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Décisions

CA Amiens, 2e ch. protection soc., 28 janvier 2020, n° 190254

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Polynt Composites France (SA)

Défendeur :

CANSS des Mines (és qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Geller, Me Jacquemet

TASS D’Arras, du 11 déc. 2017

11 décembre 2017

DÉCISION Monsieur C F, salarié de la CRAY VALLEY, a établi en date du 19 décembre 2008, une déclaration de maladie professionnelle en indiquant être atteint d'une affection professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante.

La pathologie a été prise en charge par la Caisse régionale de la sécurité sociale dans les mines Nord Pas de Calais (CANSS des Mines).

L'état de Monsieur C F a été consolidé le 3 juillet 2008 avec un taux d'IPP fixé à 5%.

Monsieur C F a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et a accepté l'indemnisation proposée par ce dernier.

Saisi par le FIVA d'une action tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, la société CRAY VALLEY venant aux droits de la société CDF CHIMIE, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras , par un premier jugement rendu le 26 juin 2017 a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société CRAY VALLEY et invité cette société à produire les pièces demandées dans les motifs du jugement puis, par un second jugement rendu le 11 décembre 2017, a :

- dit que la maladie professionnelle dont Monsieur C F est atteint a été causée par la faute inexcusable de son employeur, la société CDF CHIMIE RT, aux droits et obligations de laquelle vient la société CRAY VALLEY :

- fixé au maximum la majoration de l'indemnité en capital d'un montant de 1796,23€ qui a été allouée à Monsieur C F ;

- dit que cette majoration doit être versée par la CANSS des mines au FIVA ;

- dit que la majoration devra, pour l'avenir, suivre l'évolution du taux d'IPP de Monsieur C F en cas d'aggravation de l'état de santé de ce dernier ;

- dit qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de majoration restera acquis pour le calcul des droits du conjoint survivant ;

- fixé comme suit l'indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur C F : préjudice moral 7600€ ;

- dit que la CANSS des mines devra en conséquence verser au FIVA la somme de 7600€;

- débouté le FIVA de sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et du préjudice d'agrément ;

- débouté la société CRAY VALLEY de sa demande tendant à ce que les dépenses liées à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur soient imputées sur le compte spécial ;

- constaté que la demande de sursis à statuer sur l'action récursoire de la CANSS dans les mines présentées par la société CRAY VALLEY est sans objet ;

- condamné la société CRAY VALLEY à payer au FIVA la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- indiqué aux parties qu'elles disposent d'un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision pour en interjeter appel.

Le jugement du 26 juin 2017 été notifié le 1er septembre 2017 à la société CRAY VALLEY qui en a relevé appel par courrier de son avocat expédié au greffe de la Cour d'Appel de Douai le 21 septembre 2017.

Le jugement du 11 décembre 2017 a été notifié le 29 janvier 2018 à la société CRAY VALLEY, qui en a relevé appel le 23 février 2018.

En application des article 12 de la loi du 18 novembre 2016, L142-2 du Code de la sécurité sociale, 114 de la loi du 18 novembre 2016, 16 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ainsi que du décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les tribunaux de grande instance et cours d'appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d'admission à l'aide sociale, le dossier de ces deux procédures a été transféré par le greffe de la Cour d'Appel de Douai à la présente Cour devant laquelle les parties ont été convoquées à son audience du 29 mai 2019 lors de laquelle la cause a été renvoyée pour plaidoiries à celle du 28 octobre 2019, avec fixation d'un calendrier de procédure.

