Cass. com., 22 novembre 1988, n° 86-18.152
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Hatoux
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Célice, Me Spinosi
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 13 juin 1986), que, par acte sous seing privé du 10 novembre 1984, M. Tony Korzilius et les héritiers indivis de M. Hans Korzilius (les consorts Y...) se sont portés cautions solidaires et indivisibles de la société de droit allemand M. Korzilius GMBH (la société allemande) pour le remboursement de toutes sommes qui pouvaient ou pourraient être dues par celle-ci à concurrence de dix millions de francs en principal, intérêts et frais, sous réserve de l'accord du service des autorisations financières de la Banque de France ; qu'il était stipulé dans l'acte que les cautions seraient libérées de leur engagement au cas où elles céderaient à la société allemande les actions de la société anonyme de droit français Etablissements M. Korzilius (la société française) ainsi que les parts d'une société civile immobilière dont ils étaient propriétaires et renonceraient à recevoir le prix de ces cessions ; que, par un autre acte du même jour, les consorts Y... se sont engagés à céder à la société allemande des actions de la société française, savoir M. Tony Korzilius 19 128 actions et les héritiers de Hans Y... représentés par Mme Colette Y... 19 630 actions, sous réserve de l'obtention de l'autorisation des autorités française du Trésor ; que le prix de cession, fixé à 200 francs par titre, devait être converti en un prêt sans intérêts consenti à la société cessionnaire par les vendeurs, ces derniers s'engageant à renoncer à leur créance contre la société allemande en contrepartie de la " mainlevée " du cautionnement ; que, par acte notarié du 14 novembre 1984, signé en République fédérale d'Allemagne, les consorts Y... ont offert de vendre à M. X... leurs parts dans la société allemande, au prix unitaire d'un mark, M. X... s'obligeant à libérer, dès l'acceptation de l'offre, les consorts Y... d'engagements souscrits par eux envers des établissements de crédit pour le compte de la société allemande ; que les consorts Y..., tout en renonçant à leurs créances sur la société allemande, ont transféré à celle-ci la propriété de divers biens, notamment un nombre non précisé d'actions de la société française, pour une valeur unitaire de 300 francs et une valeur globale de quatre millions de francs respectivement en ce qui concernait d'un côté, M. Tony Korzilius et d'un autre côté, les héritiers de Hans Korzilius ; que ce transfert des actions n'a pas été inscrit dans les registres de la société française, et que la société allemande a assigné les consorts Y... pour obtenir cette transcription et faire constater qu'elle était propriétaire des 19 128 et 19 632 actions appartenant auparavant respectivement à M. Tony Korzilius et aux héritiers de Hans Korzilius, demandant en outre des dommages-intérêts ; que le tribunal a dit que les actes du 10 novembre 1984 et du 14 novembre 1984 étaient nuls et a débouté la société allemande de ses demandes ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision des premiers juges en ce qui concerne le rejet de la demande tendant à faire déclarer la société allemande propriétaire des actions de la société française, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les titres des sociétés par actions sont inscrits au nom du propriétaire de ces titres à un compte tenu chez elle par la société émettrice et qu'ils se transmettent par virement de compte à compte ; qu'en l'espèce, la société allemande faisait valoir, preuves à l'appui, que tous les consorts Y... avaient donné un ordre de virement des actions litigieuses à son profit, ce qui était d'ailleurs reconnu par ces derniers dans leurs écritures où ils soutenaient seulement que l'ordre de virement aurait été subordonné à l'autorisation administrative de la direction du Trésor ; que le virement des actions au compte de la société allemande avait été transcrit dans les livres de la société française ; qu'en se prononçant par des considérations relatives aux conventions qui ont pu précéder la cession proprement dite faisant abstraction de ce virement, seul instrument légal de la transmission des actions, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 94 II de la loi de finances pour 1982 du 30 décembre 1981, 1er et 2 du décret du 2 mai 1983 pris pour son application ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que l'exécution de la cession ne pourrait être opposée aux consorts Y... parce qu'elle n'émanerait pas d'eux sans rechercher si le virement des actions au nom de la société allemande dans le compte tenu par la société française avait été exécuté en conformité de l'ordre de mouvement émanant de tous les consorts Y... et signé par eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et alors, enfin, qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu viser le registre des actions tenu par la société française comportant le virement des titres, avec la signature de tous les consorts Y... cédants, au regard de ce virement, la cour d'appel ne pouvait, sans dénaturer ce document, considérer qu'il n'émanerait pas d'eux et leur serait ainsi inopposable ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 94-II de la loi du 30 décembre 1981 et celles des articles 1er et 2 du décret du 2 mai 1983 se bornent à fixer les modalités nouvelles selon lesquelles sont matérialisés et transférés les titres de valeurs mobilières émises en territoire français et soumises à la législation française, en imposant une inscription sur un compte au nom du propriétaire tenu par la société émettrice ou un intermédiaire financier habilité ; que ces dispositions n'ont aucune portée en ce qui concerne le transfert de la propriété entre les parties à une vente de titres, qui s'opère par l'effet de la convention de cession ;
Attendu, en conséquence, que la cour d'appel a considéré exactement que le droit de propriété de la société cessionnaire sur les actions litigieuses était, dans les rapports entre les parties, subordonné à la validité des conventions par lesquelles ces titres lui avaient été cédées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches et sur le troisième moyen pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.