CA Versailles, 12e ch., 21 mai 2019, n° 18/00778
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Exterion Media France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Andrieu
Conseiller :
Mme Muller
Avocats :
Me Pedroletti, Me Blouin, Me Blanchard Masi, Me Masi
M. Y B a été embauché le 1er janvier 2003 en qualité de responsable commercial par la société Stroer Cannes qui exerçait l'activité de loueur d'emplacement publicitaire extérieur ("outdoor advertising"). Le capital de cette société était détenu intégralement par la société Stroer France.
À la suite de son licenciement pour motif économique le 2 janvier 2004, M. B a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse lequel a condamné le 8 février 2006 son employeur à une somme globale de 344 934,37 €.
Le 11 juillet 2006, M. B a procédé à l'inscription d'un nantissement devenue définitive le 25 juillet 2007 sur le fonds de commerce de son employeur pour un montant de 340 327,19 €.
Le 23 août 2006, la société Stroer France a absorbé la société Stroer Cannes et la société Stroer Nice avec effet rétroactif au 1er janvier 2006.
Le 25 août 2006, dans le cadre d'un apport partiel d'actifs, la société Stroer France a apporté à la société Pass Affiches son activité de publicité extérieure pour la France, conservant son activité de conseil en publicité prenant alors la dénomination sociale de Cosmopolitan Media et dont la liquidation judiciaire sera prononcée le 2 octobre 2008.
Le 3 octobre 2006, les actions de la société Pass Affiches étaient cédées à la société CBS Outdoor, dénommée ultérieurement Extérion Média.
Le 13 novembre 2006, le tribunal de commerce de Grasse a prononcé la liquidation judiciaire de la société Stroer Cannes, fixant la date de cessation des paiements au 13 novembre 2006.
Le 28 avril 2008, la société Pass Affiches a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation à la suite de son absorption par la société Extérion Media.
Par arrêts des 28 mai 2007 et 6 juin 2009 (arrêt rectificatif), la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes et a fixé la somme des condamnations à 373'228,67 €.
Le 27 juin 2016, M. B a vainement tenté d'obtenir de la société Extérion Média le règlement des sommes réclamées par voie de sommations.
Par acte du 8 juillet 2016, M. B a sollicité du tribunal de commerce de Nanterre la condamnation de la société Extérion Média à lui verser la somme de 424'524,94 €, et à titre subsidiaire la mise aux enchères du fonds de commerce de cette société et d'être autorisé à en percevoir le prix, le tout avec exécution provisoire, indemnité de procédure et dépens.
Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté M. B de sa demande de paiement envers la société Extérion Média de la somme de 373 228,67 euros montant des sommes allouées par la cour d'appel d'Aix en Provence;
- débouté M. B de sa demande de mise aux enchères publiques du fond de la société Extérion Média en ses éléments incorporels et corporels rattachables au fonds transmis par la société Stroer Cannes;
- débouté la société Extérion Média de sa demande de dommages et intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné M. B aux entiers dépens;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 5 février 2018 par M. B du jugement ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2018 par lesquelles M. B demande à la cour de :
- bien vouloir infirmer le jugement du 10 janvier 2018 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il reconnaît la validité du nantissement de M. B et déboute de ses demandes la société Extérion Média, et sur ce :
A titre principal,
Vu les articles L. 236-3 I et L. 236-6-1 du code de commerce,
Vu l'article 1844-5 du code civil,
- constater que les dettes nées du contrat de travail de M. B étaient rattachées au fonds de commerce de la société Stroer Cannes ;
- constater la transmission universelle du patrimoine de la société Stroer Cannes à la société Extérion Média par le jeu des opérations de restructuration opérées ;
- déclarer M. B fondé en sa demande de paiement ;
- condamner la société Extérion Média au paiement de la somme de 424.524,94 euros visée à la sommation de payer délivrée le 27 juin 2016,
- condamner la société Extérion Média à payer à M. B la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Extérion Média aux dépens de première instance et d'appel ;
A titre subsidiaire,
Vu les articles L. 143-5 et L. 143-12 du code de commerce,
- constater l'existence, la régularité et le caractère non prescrit de l'inscription prise sur le fonds de la société Stroer Cannes par M. B ;
