CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 15 mars 2021, n° 19/16938
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Héraclès Finance (SARL), MMA IARD Assurances Mutuelles
Défendeur :
Forward Finance (SAS), Liberty Mutual Insurance Europe Limited (SA), Exane (SA), Exane Derivatives (SNC), Carpa de Nice (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loos
Conseillers :
Mme Castermans, M. de Chergé
Avocats :
Me Baechlin, Me Glaser, Me Etevenard, Me Garrelon, Me Teytaud, Me Tandeau de Marsac, Me Boccon Gibod, Me Lecat
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Héraclès Finance exerce une activité de conseiller en gestion de patrimoine.
Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles sont les assureurs de la société Héraclès.
La X de Nice est une association soumise à la loi du 1er juillet 1901 créée aux fins de recevoir les fonds, effets et valeurs reçus par les avocats du barreau de Nice pour le compte de leurs clients.
La société anonyme Exane est une compagnie d'investissements financiers spécialisée dans l'intermédiation, les dérivés d'actions et la gestion d'actifs.
La société en nom collectif Exane Derivatives est la filiale de la société Exane, à qui cette dernière a transmis, par apport partiel d'actif, l'activité portant sur la conception de produits dérivés, appelée « Derivatives ».
La société anonyme Forward finance est un conseiller en investissement financier.
La société Liberty Mutual Insurance Europe Limited est l'assureur de la société Forward Finance.
La X de Nice a souhaité faire des investissements financiers sur différents supports et est entrée en contact avec la société Héraclès Finance.
Le 4 novembre 2005, différentes propositions ont été faites, et notamment un produit structuré par la société Exane, 'liale du groupe BNP Paribas, intervenue à la demande de la société Héraclès Finance pour structurer un EMTN (euro mediums terms note), dont la traduction peut être « instruments de dettes émis par les entreprises » ou « papiers commerciaux émis par des banques de financement ou d'investissement », dénommé « Héraclès Garanti 75 » destiné à être souscrit par les clients de la société Héraclès Finance.
La société Forward Finance est intervenue, en outre, dans le cadre d’une convention signée avec la X de Nice.
Le 16 décembre 2005, la société Héraclès Finance a adressé par courriel à la X de Nice et à la société Forward Finance la plaquette de présentation de ce produit Héraclès Garanti 75, sur entête de la société Exane, ainsi qu'un document établi sur deux pages intitulé « Termes et Conditions Dé'nitifs ».
Le 19 décembre 2005, le conseil d’administration de la X de Nice a décidé, à l'unanimité, d'autoriser son président à souscrire ce placement.
Le 22 décembre 2005, la société Héraclès Finance a écrit à la X de Nice en demandant différentes pièces afin de mettre en place la souscription du produit structuré.
Le 11 janvier 2006, le président de la X de Nice a signé un courrier préparé par la société Héraclès Finance, rédigé en ces termes : « Je soussigné, Maitre F E, agissant pour le compte de la X de Nice, dont je suis le président, dûment habilité, déclare notre volonté irrévocable de souscrire entre le 1er mars et le 31 mars 2006 pour 3 millions d'euros l'EMTN présenté dans les termes et conditions ci joint, dont Exane sera le structureur et l'agent payeur au sein de notre compte titres domicilié à la banque Martin Maurel dont nous sommes titulaires ».
A cette même date du 11 janvier 2006, le président de la X de Nice a signé également un document intitulé « Termes et conditions définitifs ».
Le 13 mars 2006, la société Héraclès Finance a adressé par fax à la X de Nice un relevé d'identité bancaire du compte dédié ouvert à la Banque Martin Maurel pour la souscription et l'inscription en compte du produit structuré « Héraclès Garanti 75 ». et demandait à la X de Nice de virer 3 millions d'euros sur ledit compte, tandis qu'étaient mis les « Final Terms Sheet ».
Le 14 mars 2006, la X de Nice a donné instruction à sa banque de virer de son compte bancaire ouvert dans les livres de la Banque Martin Maurel la somme de 3 millions d'euros.
Au mois d'octobre 2008, la Kaupthing Bank a fait l'objet d'une procédure spéciale ouverte par le régulateur islandais.
La X de Nice a donné mandat à la société Exane Derivatives afin de la représenter dans cette procédure.
Le 25 mai 2009, la Kaupthing Bank a été placée en liquidation judiciaire. Un comité de liquidation de droit islandais a été constitué le même jour.
Le 28 décembre 2009, par l'intermédiaire de la société Exane Derivatives, la X de Nice a déclaré sa créance auprès du Comité de liquidation à hauteur de 3.000.000 euros.
Le 18 novembre 2010, le « Winding up Committee » de la Kaupthing Bank informait la X de Nice que sa créance était admise à hauteur de 2.422.430,97 euros sur le fondement de l'article 113 de la Loi sur les Faillites (« Bankruptcy Act ») relatif aux créances chirographaires.
