Cass. crim., 17 mai 2006, n° 05-81.758
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Rognon
Avocat général :
M. Charpenel
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que les comptes sociaux annuels, les comptes consolidés et les informations financières de la société de banque Le crédit lyonnais (LCL), entreprise publique dont l'Etat détenait 56 % du capital social, émettant des certificats d'investissement cotés à la bourse de Paris, dissimulaient, pour les exercices 1991, 1992 et le premier semestre de 1993, la véritable situation financière de la société, les bénéfices enregistrés n'étant que le résultat d'artifices comptables ; qu'il a été notamment constaté que la dotation aux provisions pour risques, charges et dépréciations avait été délibérément minorée ; qu'il a été établi que l'insuffisance des provisions constituées à raison des concours octroyés au groupe italien G..., en état de cessation des paiements, et des participations financières prises dans ses filiales était supérieure à 1,4 milliard de francs en 1992 ; que, malgré les recommandations de la Compagnie des commissaires aux comptes et des autorités de tutelle, préconisant la constitution de provisions plus substantielles liées à la crise du marché apparue dès 1991, celles des encours immobiliers de la banque, engagée avec le groupe H... qui ne pouvait plus faire face à ses engagements, n'ont pas été dotées d'un complément de 1,75 milliard de francs au 31 décembre 1992 ;
Attendu que, sur le renvoi ordonné par un juge d'instruction, Jean-Yves X..., président du conseil d'administration, Bernard I..., directeur général, et François J..., directeur général adjoint, ont été poursuivis puis condamnés des chefs de présentation ou publication de comptes annuels infidèles, diffusion d'informations fausses ou trompeuses, distribution de dividendes fictifs et complicité de ces délits ;
Attendu que Jean-Pascal Z..., administrateur de la société LCL, représentant l'Etat, actionnaire majoritaire, renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de présentation de faux bilan et de diffusion d'informations trompeuses au titre des comptes sociaux et consolidés arrêtés au 31 décembre 1992 et de la situation semestrielle établie au 30 juin 1993, Jean-Claude C..., directeur du Trésor, poursuivi pour complicité de ces délits en cette qualité, Jacques de A... de B..., auquel il était reproché, dans l'exercice de ses attributions de gouverneur de la Banque de France, présidant la Commission bancaire, de s'être rendu complice des dirigeants de l'établissement de crédit, ainsi que les commissaires aux comptes, auxquels il était imputé d'avoir confirmé des informations mensongères en certifiant les comptes et de ne pas avoir révélé les faits délictueux au procureur de la République, ont été relaxés ;
Que, sur le seul appel d'Alain Y..., partie civile, l'arrêt a débouté ce dernier des demandes formées à l'encontre de ces prévenus ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-7 du code pénal, 37 et 55 de la loi du 24 janvier 1984, devenus L. 613-1 et L. 511-37 du code monétaire et financier, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jacques de A... de B..., alors gouverneur de la Banque de France et président de la Commission bancaire, des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts et de diffusion de fausses informations concernant les comptes du Crédit lyonnais pour l'exercice 1992, et a rejeté la demande de dommages-intérêts d'Alain Y... ;
"aux motifs, propres, que la Cour adopte les motifs circonstanciés et complets dont il résulte en substance que la preuve n'est pas rapportée que Jacques de A... de B... ait en connaissance de cause participé à l'arrêté de comptes inexacts ou approuvé de tels comptes ;
"aux motifs, adoptés, que Jacques de A... de B...a été informé de l'élaboration des comptes de l'exercice 1992 du Crédit lyonnais, d'une part, lors d'un entretien avec Jean-Yves X... le 10 mars 1993, d'autre part, grâce aux informations fournies par le secrétaire général de la Commission bancaire, Jean-Louis K... ; que les notes d'étape demandées par Jean-Louis K... à l'inspecteur L... n'ont cependant pas été portées à la connaissance de Jacques de A... de B..., qui n'a été informé des conclusions du rapport L... que le 1er juillet 1993 ;