- constater que, par le jeu des opérations de restructuration opérées, la société Extérion Média a la qualité de tiers détenteur du fonds de la société Stroer Cannes ;
- constater l'état d'impécuniosité de la société Stroer France et la dette subsistante à l'égard de M. B ;
- ordonner la mise aux enchères publiques du fonds de la société Extérion Média en ses éléments incorporels et corporels rattachables au fonds transmis par la société Stroer Cannes
- commettre un officier public pour dresser le cahier des charges et procéder à la vente ;
- fixer à 320.513,60 euros la mise à prix du fonds de commerce ;
- autoriser le demandeur à toucher le prix directement de l'officier public, jusqu'à concurrence de sa créance en principal, intérêts et frais, savoir 320.513,60 euros et sauf prélèvement des frais privilégiés ;
- condamner la société Extérion Média à payer à M. B la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Extérion Média aux dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.;
En tout état de cause,
Vu l'article 31 du code de procédure civile,
- rejeter l'appel incident de la société Extérion Média et sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et tardive.
Vu les dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2018 au terme desquelles la société Extérion Média demande à la cour de :
- débouter M B de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. B de sa demande de paiement envers Extérion Média à hauteur de 373.228,67 €,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. B de sa demande de mise aux enchères publiques du fonds de la société Extérion Média en ses éléments incorporels et corporels rattachables au fonds transmis par Stroer Cannes,
Statuant à nouveau,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Extérion Média de sa demande de nullité du nantissement,
- condamner M. B à verser à la société Extérion Média la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et tardive,
- condamner M. B à verser à la société Extérion Média la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner M. B aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2019.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur la demande de condamnation de la société Extérion Média
M. B réitère sa demande de condamnation de la société Extérion Média à la somme de 424'524,94 € formée devant les premiers juges et dont il a été débouté. Il soutient que la dette née de son contrat de travail était attachée au fonds de commerce de la société Stroer Cannes, que cette dette a été transmise nécessairement par l'effet de la loi (fusion puis apport partiel d'actifs soumis au régime des scissions et enfin dissolution sans liquidation) à la société Extérion Média. Il fait valoir que la clause du traité d'apport stipulé entre M. C, alors dirigeant de la société Stroer France, et ce même M. D, agissant cette fois en qualité de dirigeant de la société Pass Affiches, excluant du traité tout ce qui n'y est pas expressément visé, n'a pour seule fin que la fraude de ses droits.
Il réplique aux arguments adverses en soutenant que les parties prenantes au traité ont fait le choix de l'option fiscale pour le régime de faveur en matière de droits d'enregistrement conduisant à l'application d'un droit fixe et non proportionnel, que ce choix suppose le respect d'une condition imposée par l'administration fiscale à savoir la cession d'une branche complète d'activité, que dès lors le traité ne pouvait exclure sa dette.
Il objecte que l'absence de comptabilisation de sa dette dans les livres de la société Stroer France s'explique par l'effet rétroactif du traité (31 décembre 2005) le conseil de prud'hommes ayant condamné la société Stroer Cannes le 8 février 2006 et qu'en revanche il existe une provision de 367'000 € dans les livres de la société Stroer France après fusion correspondant à sa créance. Il fait valoir que la mise hors de cause de la société Pass Affiches par la cour d'appel d'Aix en Provence ne signifie pas que la cour a tranché la question du transfert de sa créance lors de l'apport partiel d'actifs à la société Pass Affiches. Il expose qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir inscrit de nantissement sur le fonds de commerce de la société Pass Affiches alors qu'il est constant que la transmission du fonds de commerce opère transmission de plein droit aux bénéficiaires de la charge de la sûreté et dispense le créancier nanti de procéder à une inscription modificative.
