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Décisions

CA Aix-en-Provence, 4e ch. c, 18 mars 2010, n° 08/10758

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Piana (és qual.)

Défendeur :

M. Bertaiola (és qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Isouard

Conseillers :

M. Naget, M. Gagnaux

Avoués :

SCP Bottai-Gereux-Boulan, SCP De Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Me Floiras, Me Vergier

TGI Marseille, du 15 mai 2008, n° 05/339…

15 mai 2008

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé en date du premier octobre 1991, Monsieur Christian PIANA a donné à bail à la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PIANA, des locaux commerciaux à usage de garage de réparation et vente de véhicules automobiles, situé [...], pour une durée de neuf ans, au loyer annuel de 72.000,00 francs.

Le 16 mars 1992 est intervenue une cession du droit au bail par la S.A.R.L. PIANA à Monsieur Raymond BERTAIOLA. De convention expresse, il avait été prévu que des travaux d'agrandissement pourraient être réalisés par le cessionnaire, sur une terrasse, au-dessus de garages en sous-sol, que la S.A.R.L. PIANA projetait de réaliser. Mais par la suite, ces travaux n'ont jamais été effectués, parce que cette dernière est tombée en liquidation. D'autre part, dès le mois de septembre 1994, Monsieur BERTAIOLA s'est plaint, à de nombreuses reprises, du défaut d'étanchéité de la toiture.

Suivant assignation en date du14 mars 2005, Monsieur BERTAIOLA a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, une demande tendant à la condamnation de Monsieur PIANA à réaliser les travaux d'agrandissement promis lors de la cession du fonds de commerce et ceux nécessaires à la cessation des infiltrations. Il lui réclamait également la remise de quittances de loyers, ainsi que le payement de diverses indemnités :

-9.000,00 euros en réparation d'un trouble de jouissance,

-15.000,00 euros en réparation d'un trouble commercial,

-10.000,00 euros à titre de frais de 'rénovation des lieux',

-5.000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,

-2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demandait, en outre qu'il soit fait défense à son propriétaire de restreindre son accès au locaux donnés à bail. En fait, sa demande était peu explicite sur ce point, mais, il apparaît, aujourd'hui, que Monsieur BERTAIOLA se plaint de ce que Monsieur PIANA a établi une clôture rendant impossible l'accès à la partie qui, selon l'acte de cession de droit au bail, aurait dû être aménagée, pour lui permettre d'agrandir sa surface commerciale.

Par jugement en date du 15 mai 2008, le Tribunal a condamné sous astreinte Monsieur PIANA aux frais de remise en état dont les locaux ont besoin, mais rejeté les autres demandes de travaux relative à l'agrandissement auxquels s'était engagée la société des ETABLISSEMENTS PIANA.

Monsieur PIANA est en outre condamné à payer à Monsieur BERTAIOLA :

-la somme de 8.000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un trouble de jouissance,

-celle de 3.000,00 euros en réparation d'un préjudice moral,

-celle de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-outre les dépens de l'instance.

Le Tribunal a en outre autorisé la consignation des loyers, tant que les travaux de remise en état n'auraient pas été exécutés.

Monsieur PIANA a relevé appel de cette décision, suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour le 16 juin 2008.

En l'état de ses dernières écritures, il a acquiescé à la décision du premier juge, sur le rejet des demandes de son adversaire relatives aux quittances, à l'agrandissement des locaux et la suppression d'une clôture.

Sur tous les autres points, il conclut à la réformation du jugement entrepris, et sollicite le rejet de toutes les prétentions de son adversaire auquel il réclame la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, Monsieur BERTAIOLA a relevé appel incident, et repris les demandes qu'il avait formulées devant le Tribunal de Grande Instance, et que celui-ci a rejetées. Ceci concerne :

-sa demande de délivrance de quittances,

-sa demande tendant à la réalisation de travaux d'agrandissement, et à une modification de l'accès à ses locaux, à défaut de quoi, il souhaite pouvoir réaliser les travaux lui-même et Monsieur PIANA devrait alors être condamné à lui payer une somme de 99.746,40 euros, montant d'un devis des dits travaux, fournis par lui,

-les diverses demandes en payement qu'il avait présentées devant le Tribunal, et qu'il a reprises, en portant toutefois à 2.500,00 euros le montant de l'indemnité réclamée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande enfin le payement d'une somme de 15.000, euros 'au titre de l'article 615 au titre de réparation de préjudices civils, compte-tenu du comportement adopté sciemment par Monsieur Christian PIANA.'

M O T I F S :

La Cour a constaté d'abord que l'irrecevabilité de l'appel n'était pas soulevée, et n'avait pas lieu d'être relevée d'office.

Puis, sur les mérites du recours, elle a statué en considération des motifs suivants :

1/ Sur l'appel principal :

A l'appui de son appel, Monsieur PIANA fait valoir, en substance, que la provenance des infiltrations dont se plaint son locataire n'est pas établie, que celui-ci ne l'aurait pas mis en demeure de remédier à ces désordres, et qu'il ne démontrerait pas 'que depuis l'origine de son entrée dans les lieux il ait lui-même procédé à un entretien régulier des peintures et réparations locatives intérieures'.

Or, il est au contraire surabondamment démontré que depuis une date proche de l'entrée du locataire dans les lieux, Monsieur BERTAIOLA a adressé à Monsieur PIANA de nombreuses lettres recommandées pour se plaindre de dégâts des eaux répétés, et lui demander des réparations de toiture. De plus, le premier constat d'huissier qu'a fait dresser le preneur, et qui décrits de tels dégâts, date du 31 août 1994, et démontrait déjà l'existence d'importantes et nombreuses infiltrations, qui, de toute évidence, provenaient de la toiture. Dix ans plus tard, et le 6 juillet 2004, un nouveau constat d'huissier expliquait que le véhicule d'un client avait été endommagé par la chute d'une tuile à l'intérieur du bâtiment, ce sinistre provenant, comme les précédents de l'état général de vétusté de la toiture du bâtiment.

Les quelques réparations sommaires, entreprises pour remédier aux désordres les plus criant ont été insuffisantes pour apporter une solution définitive à une difficulté liée au mauvais état général de la toiture du bâtiment.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions qui ont condamné Monsieur PIANA à effectuer les travaux de remise en état de cette toiture, qui incombent au bailleur, d'abord parce qu'il s'agit de grosses réparations, et ensuite parce qu'elles sont rendues nécessaires par la vétusté du bâtiment. Les indemnités allouées à Monsieur BERTAIOLA sont en effet toutes justifiées dans leur montant, et le jugement entrepris sera encore confirmé, la Cour adoptant sur ce point, les motifs pertinents du premier juge.

Pour les mêmes raisons, ce jugement sera également confirmé en ce qu'il a autorisé la consignation des loyers, jusqu'à ce que ces travaux aient été exécutés, de même que sur les dommages-intérêts accordés à Monsieur BERTAIOLA.

2/ Sur l'appel incident :

A l'appui de son appel incident, Monsieur BERTAIOLA a repris, devant la Cour, une argumentation qui n'a pas convaincu le premier juge, et d'après laquelle Monsieur PIANA, étant à la fois gérant de la société des ETABLISSEMENTS PIANA et propriétaire des locaux qu'il occupe en tant que locataire, serait engagé à titre personnel à exécuter les obligations incombant à ladite société, et notamment à l'exécution des travaux d'agrandissement dont il est question dans l'acte de cession.

Or, contrairement à ce qu'il soutient, Monsieur Christian PIANA n'est intervenu à cet acte que comme gérant de la société des ETABLISSEMENTS PIANA, et non pas à titre personnel. De plus, et même s'il en allait autrement, l'acte de cession ne prévoyait pas d'engagement de la société des ETABLISSEMENTS PIANA, quant à l'exécution de travaux d'agrandissement, mais seulement une extension de l'assiette du bail, au-dessus d'un sous-sol que celle-ci projetait de réaliser. Il fallait pour cela la signature d'un avenant ou d'un bail entièrement nouveau avec le propriétaire, bien que sur ce point l'acte soit peu explicite. De plus, de convention expresse, l'acte de cession laissait à la charge de Monsieur BERTAIOLA, la réalisation des travaux de construction, dont il demande l'exécution à son propriétaire, au-dessus d'ouvrages en sous-sol, que la société des ETABLISSEMENTS PIANA n'a pas réalisés.

En d'autres termes, même si avaient été franchies, les différentes étapes matérielles et juridiques nécessaires à la réalisation de l'opération compliquée imaginée par la société des ETABLISSEMENTS PIANA et Monsieur BERTAIOLA, c'est néanmoins ce dernier qui aurait financé les travaux d'agrandissement.

Ainsi, c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que Monsieur PIANA ne peut être contraint à honorer personnellement les engagements pris par la société dont il était le gérant, étant observé que de surcroît, lesdits engagements ne portent même pas sur l'exécution des travaux présentement réclamés. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point. En second lieu, le Tribunal a également rejeté à juste titre les prétentions de Monsieur BERTAIOLA à faire supprimer une clôture qui n'aurait pas dû être édifiée, si l'agrandissement prévu par l'acte de cession avait pu se concrétiser, et aboutir à un bail d'une surface plus étendue. En effet, en l'état de l'inexécution de cette opération, les droits de Monsieur BERTAIOLA demeurent limités à ceux prévus par son bail du premier octobre 1991, et ne lui permettent donc pas d'exiger de Monsieur PIANA la suppression de cette clôture.

Il convient, en revanche, de réformer le jugement entre pris, en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la délivrance de quittances. En effet, même si la loi du 6 juillet 1989, relative aux baux d'habitations, et dont l'article 21 rend obligatoire la remise de quittances au locataire n'a pas lieu de s'appliquer à un bail commercial, il existe également une disposition similaire contenue dans l'article 11 de la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1997, et dont le champ d'application s'étend à 'tout locataire ou occupant de bonne foi'. De surcroît, les règles comptables et fiscales exigent des locataires commerciaux qu'ils fournissent des quittances comme justifications de leurs charges d'exploitation, en sorte que leurs bailleurs ne peuvent se dérober à la nécessité de fournir ces documents. Bien entendu, ces quittances n'ont lieu d'être fournies que pour les sommes qui ont été effectivement payées, et qui l'ont été à Monsieur PIANA, qui donc n'a pas à quittancer les loyers susceptibles d'avoir été consignés en exécution du jugement entrepris, chez l'huissier désigné en tant que séquestre.

En conséquence, Monsieur PIANA sera condamné à remettre ces quittances, dans le délai de trois mois à compter de la date de signification du présent arrêt, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit s'il y a lieu.

Il sera enfin condamné au payement d'une nouvelle indemnité de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qui s'ajoutera à celle déjà allouée par le Tribunal.

Toute plus ample demande des parties est rejetée pour les raisons exposées ci-avant.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant en audience publique et contradictoirement,

Déclare Monsieur Christian PIANA recevable mais mal fondée en son appel du jugement rendu le 15 mai 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille.

Et faisant droit à l'appel incident de Monsieur Raymond BERTAIOLA,

Confirme le dit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de ce dernier, tendant à la remise de quittances.

Et statuant à nouveau sur ce point seulement,

Condamne Monsieur Christian PIANA à remettre à Monsieur BERTAIOLA toutes les quittances des sommes reçues par lui-même, à titre de loyers et de charges, dans le délai de trois mois à compter de la date de signification du présent arrêt, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit s'il y a lieu.

Le condamne à payer à Monsieur BERTAIOLA la somme de 1.000,00 euros (mille euros), à titre d'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes plus amples demandes.

Condamne Monsieur PIANA aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.