Cass. 2e civ., 12 octobre 2006, n° 04-11.561
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Moussa
Avocat général :
M. Domingo
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Tiffreau
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., autorisé par ordonnances, a fait pratiquer des saisies conservatoires au préjudice de Mme Y... ; que celle-ci a demandé à un juge de l'exécution de rétracter ces ordonnances et d'ordonner la mainlevée des saisies ; qu'un jugement l'ayant déboutée de sa demande, elle en a interjeté appel et a sollicité la condamnation de M. X... à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi par l'anéantissement de son fonds de commerce du fait de la saisie de son stock commercial, ainsi que la somme de 72 000 euros au titre des charges d'exploitation de ce même fonds de commerce, alors, selon le moyen :
1 / qu'il ne résulte nullement des termes de l'article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 que le débiteur poursuivi doive démontrer l'existence d'une intention maligne ou même d'une faute du créancier poursuivant ; que la mainlevée de la mesure conservatoire dont il a fait l'objet lui ouvre un droit à solliciter des dommages-intérêts dès lors que ladite mesure a été la cause directe d'un préjudice réel et certain ;
qu'ainsi ajoute à la loi et viole le texte susvisé la cour d'appel qui prononce la mainlevée de la mesure de saisie du stock commercial de Mme Y... mais qui déboute cette dernière de sa demande en dommages-intérêts au titre des conséquences dommageables de cette saisie faute pour elle d'établir l'existence d'un abus, d'une intention de nuire ou la faute dans la conduite des opérations imputable au créancier poursuivant ;
2 / que ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et viole l'article 73 de la loi du 9 juillet 1991, la cour d'appel qui, après avoir considéré que le montant de la créance susceptible d'être invoquée par M. X... devait être minoré de plus de 200 000 euros et que les droits de ce dernier n'étaient pas en péril, énonce cependant qu'aucune faute dans la conduite des opérations de saisie n'est établie ;
Mais attendu qu'il résulte du rapprochement de l'arrêt et des conclusions déposées devant la cour d'appel par Mme Y... que les motifs critiqués ne concernent pas les demandes visées par le moyen, mais celle de 30 000 euros pour saisie abusive et préjudice moral ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu que le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution dommageable des mesures conservatoires ;
Attendu que, pour rejeter les demandes d'indemnité de 300 000 euros et de 72 000 euros, formées par Mme Y..., l'arrêt retient que ces demandes ne relèvent pas de la compétence du juge de l'exécution ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ordonnait la mainlevée de la saisie et que Mme Y... soutenait que ses demandes tendaient à l'indemniser de préjudices causés par cette saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 125 et 564 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que les juges du second degré ne peuvent relever d'office l'irrecevabilité d'une demande présentée pour la première fois en cause d'appel ;
Attendu que pour rejeter les mêmes demandes de Mme Y..., l'arrêt retient que ces demandes sont nouvelles en appel ;
Qu'en relevant d'office cette fin de non-recevoir, qui n'est pas d'ordre public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme Y... tendant à la condamnation de M. X... à lui payer les sommes de 300 000 euros et de 72 000 euros, l'arrêt rendu le 13 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.