Par conclusions déposées le 2 août 2019 et soutenues oralement à l'audience du 28 octobre 2019, la société POLYNT COMPOSITES FRANCE venant aux droits de la société CRAY VALLEY demande à la cour de :

A titre liminaire ;

- ordonner la jonction des affaires enregistrées sous les numéros suivants :

RG n°19/02634 (contestation du jugement rendu par le TASS d'Arras le 29 décembre 2014) ;

RG n° 19/04271 (contestation du jugement rendu par le TASS d'Arras le 29 décembre 2014) ;

RG n° 19/03752 (contestation du jugement rendu par le TASS d'Arras le 26 juin 2017) ;

RG n'°19/02548 (contestation du jugement rendu par le TASS d'Arras le 11 décembre 2017) ;

- infirmer en toutes leurs dispositions, les jugements contestés ;

- constater l'irrecevabilité l'action subrogatoire du FIVA ;

- constater la prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable ;

En conséquence,

- débouter le FIVA de l'ensemble de ses demandes ;

A titre principal :

- constater l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée en l'absence de présomption d'imputabilité ;

- constater la violation du principe du contradictoire à l'occasion de l'instruction menée par la caisse en conséquence,

- déclarer inopposable, pur des motifs de fond et de forme, la décision de prise en charge en date du 4 avril 2011 ;

- débouter le FIVA de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- constater l'absence de faute inexcusable ;

En conséquence,

- débouter le FIVA de l'ensemble de ses demandes

A titre plus subsidiaire :

- constater l'absence de preuve des différents préjudices invoqués par le FIVA ;

En conséquence,

- débouter le FIVA de ses demandes indemnitaires ;

A titre infiniment subsidiaire,

- imputer les dépenses et majoration, y compris en cas de faute inexcusable, sur le compte spécial ;

- imputer le montant de l'indemnité en capital sur le montant de l'indemnité allouée en réparation des souffrances physiques et morales résultant du déficit fonctionnel permanent.

Elle fait valoir que le FIVA ne rapporte pas la preuve qu'il ait versé à la victime les sommes faisant l'objet de son offre acceptée par cette dernière, que son action doit donc être déclarée irrecevable, que la décision de prise en charge de la maladie résulte d'une correspondance du 4 avril 2011, que le FIVA ne démontre pas, en produisant le justificatif de l'envoi de sa requête introductive d'instance, avoir saisi le Tribunal avant l'expiration du délai de prescription, qu'il en irait ainsi à plus forte raison si l'on retient que la saisine du Tribunal date du 5 avril 2013, comme l'indique le FIVA dans ses écritures, que les conditions de fond de la prise en charge ne sont pas satisfaites, qu'en effet la pathologie prise en charge par la caisse, à savoir des plaques pleurales, n'a jamais été diagnostiquée et qu'au surplus aucun examen tomodensitométrique n'a été effectué, contrairement aux prescriptions du tableau, que la condition d'exposition du salarié au risque n'est pas satisfaite, que l'existence d'un lien de causalité directe entre l'affection et l'exposition n'est pas non plus établie, que l'affection provient en réalité des conditions de travail du salarié chez ses précédents employeurs, que la caisse ne l'a pas informée de la clôture de l'instruction avant la décision du 9 mars 2009 rejetant provisoirement la demande de reconnaissance de la maladie, que s'agissant de la lettre de clôture du 18 mars 2011 elle ne l'a pas informée des éléments susceptibles de lui faire grief, n'a pas indiqué la date à laquelle la décision pourrait intervenir et n'a pas respecté le délai de 10 jours ouvrables prévu au courrier, que l'utilisation de matériaux à base d'amiante n'était pas interdite pendant la période d'emploi de Monsieur F, qu'elle n'a jamais fait l'objet à ce sujet de procès verbal d'infraction de l'inspection du travail, qu'en ce qui concerne l'indemnisation des souffrances physiques et morales de la victime sollicitée par le FIVA, il appartient à ce dernier de démontrer qu'elles ne sont pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent par l'indemnité en capital, que les plaques pleurales sont asymptomatiques, qu'elles ne peuvent dégénérer en mésothéliome et n'entraînent aucune conséquence médicale, que Monsieur F a subi un scanner thoracique faisant apparaître l'absence d'évolution de son état de santé.

