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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 6, 24 novembre 2021, n° 18/12962

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Valeo (SA)

Défendeur :

Garrett Motion France B (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Berard

Conseillers :

Mme Bossard, M. Therme

Avocats :

Me Bonnard, Me Labrunie, Me Teytaud

Cons. Prud’h. de Caen, du le 19 juin 201…

19 juin 2012

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société anonyme française Ferodo, devenue Valéo en 1980, exploitait sur le site de Condé sur Noireau, une activité de fabrication de produits textiles à base de fils d'amiante.

Par un traité d'apport du 12 octobre 1990, la société Valéo, après avoir constitué une filiale, la société Industrielle Gamma, a apporté à cette société Gamma toute son activité de freinage à effet rétroactif au 30 juin 1990, l'apport étant consenti et accepté moyennant l'attribution à Valéo d'actions.

Dans le cadre d'un 'purchase agreement' en date du 12 octobre 1990, la société Valéo a cédé ses parts de la société Gamma à la société Y C, laquelle, à la suite de la fusion des groupes Honeywell et Y C en 1999, est devenue la société Honeywell matériaux de friction (HMF).

La société est désormais dénommée Garrett Motion France B.

Exposant avoir été quotidiennement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, exposition qui serait à l'origine d'une diminution de son espérance de vie et d'un préjudice d'anxiété, M. A X a, saisi le conseil des prud'hommes de Caen d'une demande de condamnation solidaire des sociétés Valéo et HMF à lui payer des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice subi au titre du bouleversement des conditions d'existence et d'un préjudice d'anxiété.

Par jugement de départage du 19 juin 2012, le conseil de prud'hommes a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Valéo,

- condamné la société Valéo à payer à M. A 8000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété,

- rejeté les demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société Honeywell Matériaux de Friction,

- débouté la société Valéo de son appel en garantie,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné la société Valéo aux dépens ainsi qu'au paiement à M. A d'une indemnité de 400€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Valéo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Valéo ainsi que M. A ont interjeté appel du jugement du conseil des prud'hommes.

La cour d'appel de Caen, par arrêt du 2 juin 2017, a :

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et évalué à 8.000€ le préjudice d'anxiété subi,

- l'a infirmé pour le surplus et a :

- condamné in solidum la société Valéo et la société HMF à payer à M. A les sommes de 8.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HMF à garantir la société Valéo de toutes les sommes mises à sa charge par le présent arrêt,

- condamné in solidum la société Valéo et la société HMF aux dépens de l'instance d'appel.

La société Honeywell Matériaux de Friction a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 4 juillet 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 2 juin 2017, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Honeywell matériaux de friction à garantir la société Valeo de toutes les sommes mises à sa charge par la décision attaquée, a remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris.

La société Valéo a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration de saisine du 13 novembre 2018.

Initialement fixée à l'audience collégiale du 9 juin 2020, l'affaire a été renvoyée en raison de l'état d'urgence sanitaire et du refus de procédure sans audience proposée par la cour en application de l'ordonnance du 8 mars 2020.

Les parties n'ayant pas donné de suite favorable à un renvoi à une audience rapporteur du 29 juin 2020, l'affaire a été renvoyée à la première date utile en audience collégiale, soit le 12 octobre 2021.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 septembre 2021 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société Valéo demande à la cour de :

- Constater que la condamnation in solidum de Valéo et HMF à indemniser les salariés à hauteur de 8.000€ est définitive,

- Condamner la société HMF à garantir la société Valéo des condamnations mises à sa charge,

- Rejeter les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner HMF aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 février 2020 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société Garrett Motion France B venue aux droits de la société Honeywell Matériaux de Friction (HMF), demande à la cour de :

A titre principal

- Constater que la société Valéo est la seule responsable à l'égard des anciens salariés en application du Purchase Agreement,

- Constater que la société Valéo n'a pas respecté les modalités contractuelles devant entourer un appel en garantie si bien que son action est irrecevable,

- En conséquence débouter la société Valéo des fins de son appel en garantie et confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 19 juin 2012 en ce qu'il a exonéré la société HMF désormais Garett Motion B, et mis à la charge de la société Valéo l'ensemble des condamnations prononcées,

A titre subsidiaire

- Constater que la société Valéo est seule tenue du manquement à son obligation de sécurité à l'égard des salariés,

En conséquence,

- Condamner la société Valéo à supporter l'intégralité de la créance au titre du préjudice d'anxiété

En tout état de cause,

- Condamner la société Valéo aux dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile et rejeter toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. A n'a pas conclu.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera observé que les traductions libres en langue française de pièces produites par ailleurs en langue anglaise n'ont fait l'objet d'aucune critique, observation ou réserve par les parties dans leurs écritures.

Sur l'autorité de la chose jugée

La Cour de cassation a rejeté le moyen de la société Honeywell Matériaux de Friction relatif à l'exception d'incompétence en relevant que celle-ci, qui s'était abstenue de la soulever devant le conseil de prud'hommes, était irrecevable à le faire en cause d'appel.

Elle a en revanche, au visa de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, considéré que la cour d'appel en se fondant sur les termes du traité d'apport placé sous le régime juridique des scissions pour faire droit à la demande de la société Valéo de garantie de la société HMF, avait privé sa décision de base légale pour ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, si les dispositions des articles 4.1.13 et 9.1 du 'Purchase

Agreement', selon lesquelles la société Valeo garantissait à l'acheteur que les opérations de l'activité française de freinage étaient conformes à la législation sur l'environnement, la sécurité et la santé au travail et qu'aucune faute inexcusable en matière de sécurité au travail n'avait été commise, ne s'opposaient pas à la condamnation de la société Honeywell à relever la société Valeo des condamnations indemnitaires prononcées contre elle.

Il n'y a donc pas lieu, comme le demande la société Garrett Motion France B, de 'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a exonéré la société Honeywell Matériaux de friction désormais Garrett Motion France B et mis à la charge de la société Valéo l'ensemble des condamnations prononcées', dès lors que la société Honeywell Matériaux de friction a été condamnée in solidum avec la société Valéo pour son propre manquement à son obligation de sécurité par la cour d'appel de Caen et que la cassation ne s'étend pas à cette condamnation désormais définitive.

Il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, revêtu à cet égard de l'autorité de la chose jugée, que la société Valéo et la société Honeywell Matériaux de Friction ont été condamnées in solidum à réparer le préjudice d'anxiété de M. A, en raison du manquement à l'obligation de sécurité résultant du contrat de travail commis tant par l'une que par l'autre.

L'arrêt de la Cour d'appel de Caen justifie la condamnation in solidum des deux sociétés par l'anxiété du salarié 'liée indivisément aux conditions de travail subies dans l'entreprise qu'elle ait appartenue à la société Valéo ou la société HMF'.

S'il est ainsi jugé que le préjudice de M. A trouve sa cause dans l'activité apportée, c'est cependant inexactement que la société Valéo soutient que la cour d'appel de Caen aurait appliqué à l'espèce le régime particulier de réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété lié au classement ACAATA par arrêté ministériel du 29 mars 1999, dès lors qu'un tel préjudice n'était pas né lorsque la société Valéo exploitait le site et que la Cour a établi un lien de causalité direct entre le manquement imputé à la société Valéo et le préjudice de M. B

Sur la garantie due par la société Garrett Motion France B à la société Valéo sur l'existence d'une transmission universelle de patrimoine

Aux termes de l'article L.236-6-1 du code de commerce applicable à l'espèce, la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions des articles L.236-1 à L.236-6.

Aux termes de l'article L236-3 du code de commerce, la fusion ou la cession emporte transmission universelle du patrimoine de la ou des sociétés dissoutes aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

Il est constant que l'apport partiel d'actif emporte, lorsqu'il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle, de la société apporteuse à la société bénéficiaire, de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport. L'ensemble des éléments, actifs et passifs se rattachant à la branche d'activité dont les parties souhaitent la transmission, migrent du patrimoine de la société apporteuse vers celui de la société bénéficiaire cela, sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d'apport.

En l'espèce, le traité d'apport signé par la société Valéo et la société Gamma le 12 octobre 1990 précise en son article 1er que Valéo apporte à Gamma à effet rétroactif du 30 juin 1990 la totalité de l'actif constituant l'activité freinage sans aucune exception.

En son article 10, le traité précise que l'apport partiel d'actif est placé sous le régime juridique des scissions et qu'en conséquence l'apport emportera transmission universelle du patrimoine de l'activité freinage au profit de Gamma.

