Cass. crim., 7 septembre 2022, n° 21-81.262
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de la Lance
Rapporteur :
M. Wyon
Avocat général :
M. Bougy
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Les agents de la [3] ([3]) ont procédé à des contrôles dans les locaux de la société [4], à [Localité 1] (93) et [Localité 6] (93), dans lesquels ils ont découvert des articles textiles paraissant constituer des contrefaçons. Les agents des douanes de la [2] ([2]) de [Localité 5] ont par ailleurs contrôlé, à [Localité 7] (77), un ensemble routier dont le chargement, destiné à la société [4], comprenait également des articles paraissant contrefaits.
3. Les marchandises en question, pour lesquelles la société [4] n'a pas pu produire de justificatif de détention régulière, ont été placées en retenue douanière sur le fondement de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle.
4. Dans le délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de ces trois mesures de retenue douanière au détenteur des marchandises, prévu par l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, les services des douanes ont procédé à la saisie des marchandises litigieuses sur le fondement de l'article 323 du code des douanes, après avoir notifié à la société [4] le délit douanier de détention irrégulière de marchandises de contrefaçon, réputé importation en contrebande de marchandises soumises à justificatifs d'origine.
5. La société [4] et ses deux dirigeants, MM. [J] [P] et [F] [B], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Bobigny des chefs d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, et d'importation, détention et offre à la vente ou vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.
6. Par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de la société [4], en raison de la liquidation de cette dernière, a relaxé MM. [P] et [B], et a débouté la [3] ainsi que deux parties civiles de leurs demandes.
7. La [3] a fait appel des dispositions douanières du jugement à l'encontre de MM. [P] et [B], et le ministère public a fait appel des dispositions pénales à l'encontre de ceux-ci.
Examen de la recevabilité du pourvoi
8. L'administration des douanes a exercé l'action douanière par l'intervention de son représentant devant le tribunal correctionnel. Elle a fait appel des dispositions douanières du jugement, et a été spécialement autorisée par le procureur général à exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales devant la cour d'appel de Paris dans la présente affaire, conformément aux dispositions de l'article 343, 3, du code des douanes. Son appel a été déclaré recevable par la cour d'appel, qui a prononcé sur ses demandes.
9. Son pourvoi est par conséquent recevable.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit aux exceptions de nullité soulevées par MM. [P] et [B] tirées du défaut de respect des formalités prescrites par l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle en cas de retenue douanière, a prononcé la nullité des procès-verbaux de la [3] n° 425, 427, 428, 431, 432 et 453 et des actes subséquents, a relaxé MM. [P] et [B] des faits qui leur étaient reprochés et a débouté la [3] de ses demandes, alors « qu'en considérant que l'administration des douanes n'aurait pu procéder à la saisie des articles textiles litigieux contrefaisant des marques déposées, aux motifs que la retenue douanière préalable de ces marchandises aurait été irrégulière faute de demande préalable d'intervention des titulaires des marques en cause, d'information sans délai du procureur de la République de la retenue douanière effectuée et de saisine, par les titulaires des marques litigieuses, d'une juridiction civile ou pénale dans les dix jours de la notification de la retenue, ce dont il résulterait que cette mesure de retenue douanière, manifestement illégale, aurait dû être levée de plein droit, que la saisie subséquente des marchandises ainsi retenues n'aurait pu être réalisée et que les deux prévenus n'auraient pu être poursuivis du chef du délit douanier d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, quand la saisie des articles textiles litigieux pouvait être réalisée, comme en l'espèce, sur le seul fondement de la constatation par les agents douaniers d'une infraction douanière d'importation sans déclaration de marchandises contrefaisantes, peu important que les articles en cause aient été préalablement retenus, de sorte que l'irrégularité prétendue de la retenue douanière préalable des marchandises n'était d'aucune incidence sur la régularité de la saisie opérée et des poursuites douanières engagées à l'encontre des deux prévenus, la cour d'appel a violé les articles 323 du code des douanes et L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
11. Pour prononcer la nullité des mesures de saisies douanières ainsi que des actes subséquents, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que les poursuites prenaient source dans les procès-verbaux dressés sur le fondement de retenues opérées par application de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, et que les conditions posées par ce texte, à savoir l'existence d'une demande préalable d'intervention écrite du propriétaire d'une marque, l'information sans délai du procureur de la République de la retenue effectuée, et la saisine soit d'une juridiction civile en vue d'une mesure conservatoire, soit d'une juridiction pénale, dans les dix jours de la notification de la retenue, n'ont pas été respectées.
12. Les juges ajoutent que la règle selon laquelle une poursuite fondée à l'origine sur des actes manifestement illégaux ne peut valablement prospérer, est applicable en droit douanier de la contrefaçon.
13. La cour d'appel conclut que ces nullités entraînent la nullité de tous les actes subséquents, et donc des procès-verbaux relatifs aux prélèvements d'échantillons et saisies des marchandises retenues.
14. En l'état de ces énonciations, d'où il résulte que, d'une part, les prescriptions de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement duquel les retenues douanières ont été pratiquées, relatives à la demande d'intervention préalable du propriétaire de la marque et au délai d'information du ministère public, n'ont pas été respectées, d'autre part, les saisies des marchandises, dès lors qu'elles ont été effectuées pendant la durée des retenues irrégulières, trouvaient leur support nécessaire dans celles-ci, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.