CA Paris, 4e ch. A, 21 mars 2007, n° 05/20081
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Dépêche du Midi et le Petit Toulousain (SA)
Défendeur :
M. Viader (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mme Magueur, Mme Rosenthal-Rolland
Avoués :
SCP Monin - D'auriac De Brons, Me Thevenier
Avocats :
Me Ader, Me Leguay
ARRET : - CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président
- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous Jacqueline VIGNAL , greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel interjeté par la société LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN du jugement rendu le 20 septembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- déclarée nulle et de nul effet l'assignation délivrée à la requête du SNJ et du SNJ-CGT,
- dit que le tribunal n'est pas valablement saisi des demandes de ces deux syndicats et les a déclarées irrecevables,
- déclaré recevables les demandes de Marie-Christine STREICHER, Xavier VIADER, Jean-Louis DAMIENS et Marie-Françoise BORIE,
- condamné la société des journaux LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN à payer à chacun des requérants :
* la somme de 1.000 euros au titre de l'atteinte à leur droit patrimonial d'auteur,
* la somme de 1.000 euros au titre de l'atteinte à leur droit moral d'auteur,
- fait interdiction à la société des journaux LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN de reproduire en l'absence d'autorisation donnée par Marie-Christine STREICHER, Xavier VIADER, Jean-Louis DAMIENS et Marie-Françoise BORIE leurs contributions journalistiques tant sur le site Internet que dans d'autres journaux appartenant au groupe de presse, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, se réservant la liquidation de l'astreinte,
- condamné la société des journaux LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN à payer à Marie-Christine STREICHER, Xavier VIADER, Jean-Louis DAMIENS et Marie-Françoise BORIE chacun la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance en date du 5 février 2007 constatant le désistement de la société LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN de son appel à l'encontre de Marie-Christine STREICHER, Jean-Louis DAMIENS, Marie-Françoise BORIE ;
Vu les dernières écritures signifiées le 12 février 2007 par lesquelles la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux prétentions de Xavier VIADER, demande à la Cour de :
- constater que le débat sur les contrefaçons ne peut porter que sur les seuls articles intitulés 'Confiance aux 7 ans'N°19, 'Les aptitudes de Lord Ringeat'N°18, 'On mise sur la forme'N°22, 'Revoilà Monsieur le régent'N°20 et 'La classe de Mirza du Vivier'N°21, tels que versés aux débats en première instance par Xavier VIADER,
- débouter Xavier VIADER de l'intégralité de ses prétentions comme étant irrecevables et mal fondées,
- condamner Xavier VIADER à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les ultimes conclusions signifiées le 29 janvier 2007 aux termes desquelles Xavier VIADER prie la Cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que Xavier VIADER a été engagé par la société LA DEPECHE DU MIDI en qualité d'employé de presse attaché au service hippique du 1er juillet 1972 au 31 janvier 1981, puis en qualité de journaliste pigiste à compter du 1er juillet 1983 ; qu'il collabore toujours à ce quotidien dont il rédige la rubrique 'Courses' ;
Que reprochant à la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN, qui édite le quotidien régional éponyme ainsi que 'La Nouvelle République des Pyrénées', 'Le Petit Bleu de Lot et Garonne', d'avoir reproduit, sans son autorisation, sur le site internet du premier et dans les autres journaux précités, les articles dont il est l'auteur, Xavier VIADER et 3 autres journalistes l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon ;
- Sur la contrefaçon
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.111 alinéa 3, L.121-8 du Code de la propriété intellectuelle et L.761-9 du Code du travail que l'existence d'un contrat de travail n'emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle de l'auteur et qu'à défaut de convention expresse, conclue dans les conditions de la loi, l'auteur ne transmet pas à son employeur, du seul fait de la première publication, le droit de reproduction de son oeuvre ;
Considérant, en l'espèce, que les premiers juges ont relevé à juste titre que la société LA DEPECHE DU MIDI et LE PETIT TOULOUSAIN ne rapporte pas la preuve que Xavier VIADER lui aurait consenti l'autorisation de reproduire les articles dont il est l'auteur, après leur première publication dans le quotidien 'La Dépêche du Midi', sur le site Internet qu'elle exploite et dans les trois journaux du Groupe ;
Que la société appelante invoque vainement l'accord cadre SPQR sur les droits d'auteur dans la presse quotidienne régionale, en date du 8 novembre 1999, alors qu'elle ne justifie pas l'avoir appliqué en versant au journaliste une rémunération complémentaire pour les nouvelles exploitations et notamment pour la mise à disposition en ligne ;
Qu'elle soutient également de manière inopérante que les reproductions litigieuses procèdent du droit de l'éditeur sur l'oeuvre collective que constitue le journal ; qu'en effet, l'article L.761-9 du Code du travail subordonne le droit de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont le journaliste est l'auteur à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée, peu important que le journal constitue ou non une oeuvre collective ;
Que la société DEPECHE DU MIDI ne saurait, sans se contredire, après avoir qualifié le journal qu'elle édite d'oeuvre collective, invoquer la nature d'oeuvre de collaboration des articles litigieux alors que ceux-ci ont été divulgués sous le nom de Xavier VIADER qui est présumé en être le seul auteur, conformément à l'article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN fait valoir, enfin, que les articles invoqués sont dépourvus d'originalité s'agissant de comptes rendus de courses hippiques, avec le rappel des côtes et pronostics ;
Mais considérant qu'il ressort de la lecture des articles litigieux à laquelle la Cour a procédé, qu'ils ne se bornent pas à retranscrire des résultats sportifs, mais livrent une analyse précise des performances passées et des potentialités des chevaux participants aux courses qui porte l'empreinte de la personnalité de l'auteur et sont donc éligibles à la protection prévue par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'il s'ensuit qu'en reproduisant, sans l'autorisation de Xavier VIADER, les articles dont il est l'auteur sur le site Internet et dans les deux autres titres du Groupe, la société LE DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN a porté atteinte aux droits d'auteur dont il jouit sur ceux-ci ; que le jugement doit donc être confirmé sur ce point ;
- Sur les mesures réparatrices
Considérant que Xavier VIADER est recevable à invoquer, pour la première fois devant la Cour, la reproduction sur le réseau Internet de cinq nouveaux articles intitulés 'Le retour du Jedi', 'Notre Bosquet bien armé', 'Kito, Krysos et autres...', 'Ivoire Gédé sur sa lancée '' et 'Jazeb, la forme à point nommé', intervenue après le prononcé du jugement déféré ;
Considérant que les premiers juges ont exactement évalué l'atteinte portée aux droits patrimoniaux de Xavier VIADER du fait de la reproduction illicite des articles dont il est l'auteur en lui allouant la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts ; que l'atteinte portée à son droit moral, en raison de l'absence de mention de son nom s'agissant des reproductions diffusées sur l'Internet, a été justement réparée par l'allocation d'une indemnité de 1.000 euros ;
Que les mesures d'interdiction, justifiées par la poursuite des actes illicites, doivent être confirmées ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Xavier VIADER, la somme complémentaire de 2.000 euros devant lui être allouée à ce titre ;
Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN ;
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme, en toutes ses dispositions relatives aux demandes formées par Xavier VIADER, le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN à payer à Xavier VIADER la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Rejette la demande formée sur ce même fondement par la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN,
Condamne la société LA DEPECHE DU MIDI ET LE PETIT TOULOUSAIN aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.