Le 27 juillet 2012, la X de Nice a adressé une mise en demeure le 27 juillet 2012 aux sociétés Exane, Exane Derivatives et Héraclès Finance aux fins de réparer le préjudice subi, provisoirement chiffré à 2.317.764 euros en ce qui concerne la perte de capital, la perte de chance de gain étant mentionnée pour mémoire.
La X de Nice a formulé une objection au montant retenu le 3 décembre 2010 en demandant l'admission à hauteur du nominal soit 3.000.000 d'euros.
Le 06 mars 2014, le « Winding up Committee » notifia à la X de Nice qu'elle acceptait partiellement sa créance à hauteur de 442.431.537 ISK 63, soit 2.614.380 euros, sur le fondement de l'article 13 de la loi islandaise sur les faillites concernant les créances chirographaires.
Tel que l'indiquait le « Winding up Committee » de la Kaupthing Bank dans son rapport aux créanciers du 10 avril 2014, l'une des options offertes à la Kaupthing Bank pour mettre fin à la procédure de liquidation était de parvenir à un concordat qui engagerait tous les créanciers chirographaires détenant une créance affectée par ce concordat.
Par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal du district de Reykjavik homologuait la proposition de concordat soumise par la Kaupthing Bank devenu définitif, tant à l'égard de la banque, que des créanciers chirographaires le 23 décembre 2015.
En l'absence d'appel devant la Cour Suprême dans le délai légal imparti, le concordat de la Kaupthing Bank est devenu définitif et exécutoire le 23 décembre 2015 en vertu de la loi islandaise.
Le 15 janvier 2016, la Kaupthing Bank a reçu de la banque centrale islandaise l'exemption définitive lui permettant de mettre en œuvre le concordat.
Par exploits du 16 mai 2013, la X de Nice et de l'Ordre des avocats au Barreau de Nice a assigné les sociétés Héraclès Finance, Exane, Exane Derivatives et Forward Finance ainsi que leurs assureurs respectifs devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par ordonnance du 10 mars 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a décidé de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive des organes de la procédure collective de la Kaupthing Bank statuant sur la somme devant revenir à la X de Nice.
Par un arrêt du 18 mars 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance déférée du 10 mars 2015 du tribunal de grande instance de Paris et dit que l'affaire pourra être rétablie quand la distribution d'obligations sera réalisée.
Vu le jugement prononcé le 09 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
Déclaré irrecevables à agir l'ordre des avocats de Nice et Me Z Y B ;
Condamné in solidum les sociétés Héraclès Finance, Exane, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à payer à la X de Nice la somme de 2.135.380 euros ;
Débouté les parties de leurs autres demandes ;
Condamné in solidum les sociétés Héraclès Finance, Exane, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la X de Nice la somme de 20.000 euros ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Forward Finances et Liberty Mutual Insurance Europe Limited ;
Ordonné l'exécution provisoire.
Vu l'appel déclaré le 20 août 2019 par les sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, ces deux dernières venant aux droits de la société Covea Risks,
Vu l'appel déclaré le 21 août 2019 par les sociétés Exane et Exane Derivatives,
Vu la jonction des instances,
Vu les conclusions signifiées le 15 janvier 2021 par les sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,
Vu les conclusions signifiées le 31 décembre 2020, les sociétés Exane et Exane Derivatives,
Vu les conclusions signifiées le 13 janvier 2021 par les sociétés Forward Finance et Liberty mutual Insurance Europe Limited,
Vu les conclusions signifiées le 13 janvier 2021 par la X de Nice,
Les sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Sur l'appel principal de la société Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, ces deux dernières venant aux droits de la société Covea Risks, :
Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 09 juillet 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables à agir l'Ordre de Avocats de Nice et Maître Z Y B ;
Statuant à nouveau,
A titre principal :
Constater que la société Héraclès Finance n'est pas intervenue en qualité de conseiller en investissements financiers au profit de la X de Nice ;
Constater le caractère infondé des demandes formulées par la X de Nice à l'encontre de la société Héraclès Finance et des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;
En conséquence,
Débouter la X de Nice de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
Constater que le préjudice subi par la X de Nice ne peut que consister en une perte de chance de n'avoir pas souscrit à l'EMTN « Héraclès garanti 75 » litigieux ;
Juger que la perte de chance n'est pas sérieusement établie ;
Réduire à de justes proportions le quantum de l'indemnisation sollicitée ;
Débouter en conséquence la X de Nice de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions A titre plus subsidiaire :
Constater que la société Exane SA a manqué à son obligation de structuration d'un produit conforme au cahier des charges établi par la société Héraclès Finance ;
Constater que ce manquement est à l'origine de la faute pouvant être reprochée à Héraclès Finance ;
Condamner la société Exane SA à garantir la société Héraclès Finance et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et les tenir indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;
A titre infiniment subsidiaire, sur les contributions à la dette entre coobligés :
Constater que la gravité de la faute d'Exane SA est prépondérante en rapport à celle reprochée à Héraclès Finance ;
Fixer la répartition des contributions d'Héraclès Finance et Exane SA à la condamnation in solidum, celle d'Héraclès Finance en tout état de cause de manière inférieure à 50% ;
Sur l'appel incident de la X de Nice :
Débouter la X de Nice de l'ensemble de ses fins, moyens et demandes formulées au soutien de son appel incident ;
En conséquence :
Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 9 juillet 2019 en ce qu'il a exclu tout manquement de la société Héraclès Finance à son obligation pré contractuelle d'information sur la situation financière, sur les objectifs et l'expérience de l'investisseur ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a exclu tout manquement de la société Héraclès Finance à son obligation d'information sur les caractéristiques des EMTN ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a exclu du préjudice réparable les pertes de gain manqué allégué par la X de Nice ;
En tout état de cause,
Condamner la X de Nice à payer une somme globale de 50.000 € à la société Héraclès Finance et aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la X de Nice aux entiers dépens.