Par conclusions déposées le 9 octobre 2019 et soutenues oralement à l'audience du 28 octobre 2019 le FIVA demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur l'intervention de la société POLYNT COMPOSITES France ;

S’il apparaît que cette société se trouve aux droits de la société CRAY VALLEY, déclarer l'appel recevable mais mal fondé,

- confirmer le jugement entrepris, en précisant que la société POLYNT COMPOSITES FRANCE se trouve aux droits de la société CRAY VALLEY ;

Y ajoutant,

- condamner la société POLYNT COMPOSITES FRANCE à payer au FIVA une somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la partie succombant aux dépens, en application des article 695 et suivants du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il justifie du règlement à la victime des sommes faisant l'objet de son offre acceptée et ce bien avant la saisine de la juridiction, que la lettre de notification de la décision de prise en charge de la maladie est datée du 4 avril 2011, qu'il a nécessairement réceptionné cette lettre le lendemain, que son recours a été engagé le 5 avril 2013 ce dont il résulte qu'il est recevable, que la société CDF CHIMIE RT a établi un certificat de travail couvrant l'ensemble de la période d'emploi de Monsieur F à Wingles puis à Drocourt de 1968 à 1984, que CRAY VALLEY indique avoir employé ce dernier de 1972 à 1984, que cela ne peut s'expliquer que par le transfert du contrat de travail de Monsieur F à la société CDF CHIMIE aux droits de laquelle est venue ultérieurement la société CRAY VALLEY, qu'il s'ensuit que cette dernière doit répondre de l'ensemble de la période d'exécution du contrat de travail y compris avant ce transfert par CDF CHIMIE, que toutes les conditions du tableau sont remplies, que la maladie est bien constituée de plaques pleurales et a été déclarée au titre du tableau 30 B, que le compte rendu du scanner est produit, qu'il a bien réalisé des travaux ressortissant de la liste limitative du tableau, que les attestations produites établissent qu'il a été exposé au risque dans l'usine de Wingles jusqu'en 1972. Que compte tenu de l'existence de tableaux de maladies liées à l'amiante depuis 1945, des connaissances scientifiques disponibles pendant la période d'exposition et de son importance, de sa taille et de son organisation, l'employeur avait nécessairement conscience du risque et n'a pris aucune mesure pour en protéger Monsieur F, que ses demandes indemnitaires sont justifiées mais qu'il n'entend pas maintenir celle au titre du préjudice d'agrément de la victime.

Par mail du 4 octobre 2019 soutenu oralement, la caisse s'en remet à justice et sollicite concernant l'action récursoire de la Caisse dans l'hypothèse d'une éventuelle faute inexcusable de l'employeur, un sursis à statuer dans l'attente de la décision sur l'inopposabilité (le dossier étant appelé à l'audience du 2 décembre 2019).

Le magistrat chargé de l'instruction ayant fait remarquer l'autorité de chose jugée du jugement du 26 juin 2017 rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du FIVA invoquée par la société CRAY VALLEY, la société POLYNT COMPOSITES FRANCE répond qu'elle est fondée à faire appel de ce jugement à titre accessoire de son appel sur le fond.

Sur ce point, elle est autorisée par le magistrat à faire parvenir à la Cour une note en délibéré.

Suite aux explications du FIVA, la même société indique ne pas maintenir sa fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification de la subrogation du FIVA dans les droits du salarié et suite à la fin de non-recevoir relevée d'office par le magistrat chargée de l'instruction elle indique ne pas maintenir ses moyens d'inopposabilité de la décision de prise en charge, précisant qu'ils seront examinés en juin, mais elle maintient sa contestation du caractère professionnel de la maladie.

Par courrier du 22 novembre 2019 reçu le 25 novembre 2019, elle fait valoir que le jugement du 26 juin 2017 a fait l'objet d'un appel enregistré sous le numéro 17/03275, que par sa déclaration d'appel en date du 23 février 2018 elle a également interjeté appel en tant que de besoin du jugement du 26 juin 2017, que si l'appel de ce jugement n'y est pas expressément visé, il s'agirait d'une irrégularité pour vice de forme, que la Cour est donc saisie de ce moyen tiré de la prescription auquel le FIVA a d'ailleurs répondu.

