Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-24.365
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Bregeon
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
Me Foussard, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Conception bureautique et organisation du travail (la société) a demandé au juge de l'exécution d'annuler des commandements de payer et un avis à tiers détenteur ainsi qu'une saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières et de déclarer prescrite l'action en recouvrement d'impôts sur les sociétés exercée par le comptable public au titre des années 1987, 1988 et 1989 ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le troisième moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, réunis :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que le moyen, qui vise un texte réglementaire non susceptible de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité et qui est de pur droit, est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu les articles L. 281 et R.* 281-5 du livre des procédures fiscales, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société, l'arrêt constate que, lors de son recours préalable, la société n'a soulevé aucun moyen de nullité des actes litigieux ; qu'il retient, par motifs propres et adoptés, que le litige porté devant le juge de l'exécution est délimité par le contenu de cette réclamation de sorte que celui-ci ne peut connaître d'aucun moyen de droit nouveau qui n'a pas été soumis à l'administration et que les dispositions de l'article R.* 281-5 du livre des procédures fiscales ne sont en rien contraires au droit à un procès équitable, ni ne violent le principe d'égalité devant la justice dès lors, d'une part, qu'elles n'interdisent pas au contribuable d'avoir accès à un juge après le rejet de son recours amiable devant l'administration et, d'autre part, qu'elles ne font nullement obstacle à ce que le contribuable conteste devant la juridiction compétente le bien-fondé du refus opposé par l'administration fiscale, pourvu que cette demande ait été présentée dans le délai de deux mois prévu par l'article R.* 281-2 du même livre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article R.* 281-5 ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le juge de l'exécution des moyens de droit nouveaux, à la condition que ces derniers n'impliquent pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait omises dans sa demande préalable au chef de service, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles L. 281, R.* 281-1 et R.* 281-5 du livre des procédures fiscales et R. 421-5 du code de justice administrative ;
Attendu que, si les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques, dont la perception incombe aux comptables publics, doivent être adressées, dans un délai défini, à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites, et ce, avant toute saisine de la juridiction compétente pour en connaître, à peine d'irrecevabilité de la demande présentée à celle-ci, cette irrecevabilité n'est opposable au demandeur qu'à la condition qu'il ait été précisément informé, par l'acte de poursuite, des modalités et des délais de recours, ainsi que des dispositions des articles R.* 281-4 et R.* 281-5 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour dire irrecevables les contestations de la société sur la régularité des actes de poursuite antérieurs à 2011, l'arrêt retient que la société ne justifie d'aucune réclamation dans le délai de deux mois auprès de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société avait été précisément informée, par les actes de poursuite, des modalités et délais de recours, ainsi que des dispositions des articles R.* 281-4 et R.* 281-5 du livre des procédures fiscales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le même moyen, pris en sa septième branche :
Vu les articles L. 257-0 A du livre des procédures fiscales et 28 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Attendu que les décisions portant nomination dans la fonction publique de l'Etat doivent faire l'objet d'une publication suivant les modalités fixées par décret en Conseil d'État ; que le défaut de publication d'un acte administratif à caractère réglementaire ne constitue pas un vice propre de cet acte et que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour constater, s'il y a lieu, une publicité incomplète d'un tel acte ; que l'annulation d'un commandement de payer, dès lors qu'elle est demandée pour une telle irrégularité de forme, ressortit au juge de l'exécution ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du commandement de payer du 31 août 2011, l'arrêt retient que celui-ci a été signé par un comptable public nommé par arrêté du 26 octobre 2010, signé par un administrateur civil agissant lui-même par délégation du directeur général des finances publiques en vertu d'un arrêté ministériel de délégation de signature du 7 octobre 2010, publié le 13 octobre 2010, renouvelé par arrêté du 10 avril 2011, publié le jour même, et qu'il est justifié de la nomination du directeur général des finances publiques par décret du 10 avril 2008, publié au Journal officiel le 11 avril 2008 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la nomination du comptable public avait elle-même été publiée lorsque ledit commandement a été délivré, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.