Les sociétés Exane et Exane Derivatives demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les anciens articles 1147 et 1382 du code civil les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile
Déclare recevable et fondé l'appel principal interjeté par Exane SA et Exane Derivatives à l'encontre du jugement entrepris ;
Déclarer recevable et fondé l'appel incident interjeté par Exane SA et Exane Derivatives sur l'appel principal d'Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à l'encontre du jugement entrepris ;
A titre principal
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la X de Nice recevable à mettre en cause la responsabilité d'Exane SA, compte tenu de l'apport partiel d'actif réalisé au bénéfice d'Exane Derivatives le 2 mars 2007 ;
Statuant à nouveau :
Déclarer les demandes formées par la X de Nice à l'encontre d'Exane SA devant le Tribunal de grande instance de Paris irrecevables ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* constaté qu'Exane SA avait manqué à ses obligations de diligence et de structurer un produit conforme et adapté aux caractéristiques et attentes de la X de Nice ;
* condamné in solidum les sociétés Héraclès Finance SA, Exane SA, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la X de Nice la somme de 2.135.380 euros ;
* condamné in solidum les sociétés Héraclès Finance SA, Exane SA, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la X de Nice la somme de 20.000 euros ;
Débouter la X de Nice de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement sur les demandes formées par la X de Nice :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Héraclès Finance de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'Exane SA ;
Fixer la contribution d'Exane SA à la condamnation in solidum avec Héraclès Finance, à une part inférieure à 10 % ;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Débouter la X de Nice et Héraclès Finance, MMA Iard, MMA Assurances Mutuelles de leurs demandes, fins et conclusions à l'égard d'Exane SA et Exane Derivatives ;
Condamner la X de Nice à payer à Exane SA et Exane Derivatives la somme de 80.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la X de Nice aux entiers dépens.
Les sociétés Forward Finance et Liberty mutual Insurance Europe Limited demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les anciens articles 1147 et 1150 du code civil et les articles 325, 378 et 700 du code de procédure civile,
A titre principal :
Prendre acte du changement de l'adresse de siège social de Liberty ;
Déclarer la société Héraclès Finance et son assureur mal fondés en leur appel ;
Confirmera décision déférée en toutes ses dispositions ;
Débouter la société Héraclès et son assureur et toute autre partie qui formulerait une demande de condamnation à leur encontre de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Forward Finance et Liberty Mutual ;
A titre subsidiaire :
Juger qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les fautes alléguées à l'encontre de Forward Finance et les préjudices réclamés ;
Juger que la preuve des préjudices allégués par la X à l'encontre de la société Forward Finance n'est pas rapportée ;
En conséquence,
Débouter la société Héraclès et son assureur et toute autre partie qui formulerait une demande de condamnation à leur encontre, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Forward Finance et Liberty Mutual ;
A titre plus subsidiaire, dans l'hypothèse où, par extraordinaire, a Cour retenait la responsabilité de Forward Finance :
Chiffrer à un montant très limité la part de responsabilité de Forward Finance dans le préjudice causé aux demandeurs ;
Limiter la condamnation de Forward Finance à cette part de responsabilité ;
Juger que le plafond de garantie de Liberty est limité à la somme de 300.000 euros ;
Limiter la condamnation de Liberty à la hauteur maximale de son plafond de garantie, soit 300.000 euros ;
A titre reconventionnel :
Condamner Héraclès Finance et son assureur à régler à Forward Finance et à Liberty 25.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
La X de Nice demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les anciens articles 1147 et 1149 du code civil et les anciens articles L. 533-4 et L. 541-1 et suivants du code monétaire et financiers
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 9 juillet 2019 en ce qu'il a :
* jugé la X de Nice recevable à agir contre Exane SA ;
* jugé qu'Héraclès Finance a manqué à son obligation de conseil, de loyauté et de diligence et à son obligation de fournir une documentation cohérente avec la réalité de l'EMTN ;
* jugé qu'Exane SA, qui a manqué à son obligation de structurer un produit conforme et adapté et à son obligation de diligence, a engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
* condamné in solidum Héraclès Finance, Exane SA, Exane Derivatives, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer la somme de 2.135.380 euros au titre de la perte subie.
Infirmer pour le surplus le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 09 juillet 2019 ;
Statuant à nouveau,
Chiffrer le préjudice correspondant à la perte de chance de gain à la somme, sauf à parfaire, de 1.258.365 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 31.12.2020.
En conséquence,
Condamner in solidum Héraclès Finance, Exane SA, Exane Derivatives, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer la somme, sauf à parfaire, de 1.258.365 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 31.12.2020 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
Débouter Héraclès Finance, Exane SA, Exane Derivatives, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, Forward Finance et Liberty Mutual Insurance Europe Limited de toutes leurs fins et demandes dirigées contre la X de Nice ;
Condamner in solidum Héraclès Finance, Exane SA, Exane Derivatives, MMA Iard et MMA Iard Assurances au paiement d'une indemnité de 80.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum Héraclès Finance, Exane SA, Exane Derivatives, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
a) Sur la procédure
L'ordre des avocats de Nice et Maître Lambert qui ont été déclarés irrecevables à agir par le jugement déféré ne sont plus dans la cause d'appel . Il n'y a dés pas lieu de statuer en ce qui les concerne, aucune demande d'infirmation du jugement déféré n'étant présenté à ce titre.
La cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement déféré qui a rejeté les demandes présentées à l'encontre de la société Forward Finance et de son assureur Liberty Mutual Insurance Europe Limited.
b) Sur la responsabilité de la société Héraclès Finance
Les sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles font valoir que la responsabilité civile de la société Héraclès Finance ne saurait être engagée. Elles soutiennent que la société Héraclès Finance est intervenue en qualité de courtier et non en qualité de conseiller en investissements financiers. A cet égard, elles précisent d'une part que la société Héraclès Finance n'a exercé aucune activité relevant de la qualité de conseiller en investissements financiers listées par les anciens articles L. 321-1, L. 321-2 et L. 541-1 du code monétaire et financier et n'a formulée aucune recommandation personnalisée à la X de Nice et, d'autre part, qu'elle n'a fourni aucune recommandation personnalisée.
Elles ajoutent qu'elle a respecté ses obligations d'information et de conseil par la prise en compte des besoins de la X de Nice, en ayant une connaissance approfondie de ses besoins, en dressant un cahier des charges reprenant les objectifs recherchés et en faisant appel à la société Exane pour structurer un produit à capital garanti correspondant à ces besoins. Elles soutiennent également que Héraclès Finance a informé la X de Nice sur les caractéristiques essentielles du produit proposé ainsi que de ses risques avant la souscription.
En outre, elles précisent que les documents commerciaux remis par Héraclès Finance, mais établis par Exane, présentent de manière cohérente le produit financier. Elles ajoutent que l'absence d'information particulière sur les éléments modifiés par le « Term Sheet » définitif du 13 mars 2006 ne suffit pas à caractériser un manquement au motif d'une part qu'il ne comportait pas de modifications essentielles du produit et d'autre part, qu'il ne comportait pas d'information génératrice de risque dont les conséquences auraient dû être portée à la connaissance de la X de Nice. Au surplus, elles ajoutent qu'aucune obligation d'information ne pesait sur Héraclès Finance quant au risques lis à une défaillance de l'émetteur, celui ci étant inhérent à l'opération. De plus, le risque de perte en capital ne nécessitait pas d'information dès lors que le capital était garanti à terme et présenté comme tel par Exane.
Elles soutiennent également que la société Héraclès Finance a respecté ses obligations de loyauté et de diligence. A cet égard, elles font valoir que Héraclès Finance a accompagné la X de Nice, la tenant informée de toutes les phases de la procédure de liquidation judiciaire de la Kaupthing Bank et l'assistant, notamment durant le moratoire, au cours de la notification de défaut ainsi que postérieurement à la liquidation.
La X de Nice fait valoir, sur le fondement des articles L. 211-1 et 541-1 du code monétaire et financier, que la responsabilité de la société Héraclès Finance en qualité de conseiller en investissements financiers est engagée en raison des manquements commis à l'occasion des prestations de conseil portant sur la souscription d'une obligation structurée sur mesure. Elle soutient en premier lieu que la société Héraclès Finance a manqué à son obligation de conseil en ce que le produit financier structuré par la société Exane sur les instructions de la société Héraclès Finance n'était pas adapté à la situation et aux contraintes réglementaires pesant sur la X, et qu'il n'offrait pas de réelle garantie en capital. De plus, elle fait valoir que la société Héraclès Finance a manqué à son devoir de loyauté et de diligence, tel que prévu par l'article L. 541-4 du code monétaire et financier, en ne vérifiant pas les risques induits par l'investissement proposé et en informant tardivement la X des défaillances de l'émetteur.
Elle soutient également, sur le fondement du principe de cohérence, que la société Héraclès Finance, en sa qualité de distributeur, a manqué à son obligation de fournir une documentation cohérente avec l'investissement proposé au motif que l'information figurant dans la plaquette de présentation commerciale, qu'elle a remise, n'était pas cohérente avec les caractéristiques réelles du produit souscrit, ne mentionnant ni les risques ni les inconvénients réels liés à la souscription de ce produit.
Elle ajoute, au visa de l'article L. 541-4 du code monétaire et financier, que la société Héraclès Finance a manqué à son obligation de s'informer sur le profil de la X. Celle-ci est soumise aux contraintes réglementaires relatives à la garantie de représentation des fonds imposées par l'article 4 de l'arrêté du 5 juillet 1996, laquelle précise notamment que la représentation des fonds placés doit être assurée aux échéances respectives des instruments financiers. La société Héraclès n'a pas vérifié que la société Exane avait respecté cette obligation. En outre, la société Héraclès a manqué à son obligation d'informer en n'avertissant pas la X de Nice des risques liés aux produits émis par la Kaupthing Bank. Elle ajoute que Héraclès Finance a également manqué, en sa qualité de distributeur, à son obligation de fournir le prospectus de l'EMTN.
Cela étant exposé les dispositions applicables aux conseillers en investissements financiers résultaient des articles L.541-1 et L. 321-1 du code monétaite et financier dans leur rédaction applicable aux faits litigieux en 2015 et 2016.
L'article L.541- 1 du code monétaite et financier comportait la rédaction suivante :
"I Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil portant sur :
1° La réalisation d'opérations sur les instruments financiers définis à l'article L. 211-1 ;
2° La réalisation d'opérations de banque ou d'opérations connexes définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 ;
3° La fourniture de services d'investissement ou de services connexes définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2 ;
4° La réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1. (...)".
Le conseiller en investissements financiers était par ailleurs tenu à des obligations de bonne conduite prévues à l'article L.541-4 par référence à celles édictées par le règlement général de l'AMF.
L'article L.321-1 du code monétaire et financier du code monétaite et financier comportait la rédaction suivante :
"Les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et comprennent :
1. La réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;
2. L'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;
3. La négociation pour compte propre ;
4. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;
5. La prise ferme ;
6. Le placement. (...)".
L'article D321-1 code monétaire et financier résultant du décret du 06 septembre 2017 n'était pas applicable à la présente espèce. Sa rédaction est la suivante :
"Constitue le service de conseil en investissement le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l'initiative de l'entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers (...)".
Il résulte des pièces versées aux débats que, par courrier électronique du 28 septembre 2005, la société Heraclès a informé la X de l'existence de contrats de capitalisation à taux garantis et de produits structurés à capital garanti. Par courriel du 7 octobre 2005, compte tenu de la spécificité de la gestion des fonds X, les solutions à capital garanti ont été privilégiées . Le 16 décembre 2005, la société Heraclés a transmis à la X les caractéristiques du produit Héracles garanti proposé par la société Exane offrant un capital garanti.
L'intervention de la société Hérakles , contrairement à ce qu'elle soutient, ne s'est pas limitée à une simple mission de courtage , mais a porté sur une activité de conseil en vue de la réalisation d'opérations portant sur des instruments financiers en l'occurence la souscription d'EMTN (Euros Medium terms note) structurés par la société Exane. L'examen de sa responsabilité tiendra compte de sa qualité de conseil en investissement financier non tenu aux obligations prévues par l'article D 321-1 code monétaire et financier inapplicable lors de son intervention.
La société Hérakles a proposé à la X de Nice un produit financier à capital garanti tenant compte de la situation particulière de l'investisseur et de ses obligations définies à l'article 4 de l'arrêté du 5 juillet 1996 applicables au dépôt de fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients et à leur représentation. Le produit ' Hérakles garanti 75" garantissait par son mode de fonctionnement les exigences de la X puisqu'il assurait la conservation du capital et était susceptible de générer des gains.
Le 11 janvier 2006, était soumis à la signature du président de la X un document (termes et conditions définitifs) sur entête "Héraclès Finance SA" comportant les mentions suivantes :
Émetteur et garant: établissement financier européen rating : S&P: A+ minimum chef de file : Exane type : EMTN prix d'émission : 100 % du montant, capital garanti : 100 % du nominal, devise : euros nominal : 3.000.000 euros loi applicable: française, agent de calcul et agent financier : Exane SA cotisation : bourse du Luxembourg.
Sur la base de ces informations la X a mis en place ses procédures internes de validation de cet investissement.
Le 13 mars 2006 la veille du jour où la X de Nice a donné instruction de virer la somme de 3 000 000 euros sur son compte ouvert auprès de la banque Martin Maurel pour permettre la réalisation de l'investissement, la société Hérakles Finance lui a adressé un autre document (termes et conditions définitifs) comportant les caractéristiques suivantes :
"emetteur et garant : Kauphting Bank rating : Moodys A1 chef de file : Exane SA type : EMTN prix d'émission : 100 % du montant, capital garanti : 100 % du nominal, devise 1 euro".
La loi langue anglaise devenant par ailleurs applicable.
La X de Nice est bien fondée à reprocher à la société Héraklés d'avoir modifié les termes et conditions de l'investissement sur trois aspects fondamentaux en substituant une banque émettrice islandaise à un établissement financier européen, en modifiant la notation du produit et la la loi applicable. La X a été avisée de ces modifications sans information préalable et spécifique et à une date ne lui permettant plus de solliciter un réexamen de la proposition.
Les premiers juges ont justement relevé qu'une étude de la société Cofisys avait mis en évidence que , dès l'année 2005, la fragilité des établissements bancaires islandais était connue, une publication du professeur G A du 15 juin 2005 indiquant qu'elles 'pourraient tomber comme un chateau de cartes'.
Au cours de février et mars 2006, au cours d'un épisode dénommé 'mini crise', les agences de notation ont mis sous surveillances les établissements bancaires islandais. C'est dans ces conditions que D C, dans une étude du 7 mars 2006, indiquait : 'nous pensons que les banques islandaises devraient être comparées moins à d 'autres banques européennes qu 'à celles des pays émergents (.. ) nous sommes au commencement des problèmes avec les banques isalndaises'.
La société Hérakles a ainsi manqué à son obligation de loyauté telle que prévue par l'article L. 541 du code monétaire et financier selon lequel le conseiller en investissements financiers doit 'se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients'.
Le jugement déféré doit être également confirmé en ce qu'il a également retenu la responsabilité de la société Hérakles en sa qualité de distributeur du produit en ce qu'elle a attendu le 16 juillet 2009 pour informer la X de Nice de la procédure relative à la Kauthing Bank dont la liquidation judiciaire avait été ouverte le 22 avril 2009.
c) Sur la recevabilité des demandes formulées à l'encontre d'Exane Sa
Les sociétés Exane et Exane Derivatives font valoir, sur le fondement des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, que les demandes formulées à l'encontre de la société Exane par la X de Nice en première instance étaient irrecevables en ce qu'elles étaient dépourvues d'un droit d'agir. Elles ajoutent que la société Exane a opéré un transfert de son activité relative aux produits dérivés, par voie d'apport partiel d'actifs sous le régime juridique des scissions, au bénéfice de la société
Exane Dérivatives lequel emporte la transmission des droits et obligations afférents au Produit financer transférer. Elles ajoutent que la société Exane n'a effectué aucune prestation pour la X de Nice après le 1er trimestre 2007.
La X de Nice soutient, sur le fondement des articles L. 236-21 et L. 236-22 du code de commerce, que ses demandes à l'encontre de la société Exane sont recevables au motif d'une part qu'elle ne démontre pas avoir transféré le contrat la liant à Héraclès Finance dans le cadre de l'apport partiel d'actifs dont elle se prévaut, et dont l'existence n'est pas prouvée, et d'autre part, qu'elle a continué à accomplir des prestations après l'apport partiel d'actifs.
A titre subsidiaire, elle sollicite l'engagement de la responsabilité de la société Exane Derivatives en raison de la transmission universelle intervenue à l'occasion de l'apport.
Cela étant observé est versé aux débats l'apport d'actifs conclu le 29 janvier 2007 entre la société Exane et la société Exane Derivates portant sur l'activité DAE dans laquelle s'inscrit la structuration de produit EMTN objet de l'investissement auquel a souscrit la X de Nice. Les demandes présentées par cette dernière à l'encontre de la société Exane sont irrecevables, seule la société Exane Derivatives devant en répondre , le traité d'apport d'actifs partiel ayant expressément prévu l'absence de solidarité entre l'apporteur et le bénéficiaire de l'apport. Le jugement déféré doit être infirmé de ce chef.
d) Sur la responsabilité de la société Exane
Les sociétés Exane et Exane Derivatives soutiennent que la responsabilité de la société Exane ne saurait être engagée pour manquement à ses obligations contractuelles telles qu'alléguées par la X de Nice. Elles soutiennent qu'aucune obligation de structurer un produit conforme et adapté ne pesait sur la société Exane au motif d'une part, qu'aucun texte applicable à l'époque des faits ne prévoyait une telle obligation et d'autre part, qu'aucun lien contractuel n'existait entre la société Exane et la Carpa de Nice, la société Exane n'étant pas partie au mandat de représentation conclu entre la X de Nice, Exane Derivatives et Héraclès Finance. Elles ajoutent que la X de Nice n'établit pas le manquement contractuel de la société Exane qui lui aurait causé un préjudice. En tout état de cause, elles soutiennent que la société Exane a respecté son obligation de structurer un produit conforme et adapté au cahier des charges de la société Héraclès Finance, ce qui constituait son unique obligation. Au surplus, aucune obligation de s'informer de la situation financière, des objectifs, de l'expérience ou des contraintes règlementaires de la X de Nice ne pesait sur la société Exane eu égard à son rôle limité en tant que structureur du produit. Elles ajoutent que la deuxième version du document « Termes et conditions définitifs » a uniquement précisé ou confirmé les caractéristiques essentielles du produit présentées dans la première version, la X de Nice étant informée de ces caractéristiques avant sa souscription.
Elles contestent tout manquement de la société Exane à un devoir de diligence au motif que, n'étant pas intervenue en qualité de prestataire d'investissement, elle n'était pas soumise aux obligations de diligence prévues par l'article L. 533-4 2° du code monétaire et financier. Elles soutiennent également que la société Exane n'était pas débitrice de l'obligation de communiquer une information exacte, précise et non trompeuse, prévue par les articles L. 533-4 et L. 533-12 du code monétaire et financier et l'article 321-46 du règlement général de l'AMF au motif que la X de Nice n'étant pas cliente de la société Exane, cette dernière n'était pas soumise aux textes précités. Au surplus, elles ajoutent qu'aucune information trompeuse quant à la nature de la garantie consentie n'a été communiquée à la X de Nice, cette dernière étant informée tant de l'existence d'un risque de perte en capital que de l'identité du garant du produit financier.
Elles ajoutent que la société Exane n'est pas intervenue comme commercialisateur du produit financier et qu'aucune obligation de remettre les « Final Terms » et le Prospectus de l'EMTN avant la souscription du produit financier ne pesait sur elle.
La X de Nice fait valoir, au visa de l'article 1199 du code civil, que la responsabilité délictuelle de la société Exane est engagée au motif qu'elle a manqué à son obligation de structurer un produit conforme et adapté. A cet égard, elle précise que la société Exane a manqué à ses obligations contractuelles envers Héraclès Finance en ne respectant pas le cahier des charges qui lui était imposé. Le produit structuré n'était pas conforme aux contraintes d'investissement de la X, à la plaquette de présentation du produit et aux conditions et termes définitifs signés par la X.
Elle soutient également que la société Exane a manqué à son obligation de diligence prévue par l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, en retardant la délivrance de l'information sur la défaillance de la Kaupthing Bank, empêchant ainsi la X de prendre des mesures conservatoires.
En outre, elle fait valoir, sur le fondement de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, que la société Exane a manqué à ses obligations de s'informer sur la situation financière, les objectifs et l'expérience de la X. Elle ajoute que cette obligation résulte du mandat de représentation conclu entre les sociétés Exane Derivatives, Héraclès Finance et la X de Nice et de la proposition commerciale faite par les deux sociétés. Au surplus, la société Exane a co-commercialisé le produit avec Héraclès Finance, nouant une relation commerciale avec la Carpe de Nice.
Elle soutient, au visa de l'article 321-46 du règlement général de l'AMF, que la société Exane a manqué à son obligation de communiquer une information claire, exacte et non trompeuse en cachant les risques inhérents à la défaillance de la Kaupthing Bank et l'absence de toute garantie en capital en découlant. Au surplus, la société Exane engage sa responsabilité en ayant manqué d'une part, à son obligation de produire une documentation cohérente avec le produit financier et d'autre part, à son obligation de remettre les « Final Terms » et le prospectus de l'EMTN avant la souscription.
Ceci étant exposé, la X de Nice présente ses demandes contre la société Exane sur un fondement délictuel et expose avoir subi un dommage résultant de la mauvaise exécution par la société Exane du contrat liant cette dernière à la société Héraklés.
Si aucun contrat écrit n'a été conclu entre la société Héraklés et la société Exane , il est établi par les pièces versées aux débats et notamment par la pièce n°1 de la société Hérakles que cette dernière lui a adressé le 6 octobre 2005 un cahier des charges devant lui permettre de définir le contenu des 'terms sheets'. La société Exane a ainsi adressé à la société Hérakles les 'terms sheets ' ci-dessus analysés remis à la X les 11 janvier 2006 et 13 mars 2006.
Sans nécessité de reprendre l'examen des fautes retenues à l'encontre de la société Hérakles, la société Exane a également adopté un comportement fautif pour avoir substitué comme émetteur et garant du produit EMTN une banque islandaise (la Kaupthing Bank HF) à la place d'un établissement financier européen, pour avoir dans les mêmes conditions modifié l'agence de notation et la note ainsi que la loi applicable.
Le jugement retenu doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la faute contractuelle commise par la société Exane dans ses relations avec la société Hérakles ayant consisté à structurer un produit non conforme au cahier des charges avait causé un préjudice à la X de Nice et condamné in solidum ces deux sociétés à indemniser la X de Nice de son préjudice. S'agissant des deux fautes ayant contribué à la réalisation du dommage, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Hérakles tendant à dire que la société Exane devra la garantir du paiement des condamnations prononcées au bénéfice de la X.
Pour les motifs ci-dessus développés les condamnations doivent être prononcées non pas à l'encontre de la société Exane mais çà l'encontre de la société Exane Derivates.
e) Sur le préjudice de la X de Nice
A titre principal, les sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles font valoir que la X de Nice ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre le manquement allégué à l'encontre de la société Héraclès Finance et le préjudice qu'elle invoque. Elles soutiennent que le préjudice de la X de Nice est causé par la liquidation de Kaupthing Bank, ce qui ne pouvait être anticipé. Au surplus, les préjudices tenant à la perte du capital investi et la perte du gain manqué des investissements ne constituent pas des préjudices réparables.
Les sociétés Exane et Exane Derivatives contestent l'existence d'un lien de causalité entre les manquements qui leur sont reprochés et le préjudice revendiqué par la X de Nice au motif que préjudice allégué a été causé par la faillite de la Kaupthing Bank et non pas la structuration du produit financier. En outre, la perte financière dont fait état la X de Nice n'est pas un préjudice réparable au sens du droit de la responsabilité. Elles s'opposent à la demande de garantie des sociétés Héraclès Finance, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles. En outre, elle sollicite que sa contribution, en cas de fixation de la contribution de chacun des coobligés à la dette, ne soit pas fixée à un montant supérieur à 10 % de la condamnation.
La X de Nice fait valoir que son préjudice est certain et actuel par la faillite de la Kaupthing Bank. Elle en sollicite sa réparation à hauteur de 2.135.380 euros et, par appel incident, rèclame la somme complémentaire de 1 258 365 euros au titre de la perte de chance de gains. Elle expose que son préjudice a pour origine les fautes commises par les sociétés Héraclès Finance, Exane et Exane Derivatives. Elle soutient avoir souscrit au produit « Héraclès Garanti 75 » en se fondant sur les recommandations de la société Héraclès, laquelle a manqué à ses obligations professionnelles, causant directement un préjudice à la X. Elle ajoute qu'elle n'aurait pas subi de préjudice si Exane et Exane Derivatives avaient correctement structuré le produit conformément au cahier des charges ou, à défaut, l'avaient informée de la défaillance de l'émetteur en temps utile.
Ceci étant exposé pour l'appréciation du préjudice de la X de Nice il convient de tenir compte ce qu'elle a reçu, par virement du 19 janvier 2016, la somme de 282 453,98 euros en et au total la somme de 864 620 euros en exéction du concordat.
D'autre part, ainsi que justement relevé par la société Hérakles , tout manquement à une obligation de conseil ou d'information se traduit non par l'entier préjudice invoqué mais par la perte de chance d'avoir pu procéder à un investissement plus sécurisé limitant les risques d'insolvabilité de l'établissement bancaire émétteur avec meilleure garantie de représentation des fonds.
Le préjudice doit également présenter un lien de causalité direct et certain avec les fautes commises. A cet égard les griefs portant sur le défaut d'assistance des sociétés Héraklès, Exane et Exane Derivates dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Kaupthing Bank ne peut conduire à aucune indemnisation puisqu'il n'est pas établi que, en l'absence de ces prétendues carences, la X aurait pu obtenir un remboursement supérieur à la somme de 282 453,98 euros perçue selon les modalités ci-dessus rappelées.
Le montant du capital investi perdu se chiffre à 2 135 380 euros (3 000 000 - 864 620).
Si l'on peut admettre que la X de Nice a subi une perte de chance au titre de la perte du capital investi d'un montant, l'appréciation de sa perte de chance au titre des gains manqués doit tenir compte que cet investisseur a opté pour un produit n'apportant aucune garantie à ce titre sagissant d'un produit financier structuré susceptible de générer des gains variables tant à la hausse qu'à la baisse. La X ne prouve en aucune façon qu'en 2016 elle aurait pu procéder à un investissement cumulant la garantie du capital et des gains certains à hauteur de ceux qu'elle invoque dans le cadre de son appel incident.
Au vu de ce cette situation le préjudice de perte de chance de la X de Nice doit être indemnisé à hauteur de la somme de 1 200 000 euros.
f) Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La cour n'estime pas allouer d'autres sommes que celles fixées par les premiers juges.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Héraclès Finance, Exane, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à payer à la X de Nice la somme de 2.135.380 euros ;
Statuant de nouveau de ce chef :
CONDAMNE in solidum les sociétés Héraclès Finance, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles in solidum à payer à la X de Nice la somme de 1 200 000 euros ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Héraclès Finance, Exane Derivatives, ainsi que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens et accorde à maître Teytaud, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.