MOTIFS DE L'ARRET.

SUR LA JONCTION DES DEUX PROCEDURES 19/03752 ET 19/02548.

Attendu que les deux jugements dont appel étant intervenus dans la même procédure et portant sur le même litige, il apparaît opportun de les juger ensemble ce qui justifie la jonction des deux procédures qui seront désormais suivies sous le numéro le plus ancien.

Qu'il n'y a pas lieu de joindre d'autres procédures, comme sollicité par la société POLYNT COMPOSITES FRANCE, aucune autre procédure n'ayant été évoquée à l'audience des débats.

SUR LA FIN DE NON RECEVOIR TIREE DE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION DU FIVA.

Attendu qu'il résulte des articles L. 431-2, L. 452-4 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, que le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à la suite d'un accident du travail commence à courir à partir de la date de l'accident et, en cas de versement d'indemnités journalières, à la date de cessation du paiement de ces dernières, et qu'interrompt la prescription la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, la prescription recommençant à courir à partir de la date de cette reconnaissance mais à la condition que la personne à laquelle elle est susceptible d'être opposée ait eu connaissance de cette dernière , et qu'interrompent également la prescription les citations en justice aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et notamment la saisine de la caisse aux fins d'organisation d'une tentative de conciliation, qui équivaut à une citation en justice.

Attendu qu'il résulte des articles 1du Code civil devenu 1353 du Code Civil et 9 du Code de procédure civile ainsi que de l'article 6 du même Code qu'il appartient à celui qui se prévaut de la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'alléguer à son soutien les faits de nature à l'établir et d'en faire la preuve.

Attendu qu'en indiquant qu'en l'absence de preuve de la date d'envoi de la requête introductive d'instance le FIVA ne démontre pas avoir saisi le Tribunal avant l'expiration du délai de prescription la société POLYNT COMPOSITES FRANCE inverse expressément la charge de la preuve et n'allègue donc aucunement les faits concluants nécessaires au succès de sa fin de non-recevoir de même qu'elle ne les établit pas.

Que ces seules constatations caractérisent l'absence de fondement de cette fin de non-recevoir.

Qu'il soit ajouté, à titre tout à fait surabondant, que le salarié n'a pu avoir connaissance au plus tôt de la reconnaissance de sa maladie professionnelle que le 5 avril 2011, lendemain de la date du courrier de prise en charge et que l'action du FIVA a en conséquence été engagée, par courrier expédié le 5 avril 2013, dans le délai de deux ans impartis par les premiers textes précités.

Qu'il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société POLYNT COMPOSITES FRANCE aux demandes du FIVA.

SUR LE BIEN FONDE DE L 'ACTION EN RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE LA SOCIETE POLYNT COMPOSITES FRANCE.

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver et qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.

Qu'il résulte de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale que la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle et que l'employeur est toujours en droit de contester le caractère professionnel de l'affection ou l'exposition du salarié au risque pour défendre à l'action en reconnaissance de sa faute.

Que sauf s'il y a lieu à application des dispositions des alinéa 6 et 7 de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, il appartient alors au salarié ou à la personne subrogée dans ses droits d'établir que la maladie déclarée est présumée avoir un caractère professionnel en application des prescriptions de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale pour avoir été contractée dans les conditions mentionnées au tableau correspondant, à charge pour l'employeur de rapporter la preuve de ce que le travail du salarié n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie ;

Attendu qu'en l'espèce il résulte de la manière la plus claire possible du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente de Monsieur C F produit en pièce 11 par le FIVA que ce dernier est atteint de plaques pleurales diagnostiquées par deux scanners du 14 novembre 2008 et du 8 septembre 2009.

Que ces constatations suffisent à établir que la condition médicale prévue au tableau 30 B est remplie.