En son article 7, le traité d'apport du 12 octobre 1990, se référant aux dispositions de l'article 122-12 du code du travail prévoit le transfert des contrats de travail des salariés attachés à l'activité freinage, cette disposition précisant que Gamma supportera l'intégralité des sommes dues aux salariés à quelque titre que ce soit même si celles-ci se rapportent à la période antérieure au 30 juin 1990 à l'exception des sommes dues pour 1990 au titre de l'accord d'intéressement des salariés.

Sur l'existence d'un ensemble contractuel

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 'les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Aux termes de l'article 1161 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 'toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier'.

Il en résulte qu'il convient d'interpréter les contrats les uns par rapport aux autres lorsque ceux-ci forment un ensemble contractuel.

En préambule du purchase agreement signé le 12 octobre 1990 par la société Y C et la société Valéo il est mentionné ' L'acheteur souhaite acheter les actions d'une société française qui détiendra l'activité française de freinage mais ne détiendra aucune des autres activités de Valéo [...] Par conséquent, la transaction a été structurée en France sous forme d'achat d'actions.

En son article 1.1, le purchase agreement précise qu'avant de signer le présent traité d'achat le vendeur a pris toutes les mesures nécessaires pour constituer et créer une filiale à 100% du vendeur, la société industrielle Gamma et indique en son article 1.2 que rapidement après la signature du traité d'achat, le vendeur devra prendre toutes les mesures pour procéder légalement à un apport de l'actif de l'activité française de freinage dans la société française à effet du 30 juin 1990 sous forme d'un apport partiel d'actif et qu'en contrepartie la société française émettra au profit de Valéo des actions. Il renvoie pour ce faire à un modèle de traité joint à l'annexe B.

Cet article décline ensuite ce que comprendra l'actif français.

L'article 1.3 du purchase agreement précise que le vendeur veillera aussi à ce que la société française reprenne l'intégralité du passif lié à l'activité française de freinage, tel qu'évalué à la date d'effet dans le traité d'apport partiel d'actif, et uniquement ce passif.

L'article 10.1.1 du purchase agreement précise que l'acheteur gardera les employés de l'activité française de freinage en tant qu'employés avec tous les droits qui leur appartiennent et les indemnités cumulées auxquelles ils ont droit conformément à toutes les lois, réglementations et règles applicables et conformément à tous les accords figurant aux annexes 3 ou 4 ou applicables à l'ensemble du secteur automobile ou par la loi.

Il apparaît ainsi que le purchase agreement organise, outre la répartition des titres, la cession de l'ensemble des droits, obligations, garanties ainsi que des équipements, des locaux, des machines, des matériaux et tous les autres actifs, y compris le fonds de commerce, à l'exception des biens et droits expressément précisés de Valeo à Y C, ainsi que le transfert des contrats de travail des salariés.

Le traité d'apport de la société Valéo à la société Gamma a été signé le même jour que le purchase agreement.

Conformément aux dispositions du purchase agreement il précise en son article 1er que Valéo apporte à Gamma à effet rétroactif du 30 juin 1990 la totalité de l'actif constituant l'activité freinage sans aucune exception.

Il détaille ensuite l'actif apporté et le passif repris.

Conformément aux dispositions du purchase agreement, il précise en son article 10 que l'apport partiel d'actif est placé sous le régime juridique des scissions et qu'en conséquence l'apport emportera transmission universelle du patrimoine de l'activité freinage au profit de Gamma.

Le traité d'apport caractérise ainsi un contrat d'application du purchase agreement.

C'est vainement dans ce contexte que la société Valéo fait valoir que les signataires du purchase agreement et du traité d'apport ne sont pas les mêmes pour soutenir que les contrats ne peuvent s'interpréter l'un par rapport à l'autre, puisque précisément, l'une des modalités de l'opération d'achat de l'activité de freinage décrite par le purchase agreement était d'isoler l'activité freinage de la société Valéo par son transfert à la filiale Gamma, au demeurant nommément citée dans l'article 1.

S'inscrivant dans un même ensemble contractuel participant de la réalisation d'une même opération économique, les dispositions du traité d'apport doivent en conséquence être interprétées à la lumière de celles du purchase agreement.

Sur l'irrecevabilité de la demande d'appel en garantie de Valéo résultant du purchase agreement

La société Garrett Motion France B fait valoir pour la première fois l'irrecevabilité de la demande de garantie de la société Valéo.