La société Extérion Media sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Elle fait valoir que la société Pass Affiches n'a jamais été reconnue débitrice à l'égard de M. B ainsi que le confirme l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 28 mai 2007, que seule la société Stroer France était débitrice de cette somme.
Elle soutient n'avoir « rien à voir » avec les sociétés Stroer Cannes, Stroer France et Pass Affiches, que l'existence d'une fraude n'est pas rapportée, que les actes d'apport établissent avec certitude que la créance litigieuse n'a pas été transmise à la société Pass Affiches, qu'il n'est pas démontré que la provision apparaissant au passif des sociétés fusionnées corresponde à la créance litigieuse, que M. B n'a pas pris la précaution de procéder à une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la société Pass Affiches afin de garantir sa créance prétendue.
Sur ce,
Le premier et le second alinéa de l'article L. 236-1 du code de commerce prévoit qu'une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu'elle constitue. Une société peut aussi par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.
Selon les termes de l'article L. 236-3 I du même code, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission.
L'article L. 236-4 du code du commerce stipule que la fusion ou la scission prend effet : 1° en cas de création d'une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d'immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d'entre elles ; 2° dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date, laquelle date ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires, ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.
En application de l'article L. 236-20 du code de commerce les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission sont débitrices solidaires des créanciers obligataires et des créanciers non obligataires de la société scindée au lieu et place de celle ci sans que cette substitution emporte novation à leur égard.
Il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la provision inscrite au passif des sociétés fusionnées corresponde exactement à la créance litigieuse.
Toutefois, il n'est pas contesté que la société Stroer Cannes, employeur de M. B a, par voie de fusion-absorption, selon traité de fusion du 1er juillet 2006, approuvé par les actionnaires le 23 août 2006, transmis à la société Stroer France " l'ensemble de ses biens, droits et obligations, actifs et passifs tels qu'estimés à la date du 31 décembre 2005 avec effet rétroactif au 1er janvier 2006". En conséquence, la créance salariale née d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse notifié le 2 janvier 2004 par la société Stroer Cannes, fixée à la somme de 373'228,67 € à l'issue du jugement du conseil de prud'hommes du 8 février 2006 confirmé par la cour d'appel d'Aix en Provence, a été transférée dans le patrimoine de la société Stroer France, société absorbante.
Il n'est pas davantage contesté que la société Stroer France a cédé une partie de son activité au profit de la société Pass Affiches, par voie d'apport partiel d'actifs selon traité du 25 août 2006.
Ce traité d'apport partiel mentionne en son article 2.1 ("Apport de la branche d'activité") que la société Stroer France "fait apport de son activité de publicité extérieure sous toutes ses formes, exercés sur le territoire français, à l'exception de son activité de conseil, à titre d'apport partiel d'actifs...., à la société Pass Affiches, ....de la propriété pleine et entière des biens énumérés au point 2.4.1 à 2.4.3 ... qui faisait partie des éléments d'actifs des sociétés Stroer France, Stroer Cannes et Stroer Nice... et qui forment ensemble une branche complète d'activité, y compris le bénéfice et la charge des résultats actifs et passifs des opérations accomplies entre le 1er janvier 2006 et la date de réalisation définitive des présents apports, dans la mesure où lesdites opérations actives et passives concernent les biens apportés et que leur prise en charge par la société Pass Affiches est prévue dans la présente convention. En contrepartie de l'apport de ces éléments d'actifs, la société Pass Affiches prendra en charge le passif énuméré au point 2.5 ci après. Il est précisé que tous autres éléments d'actifs et passifs de la société apporteuse, non expressément visés ci après, sont exclus des apports.". L'article 2.5 intitulé "Passif pris en charge" mentionne l'existence d'une annexe 4 qui reprendrait les éléments de passif ainsi qu'une annexe 6 faisant état de l'actif net apporté. Ces annexes ne sont pas versées aux débats.
Il convient de savoir si la créance de M. B a été transférée ou non à la société absorbante Pass Affiches.
Dans la mesure où elle n'est pas expressément visée au traité elle pourrait être considérée comme exclue des apports.
