Cass. com., 10 décembre 2013, n° 12-24.198
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2012), que la société en commandite par actions Lagardère (la société Lagardère) a émis, au mois d'avril 1993, des obligations convertibles en actions ; que la société MFK contrepartie, aux droits de laquelle se trouve la société ABN Amro Bank NV, aujourd'hui dénommée la société The Royal Bank of Scotland NV (la société Royal Bank), détenait des obligations qui ont été converties le 8 juillet 1996 ; que faisant valoir que la société Lagardère avait procédé, au titre des exercices 1993 et 1994, à des distributions de dividendes prélevés pour partie sur le compte primes d'apport sans que ces distributions aient donné lieu à un ajustement des modalités de conversion des obligations, la société Royal Bank a sollicité, à titre personnel, la réparation du préjudice que lui avait causé ce défaut d'ajustement ;
Attendu que la société Royal Bank fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en son action, alors, selon le moyen :
1°/ que la masse des porteurs d'obligations convertibles en actions disparaissant par l'effet de la conversion ou du remboursement des titres, les porteurs d'obligations converties ne peuvent exercer une action par l'intermédiaire de représentants de la masse disparue ; qu'en déclarant la société Royal Bank irrecevable, motif pris de ce que « dès lors que l'action est de nature à intéresser l'ensemble des obligataires placés dans une même situation, seule l'assemblée de masse pouvait habiliter ses représentants à agir pour assurer la défense de leurs intérêts communs », après avoir pourtant constaté que «la faute alléguée procède d'un manquement aux stipulations du contrat d'émission par distribution de dividendes prélevés, pour partie, sur les fonds propres de la société émettrice sans que les obligataires aient ensuite bénéficié de l'ajustement convenu des valeurs de conversion », ce dont il résultait qu'en raison de la disparition de la masse consécutive à la conversion des titres, la société Royal Bank ne disposait plus que d'une action personnelle et individuelle en réparation de son préjudice, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 228-54 du code de commerce ;
2°/ que le préjudice né de la conversion des titres et relatif à la valeur des actions affecte les droits de la société Royal Bank en sa seule qualité d'actionnaire ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer la société Royal Bank irrecevable, que les droits des actionnaires étaient étrangers au litige et en se fondant sur le motif inopérant que le litige avait sa source dans le seul rapport obligataire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 228-54 du code de commerce ;
3°/ que le caractère personnel du préjudice subi par la société Royal Bank, en sa qualité d'actionnaire, postérieurement à la conversion des titres, lui ouvrait le droit d'exercer une action individuelle en réparation de ce préjudice, peu important l'origine de la faute commise par la société Lagardère ; qu'en retenant néanmoins que l'action était de nature à intéresser l'ensemble des obligataires placés dans une même situation, sans tenir compte du caractère personnel du préjudice subi par la société Royal Bank, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 228-54 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que la masse des créanciers obligataires subsiste tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur leurs droits ; qu'ayant relevé que l'action exercée par la société Royal Bank tendait à obtenir la réparation du préjudice lié au défaut d'ajustement des obligations convertibles en actions, la cour d'appel, qui a retenu exactement que cette action était de nature à intéresser l'ensemble des obligataires placés dans la même situation, en a déduit à bon droit que seuls les représentants de la masse, dûment habilités pour assurer la défense des intérêts communs des obligataires, étaient recevables à agir ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que la faute reprochée à la société Lagardère consiste dans un manquement aux stipulations du contrat d'émission par distribution de dividendes prélevés, pour partie, sur les fonds propres de la société émettrice, sans que les obligataires aient ensuite bénéficié de l'ajustement convenu des valeurs de conversion ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le litige trouvait sa source dans le seul rapport obligataire entre la société Royal Bank et la société émettrice, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les droits d'actionnaire de la société Royal Bank étaient étrangers à ce litige ;
Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que l'action exercée par la société Royal Bank était de nature à intéresser l'ensemble des obligataires placés dans la même situation pour ne pas avoir bénéficié de l'ajustement convenu des valeurs de conversion, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que cette action tendait à la réparation de l'atteinte aux intérêts communs des obligataires, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.