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 décembre 2017, il retient la responsabilité de M. [V] pour insuffisance d'actif de la société Conseil et stratégie et le condamne à payer 827 742 euros à la société BTSG, en qualité de liquidateur de la société Conseil et stratégie, et en ce qu'il le condamne solidairement avec Mme [H] à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.