Toutefois, le commissaire aux apports précise, dans son rapport, que cet apport partiel d'actifs sous le régime des scissions est indispensable pour sauvegarder la compétitivité de la société Stroer France en apportant "à une entité distincte [la société Pass Affiches] la branche d'activité consistant à réaliser de la publicité extérieure sur le territoire français, la société Stroer France conservant toute forme d'activité de publicité extérieure hors de France ainsi que l'activité de conseil pour la France.", cet apport formant "une branche complète d'activité, y compris le bénéfice et la charge des résultats actifs et passifs des opérations accomplies entre le 1er janvier 2006 et la date de réalisation définitive des présents apports....".
La cour observe que M. B dans le cadre de son contrat de travail avec la société Stroer Cannes, a occupé la fonction de responsable commercial (article 1: objet) avec un territoire de prospection (article 4 : lieu de travail) s'entendant : « principalement sur les départements des Alpes Maritimes et du Var Est, la modification du dit secteur et en l'occurrence du lieu de travail, ne saurait être engagée sans constituer un changement substantiel du présent contrat portant ainsi préjudice au salarié, lequel contrat s'entendrait alors rompu de la seule initiative de l'employeur.... ». Il s'en déduit que l'activité salariée de M. B dont la rupture est cause de la créance litigieuse, relève de la branche d'activité apportée à la société Pass Affiches.
Il résulte d'attestations de représentants d'un client de la société Stroer France (Zoo de Fréjus Var) que la campagne d'affichages de l'été 2006 initialement commandée auprès de la société Stroer France a été réglée entre les mains de la société Pass Affiches (attestation M. Z). Par ailleurs ce client (attestation M. A) a été destinataire d'une lettre du 20 octobre 2006 (jointe à l'attestation) sous la signature conjointe de la société Pass Affiches (M. Rumpelhardt) et de la société Viacom Outdoor (devenue Extérion Média) l'informant que cette dernière s'est portée acquéreur de la société Pass Affiches le 3 octobre 2006 qui "regroupe les activités d'affichage en France de la société Stroer, implantée principalement dans les régions Rhône Alpes et PACA"...." c'est une excellente nouvelle pour les clients et partenaires de Pass Affiches, et l'assurance d'une continuité et d'un développement dans le futur. Soyez certains que nous mettons tout en oeuvre pour que la transition entre nos deux sociétés se passe dans les meilleures conditions, et qu'elle n'ait aucun effet négatif pour vous."
En conséquence, au delà d'une simple acquisition des actions de la société Pass Affiches, l'activité même de cette dernière a été transférée, dans les faits, à la société Extérion Média dès le mois d'octobre 2006.
Si la cour d'appel dans son arrêt du 28 mai 2007 a mis hors de cause la société Pass Affiches à défaut pour M. B d'avoir fourni des éléments probants justifiant d'un lien entre cette dernière et la société Stroer France, elle n'a pas pour autant tranché la question qui ne lui était d'ailleurs pas soumise, du transfert à la société Pass Affiches de la dette dûe à M. B à l'occasion de l'apport partiel d'actifs.