Elle fait valoir que seul le purchase agreement contient, en son article 9.2, des dispositions relatives à un appel en garantie, lesquelles ne prévoient pas le cas d'espèce, dès lors que l'article prévoit trois cas d'appels en garantie possibles, de façon limitative :

"(i) à la suite de ou découlant de toute erreur, tout manquement ou toute inexécution de toute déclaration, garantie, convention ou tout accord de l'Acheteur ['] contenu dans ce [Purchase Agreement] ou de toute erreur dans ceux-ci" ;

"(ii) dans la mesure où ils résultent de l'exploitation ou de la possession des Actifs Français ou Espagnols, ou de la possession de la Société Française, après la Date de Clôture" ;

"(iii) dans la mesure où ils résultent de l'exploitation par l'Acheteur ['] à Saint Ouen en France ou à Alcala de Henares en Espagne respectivement, après la Date de Clôture".

C'est cependant à tort qu'elle en déduit que la société Valéo n'a pas d'appel en garantie possible au titre d'une condamnation attachée au transfert de l'activité freinage, dès lors que l'activité a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine et qu'en son article 7, le traité d'apport précise que Gamma supportera l'intégralité des sommes dues aux salariés à quelque titre que ce soit même si celles-ci se rapportent à la période antérieure au 30 juin 1990 à l'exception des sommes dues pour 1990 au titre de l'accord d'intéressement des salariés.

En outre, dès lors que la procédure prévue à l'article 9.4 du purchase agreement concerne l'appel en garantie défini à l'article 9, la société Valéo n'était nullement tenue de la respecter à peine d'irrecevabilité pour solliciter la garantie de la société ayant acquis l'activité de freinage au titre d'une condamnation à payer des dommages et intérêts aux salariés transférés.

La société Valéo est donc recevable en son appel en garantie.

Sur l'existence d'obstacles à l'appel en garantie résultant du purchase agreement sur l'existence de dérogations expresses à la transmission universelle du passif

S'agissant du passif repris, si l'article 1-3 du purchase agreement précise 'Parallèlement à l'apport de l'Actif Français dans la Société Française, le Vendeur veillera à ce que la Société Française reprenne l'intégralité du passif lié à l'Actif Français dans la mesure où il se rapporte à l'activité Française de Freinage (le "Passif Français"), tel qu'évalué à la Date d'Effet dans le Traité d'APA, et uniquement ce passif [']', cette disposition n'est pas de nature à limiter les effets de la transmission universelle au seul passif chiffré, dès lors que le traité d'apport, en son article 2, relatif à la désignation et l'évaluation du passif pris en charge par Gamma, stipule expressément que la société Gamma prend en charge l'ensemble des dettes, charges et provisions afférentes à l'activité freinage telles qu'évaluées dans cet article, mais ajoute que Gamma assume la charge et s'oblige au paiement de la totalité des obligations et du passif liés à l'activité Freinage nés au 30 juin 1990 ou à naître après cette date, sans aucune exception ni réserve , y compris sans que la liste des éléments du passif énumérés dans l'article et évalués à la somme de 151.957.083FF ait un caractère limitatif.

Ce même article précise que Valéo ne sera pas tenue solidairement du passif pris en charge par Gamma.

La société Garrett Motion France B ne peut, au regard des dispositions parfaitement claires du traité d'achat, exciper d'une évaluation inexacte de ce passif pour le laisser supporter par la société Valéo, ni d'une dérogation expresse à la transmission du passif se rattachant à la branche d'activité, étant en outre observé que les dispositions de l'article 10.1.1 du purchase agreement relatives aux employés indiquent expressément que l'acheteur gardera les employés de l'activité française de freinage avec tous les droits qui leur appartiennent et les indemnités cumulées auxquelles ils ont droit.

Sur l'incidence des garanties accordées à l'acheteur par le purchase agreement

Il résulte du purchase agreement à la lumière duquel doit être interprété le traité d'apport, que les parties ont prévu des actions en garantie relatives à la transmission du passif se rattachant à la branche d'activité.

