Cass. 1re civ., 23 novembre 2022, n° 20-21.282
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Dumas
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Le Prado - Gilbert
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 août 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-18.118), par actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005, la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] (la banque) a consenti deux prêts immobiliers à M. et Mme [T] (les emprunteurs).
3. Ces prêts ont fait l'objet d'avenants conclus sous seing privé les 7 et 16 avril 2010.
4. Le 18 février 2014, la banque a délivré aux emprunteurs un commandement aux fins d'exécution forcée immobilière, puis a déposé au tribunal d'instance de Metz une requête en vue d'obtenir la vente de leur immeuble par voie d'exécution forcée.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.282, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le moyen du pourvoi n° 20-21.353
Enoncé du moyen
6. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les créances issues des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, de déclarer nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière délivré le 18 février 2014 et de rejeter sa requête, alors « que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable aux mesures d'exécution antérieures au 25 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, de sorte que les circonstances postérieures susceptibles d'affecter le montant de la créance effectivement réclamée par le prêteur sont inopérantes sur la qualification de titre exécutoire de l'acte ; qu'en l'espèce, pour considérer que les actes notariés fondant les poursuites de la banque ne valaient pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a retenu que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 31 août 2004 prévoit le remboursement de la somme de 125 000 euros en cent quarante quatre mensualités de 1 139,86 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 7 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 96 509,17 euros en cent vingt quatre mensualités de 967,67 euros au taux de 4,35 % l'an", que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 5 janvier 2005 prévoit le remboursement de la somme de 20 000 euros en cent quatre vingt mensualités de 152,01 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 16 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 15 090,55 euros en cent vingt mensualités de 155,31 euros au taux de 4,35 % l'an", qu'"il a été indiqué aux avenants qu'un nouveau tableau d'amortissement indiquant la décomposition en capital et intérêts et le cas échéant cotisations d'assurance des emprunteurs pour chaque échéance a été annexé à chaque avenant pour former un tout indissociable", qu' "il résulte du commandement aux fins de saisie immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants souscrits les 7 et 16 avril 2010" et qu'"il en résulte que les modalités de remboursement initiales des prêts en cause figurant à chacun des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne permettent pas d'évaluer les créances dont le recouvrement est poursuivi sur la base d'avenants postérieurs passés sous seing privé et prévoyant des modalités de remboursement différentes" ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, bien qu'il ressorte de ses constatations que les créances étaient déterminables en l'état des mentions des actes notariés ; que la cour d'appel, qui a subordonné la qualification de titre exécutoire des actes notariés à la condition que ceux-ci anticipent les circonstances postérieures à leur signature en comportant des mentions rendant déterminable, non pas la créance telle que fixée par le contrat, mais la somme effectivement réclamée par le prêteur, a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :
7. Aux termes de ce texte, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans le titre à l'exécution forcée immédiate.
8. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.
9. Pour rejeter la requête de la banque, l'arrêt constate que les actes notariés de prêt des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont fait l'objet d'avenants sous seing privé conclus les 7 et 16 avril 2010 qui ont modifié le montant de la somme à rembourser et le nombre de mensualités, puis relève qu'il résulte du commandement aux fins d'exécution forcée immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu de ces actes notariés ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants précités.
10. L'arrêt retient ensuite que les modalités de remboursement des actes notariés de prêt ne permettent pas d'évaluer les créances, dont le recouvrement est poursuivi, sur la base d'avenants sous seing privés prévoyant des modalités de remboursement différentes.
11. Il en conclut que les actes notariés de prêt ne valent pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, précité et que la nullité du commandement délivré le 18 février 2014 est dés lors encourue.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes notariés de prêt mentionnaient, au jour de leur signature, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour d'éventuelles poursuites, l'évaluation des créances à recouvrer et qu'elle retenait qu'il n'y avait pas eu novation par l'effet des avenants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les créances de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, déclare nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière signifié le 18 février 2014 et rejette la requête de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] tendant à la vente par voie d'exécution forcée de l'immeuble inscrit au livre foncier de Pontpierre cadastré section [Cadastre 2] au nom de M. [U] [T] et de Mme [O] [V] épouse [T], l'arrêt rendu le 27 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz.