Cass. 1re civ., 29 juin 1982, n° 81-12.803
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Raoul Béteille
Avocat général :
M. Sadon
Avocat :
SCP Lyon-Caen Fabiani Liard
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU, SELON LES JUGES DU FOND, QUE, PAR CONTRAT DU 22 AOUT 1978, LES SOCIETES CHLOE PRODUCTION ET ETOILE FOCH, COPRODUCTRICES D'UN FILM DE CINEMA, ONT CONCEDE CERTAINS DROITS SUR CE FILM A LA SOCIETE DISTRIBUTRICE GAUMONT ;
QU'IL ETAIT EN OUTRE PREVU QUE, PENDANT UN DELAI DE DEUX ANS A DATER DE LA SORTIE DU FILM EN EXCLUSIVITE A PARIS, LES DEUX SOCIETES COPRODUCTRICES S'INTERDIRAIENT L'EXPLOITATION DU FILM PAR DES EMETTEURS DE RADIODIFFUSION OU DE TELEVISION ;
QU'UN AN PLUS TARD, LES DEUX SOCIETES COPRODUCTRICES ONT CONCEDE A LA SOCIETE REGIE CASSETTES VIDEO LE DROIT DE REPRODUIRE LE FILM EN VIDEO-CASSETTES ET D'ASSURER OU FAIRE ASSURER UNE EXPLOITATION COMMERCIALE DE CES VIDEOGRAMMES ;
QUE LA SOCIETE GAUMONT A ALORS ASSIGNE LES SOCIETES CHLOE PRODUCTION ET ETOILE FOCH, ET DEMANDE NOTAMMENT LEUR CONDAMNATION A LUI PAYER DES DOMMAGES-INTERETS, EN SOUTENANT QU'ELLES AVAIENT MECONNU LEURS ENGAGEMENTS A SON EGARD ;
QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE QUE LES DEUX SOCIETES COPRODUCTRICES AVAIENT SEULEMENT CONCEDE A LA SOCIETE GAUMONT L'EXPLOITATION DU FILM PAR PELLICULE CINEMATOGRAPHIQUE, ET NON PAR REPRODUCTION SUR VIDEO-CASSETTES MAGNETIQUES, MAIS QUE LE CONTRAT DU 22 AOUT 1978 GARANTISSAIT A LA SOCIETE GAUMONT UNE EXCLUSIVITE TOTALE D'EXPLOITATION PENDANT DEUX ANS ET QUE, LES DEUX SOCIETES COPRODUCTRICES AYANT PORTE ATTEINTE A CETTE EXCLUSIVITE EN CONCEDANT A UN TIERS LE DROIT D'EXPLOITER LE MEME FILM PAR VIDEO-CASSETTES, ELLES DEVRAIENT PAYER 2 000 FRANCS DE DOMMAGES-INTERETS A LADITE SOCIETE GAUMONT ;
ATTENDU QUE LA SOCIETE GAUMONT FAIT GRIEF AUX JUGES DU SECOND DEGRE D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS SE CONTREDIRE ET DENATURER LES ARTICLES PREMIER ET 9 DU CONTRAT DE CONCESSION, ENONCER D'UN COTE QUE L'ARTICLE 9 DU CONTRAT QUI, DANS SA GENERALITE, POUVAIT INCLURE LA CESSION DE L'EXPLOITATION PAR VIDEOGRAMMES, NE L'IMPLIQUAIT PAS NEAMMOINS, PUISQU'IL N'AVAIT PAS PREVU LA CESSION DU DROIT DE REPRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE ET, DE L'AUTRE COTE, ENONCER PAR AILLEURS QUE L'ARTICLE PREMIER DU MEME CONTRAT AVAIT PRECISEMENT EU POUR OBJET LA CESSION DU DROIT DE REPRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE, MAIS NON LA CESSION DU PROCEDE DE REPRODUCTION PAR VIDEO-CASSETTES, ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, NON SEULEMENT LA COUR NE POUVAIT INTERPRETER RESTRICTIVEMENT LA VOLONTE DES PARTIES, QUANT A L'ETENDUE DE LA CESSION DU DROIT D'EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE, EN ESTIMANT QUE LA CESSION D'UN PROCEDE DE REPRODUCTION MAGNETIQUE, PUISQU'IL S'AGISSAIT D'UN CONTRAT D'EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE, MAIS ENCORE, ET PAR VOIE DE CONSEQUENCE, ELLE NE POUVAIT EXCLURE DE CETTE EXPLOITATION LA CESSION DU PROCEDE DE REPRODUCTION MAGNETIQUE, DES LORS QU'AU REGARD DE CETTE EXPLOITATION, QUALIFIEE DE GENERALE ET VISANT LA REPRESENTATION PUBLIQUE OU PRIVEE, DANS LE SECTEUR COMMERCIAL ET NON COMMERCIAL, LA DIFFERENCE DE SUPPORT TECHNIQUE IMPORTAIT PEU, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL ;
MAIS ATTENDU QUE LE DROIT D'EXPLOITATION D'UN FILM COMPREND LE DROIT DE REPRESENTATION ET LE DROIT DE REPRODUCTION ;
QUE LA REPRODUCTION PEUT ETRE UNE REPRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE OU UNE REPRODUCTION SUR BANDES MAGNETIQUES ;
QUE LES PREMIERS JUGES AVAIENT DONNE SATISFACTION A LA SOCIETE GAUMONT EN SE REFERANT A L'ARTICLE 9 DU CONTRAT INTERVENU ENTRE CETTE SOCIETE ET LES DEUX SOCIETES PRODUCTRICES ;
QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE RELEVE QUE L'ARTICLE 9 CONCERNE UNIQUEMENT LA CESSION OU LA CONCESSION EVENTUELLE DE DROITS A UN TIERS PAR GAUMONT, ET QU'AU SURPLUS, IL VISE LE SEUL DROIT DE REPRESENTATION CINEMATOGRAPHIQUE, DE SORTE QUE DE TOUTE MANIERE, ET BIEN QU'IL AIT UN CARACTERE GENERAL EN CE SENS QU'IL PREVOIT, NOTAMMENT, LA CESSION DU DROIT DE REPRESENTATION CINEMATOGRAPHIQUE EN TOUS FORMATS DE PELLICULE, L'ARTICLE DONT IL S'AGIT EST TOTALEMENT MUET QUANT AU DROIT DE REPRODUCTION ET DONC, EN PARTICULIER, QUANT A LA POSSIBILITE DE REPRODUIRE L'OEUVRE SUR BANDES MAGNETIQUES A PARTIR DE LA PELLICULE CINEMATOGRAPHIQUE ;
QU'EXAMINANT ALORS L'ARTICLE PREMIER QUI, LUI, CONCERNE LES DROITS EFFECTIVEMENT CEDES A GAUMONT ELLE-MEME PAR LES DEUX SOCIETES COPRODUCTRICES DU FILM, LES JUGES D'APPEL CONSTATENT QU'IL VISE SANS DOUTE L'EXPLOITATION, C'EST-A-DIRE A LA FOIS REPRESENTATION ET LA REPRODUCTION, MAIS SEULEMENT L'EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE DU FILM EN FORMATS 35 MILLIMETRES ET 16 MILLIMETRES ;
QUE, CES FORMATS NE CORRESPONDANT PAS A LA REPRODUCTION SUR BANDES MAGNETIQUES, PROCEDE CEPENDANT CONNU A LA DATE DU CONTRAT BIEN QUE NON ENCORE COMMERCIALISE EN FRANCE, LA COUR D'APPEL EN A DEDUIT QUE LES PARTIES N'AVAIENT PAS ENTENDU INCLURE CE PROCEDE DANS LE CHAMP CONTRACTUEL ;
QU'AINSI, SANS SE CONTREDIRE, L'ARRET ATTAQUE A EU RECOURS A UNE INTERPRETATION DONT LA NECESSITE, EN RAISON DU SILENCE DES PARTIES SUR LE POINT CONSIDERE, EST EXCLUSIVE DE DENATURATION ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT QU'ETRE REJETE ;
SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QUE LA SOCIETE GAUMONT SOUTIENT ENCORE QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS CONTRADICTION, D'UN COTE, REFUSER A GAUMONT LE DROIT D'EXPLOITER LE FILM PAR LE PROCEDE DES VIDEO-CASSETTES ET, DE L'AUTRE COTE, LUI RECONNAITRE UNE EXCLUSIVITE TOTALE D'EXPLOITATION A LAQUELLE IL AURAIT ETE PORTE ATTEINTE DU SEUL FAIT QUE LES SOCIETES PRODUCTRICES ONT ENSUITE CEDE A UN TIERS LE DROIT D'EXPLOITER LE FILM PAR LE PROCEDE DES VIDEO-CASSETTES ;
MAIS ATTENDU QUE C'EST SANS CONTRADICTION QUE LA COUR D'APPEL A ESTIME, A LA FOIS, QUE LES SOCIETES COPRODUCTRICES NE S'ETAIENT PAS DESSAISIES AU PROFIT DE LA SOCIETE GAUMONT DU DROIT D'EXPLOITER LEUR FILM PAR VIDEO-CASSETTES ET QUE, DANS L'INTERET DE LA MEME SOCIETE, ELLES S'ETAIENT INTERDIT, POUR UNE DUREE DE DEUX ANS, D7USER ELLES-MEMES DE CE DROIT OU DE LE CEDER A DES TIERS ;
QUE LE MOYEN N'EST PAS MIEUX FONDE QUE LE PRECEDENT ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 20 FEVRIER 1981 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.