Attendu que la société POLYNT COMPOSITES FRANCE venant aux droits et obligations de la société CRAY VALLEY reconnaît expressément que cette dernière a employé Monsieur F sur son site de DROCOURT du 21 août 1972 au 31 décembre 1984.

Attendu que le FIVA soutient que la société CRAY VALLEY devrait répondre de l'exposition de Monsieur F sur le site de WINGLES sur lequel il a travaillé de 1968 à 1972.

Qu'il s'appuie à cet égard sur une attestation du 6 septembre 1985 de la société CDF CHIMIE et sur le fait qu'il aurait été jugé à plusieurs reprises que la société CRAY VALLEY viendrait aux droits de cette société CDF CHIMIE.

Attendu en premier lieu que l'attestation précitée indique que Monsieur F a été employé par cette dernière dans son établissement de Drocourt du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1984.

Que ces mentions ne soient pas contestées par la société POLYNT COMPOSITES FRANCE et sont au surplus confirmées par le relevé de carrière du salarié produit par le FIVA.

Attendu qu'il il résulte en toute logique de la confrontation de l'attestation et des déclarations de l'appelante concernant la période d'activité du salarié à son service qu'elle a repris le contrat de travail de Monsieur F qui était précédemment employé par la société CDF CHIMIE.

Attendu qu'aux termes de l'article L.122-12-1 du Code du travail applicable à l'époque de cette reprise, auquel succède l'article L.1224-2 du même Code, le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont le contrat de travail subsiste aux obligations incombant à l'ancien employeur sauf lorsqu'il y notamment substitution d'employeur sans qu'il y ait de convention entre ceux-ci.

Qu'il résulte de ce texte qu'il appartient à celui qui se prévaut de la reprise des obligations de l'ancien employeur par le nouveau d'établir l'existence d'une convention entre ces derniers.

Attendu que le FIVA ne produit aucune convention intervenue entre les sociétés CDF CHIMIE et la société CRAY VALLEY ou une société aux droits et obligations de laquelle viendrait cette société.

Que le bien fondé des prétentions du FIVA n'est pas établi à ce stade de son argumentation.

Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L.236-2 et L.236-3 du Code de Commerce dans leur rédaction applicable que lorsqu'un apport partiel d'actif a été soumis au régime des scissions par décision des parties, un tel apport emporte, sauf clause contraire, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de toutes les obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport, la société apporteuse restant d'ailleurs solidairement obligée avec la société bénéficiaire au paiement des dettes transmises à cette dernière.

Attendu que le FIVA soutient que la société CRAY VALLEY viendrait aux droits de la société CDF CHIMIE comme l'auraient jugé à plusieurs reprises le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale d'Arras et la Cour d'Appel de Douai.

Qu'il faille comprendre de cette formulation que le FIVA estime en réalité que cette société viendrait aux obligations de la société CDF CHIMIE, vraisemblablement par les effets d'une fusion absorption ou d'un apport partiel d'actif.

Attendu cependant que l'autorité de la chose jugée ne peut être retenue qu'en ce qui concerne les énonciations figurant au dispositif du jugement et qu'elle suppose une identité de parties et de demandes.

Que les décisions invoquées par le FIVA n’aient manifestement pas autorité de la chose jugée pour ne pas concerner les mêmes parties que celle figurant au présent litige, ne peut porter sur les mêmes demandes et ne pas statuer dans leur dispositif sur la question litigieuse.

Attendu cependant que si ces décisions n'ont pas autorité de chose jugée, elles pourraient cependant être retenues à titre de présomption grave précise et concordante de ce que la société CRAY VALLEY viendrait aux droits et obligations de la société CDF CHIMIE par l'une ou l'autre des opérations précitées, permettant ainsi au FIVA d'établir que la première doit supporter les conséquences de l'exposition du salarié chez la seconde pour la période de 1968 au début de l'année 1972.

Attendu que dans le jugement du 16 mars 2009 le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale d'Arras indique, dans l'exposé du litige, que le salarié victime a été employé au sein d'une société D X Y aux droits de laquelle se trouve la société CRAY VALLEY.

