CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 4 mars 2021, n° 18/02528
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Caisse D'épargne et de Prévoyance Cote d'Azur (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gerard
Conseillers :
Mme Petel, Mme Dubois
EXPOSÉ DU LITIGE
Serge E. est titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la SA Caisse d'Épargne et de prévoyance Côte d'Azur.
Selon bulletin de souscription du 17 octobre 2012, Serge E. a acquis, par l'intermédiaire de la banque, 1 000 parts sociales de la société locale d'Épargne affiliée à la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur, dénommée Ville de Nice ouest, au prix unitaire de 20 euros, soit un total de 20 000 euros.
Ces parts sociales ont fait l'objet d'une saisie de valeurs mobilières effectuée par la SA FC France, créancière de Serge E., selon procès-verbal dénoncé au débiteur le 9 janvier 2014.
La saisie n'ayant pas été contestée, la SA Caisse d'Épargne a procédé à la vente des valeurs mobilières, a crédité le compte de Serge E. d'un montant de 20 000 euros au titre de cette vente et débité le même compte de la somme de 19 399,99 euros au titre de la saisie des valeurs mobilières.
Serge E. a contesté ces opérations en faisant valoir d'une part qu'il n'en avait pas donné l'ordre et d'autre part que son conseiller clientèle de la Caisse d'Épargne lui avait affirmé que ces parts étaient insaisissables.
Il a fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Nice pour se voir restituer la somme de 19 399,99 euros.
Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nice a :
- débouté M. Serge E. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. Serge E. aux entiers dépens de l'instance ;
- ordonné la distraction des dépens ;
- condamné M. Serge E. à payer la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) à la Caisse d'Épargne Côte d'Azur au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Serge E. a interjeté appel par déclaration du 13 février 2018.
Par conclusions du 11 mai 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, Serge E. demande à la cour de :
- dire et juger M. Serge E. recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu par la 4° chambre du tribunal de grande instance de Nice en date du 7 décembre 2017,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 4° chambre du tribunal de grande instance de Nice en date du 7 décembre 2017,
- constater que la Caisse d'Épargne Côte d'Azur ne rapporte pas la preuve d'avoir remis à M. E. la fiche technique et la notice d'information lors de la souscription des parts sociales,
- constater que le bordereau de souscription ne comprend aucune condition générale et particulière,
- constater que la Caisse d'Épargne Côte d'Azur a manqué à son obligation de conseil et d'information envers M. Serge E. lors de la souscription des parts sociales,
- constater que la Caisse d'Épargne Côte d'Azur a commis une faute en délivrant une information inexacte à M. E. le 16 janvier 2014, le privant ainsi de tout recours en temps utile à l'encontre de la saisie,
- constater que la Caisse d'Épargne Côte d'Azur a procédé irrégulièrement et sans aucun droit le 27 février 2014 à la vente des parts sociales appartenant à M. E.,
En conséquence,
- condamner la Caisse d'Épargne Côte d'Azur à régler à M. E. la somme de 19.399,99 €, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 28 février 2014,
- condamner la Caisse d'Épargne Côte d'Azur à régler à M. E. la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Caisse d'Épargne Côte d'Azur aux entiers dépens.
Par conclusions du 12 juillet 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Caisse d'Épargne et de prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :
- rejeter les moyens d'appel soulevés par M. E. à l'encontre du jugement rendu le 7 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nice,
- débouter M. E. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
y ajoutant :
- condamner M. E. au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le respect de la procédure de saisie des valeurs mobilières par la SA Caisse d'Épargne :
Serge E. soutient que la banque a fait une confusion entre les dispositions applicables en matière de saisie attribution et celles relatives à la saisie des valeurs mobilières et qu'elle a d'ailleurs intitulé le débit de son compte relatif à la valeur des parts de SLE « saisie attribution ».
Il fait valoir qu'en application des articles L231 et suivants, R233-6 à R233-9 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, la signification du procès-verbal de saisie ouvrait trois solutions : la vente amiable par le débiteur des valeurs mobilières, le prix étant reversé directement à l'huissier, la vente forcée par le créancier passé le délai d'un mois par voie d'adjudication, l'ordre de vente donné par le débiteur lui-même à l'intermédiaire. Il précise que n'ayant en sa qualité de débiteur, ni procédé à la vente des valeurs mobilières, ni donné l'ordre de vente à l'intermédiaire, il ne pouvait être procédé par le créancier qu'à la vente forcée sur adjudication. Or la Caisse d'Épargne a confondu cette procédure avec celle résultant de la saisie attribution en procédant à la vente sans l'en informer, en créditant son compte courant puis en le débitant du montant dû au créancier. Il conteste l'argumentation du premier juge visant les dispositions de la notice d'information relative à ces parts sociales qui n'ont nulle vocation à s'appliquer dans le cadre d'une saisie de valeurs mobilières. Il précise que selon ces mêmes dispositions le rachat des parts de SLE n'est possible que sur demande expresse du propriétaire ce qui excluait le droit que s'est octroyé la Caisse d'Épargne de vendre ces parts sociales.
Les parts de SLE souscrites par Serge E. sont des valeurs mobilières nominatives, non cotées, représentant une quote part du capital social de la SLE.
Sur ce, comme l'a exactement énoncé le premier juge, il a été procédé à une saisie de valeurs mobilières et non à une saisie attribution malgré l'intitulé erroné de l'écriture figurant sur le compte courant de Serge E., seul faisant foi le procès-verbal de saisie dénoncé au débiteur par acte d'huissier du 9 janvier 2014, lequel au demeurant vise les dispositions précitées du code des procédures civiles d'exécution relatives à la saisie des valeurs mobilières.
Cet acte rappelle également exactement au débiteur qu'il dispose d'un mois pour contester la saisie, procéder lui-même à la vente des valeurs saisies, qu'à défaut de vente amiable il pourra être procédé à la vente forcée et qu'il pouvait dans ce délai donner l'ordre de vendre les valeurs mobilières saisies.
Il n'est pas discuté que Serge E. n'a pas contesté la saisie qui lui a été dénoncée. Le premier juge a constaté, ce qui n'est pas contesté devant la cour, qu'était produit un acte du 13 février 2014 comportant signification d'un certificat de non-contestation de la saisie « avec ordre de vente » en exécution d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 septembre 2010.
Il est exact qu'à défaut de vente amiable, le créancier aurait dû procéder conformément aux articles R233-5 du code des procédures civiles d'exécution, soit la vente par adjudication.
La banque n'est pas fondée à opposer les dispositions de l'article R233-9 du même code aux termes duquel les procédure légales et conventionnelles d'agrément, de préemption ou de substitution sont mises en œuvre conformément aux dispositions propres à chacune d'elles puisqu'elles ne visent pas les modalités de cession des parts mais les procédures applicables à l'adjudicataire des parts sociales selon qu'il doit être agréé, que ses parts puissent être préemptées ou qu'il soit procédé à une substitution.
L'article 5.4.4 des statuts des SLE affiliées à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur, invoqué par l'intimée, qui prévoit un remboursement des parts d'un sociétaire dans des cas exceptionnels, n'a pas vocation à être appliqué dans le cadre d'une saisie de valeurs mobilières, ni éluder les dispositions d'ordre public ci-dessus rappelées.
La banque a par conséquent commis une faute en n'exigeant pas du créancier, à la suite de la signification du certificat de non-contestation et de l'absence de vente amiable ou d'ordre du débiteur de procéder à la vente, qu'il procède à la vente par adjudication des parts de SLE au nom de Serge E..
Il appartient cependant à ce dernier de démontrer l'existence d'un préjudice causé par cette faute.
Or, la vente a eu lieu à la valeur nominative des parts et Serge E. échoue à démontrer qu'une vente sur adjudication aurait abouti à un résultat supérieur à celui obtenu par la vente effectuée à tort par la caisse d'Épargne.
- Sur les manquements à l'obligation de conseil et d'information :
Serge E. soutient également que la banque a été négligente et qu'elle a failli à son obligation de conseil et d'information à son égard.
Sur le premier point, Serge E. ne procède que par voie d'affirmation, sans produire une seule pièce démontrant que la souscription de ces parts lui avait été imposée, afin d'être nanties pour la garantie de deux prêts souscrits par la SARL Servixial, dont il est le gérant.
Sur le second point, il soutient que le courriel du 16 janvier 2014 qui lui a été adressé par la banque est dépourvu d'ambiguïté contrairement à ce qu'a énoncé le premier juge et qu'il y est affirmé que les parts sociales n'étaient pas saisissables. Il fait valoir que cette affirmation l'a induit en erreur alors qu'il pouvait encore contester la saisie, qu'il ne l'a pas fait puisqu'il ignorait les caractéristiques de ces parts à défaut d'avoir reçu de la Caisse d'Épargne la notice d'information et la fiche technique.
Il ajoute que la Caisse d'Épargne ne démontre pas lui avoir remis ces documents nonobstant la mention figurant sur le bordereau de souscription, que la demande de communication formée par son conseil le 11 décembre 2014 ne recevra aucune réponse avant le 23 octobre 2015, que les documents communiqués ne comportent pas son visa de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il en a eu connaissance ni qu'un exemplaire lui ait été remis. Il en déduit que la Caisse d'Épargne a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne lui communiquant pas ces documents alors qu'ils auraient pu lui permettre de se rendre compte des caractéristiques desdites parts et en l'ayant trompé lors de l'envoi du mail du 16 janvier 2014 affirmant qu'elles étaient insaisissables.
En premier lieu, le courriel du 16 janvier 2014, non accompagné de celui auquel il répond, ne permet pas d'affirmer, contrairement à ce que soutient Serge E., qu'il est relatif aux parts de SLE objet de la saisie dès lors qu'elles ne sont pas citées. Au surplus, Serge E., à qui le procès-verbal de saisie avait été dénoncé le 9 janvier, ne peut sérieusement soutenir que cette seule réponse allait de fait mettre à néant ladite saisie sans qu'il soit besoin pour lui de la contester devant le juge de l'exécution et faire valoir que les parts étaient insaisissables.
En second lieu, la cour observe qu'il a expressément reconnu lors de la souscription des parts de SLE avoir reçu la fiche technique relative à ces parts sociales, même si ce document produit aux débats ne comporte pas son visa.
En tout état de cause, le dommage qui pourrait résulter d'un manquement à un défaut de conseil et d'information lors de la souscription de ces parts est sans aucun lien avec la saisie desdites parts et leur vente au profit du créancier de Serge E. qui n'invoque même pas une perte de chance de ne pas avoir souscrit les parts de SLE.
Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 7 décembre 2017,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Serge E. à payer à la SA Caisse d'Épargne et de prévoyance Côte d'Azur la somme de mille cinq cents euros,
Condamne Serge E. aux dépens de l'instance d'appel.