Cass. crim., 17 novembre 2004, n° 03-80.298
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Dulin
Avocat général :
M. Mouton
Avocats :
Me Haas, SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Piwnica et Molinié
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour les consorts X..., pris de la violation de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Bertrand B... du chef du délit de diffusion d'informations fausses ou trompeuses et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que lors de son entrée en bourse, sur le second marché, en 1988, le GFF a communiqué une information sur la notice d'introduction dans laquelle il présentait son activité comme essentiellement tournée vers la maîtrise d'ouvrage déléguée et l'administration de biens, ne comportant aucun risque financier ; que l'information alors diffusée sur la notice précisait que le GFF n'assurait pas ainsi les "risques classiques" des promoteurs immobiliers, risques présentés comme étant par exemple des programmes invendus, l'alourdissement des charges financières ; que GFF ne faisait état d'une activité de pur promoteur qu'à titre "très accessoire" et que les "besoins financiers à ce titre (ressortaient) faibles et ne (nécessitaient) pas d'endettement spécifique" ;
que l'évolution de l'activité de production immobilière a été énoncée : pour l'exercice 1989 dans le rapport de l'exercice et dans les comptes annuels où il était fait état de :
- dividendes de filiales et participations 12,4 millions de francs
- profits de constructions - ventes 4, 4 millions de francs pour l'exercice 1990, dans le rapport où il a été fait état :
- de l'activité de GFF "... en tant que promoteur associant des partenaires financiers au sein de sociétés constituées à cet effet pour engager des opérations et les conduire jusqu'à leur achèvement et à leur commercialisation"
- du lancement de telles opérations pour 3,1 millions de francs en 1989 et le traitement de celles à pour 3,7 millions de francs en 1990 (plus 18,5 de l'opération Balzac et dans les comptes annuels selon les précisions énoncées ci-dessus, notamment s'agissant de l'opération Balzac et des profits de constructions ventes de 114,7 millions de francs contre 4,5 millions de francs en 1989 ; que si la "lettre aux actionnaires" du 23 mai 1991 ne faisait pas état d'une évolution de ce qui fut une "marginalité" de l'activité de promotion immobilière, une telle communication ne saurait se lire sans la prise de connaissance conjuguée du rapport et des comptes de l'exercice 1990, dont la "lettre" n'est qu'un commentaire rapide, que cette "lettre" dépasse, pour envisager les perspectives raisonnables pour le nouvel exercice en cours et ceux à venir reposant sur les "éléments porteurs d'avenir" (diversité et complémentarité des activités, élargissement de la clientèle, solidité financière avec part des opérations de promotion immobilière inférieures au montant des fonds propres, cette dernière affirmation étant confirmée par l'examen chiffré, que Bertrand B... a relevé dans son argumentation), que celui-ci, par souci de "transparence" a d'ailleurs avisé le conseil d'administration, dans sa réunion du 2 juillet 1990 qu'il était désormais opportun de biens distinguer au sein du groupe les activités liées à la gestion immobilière traditionnelle et les activités liées à la réalisation des opérations nouvelles et à leur commercialisation, que cette scission permettrait de répondre aux préoccupations des organismes de garanties de la profession, toujours réticents face au mélange de métiers et de risques aussi différents que ceux de la construction neuve et de la gestion ; qu'ainsi, même s'ils n'étaient pas les premiers destinataires de la transparence nouvelle dans la distinction comptable des deux activités de GFF, les petits porteurs en ont bénéficié à compter de 1991, avec les comptes de l'exercice 1990 et plus encore avec les comptes de l'exercice 1991, l'un d'entre eux faisant même état du "second bilan" figurant à l'annexe du bilan ; qu'en réalité, les plaignants, pour la seule période visée à la prévention, d'ailleurs très isolés parmi les quelques 2000 petits actionnaires de l'époque, ont bénéficié d'une information complète et exacte, en temps utile, sur l'évolution de l'ampleur de l'activité de promotion immobilière à s'en rapporter aux communiqués indétachables de l'ensemble de la documentation comptable publiée comprenant le rapport du dirigeant et celui du commissaire aux comptes ; que la critique des parties civiles fondée sur une communication détachée de son contexte comptable est inopérante ; qu'il s'en déduit que l'information quant à l'évolution de l'ampleur de l'activité de promotion immobilière n'a été ni incomplète ni exacte ni diffusée à contre temps ;
"alors que ledit délit est constitué dès lors qu'un dirigeant de société diffuse dans le public des informations non conformes à la réalité de l'activité de la société, peu important que les actionnaires puissent prendre conscience de cette réalité en consultant les comptes ; qu'ainsi la cour d'appel, qui tout en constatant que la lettre aux actionnaires de Bertrand B... du 23 mai 1991 ne faisait pas état du développement de l'activité de promotion au sein de la société GFF depuis 1989 et que les actionnaires n'avaient pas eu connaissance de l'information donnée à ce sujet au conseil d'administration le 2 juillet 1990, s'est fondée, pour relaxer le prévenu, sur les éléments contenus dans les documents comptables de 1989 et 1990, a violé les textes visés au moyen" ;
