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Décisions

Cass. crim., 20 janvier 2021, n° 19-87.795

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Zerbib

Avocat général :

Mme Bellone

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Lyon, du 25 sept. 2019

25 septembre 2019

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société Gva Bymycar Lyon venant aux droits de la société Bouteille Excelsio a été poursuivie pour avoir, courant 2007 et 2008, sciemment recelé soixante-dix chèques remis en paiement de l'achat de véhicules automobiles, provenant d'abus de biens sociaux commis au préjudice de sept sociétés du bâtiment pour un montant total de 693 710 euros, faits commis pour le compte de la société par l'un de ses organes ou représentants, en l'espèce son président directeur général ou tout salarié chargé de l'application de la réglementation des moyens de paiement, en bande organisée pour résulter d'une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l'infraction, notamment un accord avec M. U... D... et les acheteurs des véhicules automobiles.

3. Déclarée coupable de ces faits par le tribunal correctionnel, elle a interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

4. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Gva Bymycar Lyon coupable des faits de recel en bande organisée qui lui sont reprochés, alors :

« 1°/ que le recel délit de conséquence ne peut porter que sur la chose provenant de l'infraction d'origine, constituée indépendamment du recel et ne peut en conséquence faciliter la commission de l'infraction d'origine ;que l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'existence d'un « système » qui « rendait clairement visible et lisible le fait que les chèques sans ordre remis en paiement tirés sur les comptes de sociétés franciliennes du bâtiment, réglaient des véhicules dont les acquéreurs et bénéficiaires définitifs n'étaient pas ces sociétés », énonce que « ce système facilitait ainsi les faits d'abus de biens sociaux commis par les dirigeants des sociétés en question et permettait à la société Gva Bymycar Lyon d'en percevoir les fruits. » ; que cette motivation est incompatible avec la qualité de receleur ; que la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;

2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en écartant dans ses motifs la circonstance de bande organisée comme étant non établie, tout en déclarant la société Gva Bymycar Lyon « coupable des faits qui lui sont reprochés » dans son dispositif, la cour d'appel s'est contredite et a privé sa décision de motifs en violation de l'article 593 du code de procédure pénale. »

5. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Gva Bymycar Lyon coupable des faits de recel en bande organisée qui lui sont reprochés, alors :

« 1°/ qu'en matière de recel, la responsabilité pénale de la personne morale suppose que son organe dirigeant ou son représentant ait recelé le produit de l'infraction d'origine en connaissance de son origine frauduleuse ; que l'arrêt ne pouvait retenir la responsabilité pénale de la personne morale en se fondant sur un système « sciemment mis en place (...) pour receler les chèques issus des abus de biens sociaux commis » et « organisé sous la responsabilité de M. W... J..., président directeur général » tout en ayant constaté, pour relaxer de M. W... J..., poursuivi à titre personnel, que sa connaissance personnelle de l'origine des chèques remis en paiement et de la destination finale des véhicules de la concession n'était pas démontrée ; que la cour d'appel a violé les articles 121-2 et 321-1 du code pénal ;

2°/ que les personnes morales, à l'exception de l'État, ne sont responsables pénalement que des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que l'arrêt attaqué n'ayant pas identifié d'organes dirigeants ou, en l'absence de délégation de pouvoirs, de représentants de la personne morale ayant agi pour son compte, ni précisé, malgré les conclusions qui l'y invitaient, quel était « le salarié chargé de l'application de la réglementation des moyens de paiement » seul visé par la prévention, la déclaration de culpabilité se trouve dépourvue de toute base légale au regard de l'article 121-2 du code pénal. »

Réponse de la Cour

6. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

7. Selon le premier de ces textes, les personnes morales à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121 -7 du même code, des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

8. Selon le second texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Pour déclarer la société GVA Bymycar Lyon coupable de recel, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que les chèques provenant de sociétés franciliennes, dont les gérants ont été définitivement condamnés du chef d'abus de biens sociaux pour les avoir émis, ont été portés au crédit de son compte social.

10. Les juges ajoutent qu'il résulte des investigations réalisées qu'avait été ouvert un compte relais spécial, distinct de la ligne comptable et commerciale affectée à chaque véhicule commandé, payé et livré, abondé par M. D..., intermédiaire entre la concession et les auteurs d'abus de biens sociaux, des sommes excédentaires indiquées sur les chèques mais non dépensées car supérieures au prix de vente des véhicules.

11. Ils précisent que les chèques de règlement, établis sans ordre, ont été tirés sur les comptes des sociétés qui ont financé, sans contrepartie n'en étant pas les véritables acquéreurs, l'achat des véhicules remis non pas entre leurs mains mais entre celles de tiers.

12. Ils en concluent que la société GVA Bymycar a ainsi pu percevoir les fruits des abus de biens sociaux après avoir sciemment mis en place les conditions matérielles requises pour receler les chèques issus de ces délits originaires.

13. L'arrêt retient par ailleurs, tout en relaxant M. W... J..., président directeur général de la société Gva Bymycar, poursuivi à titre personnel pour avoir commis ce délit au motif que, dirigeant un groupe comprenant quatre-cents-quatre vingt salariés, s'il n'est pas établi qu'il ait été lui-même informé de l'origine des chèques remis en paiement et de la destination finale des véhicules de la concession, il a toutefois sciemment créé les conditions permettant le recel des chèques issus d'abus de biens sociaux et qu'un tel système a été organisé sous sa responsabilité de dirigeant social qui s'est abstenu de mettre en oeuvre un protocole de surveillance ou d'alerte quant à la provenance des chèques reçus en paiement.

14. En se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires quant à la connaissance qu'aurait eue M. J... de l'origine frauduleuse des chèques et à sa volonté de mise en oeuvre, pour le compte de la société GVA Bymycar dont il est le président directeur général, d'une fraude pénalement qualifiable, qui ne peut résulter d'une simple abstention de prise de précaution, et qui ne permettent pas d'identifier l'organe ni la ou les personnes physiques représentant la personne morale qui auraient sciemment organisé le recel des chèques émis par abus de bien sociaux et, en conséquence, des sommes qui y étaient portées pour le compte de cette personne morale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

15. D'où il suit que la cassation est encourue ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 25 septembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.