Cass. com., 9 octobre 2007, n° 04-20.789
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Garnier
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 24 septembre 2004), que M. X..., détenteur de 2496 actions dans le capital de la SA Bernard Y... nettoyage (la société BBN), a transféré au profit de sa soeur, Mme Y..., elle-même titulaire de 1875 actions, 2486 actions le 31 décembre 1998 et 10 actions le 13 juillet 1999 ; que par acte du 13 juillet 1999, Mme Y... a cédé à la société Puissance 5 4997 actions en usufruit et, le 17 juillet 2000, en a cédé la nue-propriété, tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille Magali, titulaire de 625 actions ; que soutenant que sa soeur devait lui payer la part du prix de vente correspondant aux actions de la société BBN qu'il lui avait cédées, M. X... l'a assignée en paiement d'une certaine somme correspondant au prix de vente, subsidiairement en nullité de la vente pour absence de prix ou de cause et en restitution de la même somme ;
que Mme Y... a soutenu qu'il y avait eu, non pas vente, mais don manuel de 2496 actions ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement l'ayant condamnée à payer une certaine somme à M. X... alors, selon le moyen :
1 / qu'en se bornant à affirmer que le transfert à Mme Y... des titres ayant appartenu à M. X... s'intégrait à un montage juridique et fiscal dans l'intérêt de l'ensemble des actionnaires initiaux, sans préciser en quoi aurait consisté ce montage, ni en quoi il aurait impliqué le caractère onéreux de ce transfert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1582 du code civil ;
2 / que la ratification d'une promesse de porte-fort, acte par lequel celui pour qui on s'est porté-fort s'engage rétroactivement au profit du bénéficiaire de la promesse exclut qu'une convention ayant le même objet que la convention ratifiée puisse intervenir entre le promettant et celui pour lequel il s'est engagé ; que dès lors en retenant que la vente d'actions entre M. X... et Mme Y... était confirmée par la ratification d'une promesse de porte-fort au profit de la société Puissance 5, la cour d'appel a violé les articles 1120 et 1582 du code civil ;
3 / que dans ses écritures d'appel, Mme Y... réaffirmait que le transfert des titres ayant appartenu à son frère avait été opéré, pour la plus grande part d'entre eux, le 31 décembre 1998 ; que dès lors, en retenant que Mme Y... ne démentait pas que le bordereau établi le 31 décembre 1998 ait été antidaté pour des raisons fiscales, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions claires et précises de cette dernière, a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
4 / qu'en se fondant, pour qualifier de vente le transfert de titres entre Mme Y... et M. X..., sur le fait qu'il aurait été exclu que ce dernier ait pu transférer ses actions au 31 décembre 1998, dès lors qu'il était toujours actionnaire présent aux assemblées générales du 13 juillet 1999 entérinant la vente définitive, après avoir relevé qu'il ressortait des pièces produites que celui-ci, en tout état de cause, était toujours titulaire de 10 actions à cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1582 du code civil ;
5 / que dans son attestation du 15 février 2002, M. Z... affirme avoir assisté le 8 juillet 1999 à la signature de mouvements de titres de la société BBN appartenant à M. X... au profit de Mme Y... ; que dès lors, en retenant que l'ensemble de l'opération et la cession des titres de M. X... à Mme Y..., qu'elle a dit n'avoir pu intervenir avant le 13 juillet 1999, étaient attestés par ce document, la cour d'appel, qui en dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres, que suivant protocole du 2 avril 1999, par lequel Mme Y... s'est engagée à céder ou à faire céder à la société Puissance 5 les 5000 actions de la société BBN, il était prévu que le prix fixé pour la cession serait payable au moyen dun chèque de banque établi à l'ordre de Mme Y... qui ferait son affaire personnelle de la remise aux autres actionnaires de la quote-part leur revenant, et par motifs adoptés, que dans une attestation du 15 février 2002, M. Z... déclare : "lors de la signature du protocole d'accord de l'acquisition de la SA BBN le 2 avril 1999, Mme Marguerite Y... nous a précisé que la SA BBN était détenue par deux actionnaires principaux, à savoir elle-même et M. Jean-Pierre X..., frère de Mme Y... et qu'elle régulariserait la vente, faisant son affaire personnelle de la répartition du prix avec les actionnaires initiaux" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il résultait le caractère onéreux du transfert des titres de M. X... à Mme Y..., la cour d'appel, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, a justifié sa décision, peu important la promesse de porte-fort ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le moyen, pris en ses sixième, septième et huitième branches :
Attendu que Mme Y... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 / qu'est nécessairement dépourvue d'équivoque la possession qui trouve son origine dans un acte translatif de propriété dont l'existence n'est pas contestée ; que dès lors, en se fondant, pour dire équivoque la possession, par Mme Y..., des titres ayant appartenu à son frère, d'une part, sur la promesse de porte-fort contractée par celle-ci le 2 avril 1999 au profit de la société Puissance 5, d'autre part, sur le comportement procédural de M. X..., après avoir relevé que Mme Y... était entrée en possession de ces titres en exécution d'un acte translatif de propriété dont M. X... lui-même revendiquait l'existence, sauf à en contester la gratuité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 2229 du code civil ;
2 / que la possession est continue dès lors qu'elle est exercée dans toutes les occasions comme à tous les moments où elle devrait l'être d'après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés pour constituer des lacunes ; qu'en se fondant, pour dire la possession de Mme Y... discontinue, sur le seul fait, inopérant, que celle-ci aurait immédiatement revendus les titres, la cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil ;
3 / que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption et qu'il appartient à la partie adverse de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace ; que dès lors, en se fondant, pour dénier l'existence d'un don manuel au profit de Mme Y..., sur l'absence de preuve par cette dernière de l'intention libérale de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 2279, alinéa 1er, et 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la surface financière de Mme Y... dont il n'est pas contesté qu'elle était supérieure à celle de son frère, la circonstance que M. X... était marié avec deux enfants bénéficiant d'une réserve héréditaire, et le fait que Mme Y... allait elle-même percevoir avec sa fille une somme d'argent similaire par la vente de la société BNN, n'établissaient nullement que M. X... ait eu la volonté de gratifier sa soeur; ce dont elle a déduit que M. X... n'avait pu se déposséder à titre gratuit de titres d'une valeur importante qui avaient été immédiatement revendus, ce qui était confirmé par le caractère onéreux de la cession, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis pour écarter l'existence d'un don manuel, a, par ces seuls motifs, pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.