Au-delà des constations qui précèdent, la cour ne peut manquer de relever certains éléments :
- l'incohérence à soutenir que l'objectif poursuivi par l'apport partiel d'actifs vise à apporter une branche d'activité complète relative à la publicité extérieure sur le territoire français et à exclure néanmoins de l'apport, la prise en charge d'un passif consécutif au licenciement qui relève de cette branche d'activité,
- la signature d'un traité d'apport partiel d'actifs par une seule et même personne (M. C) représentant à la fois la société apporteuse et la société bénéficiaire, laissant ainsi, dans les faits, la liberté de ne retenir que les éléments "choisis" d'actif et de passif qui conviennent à la société bénéficiaire remettant ainsi en cause le principe même de la transmission complète de la branche d'activité avec l'intégralité de son actif et de son passif,
- la déclaration, dans le cadre du traité du 25 août 2006, par la société apporteuse Stroer France selon laquelle son fonds de commerce n'est grevé d'aucune inscription de créanciers nantis alors que M. B avait inscrit un nantissement le 11 juillet 2006, dénoncé le 19 juillet 2006 (lettre du greffe du tribunal de commerce de Grasse du 26 juillet 2007), sur le fonds de commerce de la société Stroer Cannes absorbée depuis le 23 août 2006 par la société apporteuse Stroer France,
- la concomitance pour ne pas dire la précipitation, des opérations d'absorption des sociétés Stroer Cannes et Nice par la société Stroer France le 23 août 2006, la signature du traité d'apport partiel entre la société Stroer France et la société Pass Affiches le 25 août 2006 et l'acquisition de la société Pass Affiches le 3 octobre 2006 par la société Extérion Média traduisant la concertation entre l'ensemble de ces acteurs dans la réalisation des opérations de restructuration, peu de temps après le jugement du conseil de prud'hommes du 8 février 2006, notifié le même jour aux parties, et à l'inscription du nantissement sur fonds de commerce du 11 juillet 2006.
Il ressort de ce qui précède que la créance litigieuse a été transférée, dans les faits, avec le passif attaché à la branche d'activité complète, à la société Pass Affiches, peu important que les parties au contrat, représentées par la même personne, aient convenu que les éléments d'actif et de passif de la société apporteuse, non expressément visés au traité devaient en être exclus.
Le traité (art 2.6 : Propriété. Jouissance) précise que "la société bénéficiaire de l'apport sera, enfin, subrogée purement et simplement d'une façon générale dans tous les droits, actions, obligations et engagements divers, se rapportant aux biens faisant l'objet du présent apport. À ce titre elle se trouvera notamment et en conformité des dispositions de l'article L. 236'20 du code de commerce, débitrice des créanciers de la société apporteuse, au lieu et place de celle ci, sans que cette subrogation entraîne novation à l'égards desdits créanciers."
Il en résulte que la société Pass Affiches a été subrogée à compter du 25 août 2006 dans les obligations de la société Stroer France débitrice de la créance litigieuse à la suite de l'absorption de la société Stroer Cannes à effet rétroactif au 1er janvier 2006.
La société Pass Affiches a fait l'objet d'une dissolution en vertu de l'article 1844-5 du code civil, à la suite de la réunion de ses actions en une seule main le 28 avril 2008, la transmission universelle de son patrimoine ayant été réalisée le 31 mai 2008 au profit de la société CPS Outdoor dénommée désormais Extérion Média.
La transmission universelle de patrimoine entraînant la transmission de l'ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, la créance de Monsieur B à l'encontre de la société Pass Affiches a été transférée à la société Extérion Média.
La cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. B de sa demande de condamnation de la société Exterion Média et condamnera cette dernière à lui verser la somme de 373 228,67 euros, correspondant à la somme de 344 934,37 euros, selon la condamnation prononcée par le jugement du conseil de prud'hommes du 8 février 2006, confirmé par l'arrêt du 28 mai 2007, somme à laquelle il convient d'ajouter la somme de 28 294, 30 euros conformément au dispositif de l'arrêt rectificatif du 6 avril 2009 de la cour d'appel d'Aix en Provence.
En application de l'article 1153-1 ancien, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 8 février 2006 date de la notification du jugement du conseil de prud'hommes de Grasse.
Sur la nullité du nantissement
La société Exterion Média soutient, au visa de l'article R.532-5 du code des procédures civiles d'exécution, que l'inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de la société le 11 juillet 2006 est caduc au motif que la décision judiciaire motivant cette inscription de nantissement n'était pas jointe à l'acte de dénonce signifié par voie d'huissier et qu'en conséquence l'inscription définitive prise le 25 juillet 2007 est entachée de caducité et donc de nullité.