Sur le second moyen de cassation, proposé pour les consorts X..., pris de la violation de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Bertrand B... du chef du délit de diffusion d'informations fausses ou trompeuses et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne la "situation provisoire des comptes 1991 et les perspectives 1992", il s'agissait d'une information sur la teneur du conseil d'administration dont le procès verbal a été approuvé par le conseil du 30 mars 1992 ;
que cette communication, soumise à la COB n'a entraîné aucune critique de sa part ; que, depuis la précédente information du 8 octobre 1991 le marché avait continué à se dégrader, l'Etat venait de se désengager de l'opération Rapp-Eiffel ce qui contraignait le GFF à constituer des provisions importantes, et l'affaire Balzac Saint-Honoré n'avait pas pu être cédée à la Bankers Trust, en raison du refus de certains banquiers de participer à l'opération de titrisation ; que, compte tenu de cette situation nouvelle, le communiqué a fait état de la nécessité de procéder à un provisionnement supérieur aux prévisions les plus pessimistes, prévoit un résultat négatif, a annoncé un prélèvement sur les réserves de 200 millions de francs que GFF espérait suffisant, et une augmentation de capital ; que l'espoir d'un retour au bénéfice pour 1992 ne minimisait nullement la portée de ces annonces de mesures ; que l'ensemble des témoins entendus s'accordent tous pour relever le caractère très explicite des difficultés ; qu'une analyse de la situation au 27 janvier 1992 à la lumière des événements de l'exercice 1992 ou la critique des perspectives attendues est sans portée ; qu'en effet les plaignants ne peuvent pas prétendre à l'inexactitude d'une perspective de situation financière à la lumière de comptes qui seront arrêtés au mieux trois à quatre mois plus tard et encore moins à la lumière d'événements qui ne se sont pas encore produits, ou d'expertise qui amalgame les appréciations des comptes à un temps donné avec des réintégrations de données comptables et financières connues postérieurement ;
"alors que, dès lors que le communiqué du 30 janvier 1992 se contentait d'évoquer, sans autre précision, un important effort de provisionnement qui conduirait à un résultat négatif mais à un retour au bénéfice dès l'exercice 1992, quand le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 27 janvier 1992 fait état de provision de 443 millions de francs pour une perte de 190 millions de francs, la cour d'appel en considérant que les informations données n'étaient pas trompeuses et l'espoir d'un retour aux bénéfices ne minimisait pas la portée des résultats annoncés, a violé les textes visés au moyen" ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Jean-Yves A..., pris de la violation des articles L. 465-1 du Code monétaire et financier, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef de diffusion de fausses informations en matière boursière pour agir sur le cours des titres et en conséquence, a débouté Jean-Yves A..., partie civile, de ses demandes ;
"aux motifs que les parties civiles ont bénéficié d'une information complète et exacte, en temps utile, sur l'évolution de l'ampleur de l'activité de promotion immobilière ainsi que cela résulte des communiqués diffusés, qui ne peuvent être détachés de l'ensemble de la documentation comptable publiée comprenant le rapport du dirigeant et celui du commissaire aux comptes ; que les comptes annuels de l'exercice 1990 ne sont ni inexacts ni incomplets ;
qu'ils n'ont pas, au demeurant, fait l'objet d'une quelconque critique de la part de la COB, des commissaires aux comptes ou de l'agence de notation "standard and Poors-ADEF" ;
"alors, d'une part, que commet le délit de diffusion d'informations fausses ou mensongères, l'administrateur d'une société qui approuve la diffusion d'un document comptable ne retraçant pas toutes les opérations qu'il était censé prendre en considération, qu'en retenant que les comptes annuels de l'exercice 1990 n'étaient ni inexacts ni incomplets, sans rechercher si le GFF n'avait pas omis de publier dans l'annexe de son bilan, comme il y était pourtant tenu, le montant des engagements financiers liés à sa responsabilité illimitée d'associé dans 75 sociétés en nom collectif et sociétés civiles immobilières impliquées dans des opérations de constructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, que, dressant la chronologie des événements, la cour d'appel a relevé, au nombre des éléments essentiels ayant affecté le cours du titre GFF, qu'en octobre 1991, la direction de l'entreprise avait fait état, lors d'une conférence de presse, d'une prévision de bénéfice net pour l'année 1991 de plus de 75 millions de francs et d'un endettement global de l'ordre d'l milliard de francs ;
que la cour d'appel a également relevé que le résultat de l'année 1991 s'était traduit, en définitive, par une perte de 238 millions de francs et que l'endettement global de la société était, en réalité, proche de 4,8 milliards de francs ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel ne pouvait pas, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, retenir qu'aucune information inexacte susceptible d'agir sur le cours du titre n'avait été diffusée" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis :
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.