Cass. 2e civ., 30 janvier 2002, n° 99-21.278
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Buffet
Rapporteur :
M. Séné
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Baraduc et Duhamel
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 16 septembre 1999) que M. X... ayant été autorisé par ordonnance sur requête à pratiquer une saisie conservatoire de créances entre les mains de la société Crédit Suisse France, devenue ensuite Crédit Suisse Hottinger (la banque) à l'encontre de M. Y..., alias Zouperine ou Jouperine, un juge de l'exécution, à la demande du saisissant, après avoir débouté la banque des moyens et exceptions qu'elle avait soulevés, a condamné sous astreinte le tiers saisi à communiquer le montant des sommes qu'il détenait pour le compte du débiteur saisi, y compris en ses succursales situées à l'étranger, en exécution du procès-verbal de saisie conservatoire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de nullité de la saisie, alors, selon le moyen :
1°) que le tiers saisi dispose d'un intérêt personnel à invoquer la nullité ou la caducité d'une saisie conservatoire de créances pratiquée entre ses mains ; qu'en considérant que la banque Crédit Suisse Hottinger n'était pas recevable à soulever la nullité de la saisie conservatoire diligentée entre ses mains par M. X... pour défaut de qualité et pouvait seulement faire valoir qu'elle disposait d'un motif légitime à ne pas répondre, la cour d'appel a violé les articles 234 et suivants et 60 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
2°) que l'acte de saisie doit contenir à peine de nullité, notamment l'énonciation des nom et domicile du débiteur, que ces mentions permettant seules l'identification du débiteur saisi doivent être incontestables ; qu'en considérant que l'acte de saisie répondait aux conditions de l'article 234 du décret du 31 juillet 1992 aux motifs que les trois identités du débiteur saisi ne pouvaient qu'aider à son identification, qu'aucun texte n'exige du créancier saisissant de fournir les justificatifs de l'identité du débiteur saisi lors de la signification de la saisie et que l'inexactitude éventuelle du domicile ne permettrait au tiers saisi que de signaler la difficulté et demander de plus amples précisions, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel a relevé, justifiant légalement sa décision de ce chef, que l'énonciation des nom et domicile du débiteur exigée par l'article 234 du décret précité a été respectée dans l'acte de saisie, lequel mentionnait comme débiteur saisi "M. Y... alias Zouperine ou Jouperine, Les ..." la précision des alias ne pouvant aider qu'à l'identification et l'indication du domicile étant exacte ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de caducité de la saisie conservatoire, alors, selon le moyen :
1°) qu'il résulte des articles 215 et 216 du décret du 31 juillet 1992, que le créancier doit justifier au tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie conservatoire, dans un délai de 8 jours à compter de leur date, l'introduction d'une procédure ou l'accomplissement des formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure conservatoire, à l'exception du cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire ; qu'en considérant que ce texte était sans application dès lors que les diligences pour obtenir un titre exécutoire avaient été opérées avant la signification de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé les articles précités et l'article 70 de la loi du 9 juillet 1991 ;
2°) que le Crédit Suisse Hottinger faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 3 juin 1999 qu'il est resté dans l'ignorance totale de l'introduction d'une procédure au fond par M. X... visant à obtenir un titre exécutoire à l'encontre de M. Y... alias... bien que les relations d'affaires entre M. X... et M. Y... étant obscures, une telle information était d'autant plus nécessaire ; qu'en considérant que les dispositions des articles 215 et 216 du décret du 31 juillet 1992 n'étaient pas applicables sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement, sans avoir à répondre à des conclusions que ses énonciations rendaient inopérantes, que l'article 216 du décret du 31 juillet 1992 qui oblige le créancier à signifier au tiers saisi, à peine de caducité de la mesure, une copie des actes attestant les diligences pour l'obtention d'un titre exécutoire dans un délai de 8 jours à compter de leur date est sans application dès lors que les diligences requises ont été faites avant la signification de la saisie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la banque fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises, alors, selon le moyen :
1°) qu'une juridiction française ne peut pas connaître d'une procédure conservatoire devant être pratiquée hors de France ; qu'en déboutant le Crédit Suisse Hottinger de son exception d'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions monégasques bien que la contestation dont était saisie la cour d'appel portait sur une saisie conservatoire ayant pour objet une créance de sommes d'argent déposées sur un compte bancaire par M. Y..., alias Jouperine ou Zouperine dans les livres d'une succursale du Crédit Suisse Hottinger située à l'étranger, peu important que cette succursale n'ait pas de personnalité morale, la cour d'appel a méconnu les règles de compétence internationale en violation des articles 9 et 219 du décret du 31 juillet 1992 ;
2°) que les contestations relatives à l'exécution d'une saisie conservatoire sont de la compétence de la juridiction du lieu de situation des biens ; qu'en déboutant le Crédit Suisse Hottinger de son exception d'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions monégasques sans s'expliquer sur le fait, comme l'y invitaient les conclusions du Crédit Suisse Hottinger, que le droit monégasque était applicable à la convention de compte bancaire liant la succursale du Crédit Suisse Hottinger située à Monaco à M. Y... et les conséquences qui s'en déduisaient au regard de la créance du Crédit Suisse Hottinger entrée dans ces comptes, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard de l'article 219 du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la saisie conservatoire avait été pratiquée en France, à Paris où le Crédit Suisse, tiers saisi, a son siège social, la cour d'appel en a exactement déduit que la difficulté d'exécution soulevée ressortissait aux juridictions françaises, peu important qu'elle porte sur un compte ouvert dans une succursale étrangère de la banque ;
Et attendu que la compétence des juridictions françaises n'est pas tributaire de la loi applicable au contrat litigieux de sorte que la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche qui lui était demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à communiquer, sous astreinte, au saisissant le montant de l'intégralité des sommes qu'elle détenait pour le compte du débiteur saisi, y compris en ses succursales situées à l'étranger, alors, selon le moyen :
1°) qu'une juridiction française n'est pas compétente pour ordonner à une banque, tiers saisi, de communiquer au créancier poursuivant les sommes que ses succursales situées à l'étranger détiennent pour le compte du débiteur saisi, peu important que les succursales n'aient pas la personnalité morale ; qu'en condamnant le Crédit Suisse Hottinger à communiquer à M. X..., sous astreinte, le montant de l'intégralité des sommes que ses succursales situées à l'étranger détiennent pour le compte de M. Y... alias... sous prétexte que celles-ci n'avaient pas la personnalité morale, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des articles 237 du décret du 31 juillet 1992 et 44 de la loi du 9 juillet 1991 ;
2°) que l'obligation de renseignement à laquelle est tenu l'établissement de crédit, tiers saisi, en application des articles 44 et 47 de la loi du 9 juillet 1991 ne s'étend pas aux comptes du débiteur saisi localisés à l'étranger, qu'en considérant qu'un établissement de crédit dépositaire sur ses comptes de sommes appartenant à l'un de ses clients débiteur saisi doit déclarer à l'huissier instrumentaire l'ensemble des sommes dues à ce client que les sommes soient sur un compte en France ou à l'étranger, la cour d'appel a méconnu le principe de territorialité des procédures d'exécution en violation des textes précités et de l'article 3 du Code civil ;
3°) que le tiers saisi qui dispose d'un motif légitime, n'a pas à fournir les renseignements prévus par l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 ; qu'en condamnant le Crédit Suisse Hottinger à communiquer à M. X... le montant de l'intégralité des sommes que ses succursales situées à l'étranger détiennent pour le compte de M. Y... alias... sans rechercher si la réponse fournie par le Crédit Suisse Hottinger à l'huissier instrumentaire de la saisie conservatoire du 22 août 1997 et faisant valoir que la succursale étant située à Monaco, elle obéit à la législation Monégasque en vertu de laquelle "les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers ne seront susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le tribunal de première instance, à moins de stipulations contraires dans les traités", ne caractérisait pas un motif légitime de refus de fournir les renseignements sollicités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité et de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992 ;
4°) que le Crédit Suisse Hottinger faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 3 juin 1999 que les informations sollicitées auprès d'elle par l'huissier instrumentaire de M. X... étaient couvertes par le secret bancaire monégasque dont la violation engagerait la responsabilité pénale de ses dirigeants devant les juridictions monégasques ; qu'en condamnant le Crédit Suisse Hottinger à communiquer à M. X..., sous astreinte, le montant de l'intégralité des sommes qu'elle détient pour le compte de M. Alexandre Y... alias Jouperine ou Zouperine, y compris en ses succursales situées à l'étranger, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est sans excéder ses pouvoirs ni violer le principe de la territorialité des procédures d'exécution que la cour d'appel a retenu que la banque, tiers saisi, devait déclarer l'ensemble des sommes dues au débiteur dès lors que celles-ci sont dues par la personne morale elle-même, peu important la localisation en France ou à l'étranger des succursales, elles-mêmes non constituées en sociétés distinctes, dans lesquelles les comptes sont tenus ;
Et attendu que répondant aux conclusions et procédant à la recherche prétendument omise, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés que la saisie conservatoire pratiquée était exclusivement régie par la loi française et que la déclaration à laquelle était tenue le tiers saisi obéissait aux dispositions combinées des articles 234 du décret du 31 juillet 1992 et 44 de la loi du 9 juillet 1991 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.