M. B fait valoir pour l'essentiel, au visa de l'article 114 du code de procédure civile, que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour la société Extérion Média de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
Sur ce :
Les dispositions de l'article 255 issu du décret numéro 92-755 du 31 juillet 1992 alors applicables à la date de l'inscription de nantissement provisoire ont été abrogées au 1er juin 2012 et reprises, dans les mêmes termes, par l'article R 532-5 du code des procédures civiles d'exécution. L'article 255 disposait : « à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice. Cet acte contient à peine de nullité : I° une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée, d'une créance de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n'est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ; 2° l'indication de caractères très apparents que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article 217 [ désormais R. 512-1]; 3° la reproduction des articles 210 à 219 et 256 [ désormais R. 511-1 à R. 512-3 et R. 532-6 ].
Il résulte des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qu'il l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit une formalité substantielle d'ordre public.
Il résulte de l'acte de dénonce qu'il n'a pas été signifié avec copie de la décision judiciaire en l'espèce la décision du conseil de prud'hommes de Grasse du 8 février 2006.
La société Exterion Média fait valoir que cette absence de production lui ferait grief au motif que le débiteur notifié pouvait s'interroger sur la décision à l'origine de l'inscription sans certitude que le jugement était celui du conseil de prud'hommes de Grasse du 8 février 2006 avançant même l'hypothèse que plusieurs jugements pouvaient avoir été rendus ce jour là à l'encontre de la société Stroer France de sorte que cette absence de transmission créait un doute chez le débiteur à l'origine du grief.
Le bordereau d'inscription de nantissement du 11 juillet 2006 se réfère expressément à M. B et au jugement du conseil de prud'hommes du 8 février 2006. Ce jugement avait été également notifié le 8 février 2006 à la société Stroer France ainsi que le greffe du conseil de prud'hommes le confirme (lettre du 14 octobre 2016) de sorte que le débiteur ne pouvait se méprendre sur le jugement à l'origine de l'inscription d'autant que le montant de la créance figurant au bordereau correspond aux causes de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes.
Dès lors, la société Exterion Media ne rapporte pas la preuve du grief qui lui aurait été causé du fait de l'absence de copie jointe à l'acte de dénonce d'inscription provisoire du nantissement.
Le nantissement provisoire n'étant en conséquence pas entaché de nullité, le nantisssement définitif ne l'est pas davantage.
La cour relève que les premiers juges n'ont pas repris dans leur dispositif le constat de la validité du nantissement pris par M. B retenu dans les motifs, ni débouté la société Exterion Medai de sa demande de nullité du nantissement.
Dans ces conditions, y ajoutant, la cour déboutera la société Exterion Media de sa demande de nullité de nantissement.
Sur l'étendue du nantissement
M. B sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité l'assiette du nantissement du fonds de commerce à l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage. Il fait valoir que les dispositions de l'article R. 143-8 du code de commerce sur lesquelles s'est fondé le tribunal ne s'appliquent pas au nantissement judiciaire mais au nantissement conventionnel, qu'il s'est conformé au bordereau pro forma d'inscription en indiquant que le nantissement portait sur "tous éléments corporels et incorporels composant le fonds de commerce".
La société Extérion Média, au visa des articles L. 142-2 et R. 143-8, du code de commerce, soutient que le nantissement ne comprend que l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage en l'absence de désignation expresse et précise de tous autres éléments du fonds encore que ceux ci soient limités par l'effet de la loi.
Sur ce :
L'article L.142-2 du code du commerce stipule que :" sont seules susceptibles d'être compris dans le nantissement soumis aux dispositions du présent chapitre comme faisant partie d'un fonds de commerce : l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel et l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachées. Le certificat d'addition postérieure au nantissement qui comprend le brevet auquel il s'applique suit le sort de ce brevet et fait partie, comme lui, du gage constitué. A défaut de désignation expresse et précise dans l'acte qui le constitue, le nantissement ne comprend que l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage".