Ainsi, l'article 9-1 du purchase agreement stipule que 'Sous réserve de la Section 9.3, le Vendeur [Valeo] et la Société Espagnole seront tenus d'indemniser, garantir et relever l'Acheteur [HMF] et Y D indemnes de toutes demandes, prétentions, préjudices, dommages, frais (en ce compris l'augmentation des coûts des opérations) et dépenses, y compris, sans que cela soit exhaustif les intérêts, coûts, pénalités et honoraires d'avocats raisonnables (collectivement les "Dommages"), encourus ou subis par l'Acheteur [HMF] ou Y D, (i) à la suite de ou découlant de toute erreur, tout manquement ou non-exécution de toute déclaration, garantie, convention ou accord du Vendeur [Valeo] ou de la Société Espagnole inclus dans ce Traité d'Achat, (ii) à la suite de ou découlant de la propriété ou opération de l'Actif Français ou de l'Actif Espagnol, ou de la propriété de la Société Française, avant la Date de Clôture et ne concernant pas Z [à savoir l'Activité Freinage], (iii) à la suite de ou découlant de l'exploitation du Vendeur ou de la Société Espagnole (ou de leurs successeurs) à Saint Ouen en France ou à Alcala de Henares en Espagne respectivement, après la Date de Clôture, (iv) sous réserve des Sections 9.3 (vii) et 10.1.3, à la suite de ou découlant de toute responsabilité pour les employés de Z [l'Activité Freinage] partant en retraite ou cessant d'être des employés actifs attachés à l'Activité Française de Freinage ou l'Activité Espagnole de Freinage, selon le cas, à la Date de Clôture au plus tard, ou (v) à la suite de ou découlant de demandes de tiers (c'est-à- dire des demandes d'entités autres que l'Acheteur, Y

Spain ou leurs sociétés affiliées, ou de personnes qui ne figurent pas aux Annexes 26A, 26B ou 26C en tant qu'employés ou retraités de Z) pour des blessures ou maladies liées à l'amiante, dans la mesure où ces blessures ou maladies résultent de produits fabriqués et vendus par Z avant la Clôture'.

Cependant, cette disposition concerne des demandes de salariés partant en retraite ou cessant d'être des employés actifs attachés à l'Activité Française de Freinage, tout comme l'article 10.17 également cité par la société Garrett Motion France B évoque des demandes de tiers, pour des blessures ou maladies liées à l'amiante.

Aucune de ces limitations ne concerne des demandes de dommages et intérêts de salariés transférés pour un préjudice d'anxiété lié à l'amiante.

Sur l'exception d'inexécution

Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 4.1.13 du purchase agreement que : '['] les opérations de l'Activité Française de Freinage et de l'Activité Espagnole de Freinage sont entièrement conformes à toutes les lois en vigueur sur l'environnement, la sécurité et la santé au travail'.

Or, la condamnation définitive de la société Valéo pour manquement à son obligation de sécurité en la présente instance caractérise un manquement à cette stipulation.

C'est vainement que la société Valéo observe qu'elle n'était pas condamnée à la date du contrat, dès lors qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Caen que son manquement à son obligation de sécurité était nécessairement réalisé à la date du purchase agreement et du traité d'apport et que la cour d'appel de Caen a jugé que ce manquement était à l'origine du préjudice d'anxiété de M. B

Etant ainsi établi que les opérations de l'Activité Française de Freinage ne sont pas conformes à toutes les lois en vigueur sur la sécurité et la santé au travail, la société Garrett Motion France B est fondée à ne pas garantir la société Valéo des conséquences de son manquement à son obligation de sécurité.

S'agissant d'une exception d'inexécution, opposée par la société Garrett Motion France B à l'appel en garantie formé par la société Valéo, et non d'une demande de garantie, formée par la société Garrett Motion France B à la société Valéo, celle-ci ne se heurte pas aux dispositions de l'article 9.3 b) (i) relatif aux limitations et exclusions en cas de violation d'une déclaration ou garantie figurant à la section 4.1.13, ni aux dispositions de l'article 11.13 du purchase agreement limitant à 5 ans à compter de la date de clôture le délai de maintien en vigueur des déclarations et garanties prévues à la section 4.1.13, qui ne lui sont pas applicables.

La société Valéo sera en conséquence déboutée de sa demande d'appel en garantie dirigée contre la société HMF aux droits de laquelle vient la société Garrett Motion France B.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens

En vertu de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'appel de Caen en date du 2 juin 2017,

CONSTATE que la condamnation in solidum de la société Valéo et de la société HMF aux droits de laquelle vient la société Garrett Motion France B à indemniser M. A à hauteur de 8.000€ est définitive ;

DIT que la société Valéo est recevable en sa demande de garantie ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société Valéo de sa demande de garantie des condamnations mises à sa charge par la société HMF aux droits de laquelle vient la société Garrett Motion France B ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Valéo et Garrett Motion France B aux entiers dépens.