Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-72.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Petit
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Piwnica et Molinié, SCP Vincent et Ohl
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2009), que par décision du 20 novembre 2008, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a retenu que M. X..., directeur général délégué de la société Marionnaud parfumerie (la société Marionnaud), avait commis un manquement d'initié en cédant des titres de cette société alors qu'il détenait une information privilégiée relative aux irrégularités affectant les comptes sociaux et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté tous les moyens d'annulation de cette décision, réduit le montant de la sanction et rejeté le surplus de son recours, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions du code de procédure civile doivent céder devant les dispositions dérogatoires ou aménageant des modalités propres du code monétaire et financier régissant le recours spécial devant la cour d'appel de Paris, statuant en premier et dernier ressort, et comme juge de plein contentieux, contre les décisions de sanction fulminées par la commission des sanctions de l'AMF et donc devant l'article R. 621-46 dudit code, dont le IV prévoit : (...) "Le premier président ou son délégué fixe les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour, ainsi que les délais dans lesquels l'Autorité des marchés financiers peut produire des observations écrites. Il fixe également la date des débats. Le greffe notifie ces délais et cette date aux parties et à l'Autorité des marchés financiers et les convoque à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception", sans distinguer entre les parties principales et les parties jointes ; que, dans ces conditions, il incombait en effet au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de fixer les délais dans lesquels le ministère public, partie jointe, devait produire des observations écrites, les communiquer aux autres parties et à l'AMF et en déposer copie au greffe ; que l'ordonnance du 15 mai 2009, portant calendrier de procédure, communiquée au procureur général, et qui fixait au 15 septembre 2009 la date de dépôt des dernières écritures, s'imposait de plano au ministère public ; que l'arrêt attaqué ne pouvait s'appuyer sur les articles 431 et 433 du code de procédure civile prévoyant que le ministère public, pour faire connaître son avis comme simple partie jointe, pouvait adresser à la juridiction des conclusions écrites mises à la disposition des parties sans condition de délai, lesquels articles étaient rendus inapplicables par l'effet de l'article R. 621-46 § 5 du code monétaire et financier ; que la cour d'appel aurait dû au contraire constater qu'en déposant ses conclusions le 7 octobre 2009, après la date prévue pour le dépôt de dernières écritures des parties, le ministère public avait méconnu les dispositions de l'ordonnance fixant le calendrier de procédure, qu'au total, l'arrêt attaqué a bien violé l'article R. 621-46 § 5 du code monétaire et financier ;
2°/ que lorsque le ministère public intervient pour donner son avis dans un procès relevant du champ d'application de l'article 6 CEDH, au titre de la matière pénale, à l'instar du recours en annulation et en réformation d'une sanction infligée par la commission des sanctions de l'AMF, et que cet avis conclut à la confirmation de la décision de sanction, cette autorité publique doit être assimilée à une partie adverse à la personne sanctionnée, de sorte que les exigences des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes résultant du droit à un procès équitable consacré par l'article 6 CEDH impliquent que la personne sanctionnée ait reçu en temps utile communication des conclusions adverses du ministère public pour pouvoir y répondre utilement, avant l'audience ; qu'en déposant ses conclusions le 7 octobre 2009, après la date prévue pour le dépôt des dernières écritures des parties, soit le 15 septembre 2009, le ministère public n'a manifestement pas laissé à M. X..., qui a reçu ces conclusions le 9 octobre 2009, le temps nécessaire pour y répondre utilement, avant l'audience des plaidoiries du 13 octobre 2009 ; que la circonstance qu'en application de l'article 445 du code de procédure civile, M. X... pouvait répondre par une note en délibéré à l'argumentation du ministère public n'est pas de nature à pallier la grave carence procédurale précitée, puisqu'elle ne saurait permettre au ministère public de s'affranchir de toute contrainte de délai pour le dépôt de ses écritures antérieurement à l'audience, et contrairement aux autres parties, y compris au demeurant l'AMF qui a respecté le calendrier de procédure, et qu'une note en délibéré, déposée après l'audience, ne saurait en tout état de cause être assimilée purement et simplement à des observations en réponse produites avant l'audience ; qu'en validant ainsi la démarche procédurale du ministère public, l'arrêt attaqué a violé les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes consacrés, en matière pénale, par l'article 6 CEDH ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient exactement que l'article R. 621-46 du code monétaire et financier ne déroge pas aux dispositions de l'article 431 du code de procédure civile prévoyant que le ministère public peut, lorsqu'il est partie jointe, faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'avis du ministère public avait été remis à M. X... au plus tard le 9 octobre 2009 sous forme de conclusions écrites et avait été exposé oralement à l'audience du 13 octobre 2009 au cours de laquelle le représentant de M. X... avait eu la parole en dernier et retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que M. X... avait ainsi disposé du temps utile pour répondre, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'aucune violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne pouvait résulter des conditions régulières dans lesquelles le ministère public avait fait connaître son avis ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que les deuxième, troisième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.