L'article R. 143-8 du code de commerce prévoit qu'il est joint à l'acte de vente ou de nantissement deux bordereaux sur papier non timbré dont la forme est déterminée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Ils contiennent :1°....;4° la désignation du fonds de commerce et de ses succursales avec l'indication précise des éléments qui les constituent et sont compris dans la vente ou le nantissement, la nature de leurs opérations et leur siège, sous réserve de tous autres renseignements propres à les faire connaître ; si la vente ou le nantissement s'étend à d'autres éléments du fonds de commerce que l'enseigne, le nom commercial, le droit au bail et la clientèle, ces éléments sont nommément désignées ;5°....".
L'article L. 142-1 du code de commerce précise que "Le fonds de commerce peut faire l'objet de nantissement, sans autres conditions ou formalités que celles prescrites par le présent chapitre et le chapitre III ci après. Le nantissement d'un fonds de commerce ne donne pas aux créanciers gagiste le droit de se faire attribuer le fond en paiement jusqu'à due concurrence.".
Les textes précités n'opèrent pas de distinction, dans leur application, entre le nantissement conventionnel et le nantissement judiciaire.
L'inscription de privilège de nantissement à titre définitif du 20 juillet 2007 mentionne qu'elle porte sur « tous les éléments corporels ou incorporels composant le fonds de commerce en son intégralité ».
En l'absence de désignation, expresse et précise, au bordereau d'inscription d'éléments du fonds de commerce susceptibles d'être nantis conformément aux dispositions de l'article L 142-2 du code de commerce, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a jugé que le nantissement ne comprenait que l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.
Sur la demande de condamnation fondée sur la procédure abusive
La société Extérion Média sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive. Elle fait valoir que depuis l'inscription définitive du 20 juillet 2007, M. B n'a engagé aucune mesure d'exécution contre la société Pass Affiches qu'il ne considérait pas comme sa débitrice, ou contre la société Extérion Média, qu'il a fait preuve ainsi d'une inertie coupable pendant plus de 10 ans démontrant un acharnement qui lui causerait "nécessairement" un préjudice.
M. B réplique que son droit n'est pas prescrit et que la société Extérion Média était informée de ses demandes depuis longtemps.
Sur ce :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi.
M. B bénéficie d'un décision judiciaire confirmée par arrêt de la cour d'Aix en Provence du 28 mai 2007.Il cherche à en obtenir l'exécution à l'encontre de son ancien employeur dont l'activité par l'effet de restructurations successives sous forme de fusion, d'apport partiel d'actifs puis de dissolution avec transfert universel de patrimoine, a été intégrée au sein de la société Exterion Média.
Il n'y a aucune malice ou mauvaise foi démontrée de la part de M. B à poursuivre cet objectif alors que la société Exterion Média a été mise en demeure depuis le 24 juin 2008 (lettre du cabinet Jurex de même date), et à plusieurs reprises depuis (lettre du conseil de M. B du 25 mars 2014) d'avoir à payer les causes de la condamnation.
La cour confirmera le jugement en ce qu'il a débouté la société Extérion Média de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement entrepris sera infirmé s'agissant des dépens et de l'indemnité de procédure.
La société Extérion Media qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct et à verser à M. B une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris rendu le 10 janvier 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre en ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Exterion Média de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau,
Dit que la société Extérion Média a, par restructurations successives, hérité de la dette constituée par les causes de la condamnation prononcée au profit de M. Y X B à l'encontre de la société Stroer Cannes par le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 8 février 2006, confirmé par les arrêts des 28 mai 2007 et 6 juin 2009 rendus par la cour d'appel d'Aix en Provence ;
Condamne la société Extérion Média à payer à M. Y X B la somme de 373 228,67 euros avec intérêt légal à compter du 8 février 2006,
Y ajoutant,
Déboute la société Exterion Média de sa demande de nullité de l'inscription provisoire du 11 juillet 2006 et celle définitive du 20 juillet 2007 de nantissement du fonds de commerce au bénéfice de M. Y X B,
Dit que le nantissement relatif à l'inscription de privilège de nantissement à titre définitif du 20 juillet 2007 porte sur l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Extérion Média aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct,
Condamne la société Extérion Média à payer à M. Y B somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.