que, le 10 mars 1993, Jean-Yves X... a rencontré Jacques de A... de B... pour évoquer avec lui les mauvais résultats du Crédit lyonnais pour l'exercice 1992, et lui a remis des fiches indiquant que le résultat part du groupe serait de 2,7 milliards de francs, que les provisions s'élevaient à 15,5 milliards, que des discussions étaient en cours avec la Commission bancaire en raison de divergences sur certains points, que, notamment, le provisionnement à 100 % des dossiers M... et G... conduisait le Crédit lyonnais à "limiter dans l'immédiat le provisionnement H... à 1,06 milliard de francs" ; que, le même jour, Jacques de A... de B... a écrit à Hervé N..., sous-gouverneur de la Banque de France, et à Jean-Louis K... pour leur demander si cette perte était "acceptable" ; que, le 11 mars, Jacques de A... de B... a eu un entretien avec Jean-Louis K... sur le montant des provisions à passer par le Crédit lyonnais, que les notes prises à cette occasion indiquent que l'inspection de la Commission bancaire avance et qu'aux provisions passées au 30 juin 1992, il y aurait lieu d'ajouter 8,3 milliards sur les gros risques immobiliers plus une somme de 2 milliards de francs sur MGM, H..., l'URSS et les PME ; qu'à la fin de cet entretien, Jacques de A... de B... a demandé à Jean-Louis K... d'écrire à Jean-Yves X..., au sujet de l'immobilier, "sur le thème : soyez prudent" ; que, le 19 mars, Jacques de A... de B... a reçu une note du secrétaire général adjoint de la Commission bancaire l'informant que la perte du Crédit lyonnais serait de 1,9 milliard de francs au lieu de 2,7, grâce à une reprise de provisions sur les risques pays ; que, lors d'un nouvel entretien du 26 mars 1993, jour de l'arrêté des comptes par le conseil d'administration, Jean-Louis K... a confirmé à Jacques de A... de B..., son supérieur hiérarchique, qu'il avait autorisé la réduction de 50 % du provisionnement pour risques pays et précisé que la perte part du groupe était de 1,850 milliard de francs, en lui indiquant que les dirigeants du Crédit lyonnais n'avaient "pas vu le problème" du ratio Cooke qui n'était que de 7,7 % avant cette reprise ; qu'en définitive, l'affirmation selon laquelle Jacques de A... de B... aurait, par l'intermédiaire de Jean-Louis K..., secrétaire général de la Commission bancaire, imposé au Crédit lyonnais de respecter un ratio Cooke supérieur à 8 % en l'obligeant, pour ce faire, à limiter le montant de ses pertes, ne peut être retenue ; qu'elle se trouve d'ailleurs contredite par les notes prises par Jacques de A... de B... au cours de ses entretiens avec Jean-Louis K..., qui ne mentionnent aucune instruction donnée à ce dernier, et notamment par les notes du 26 mars 1993 qui font pour la première fois état du ratio Cooke au taux de 7,7 % avant reprise des provisions sur risques pays ; que, s'il est démontré que Jacques de A... de B..., alors gouverneur de la Banque de France et à ce titre président de la Commission bancaire, était informé de la faiblesse des provisions proposées par le Crédit lyonnais sur les risques immobiliers et des discussions en cours avec la Commission bancaire sur la méthode à appliquer pour la valorisation des actifs immobiliers, il n'est aucunement établi qu'il ait, comme le lui reproche l'ordonnance de renvoi, participé personnellement à l'arrêté des comptes du Crédit lyonnais soumis à l'approbation du conseil d'administration de la banque le 26 mars 1993 ; qu'il est également fait grief à Jacques de A... de B... d'avoir laissé commettre par Jean-Yves X... et François J... les infractions caractérisées ci-avant à l'encontre de ces derniers, alors qu'il disposait des moyens que la loi lui donnait pour s'y opposer, à savoir l'article 55 de la loi du 24 janvier 1984, qui prévoit que la Commission bancaire "peut ordonner aux établissements concernés de procéder à des publications rectificatives dans le cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été relevées dans les documents publiés" ; que, toutefois, il ne peut être imposé de publications rectificatives à un établissement de crédit que lorsque ses comptes annuels ont été publiés ; qu'en l'espèce, Jacques de A... de B... n'a été en possession du rapport de l'inspecteur L... permettant de recourir à cette procédure que postérieurement à la présentation des comptes du Crédit lyonnais au conseil d'administration du 26 mars 1993 et à leur approbation par l'assemblée générale du 11 mai 1993 ; que, s'il est possible de s'étonner du dépôt si tardif d'un rapport reprochant au Crédit lyonnais des irrégularités comptables d'un tel montant, le tribunal devra cependant constater que l'abstention reprochée à Jacques de A... de B... est postérieure à la commission des infractions de présentation de comptes inexacts et de publication d'informations trompeuses, et qu'elle ne peut, dès lors, constituer un acte de complicité (jugement pages 45-48) ;
"1 ) alors que les juges du fond ne pouvaient, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, retenir que Jacques de A... de B... n'avait pas participé personnellement et en connaissance de cause à l'arrêté de comptes inexacts, le 26 mars 1993, et à leur approbation, le 11 mai 1993, tout en constatant eux- mêmes : 1 - qu'il avait rencontré Jean-Yves X... le 10 mars 1993 pour évoquer les mauvais résultats et qu'à cette occasion, le président de la banque lui avait remis des fiches où il était notamment indiqué qu'il se proposait de "limiter" le provisionnement H... en raison d'un provisionnement à 100 % de deux autres risques et que "des discussions étaient en cours avec la Commission bancaire en raison de divergence sur certains points", 2 - que, le même jour, Jacques de A... de B... avait écrit au sous-gouverneur de la Banque de France pour lui demander si la perte alors envisagée était "acceptable", 3 - qu'il avait reçu, le 19 mars 1993, une note de Jean-Louis K..., son subordonné, l'informant que la perte du Crédit lyonnais serait limitée à 1,9 milliard de francs au lieu de 2,7 grâce à un moindre provisionnement du risque pays, 4 - que, lors d'un nouvel entretien du 26 mars 1993, jour de l'arrêté des comptes, ce même subordonné lui avait confirmé qu'il avait "autorisé" cette reprise de provision en lui indiquant que les dirigeants du Crédit lyonnais eux-mêmes n'avaient "pas vu le problème du ratio" Cooke, tous motifs dont il se déduit que Jacques de A... de B... savait que les comptes de l'exercice 1992 avaient été établis en concertation entre Jean-Yves X..., Jean- Louis K... et Jacques de A... de B..., lequel avait autorisé les provisions passées en connaissance de leur insuffisance ;
"2 ) alors que, dans ses conclusions d'appel (page 37), Alain Y... faisait valoir que Jacques de A... de B... avait déclaré devant la commission d'enquête de l'assemblée nationale que les comptes 1992 avaient fait l'objet d'une réunion dans son bureau le 10 mars 1993, au cours de laquelle il avait été "convenu" que les comptes de provision seraient dotés de manière substantielle ; qu'il faisait encore valoir que, dans une note manuscrite du 16 mars 1993, Jacques de A... de B... avait noté : "j'ai accepté de réduire à 50 % le risque pays" (cote D 841-12) ; qu'en énonçant qu'il n'était pas établi que Jacques de A... de B... avait personnellement participé à l'arrêté des comptes, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions d'appel d'Alain Y..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
"3 ) alors que les premiers juges ont constaté qu'au jour de l'arrêté des comptes, le 26 mars 1993, Jacques de A... de B... était informé de l'insuffisance des provisions dans les comptes de l'exercice 1992 ; qu'il en résulte qu'il était en mesure d'exiger des publications rectificatives avant la présentation des comptes à l'assemblée générale du 11 mai 1993 ; qu'en retenant qu'il n'avait été en possession du rapport de l'inspecteur L... permettant de recourir à cette procédure que postérieurement à cette date, sans expliquer en quoi ce rapport était nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure d'injonction prévue par l'article 55 de la loi du 24 janvier 1984, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4 ) alors qu'en toute hypothèse, l'aide ou l'assistance postérieure au délit, mais résultant d'un accord antérieur, constitue un acte de complicité ; qu'en retenant, en l'espèce, que l'abstention de Jacques de A... de B... d'enjoindre aux dirigeants du Crédit lyonnais de procéder à des publications rectificatives en application de l'article 55 de la loi du 24 janvier 1984, postérieure à la commission des infractions, ne pouvait constituer un acte de complicité, sans rechercher si les nombreux contacts pris par les dirigeants du Crédit lyonnais avec Jacques de A... de B... préalablement à l'arrêté des comptes n'avaient pas pour objet d'obtenir de ce dernier l'assurance qu'aucune rectification ne serait imposée par la suite, ce qui caractérisait la complicité par aide ou assistance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour débouter Alain Y... de ses demandes formées contre Jacques de A... de B..., renvoyé des fins de la poursuite, l'arrêt énonce, notamment, par motifs propres et adoptés, que, s'il est démontré que le prévenu était informé de la "faiblesse des provisions" proposées par la société LCL, il n'est pas établi qu'il ait, comme le lui reproche l'ordonnance de renvoi, participé personnellement à l'arrêté des comptes soumis à l'approbation du conseil d'administration de la banque le 26 mars 1993 ; que les juges ajoutent que l'absence de mise en oeuvre des dispositions de l'article 55 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 caractérise une abstention postérieure à la commission des infractions et ne peut constituer un acte de complicité ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais, sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-7 du code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966, devenu L. 242-6 du code de commerce, 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, devenu article L. 465-1 du code monétaire et financier, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-Pascal Z..., administrateur du Crédit lyonnais, des chefs de présentation de comptes inexacts et diffusion d'informations trompeuses concernant les comptes du Crédit lyonnais pour l'exercice 1992, relaxé Jean-Claude C..., alors directeur du Trésor, du chef de complicité de ces délits, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts d'Alain Y... ;
"aux motifs, propres, que la preuve n'est pas rapportée que Jean-Pascal Z... et Jean-Claude C... ont, en connaissance de cause, participé à l'arrêté de comptes inexacts, ou ont approuvé de tels comptes (arrêt page 39) ;
"et aux motifs, adoptés, que la direction du Trésor exerçait la tutelle de l'Etat sur les entreprises publiques, parmi lesquelles le Crédit lyonnais ; qu'à ce titre, un représentant de l'Etat siégeait au conseil d'administration ; que Jean-Pascal Z..., chef du service des affaires monétaires et financières à la direction du Trésor, a été désigné comme administrateur du Crédit lyonnais le 7 août 1992 ; que Jean-Pascal Z... et ses collaborateurs ont rencontré à trois reprises François J... pour en obtenir des renseignements sur la stratégie du Crédit lyonnais et sur l'élaboration des comptes de l'exercice 1992, le 3 février, 22 février et 11 mars 1993 ; que les notes prises par les représentants du Trésor lors de la réunion du 22 février 1993 rapportent les propos tenus par François J... sur le risque H... : "le Crédit lyonnais est critiquable sur H...... il est vraisemblable qu'il y aura des compléments de provision sur H..." ; que, dans celles de la réunion du 11 mars 1993, il a indiqué : "pb sur H... : on ne va pas au bout de ce qui pourrait être fait ; + 150 MF - stock de provisions 1.060 MF hors Avenue - banque. CB (Commission bancaire) pourrait demander plus mais on va lui demander de ne pas le faire" ; qu'en ce qui concerne le niveau global de provisionnement, les propos de Jean-Pascal Z... lors de cette réunion sont ainsi relatés : "on ne vous demande pas de baisser. On ne veut pas. On peut simplement vous sensibiliser au fait que c'est moins facile de dépasser les niveaux de Suez/Barclays" ; qu'une note du 10 mars 1993 à l'attention de Jean-Claude C... lui indique que le secrétaire général de la Commission bancaire a demandé au Crédit lyonnais la constitution de 20 milliards de provisions et qu'une lettre en ce sens a été adressée par Jean-Louis K... à Jean-Yves X... ; qu'il convient de rapprocher ces 20 milliards des prévisions de revenu brut d'exploitation qui oscillent autour de 13 milliards de francs ;
qu'en raison de l'effet néfaste d'une perte de grande ampleur du Crédit lyonnais, le secrétaire général de la Commission bancaire a précisé à Jean-Yves X... que cet effort pouvait être étalé sur 1992 et 1993 ; que, dans une note au ministre de l'Economie et des Finances en date du 23 mars 1993, Jean-Claude C... indiquait que la perte de l'exercice 1992 serait de l'ordre de 1,9 milliard de francs, mais qu'elle n'intégrait pas la totalité de l'effort de provisionnement jugé nécessaire par la Commission bancaire et chiffré à 20 milliards de francs, celle-ci ayant accepté que l'effort "soit étalé sur les deux exercices 1992 et 1993 afin de permettre au Crédit lyonnais d'arrêter un résultat compatible avec le respect des normes prudentielles et comparables aux pertes affichées par d'autres établissements (Barclays et Suez)" et encore que "l'affichage d'une perte supérieure aurait conduit à ne pas respecter le ratio de solvabilité minimum de 8 % et à susciter des interrogations sur la solidité financière du premier établissement européen..." ; que ni Jean-Yves X... ni François J... n'ont jamais affirmé que Jean-Claude C... ou ses collaborateurs seraient intervenus auprès d'eux pour fixer le résultat de l'exercice 1992 ; que François J... a au contraire toujours déclaré, tant à l'information qu'à l'audience, que Jean-Pascal Z... et le Trésor ne lui avaient donné aucune instruction sur le niveau de résultat ni sur la nécessité d'étaler les provisions, ce qui a été confirmé par Daniel O... ; que la direction du Trésor ne disposait, en ce qui concerne le risque immobilier et notamment le risque H..., que d'informations imprécises ou inexactes, ainsi que l'ont relevé les experts dans leur rapport, qui étaient insuffisantes pour leur permettre de constater l'insincérité des comptes 1992 ;
que, par ailleurs, Jean-Claude C... et Jean-Pascal Z... n'ont pas participé personnellement à l'élaboration desdits comptes (jugement pages 49-50) ;
"1 ) alors que les juges du fond ne pouvaient, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, retenir que Jean-Claude C... et Jean-Pascal Z... n'avait pas participé personnellement et en connaissance de cause à l'arrêté de comptes inexacts, le 26 mars 1993, et à leur approbation, le 11 mai 1993, tout en constatant eux- mêmes : 1 - Jean-Pascal Z... avait rencontré à trois reprises François J... les 3 février, 22 février et 11 mars 1993 pour en obtenir des renseignements sur l'élaboration des comptes du Crédit lyonnais, 2 - une note du 10 mars 1993 adressée à Jean-Claude C... l'informait que la Commission bancaire avait demandé aux dirigeants du Crédit lyonnais la constitution de 20 milliards de francs de provisions mais accepté que ces provisions soient étalées sur 1992 et 1993 "en raison de l'effet néfaste d'une perte de grande ampleur du Crédit lyonnais", 3 - Jean-Claude C... lui-même, dans une note au ministre de l'Economie et des Finances en date du 23 mars 1993, indiquait que la perte de l'exercice 1992, de l'ordre de 1,9 milliard de francs, n'intégrait pas la totalité de l'effort de provisionnement nécessaire car "l'affichage d'une perte supérieure aurait conduit à ne pas respecter le ratio de solvabilité minimum de 8 %" ; tous motifs dont il résulte que Jean-Claude C... et Jean- Pascal Z... étaient parfaitement informés le 26 mars 1993, jour de l'arrêté des comptes 1992 par le conseil d'administration, de leur caractère inexact ; qu'en retenant que la direction du Trésor ne disposait que d'informations insuffisantes pour lui permettre de constater l'insincérité des comptes de l'exercice 1992, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"2 ) alors que, dans ses conclusions d'appel, Alain Y... faisait valoir que, lors de son audition devant la commission d'enquête de l'assemblée nationale le 26 mai 1994, Jean-Pascal Z... avait déclaré que, "s'agissant de la relation entre l'Etat et le Crédit lyonnais, je crois pouvoir dire qu'au cours de cette période, le suivi par l'Etat de la situation du Crédit lyonnais a été exceptionnellement constant, précis et inhabituellement documenté " ; qu'il avait détaillé devant la commission d'enquête les multiples réunions et entretiens entre la direction du Trésor et les dirigeants du Crédit lyonnais au sujet des comptes de l'exercice 1992 ; qu'en retenant que la direction du Trésor ne disposait pas d'informations suffisantes pour lui permettre de constater l'insincérité des comptes, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel d'Alain Y..., démontrant que la direction du Trésor était parfaitement informée de la situation de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
"3 ) alors que le délit de présentation ou de publication de comptes infidèles est caractérisé dès lors que le prévenu, administrateur de la société, a participé à la délibération ayant décidé la présentation des comptes qu'il savait inexacts ; qu'en retenant en l'espèce, pour relaxer Jean-Pascal Z... du chef de ce délit, qu'il n'avait pas participé personnellement à l'élaboration des comptes, sans s'expliquer sur le fait que, comme l'indiquait l'ordonnance de renvoi et comme le faisait valoir Alain Y... dans ses conclusions d'appel, Jean-Pascal Z..., membre de la direction du Trésor représentant l'Etat au conseil d'administration du Crédit lyonnais, avait voté lors du conseil d'administration du 26 mars 1993 un arrêté de comptes pour l'exercice 1992 qu'il savait inexact, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4 ) alors que Jean-Claude C... était renvoyé du chef de complicité de présentation de comptes inexacts pour avoir, notamment, donné instruction à Jean-Pascal Z..., dont il était le supérieur hiérarchique, de voter au conseil d'administration un arrêté de comptes inexacts pour l'exercice 1992 ; qu'en se bornant à retenir, pour entrer en voie de relaxe à son égard, qu'il n'avait pas participé personnellement à l'élaboration des comptes, sans s'expliquer sur les instructions ainsi données à Jean-Pascal Z..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour dire non établis les faits de présentation de faux bilans et de diffusion d'informations fausses ou trompeuses reprochés à Jean-Pascal Z... et de complicité de ces délits imputés à Jean-Claude C..., les juges retiennent, notamment, que la direction du Trésor, autorité de tutelle de la banque, ne disposait, concernant le risque immobilier, que d'informations imprécises ou inexactes, insuffisantes pour permettre de constater l'absence de sincérité des comptes de l'exercice 1992, arrêtés le 26 mars 1993 et approuvés le 11 mai 1993 ; qu'ils ajoutent que les prévenus n'ont pas participé à leur élaboration ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle relève que les prévenus avaient été informés de l'insuffisance des provisions constituées et de la nécessité de répartir sur plusieurs exercices les pertes devant être constatées et sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la partie civile, d'une part, si Jean-Pascal Z..., administrateur du Crédit lyonnais, tenu à une obligation d'information, n'avait pas effectivement voté, lors du conseil d'administration du 26 mars 1993, l'arrêté des comptes de l'exercice 1992 qu'il savait inexacts, d'autre part, si Jean-Claude C..., son supérieur hiérarchique, ne lui avait pas donné pour instruction de voter en ce sens, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-7 du code pénal, 228 et 457 de la loi du 24 juillet 1966, devenus articles L. 225-35 et L. 242-27 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Albert D..., Kevin E... et Patrick F..., commissaires aux comptes du Crédit lyonnais, des chefs d'informations mensongères et non-révélation de faits délictueux ;
"aux motifs, propres, que les premiers juges ont à juste titre relevé, s'agissant de la certification des comptes de l'exercice 1992, que si Kevin E..., Patrick F... et Albert D... avaient fait preuve de légèreté en se satisfaisant des affirmations des dirigeants du Crédit lyonnais, les commissaires aux comptes, qui n'avaient pas été destinataires du rapport d'étape de l'inspecteur de la Commission bancaire, alors qu'ils avaient essayé, vainement, de rencontrer le secrétaire général de cette commission, et qu'ils n'avaient pas eu accès aux notes échangées entre les dirigeants de la banque et la direction du Trésor, n'avaient pu avoir conscience de l'insincérité des comptes (arrêt page 39) ;
"et aux motifs, adoptés, que les commissaires aux comptes avaient proposé au titre de l'exercice 1992, tant dans les comptes sociaux que dans les comptes consolidés, 1 385 milliards de francs de provisions complémentaires dont 700 millions sur H... et 200 millions sur les sociétés COPRA, FONTA et PITTANCE ; qu'ils ont renoncé aux ajustements proposés en tenant compte de l'existence d'une provision pour impôt différé de 832 millions de francs non indispensable, du FRBG de 1 546 millions dans les comptes sociaux et de 3 086 millions dans les comptes consolidés, d'une provision non affectée de 451 millions de francs, des procédures engagées à l'encontre de l'organe de contrôle du groupe G... en Suisse et d'une recette espérée de 900 millions de francs provenant de la mise en jeu par le Crédit yonnais d'une assurance fraude ; que l'indemnité d'assurance et les procédures judiciaires engagées contre KPMG ne pouvaient, en raison de leur caractère aléatoire, constituer que des éléments de confort non susceptibles de contrebalancer des insuffisances de provisions ;
qu'en revanche, la provision de 832 millions pour impôt latent sur l'opération COGEFO n'avait pas lieu d'être compte tenu de la position fiscale structurellement déficitaire du Crédit lyonnais ; que les experts ont également admis que la provision à caractère de réserve de 451 millions de francs pouvait être retenue pour compenser l'insuffisance de provisions ; qu'en ce qui concerne le FRBG, qui fait partie des fonds propres, ils ont indiqué que son existence ne dispensait pas la banque de constituer les provisions nécessaires à la couverture des risques de pertes probables, clairement identifiées comme le risque H..., mais qu'elle pouvait constituer un "coussin de sécurité" ou un "élément de confort" pour les commissaires aux comptes ; qu'en définitive, si les commissaires aux comptes ont fait preuve de légèreté en ne s'assurant pas que le Crédit lyonnais avait donné suite à sa plainte pour fraude, en n'insistant pas auprès de la Commission bancaire pour obtenir des informations sur son enquête en cours et en n'exigeant pas de François J... la remise de la lettre d'affirmation avant la certification des comptes, cette carence n'est pas constitutive de l'intention coupable nécessaire pour caractériser les délits de confirmation d'informations mensongères et d'absence de révélation au procureur de la République de faits délictueux (jugement pages 44-45) ;
"1 ) alors que la cour d'appel, réformant sur ce point le jugement entrepris, a déclaré Jean-Yves X... et François J... coupables de publication ou présentation de comptes inexacts pour l'exercice 1991 du fait d'insuffisance de provisions à hauteur de 100 millions de francs sur le risque H... ; qu'en se bornant à affirmer, pour relaxer les commissaires aux comptes des faits qui leur étaient reprochés au titre des comptes de l'exercice 1991, qu'ils n'avaient pu mesurer l'ampleur du risque G..., sans examiner leur responsabilité pénale au regard de l'insuffisance des provisions du risque H... pour laquelle elle avait condamné les dirigeants du Crédit lyonnais, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la décision attaquée ;
"2 ) alors qu'en relaxant les commissaires aux comptes des délits d'informations mensongères et de non-révélation de faits délictueux au titre des comptes de l'exercice 1991, tout en constatant qu'ils avaient estimé qu'une provision complémentaire de 100 à 200 millions de francs était nécessaire sur le risque H... dans les comptes de l'exercice 1991, et qu'ils avaient néanmoins certifié sans réserve des comptes qui n'intégraient pas cette provision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3 ) alors que les premiers juges ont expressément constaté, concernant les comptes de l'exercice 1992, que les commissaires aux comptes avaient proposé une provision complémentaire de 1 385 milliards de francs, et indiqué dans leurs notes de synthèse que le montant des provisions constituées leur paraissait "un peu faible", notamment dans le domaine de l'immobilier, et que, malgré le refus du Crédit lyonnais de passer ces provisions complémentaires, ils avaient certifié les comptes sans réserve ; qu'en retenant qu'ils n'avaient pu avoir conscience de l'insincérité des comptes, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires ;
"4 ) alors que les commissaires aux comptes certifient que les comptes sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société ; qu'en retenant en l'espèce, s'agissant des comptes de l'exercice 1992, que l'absence de la provision complémentaire de 1 385 milliards de francs proposée par les commissaires aux comptes principalement pour le risque immobilier, avait été compensée par l'existence d'une provision pour impôt différé, du FRBG et d'une provision non affectée à caractère de réserve, ainsi que par une recette espérée de 900 millions de francs qui n'était pas portée en comptabilité, écritures comptables qui n'avaient pas la même nature qu'une provision pour risque immobilier et ne pouvaient donner une image fidèle des résultats et du patrimoine du Crédit lyonnais, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour dire non établis les faits de non-révélation de faits délictueux et de confirmation d'informations mensongères reprochés à Albert D..., Kevin E... et Patrick F..., commissaires aux comptes, pour les exercices 1991 et 1992, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que les comptes ont été certifiés sans aucune réserve par les commissaires aux comptes, en connaissance de l'insuffisance des provisions pour risques et dépréciations et alors qu'elle retient que les experts commis par le juge d'instruction avaient écarté toute possibilité de compenser cette insuffisance par des reprises de provision, le montant d'une provision réglementée et des recettes aléatoires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi de Jean-Yves X... :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi d'Alain Y... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 23 février 2005, mais en ses seules dispositions ayant débouté Alain Y... de ses demandes formées contre Jean-Pascal Z..., Jean-Claude C..., Albert D..., Kevin E... et Patrick F..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit d'Alain Y..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale.