Cass. com., 25 septembre 2007, n° 06-17.476
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2006), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 14 juin 2005, Bull. civ. IV, n° 128) que le 17 janvier 2001, Mme X..., directrice du service comptable de la société Régina Y... (la société), a révélé au cours de son audition par les services de la Commission des opérations de bourse (la COB) l'existence d'irrégularités affectant les comptes de la société depuis l'exercice 1998 ; que le 23 janvier 2001, les commissaires aux comptes de la société ont révélé à la COB et au procureur de la République les faits que Mme X... avait portés à leur connaissance ; qu'ils ont ensuite décrit les irrégularités relevées dans des lettres adressées au procureur de la République les 2 février et 2 mars 2001 ; que le 31 janvier 2001, le directeur général de la COB a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière délivrée par la société à compter du 1er août 1998 ; qu'après notification des griefs intervenue le 18 décembre 2001, la COB a, par décision du 4 mars 2003, prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de Mme Y..., président du conseil d'administration de la société, et de Mme Z..., directeur général ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° V 06-17.476 :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction prononcée à son encontre alors, selon le moyen :
1 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que si l'AMF, anciennement la COB, décide librement de la nature et de l'étendue des auditions et investigations auxquelles elle procède, ainsi que des suites qu'elle entend leur donner, elle ne saurait, sans violer le principe d'égalité des armes, entendre de manière informelle des personnes, de sorte qu'aucun procès-verbal ne puisse être, par la suite, versé au dossier transmis à la commission des sanctions, seul accessible à la personne poursuivie ; qu'à cet égard, il importe peu que l'audition ait précédé l'ouverture d'une enquête dès lors que cette audition est en lien avec ladite enquête, a fortiori lorsque cette audition a, précisément, justifié l'ouverture de l'enquête ; qu'en énonçant néanmoins, pour la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la sanction prononcée à son encontre, qu'aucun principe général n'imposait à la COB d'établir un procès-verbal relatant l'entretien ayant eu lieu le 23 janvier 2001 entre les commissaires aux comptes de la société RRSA, venus informer la COB de l'existence d'irrégularités comptables, et trois membres des services de la Commission, dès lors que cet entretien était antérieur à l'ouverture de l'enquête, la cour d'appel a violé les articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les principes de loyauté et des droits de la défense ;
2 / que la notion de procès équitable impose le doit, pour la personne poursuivie, de prendre connaissance de chacune des pièces devant figurer au dossier de la procédure, peu important, à cet égard, le fait que cette pièce n'ait pas fondé ou n'ait pas eu d'effet réel sur la décision ; qu'en l'espèce, il était constant que l'ouverture d'une enquête sur l'information financière, délivrée par la société RRSA à compter du 1er août 1998, avait été déterminée par l'audition informelle des commissaires aux comptes de la société le 23 janvier 2001 sans qu'aucun procès-verbal de cette audition, pourtant à l'origine de l'enquête et, partant, de la sanction critiquée, n'ait été versé au dossier de la procédure et accessible aux personnes poursuivies ; qu'en énonçant néanmoins, pour la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la sanction prononcée à son encontre, que, la décision déférée n'étant pas fondée sur les déclarations faites par les commissaires aux comptes le 23 janvier 2001, il n'est résulté de l'absence de procès-verbal de cette audition aucune méconnaissance des droits de la défense, la cour d'appel a derechef violé les articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 16 du nouveau code de procédure civile et les principes de loyauté et des droits de la défense ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la décision de la COB n'était aucunement fondée sur les déclarations faites par les commissaires aux comptes le 23 janvier 2001, qu'il s'agisse de l'appréciation de la matérialité des faits, de leur imputabilité aux requérantes ou de l'appréciation de leur gravité, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, qu'aucune méconnaissance des droits de la défense n'était résultée de l'absence de compte-rendu de l'entretien du 23 janvier 2001 ; que le moyen, non fondé en sa seconde branche, ne peut être accueilli en sa première branche ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° C 06-17.598 :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en annulation de la procédure alors, selon le moyen :
1 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation portée contre elle en matière pénale, à laquelle sont assimilées les poursuites en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d'une punition prononcée par une autorité administrative comme l'Autorité des marchés financiers ; qu'en application de ces principes, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 avril 2004 avait relevé que "Mme Z... se trouve privée de toute possibilité de vérifier si les agents de la Commission des opérations de bourse qui ont recueilli les révélations des commissaires aux comptes quant aux irrégularités affectant les comptes sociaux de RRSA n'ont pas eu à connaître de son affaire au cours de la phase du jugement ayant abouti à la décision de sanction dont elle a fait l'objet" ; qu'en se bornant, en réfutation à ce moyen sur lequel la Cour de cassation ne s'était pas prononcée au fond dans son arrêt du 14 juin 2005, à énoncer qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n'imposait à
la COB d'établir un procès-verbal en ce qui concerne les auditions sur le fondement desquelles l'enquête avait été ouverte, sans rechercher si la COB avait justifié, comme elle le devait, de ce que les personnes qui avaient auditionné les commissaires aux comptes n'avaient pas ultérieurement participé à la formation de jugement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2 / qu'en se bornant en réfutation à ce même moyen, à énoncer que la décision déférée n'était "aucunement fondée sur les déclarations faites par les commissaires aux comptes le 23 janvier 2001", sans rechercher si la COB avait justifié, comme elle le devait, de ce que les personnes qui avaient auditionné les commissaires aux comptes n'avaient pas ultérieurement participé à la formation de jugement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 6 de la Convention européenne des doits de l'homme ;
3 / qu'en se bornant en réfutation à ce même moyen, à énoncer que "les commissaires aux comptes ont été entendus le 23 janvier 2001 par des agents de la COB dont les fonctions, qui suffisent eu demeurant à les identifier, ont été précisées par les commissaires aux comptes lors de leur audition par les enquêteurs le 1er mars 2001" sans rechercher si la COB avait pu justifier, comme il lui avait été demandé, de l'identité des personnes physiques qui avaient auditionné, en tant qu'agents de la COB, les commissaires aux comptes, de manière à établir que ces mêmes personnes n'avaient pas ultérieurement participé à la formation de jugement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les commissaires aux comptes ont été entendus, le 23 janvier 2001, par des agents de la COB dont ils ont précisé les fonctions lors de leur audition par les enquêteurs le 1er mars 2001 et retenu qu'il est par là-même établi que les personnes ayant assisté à cet entretien sont demeurées étrangères à la décision de sanction du 4 mars 2003, laquelle a été prise par les seuls membres de la COB dont les noms y sont mentionnés, la cour d'appel, qui a fait la recherche visée par les deux premières branches et n'avait pas à procéder à celle, dès lors inopérante, visée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.