Cass. com., 10 avril 2019, n° 17-20.506
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Rousseau et Tapie
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 25 avril 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.083), que les parts représentant le capital de la société civile immobilière I.W.H., qui a pour gérant M. O..., sont détenues, pour moitié, par la société Brooks participation (la société Brooks), ayant également M. O... pour gérant, l'autre moitié étant détenue en nue-propriété par Mme D... et en usufruit par la société C.W. finances ayant Mme D... pour gérante ; que, faisant valoir que la mésentente entre les associées paralysait le fonctionnement de la société I.W.H., la société Brooks a assigné Mme D..., la société C.W. finances et la société I.W.H. afin de voir prononcer la dissolution anticipée de cette dernière ;
Attendu que Mme D... et la société C.W. finances font grief à l'arrêt de prononcer la dissolution de la société I.W.H. et de désigner M. R... en qualité de liquidateur alors, selon le moyen :
1°/ que le fait que l'associé qui agit en dissolution de la société soit à l'origine de la mésentente qu'il invoque fait obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution ; que Mme D... faisait valoir que la mésentente entre les associés de la société I.W.H. était exclusivement imputable au comportement de M. O... qui, depuis la constitution de la société en 2000, n'avait ni convoqué les assemblées générales d'associés, ni fait approuver les comptes annuels de la société, ni rendu compte de sa gestion en violation de ses obligations légales en tant que gérant, et n'avait pas donné suite à sa demande du 1er juillet 2009 tendant à la convocation d'une assemblée générale afin de statuer sur les comptes et d'être désignée en qualité de cogérante ; qu'en accueillant néanmoins l'action en dissolution exercée par M. O... au nom de la société Brooks, au motif inopérant que « pendant 9 années, [Mme D... ne s'[était] pas plainte de l'absence de convocation d'assemblées générales ordinaires de la société, ce qui démontr[ait] que cette irrégularité ne lui a[vait] pas été préjudiciable pendant de nombreuses années », motif dont il ressortait au contraire que le comportement inadéquat de M. O... était établi et que ce dernier était à l'origine de la mésentente entre associés, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5° du code civil ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait retenir que M. O... n'était pas à l'origine de la mésentente entre les associés et qu'il était impossible d'en déterminer l'origine exacte, en se bornant à relever qu'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 janvier 2016 avait mis à néant le principal reproche formulé par Mme D... à l'encontre de M. O... qui consistait à prétendre que l'acte de vente sans concertation de l'unique bien immobilier de la société enfermait en son seing une contre-lettre, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la question de la validité de cette vente n'était pas toujours pendante dès lors que par son arrêt du 7 janvier 2016, la Cour de cassation avait renvoyé à la cour d'appel de Reims l'examen de la demande en nullité de la vente et de la demande de dommages-intérêts formée par Mme D... contre M. O... et que, parallèlement, le tribunal de grande instance de Reims était saisi d'une action en rescision de la vente pour lésion des 7/12ème ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 5° du code civil ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le fait que M. O... ait vendu l'unique bien immobilier de la société I.W.H. à l'insu des autres associés et au profit d'une société constituée par l'un de ses amis proches ne suffisait pas, à lui seul, à établir qu'il était à l'origine de la mésentente entre les associés quand bien même in fine cette vente ne serait pas jugée lésionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 5° du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que le blocage total du fonctionnement statutaire de la société I.W.H. a rendu nécessaire la désignation d'un administrateur provisoire et qu'aucune amélioration de la situation n'est prouvée puisque les procédures judiciaires entre associées augmentent de manière exponentielle, sans possibilité de déterminer l'origine exacte de la mésentente ; qu'il retient que cette mésentente empêche les associées de poursuivre les relations qu'elles entretenaient préalablement dans le cadre de l'exploitation de toutes leurs sociétés et notamment la société I.W.H. et que, si un administrateur provisoire a été désigné, la mésentente permanente et générale s'est pérennisée et presque institutionnalisée et paralyse le fonctionnement de la société ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a souverainement déduit que l'origine de la mésentente entre les associées ne pouvait être imputée à l'une d'entre elles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, inopérante en ce qu'elle concernait le comportement de M. O... en sa qualité de gérant de la société I.W.H., et qui a retenu que le fonctionnement de la société était paralysé, a légalement justifié sa décision ; qu'inopérant en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.