Que cette société D n’ait strictement rien à voir, a priori, avec la société CDF CHIMIE dont émane l'attestation invoquée par le FIVA.

Que rien ne permet de comprendre à partir de quelles pièces le Tribunal se serait déterminé pour retenir ce fait présenté comme constant et qu'il ne semble pas que la question de la période d'emploi du salarié ait été débattue entre les parties.

Attendu que l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai n'apporte pas plus d'informations sur ce point.

Que ces décisions ne présentent donc aucun intérêt pour la solution du présent litige.

Attendu ensuite que la chose jugée par le jugement du 16 novembre 2009 n'apporte pas plus d'information utile à la solution de la présence affaire, la problématique qui était posée au juge apparaissant comme étant exactement l'inverse de celle intéressant cette dernière.

Que la question qui se posait était en effet de savoir si la société CRAY VALLEY avait repris les obligations résultant de l'exploitation du site de Drocourt alors que le présent litige porte sur la question de la reprise par CRAY VALLEY des obligations générées par l'exploitation du site de Wingles.

Que ce jugement ne contienne en définitive aucune information et encore moins démonstration qui présente une quelconque utilité pour la solution du présent litige.

Qu'il sera en outre relevé à toutes fins utiles qu'il résulte du procès-verbal du 5 juin 1990 de l'Assemblée Générale de NORSOCHIM produit par la société POLYNT COMPOSITES FRANCE que si cette dernière a changé de dénomination sociale pour s'appeler CRAY VALLEY, il résulte de la première résolution prise par cette assemblée qu'elle n'a repris que les éléments corporels et incorporels concourant aux activités liées aux revêtements et exploitées sur les sites de Carling, Mazingarbe, Drocourt, Verneuil en Halatte et dans les agences, sans qu'il soit à aucun moment mentionné le site de Wingles sur lequel était employé Monsieur F, ce dont il découle que la société CRAY VALLEY ne saurait être tenue des obligations générées par l'activité exploitée sur ce site.

Qu'il en résulte que la reprise par la société CRAY VALLEY, aux droits et obligations de laquelle vient la société POLYNT COMPOSITES FRANCE, des droits et obligations de la société CDF CHIMIE en ce qui concerne les conséquences de l'activité de Monsieur F sur le site de Wingles n'est en rien établie par voie de présomption par les décisions de justice auxquelles se réfère le FI VA et qu'elle apparaît même comme contredite par les autres éléments du débat.

Qu'il s’ensuive que la société POLYNT COMPOSITES FRANCE ne peut se voir imputer les conditions dans lesquelles Monsieur F a effectué son activité professionnelle avant 1972 sur le site de Wingles.

Attendu qu'il résulte du « questionnaire assuré » que Monsieur F déclare avoir été exposé massivement à l'amiante sur le site de Wingles et un peu exposé sur le site de Drocourt dans l'ancien atelier de résines polyester et, sans doute, un peu également dans l 'atelier des pré emprégnés » mais sans commune mesure avec l'usine d'électro chimie de Wingles.

Que son collègue Monsieur M relate l'exposition des salariés à l'amiante et notamment de Monsieur F sur le site de Wingles de 1955 à 1972, date de sa fermeture.

Qu'il n'est versé aux débats aucune pièce corroborant les déclarations du salarié concernant son exposition légère et en partie hypothétique sur le site de Drocourt.

Qu'il convient de dire en conséquence que cette exposition n'est pas établie et, infirmant le jugement déféré, de débouter le FIVA de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société CRAY VALLEY aux droits et obligations de laquelle vient la société POLYNT COMPOSITES FRANCE ainsi que de toutes ses prétentions indemnitaires afférentes.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des deux procédures 19/03752 et 19/02548 et dit qu'elles seront désormais suivies sous ce dernier numéro.

Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société POLYNT COMPOSITES FRANCE à l'action du FIVA et déclare cette action recevable.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

Déboute le FIVA de l'intégralité de ses demandes et de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne aux dépens.